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Economie: Une tentative d'amnistie fiscale ratée

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Economie: Une tentative d'amnistie fiscale ratée Empty Economie: Une tentative d'amnistie fiscale ratée

Message  gwotoro Lun 23 Oct 2006 - 20:18

Une tentative d'amnistie fiscale ratée

publie le 16 octobre 2006 dans Le Nouvelliste

Les relations de l'Etat avec le citoyen sont toujours orientées vers la nécessité de renforcer la collectivité dont le devenir dépend de la participation de tous aux dépenses publiques engagées dans la recherche de l'équilibre social, grâce auquel tout un chacun est libre de jouir de ses biens. Dès lors, il s'évidente que l'impôt malgré ses méfaits constitue paradoxalement l'élément qui confère à chacun l'exercice de sa quote-part de souveraineté dans la cité. Plus la tendance des besoins publics est à la hausse plus le sacrifice du citoyen sera grand. Cette dynamique a ainsi porté les pouvoirs publics à recourir à tous les procédés tendant à diversifier les modes d'imposition des revenus, des dépenses et des capitaux pour obtenir les ressources nécessaires au financement des dépenses publiques.

Cependant, l'organisation politique de l'Etat justifie la répartition de la charge fiscale entre impôts locaux, impôts provinciaux ou d'Etat et/ou impôts fédéraux. L'impôt, ce mode d'expression sublime de la solidarité collective a la valeur que les gens accordent à la vie en commun qui détermine leur sens civique et leur degré d'appartenance à la patrie.

La problématique de l'impôt met en évidence le dilemme des pays pauvres qui sont appelés à faire des choix qui s'inspirent bien souvent d'un certain mimétisme, dans un environnement où l'impôt s'apparente davantage à l'aumône, en raison du niveau de déperdition des recettes et du niveau de bonne gouvernance .Le paiement de l'impôt a du mal à s'installer dans les moeurs, car l'Etat en tant qu'intermédiaire n'a pas su donner l'exemple d'un gestionnaire responsable et transparent,d'où le drame permanent de la dépendance vis -à- vis des ressources externes mettant en péril la souveraineté de certains Etats, incapables de décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes.


Contexte de l'adoption du décret du 29 septembre 2005

Dix-neuf ans après la publication du décret du 29 septembre 1986 adopté à un moment où la parité de la gourde par rapport au dollar était de Gdes 5.50/US $1.00, le revenu minimum imposable au taux de zéro s'élevait à Gdes 20,000.00, soit Gdes 1,667.00 par mois, il a fallu tenir compte des nouvelles donnes de l'économie nationale avec un taux de change d'environ Gdes 40.00 pour un dollar américain. Ce nouveau Décret a ainsi adressé un ensemble de problèmes structurels.

En effet, dans un laps de temps assez court, la société a eu la surprise de vivre une véritable révolution fiscale qui dicte un autre comportement, une autre manière de faire affaire et enfin une obligation de payer ses impôts sur une base plus sincère. Cette révolution est annoncée, entre autres, à travers des dispositions telles que :

- renforcement du droit de communication de l'administration fiscale qui désormais peut avoir accès aux comptes bancaires des contribuables mis en vérification, des contribuables soupçonnés de fraude fiscale qui sont susceptibles d'être poursuivis à partir des renseignements détenus par le conjoint, les parents au premier degré, les ascendants et les descendants ;

- mise en place de mécanismes beaucoup plus clairs de règlement des litiges garantissant mieux les droits du contribuable ;

- définition de procédures de vérification plus formelles et favorisant l'exercice par le contribuable du droit de discuter et de contester ;

- recours à la vérification indépendante obligatoire pour toutes les entreprises ayant un chiffre d'affaires ou un actif total supérieur à Gdes 15,000,000.00 ; à partir de l'exercice 2006-2007,les entreprises ayant Gdes 100,000,000.00 sont visées par cette disposition mise en application progressivement ;

- substitution de l'imposition progressive à l'imposition proportionnelle au niveau des personnes morales ;

Pour faciliter le traitement égal de tous devant l'impôt et permettre la réconciliation du contribuable avec le trésor public, il est prévu une forme d'amnistie avec des dégrèvements d'impôt qui témoignent du choix politique et du degré de sacrifice que l'Etat est prêt à consentir pour rétablir l'équité fiscale.

De l'amnistie fiscale

L'article186 du Décret stipule ce qui suit :

«Les contribuables qui, au cours des douze mois suivant la date de publication du présent Décret,soumettent à la Direction Générale des Impôts des états financiers,des déclarations d'impôts des sociétés ou des déclarations définitives d'impôt sur le revenu rectifiées pour les trois derniers exercices fiscaux non encore prescrits ni vérifiés ,bénéficieront d'une réduction de 50% du montant principal de l'Impôt sur le Revenu et de tous autres impôts,droits et taxes découlant de ces rectifications. De plus, l'administration fiscale n'appliquera contre eux ni majoration ni intérêts de retard. Sur demande expresse du contribuable, le montant à payer, dans ce cas, peut être réparti en tranches mensuelles sur une période n'excédant pas 24 mois.

