Qui est responsable de nos malheurs ?
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Qui est responsable de nos malheurs ?
Qui est responsable de
nos malheurs ?
Contribution pour une rupture historique
Ce matin Joël est mort
« sans » être malade : se maje YO manje-l. Natacha n’arrive pas
à travailler à l’école : se fè YO fè-l sa. Jojo est homosexuel : se
lakòz vye lwa bò manman-l YO. Quel-le haïtien-ne n’a jamais entendu, sinon
prononcé, ce genre de discours ? Quel peut être son impact sur la société
dans son ensemble ?
Dans le cas de Joël, le
« YO » responsable de sa mort a pour effet de supprimer
l’imprévisibilité du corps, d’annihiler la probabilité qu’un corps sous
apparence saine puisse être profondément malade. La Mort qui frappe Joël n’est
scientifiquement (loi de causalité) pas explicable, vu sa dimension mystique.
L’éventualité qu’une visite médicale préventive puisse sauver Joël est écartée.
Point n’est donc besoin de revendication politique pour l’établissement
généralisé de visite médicale préventive.
Natacha ne réussit pas à
l’école : se fè yo fè-l sa. L’affirmation de la culpabilité de
« YO » réduit automatiquement le champ possible de solutions. Si on
se contentait uniquement de constater la situation d’échec de Natacha on
pourrait essayer de regarder le contexte social (environnemental et familial)
dans le quel évolue Natacha. On aurait pu constater qu’en revenant de l’école,
la jeune fille a en réalité très peu de temps à consacrer à ses études. Car
elle doit repasser, faire le ménage, s’occuper de ses frères, etc. Ce constat
obligerait la société à réagir. Comme « se fè yo fè-l sa », le cas de
Natacha qui peut être celui de plusieurs milliers d’autres jeunes filles est
individualisé et déresponsabilisé . Les parents de Natacha n’ont pas de
responsabilité dans l’échec scolaire de leur fille. Donc pas vraiment d’effort
à consentir en vue de remédiassions. Il
s’agit de quelque chose qui les dépasse.
Jojo est Homosexuel : se lwa bò
manma-l yo. L’homosexualité n’est plus une orientation sexuelle mais le fait
des « esprits » ou des « loas ». Dans les trois cas
susmentionnés le responsable est toujours le même : « YO » !
YO, ce n’est pas « je » mais l’« autre ». Les problèmes
sociaux ou encore les questions sociétales sont ainsi altérisés et, de ce fait,
dépolitisés. Ce processus d’Altérisation et de dépolitisation fonctionne dans
notre société comme un ensemble de structures structurantes qui structurent les
mœurs et les mentalités. Les échecs individuels sont dus à « YO ». Il
ne faut pas l’oublier, YO puise sa force mystique dans le vodou. Donc, la
plupart des échecs personnels et individuels causés par « Yo » sont
imputables au Vodou.
Quant aux échecs collectifs,
notamment la descente aux enfers d’Haïti, ils sont dus aux blancs (récemment
des compatriotes sont mêmes arrivés à l’attribuer au vodou !) – dans le
sens de l’étranger – (je ne minimise évidemment pas le poids de l’impérialisme
dans la politique intérieure de mon pays). L’échec est systématiquement
altérisé. Cela a pour effet d’interdire toute remise en question de soi, tout
questionnement de sa propre pratique tant individuelle que collective.
A vrai dire, il n’y a pas qu’à
l’échec une dimension mystique est attribuée. La réussite également est souvent
cause mystique : se pwen misye pran pou-l ka gen lajan, se grann ni li
bay, etc. Cette question pourrait faire l’objet d’un texte à part.
L’altérisation de l’échec, qui a pour
corolaire la déresponsabilisation de soi et de nous, dépolitise des questions
qui sont pourtant fondamentalement politiques : le problème de la
non-existence d’une politique sanitaire préventive, dans le cas de Joël, n’est
pas posé. La surcharge des taches ménagères de Natacha et surtout l’environnement
social qui peuvent être des facteurs déterminants dans son échec sont négligés
au bénéfice de la superstition.
Nos responsabilité s dans l’échec
national sont délaissées, et, parallèlement, notre capacité à nous prendre en
charge en tant que peuple minimisée. Ainsi, nous donnons une excuse non-méritée
à nos gouvernants qui privilégient la tribune de l’ONU à toute réflexion digne
à des alternatives nationales. Puisque l’autre est responsable de nos malheurs
mais aussi le seul capable de les solutionner, nous n’avons qu’à attendre la
solution importée !