Toutefois, ces contribuables perdront les bénéfices visés au paragraphe précédent dans le cas de redressements opérés directement par les agents de l'administration fiscale. »


Au terme de cet article, tout contribuable, personne physique ou entreprise, peut bénéficier de la réduction de 50% du montant des impôts rectifiés sur trois ans. Les avantages sont les suivants :

- le contribuable bénéficie de deux exercices, soit 01-02 et 00-01 pour lesquels l'Etat renonce à son droit de vérifier ou de contre-vérifier les déclarations déjà soumises;

- les déclarations déjà vérifiées à l'intérieur de la période de trois ans ne peuvent pas être rectifiées ;en d'autres termes,un contribuable dont les déclarations de l'exercice 02-03 ont été vérifiées par l'administration ne peut rectifier que les exercices 03-04 et 04-05 ;

- la réduction de 50% s'étend, à tous les impôts directs et indirects pour lesquels le bénéficiaire est à la fois redevable et contribuable (Impôt sur le revenu, Taxe sur le chiffre d'affaires, Taxe sur Masse salariale, patente etc.)

- l'étalement du complément d'impôt sur vingt-quatre mois sans les intérêts de retard qui peuvent varier de 25% à 100% du montant principal.

Il demeure entendu que le fait générateur de ces avantages, est la rectification des déclarations précédemment soumises, ce qui exclut les contribuables qui étaient totalement en dehors du système. Alors, ce rameau d'olivier tendu aux contribuables, avait-il fait l'objet d'une évaluation préalable du niveau de sous-déclaration dans le système fiscal haïtien au titre de l'impôt sur le revenu et des impôts connexes ?

En effet, le fait par l'Etat de permettre au contribuable de produire des déclarations rectificatives sur trois années avec un dégrèvement d'impôt de 50% s'apparente à une véritable amnistie. Etant entendu que l'amnistie constitue une incitation pour les contribuables à se mettre volontairement en règle avec la loi fiscale sans que leur attitude passée puisse leur être opposée. Selon les termes de ce décret, le contribuable bénéficiaire efface ainsi son passé et s'engage à présenter de meilleures déclarations dans le futur. Sans envisager le réalisme de son adoption, l'article 186 a-t-il eu les chances d'application dans cet environnement marqué par la méfiance et la faiblesse des institutions publiques rongées par la corruption ?

Les préalables à l'application de l'article 186

De toute évidence,immédiatement après la publication dudit décret, les autorités fiscales auraient dû prendre des mesures administratives ponctuelles tendant à créer le climat de confiance indispensable à la mise en application d'une disposition aussi ambitieuse dans une conjoncture de crise aigue . Sans prétendre recenser l'ensemble des actes administratifs d'accompagnement, il s'avère important de signaler les plus urgents notamment :

- la diffusion d'une circulaire tendant à rendre publique l'interprétation de l'article qui a non seulement des implications fiscales complexes mais aussi comptables, en raison de la réduction de 50% des impôts dus ayant incidence sur le résultat comptable et le traitement ultérieur des bénéfices non répartis au niveau des sociétés de capitaux ;

- la plus large publicité dans les organes de communication autour des avantages conférés par cet article aux contribuables en quête de la meilleure solution pour rompre avec un passé encombrant pour l'avenir de leur unité de production ;

- la tenue de rencontres avec des associations socioprofessionnelles et les chambres de commerce en vue de présenter une analyse coût-avantages de la décision de soumettre des déclarations rectificatives ;

- surseoir à toute opération de vérification ou de contre vérification sur place des déclarations d'impôt tant des particuliers que des entreprises ;

- mobiliser tous les agents de l'administration au dépistage de nouveaux contribuables et à la constitution de base de données en exploitant toutes les sources d'informations disponibles au niveau :

a) de la Direction du Trésor, comptable de l'Etat ;

b) des institutions et entreprises publiques ;

c) de l'Administration Générale des Douanes ;

d) de la Direction de la Police routière pour la gestion du parc des véhicules ;

e) de la Direction de l'immigration et de l'émigration pour le mouvement des passagers ;

f) de la Direction de l'urbanisme des mairies pour les permis de construire ;

g) de la Direction de l'Enregistrement et de la Conservation foncière, et de la Direction du Domaine de la DGI pour les transactions mobilières et immobilières ;

- utilisation intelligente et agressive des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour le traitement des renseignements collectés devant culminer à la constitution d'un véritable fichier fiscal, pour ne pas dire d'un Service d'Intelligence Fiscale.

En conclusion, l'article 186 a vécu pour avoir été une initiative mort-née, faute de mesures d'accompagnement appropriées. Comme de nombreuses autres initiatives sans suivi, il a traduit la capacité de conception sans action et surtout l'incapacité de l'Etat d'enclencher la véritable réforme fiscale qui passe par la définition de meilleurs rapports entre le citoyen et le fisc.

Le créancier qui devait se montrer le plus diligent a tout bonnement nié les vertus de cet article dont l'application aurait constitué une grande première dans l'histoire de la fiscalité en général. Quant aux contribuables, ils n'ont pas tiré profit de cet article parce qu'ils croient que les lois en Haïti ne sont pas faites pour apaiser ou réconcilier mais pour punir ou détruire, encore le poids de la méfiance séculaire.

En définitive, la grande leçon à tirer de cette mésaventure est que le changement doit s'amorcer dans la concertation et la capacité de bien évaluer les réalités de ce pays singulier où la volonté de vivre ensemble fait encore défaut malgré les manifestations des uns et des autres. Que l'on se mette en tête que la construction d'Haïti passe par le sacrifice fiscal de chaque Haïtien, selon sa capacité contributive !


Joseph PAILLANT, FCPAH, Licencié en Droit

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