Pour une Haïti à la hauteur de son
Histoire
Paris, 16 janvier 2009
Renald LUBERICE
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Renald LUBERICE
nos malheurs ?
Contribution pour une rupture historique
Ce matin Joël est mort
« sans » être malade : se maje YO manje-l. Natacha n’arrive pas
à travailler à l’école : se fè YO fè-l sa. Jojo est homosexuel : se
lakòz vye lwa bò manman-l YO. Quel-le haïtien-ne n’a jamais entendu, sinon
prononcé, ce genre de discours ? Quel peut être son impact sur la société
dans son ensemble ?
Dans le cas de Joël, le
« YO » responsable de sa mort a pour effet de supprimer
l’imprévisibilité du corps, d’annihiler la probabilité qu’un corps sous
apparence saine puisse être profondément malade. La Mort qui frappe Joël n’est
scientifiquement (loi de causalité) pas explicable, vu sa dimension mystique.
L’éventualité qu’une visite médicale préventive puisse sauver Joël est écartée.
Point n’est donc besoin de revendication politique pour l’établissement
généralisé de visite médicale préventive.
Natacha ne réussit pas à
l’école : se fè yo fè-l sa. L’affirmation de la culpabilité de
« YO » réduit automatiquement le champ possible de solutions. Si on
se contentait uniquement de constater la situation d’échec de Natacha on
pourrait essayer de regarder le contexte social (environnemental et familial)
dans le quel évolue Natacha. On aurait pu constater qu’en revenant de l’école,
la jeune fille a en réalité très peu de temps à consacrer à ses études. Car
elle doit repasser, faire le ménage, s’occuper de ses frères, etc. Ce constat
obligerait la société à réagir. Comme « se fè yo fè-l sa », le cas de
Natacha qui peut être celui de plusieurs milliers d’autres jeunes filles est
individualisé et déresponsabilisé . Les parents de Natacha n’ont pas de
responsabilité dans l’échec scolaire de leur fille. Donc pas vraiment d’effort
à consentir en vue de remédiassions. Il
s’agit de quelque chose qui les dépasse.
Jojo est Homosexuel : se lwa bò
manma-l yo. L’homosexualité n’est plus une orientation sexuelle mais le fait
des « esprits » ou des « loas ». Dans les trois cas
susmentionnés le responsable est toujours le même : « YO » !
YO, ce n’est pas « je » mais l’« autre ». Les problèmes
sociaux ou encore les questions sociétales sont ainsi altérisés et, de ce fait,
dépolitisés. Ce processus d’Altérisation et de dépolitisation fonctionne dans
notre société comme un ensemble de structures structurantes qui structurent les
mœurs et les mentalités. Les échecs individuels sont dus à « YO ». Il
ne faut pas l’oublier, YO puise sa force mystique dans le vodou. Donc, la
plupart des échecs personnels et individuels causés par « Yo » sont
imputables au Vodou.
Quant aux échecs collectifs,
notamment la descente aux enfers d’Haïti, ils sont dus aux blancs (récemment
des compatriotes sont mêmes arrivés à l’attribuer au vodou !) – dans le
sens de l’étranger – (je ne minimise évidemment pas le poids de l’impérialisme
dans la politique intérieure de mon pays). L’échec est systématiquement
altérisé. Cela a pour effet d’interdire toute remise en question de soi, tout
questionnement de sa propre pratique tant individuelle que collective.
A vrai dire, il n’y a pas qu’à
l’échec une dimension mystique est attribuée. La réussite également est souvent
cause mystique : se pwen misye pran pou-l ka gen lajan, se grann ni li
bay, etc. Cette question pourrait faire l’objet d’un texte à part.
L’altérisation de l’échec, qui a pour
corolaire la déresponsabilisation de soi et de nous, dépolitise des questions
qui sont pourtant fondamentalement politiques : le problème de la
non-existence d’une politique sanitaire préventive, dans le cas de Joël, n’est
pas posé. La surcharge des taches ménagères de Natacha et surtout l’environnement
social qui peuvent être des facteurs déterminants dans son échec sont négligés
au bénéfice de la superstition.
Nos responsabilité s dans l’échec
national sont délaissées, et, parallèlement, notre capacité à nous prendre en
charge en tant que peuple minimisée. Ainsi, nous donnons une excuse non-méritée
à nos gouvernants qui privilégient la tribune de l’ONU à toute réflexion digne
à des alternatives nationales. Puisque l’autre est responsable de nos malheurs
mais aussi le seul capable de les solutionner, nous n’avons qu’à attendre la
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Pour une Haïti à la hauteur de son
Histoire
Paris, 16 janvier 2009
Renald LUBERICE
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Renald LUBERICE
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