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À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti ?

2 participants

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À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti ? Empty À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti ?

Message  gwotoro Lun 18 Déc 2006 - 19:52

CONFÉRENCE-DÉBATS / À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti?

Par Rock André
rochandre@lematinhaiti.com

Depuis plus de deux décennies, l’économie haïtienne connaît une véritable descente aux enfers. Les indicateurs macroéconomiques affichent des contreperformances énormes. Durant cette même période aussi, des réformes ont été opérées dans l’économie haïtienne. Le commerce extérieur, le marché des changes et le marché des capitaux ont été libéralisés. Des réformes administratives ont été initiées. Et pourtant, il y a eu très peu de résultats. À quoi ont servi effectivement ces réformes ? « Haïti, vingt cinq ans de réformes économiques: les leçons apprises », a été le thème d’une conférence prononcée par le professeur Wilson Laleau, vice-recteur aux affaires académiques de l’Université d'Etat d'Haïti (UEH), le mardi 12 décembre, à l’Institut français d’Haïti. À travers cette conférence, réalisée en collaboration avec l’Association des anciens boursiers de l’Ambassade de France, Wilson Laleau a analysé les possibilités d’une relance de l’économie haïtienne dans les circonstances actuelles.

Wilson Laleau a analysé dans son exposé les principales mesures de réformes mises en œuvre dans le pays depuis 1986. Il a insisté particulièrement sur la libéralisation qui, dit-il, est la seule réforme qui a véritablement abouti. L’objectif de la libéralisation, a rappelé Laleau, est de lever les contraintes à l’expansion du commerce extérieur en modifiant la structure des prix. Dans l’éventail des mesures qui ont été adoptées, figurent l’élimination des barrières non-tarifaires dont les taxes à l’exportation sur les biens agricoles et l’élimination des licences d’importation (exception faite pour les armes et les médicaments). De l’avis de Wilson Laleau, Haïti était allée trop fort dans le processus de la libéralisation commerciale.

C’est ainsi que vers l’année 1995, alors que dans la Caricom on pratiquait des taux moyens sur les importations se situant autour de 40 %, les taux appliqués par Haïti se situaient déjà dans la marge de 0 à 15 %. En faisant référence au marché américain, Wilson Laleau a montré que les États-Unis pratiquent des taux qui vont parfois jusqu’à 350 %, en dehors des subventions et autres mécanismes utilisés pour protéger leur marché.

Deux autres mesures ont accompagné la libéralisation du commerce extérieur : la libéralisation du marché des changes et celle du marché des capitaux. Au niveau du marché des capitaux, il y avait très peu d’entraves, sinon au niveau des taux d’intérêt qui ont été contrôlés, a expliqué l’économiste. Depuis 1991, le marché des capitaux a été libéralisé, mais avec en même temps un certain contrôle de la Banque centrale au niveau des taux d’intérêt, a-t-il précisé.

À propos du marché des changes, dès les années 1981/82, un marché parallèle commençait à prendre corps à coté du marché formel. Cette dualité a conduit au transfert de ressources des exportateurs vers les importateurs, a déduit Laleau. Car, dit-il, les ressources devaient transiter par la Banque centrale qui traduisait, elle-même, les revenus en dollars au taux de cinq gourdes pour un dollar, alors que le dollar sur le marché se vendait avec une décote. Les importateurs se trouvaient alors dans une situation intéressante puisqu’ils pouvaient avoir accès au dollar à un taux amélioré, selon Laleau.

Se basant sur l’élasticité des importations d’Haïti (>1), Laleau a conclu qu’il est difficile de mener des politiques de relance dans le pays, car la demande est satisfaite principalement à l’étranger. L’économie haïtienne, trop rigide, est incapable de réagir et en cas de politiques de relance, les emplois sont créés plutôt à l’étranger et non en Haïti. Par conséquent, une politique de relance budgétaire dans le contexte haïtien peut poser plus de problèmes qu’il n’en résout, de l’avis de Laleau

Les paradoxe des réformes

L’économiste a relevé tout un ensemble de paradoxes au niveau des mesures de réformes appliquées. Wilson Laleau comprend difficilement que les coûts sociaux de ces politiques n’aient jamais été évalués. Ce qui représente à ses yeux un premier paradoxe. De plus, contrairement à la théorie économique qui veut qu’avec l’augmentation du niveau des prix à l’exportation, le volume des exportations devrait logiquement augmenter, la situation en Haïti a été tout-à-fait différente. Dans la pratique, les exportations n’augmentent pas en Haïti quand les prix à l’exportation augmentent. De ce constat, Laleau déduit que ce ne sont pas les termes de l’échange qui empêchent à Haïti d’exporter, mais plutôt la faiblesse de la capacité de production.

Un autre paradoxe, selon Laleau, est que la libéralisation commerciale ne semble répondre à aucun objectif précis. Il a relevé des incohérences au niveau des mesures appliquées. C’est le cas du secteur textile où les taux pratiqués sur les produits finis ont été inférieurs à ceux pratiqués sur les matières premières. En exemple, le taux appliqué sur les vêtements se révèle inférieur à celui pratiqué sur les tissus.

Des réformes à l’avantage du capital

Selon Wilson Laleau, les réformes ont été à l’avantage du capital, au détriment du travail. Pour argumenter ses propos, il a considéré la répartition de la valeur ajoutée dans l’économie. Selon une étude de Jacques Charmes que le professeur Wilson Laleau a citée, le poids des salaires, qui représentait environ 40 % de la valeur ajoutée vers les années 1986/1987, est passé à 32 % en 2000. Dans le même temps, les profits sont passés de 57,7 % en 1986 à 66,1 % en 2000.

Les politiques de réformes ont également contribué à accroître les inégalités, a soutenu Laleau. Les 20 % des ménages les plus riches captent 68 % des revenus distribués dans l’économie. Aussi, les 2 % des ménages les plus riches mobilisent à eux seuls 26 % des revenus distribués. En revanche, les 20 % des ménages les plus pauvres captent seulement 1,4 % revenus distribués.
Le vice-recteur a passé en revue le mode de gestion de l’aide internationale qui globalement, dit-il, n’a pas beaucoup contribué au progrès économique d’Haïti. À cet effet, Laleau pense que la modernisation de l’économie nationale commande une profonde réévaluation des stratégies d’aide internationale, quelle que soit la forme retenue par rapport à sa gestion ou par rapport à ses effets sur le comportement des acteurs.

Pour terminer sa présentation, Wilson Laleau a présenté ce qu’il appelle les grands défis de demain. Le premier défi qu’il a identifié est de nature mentale. Il faut que ce pays commence à penser qu’il n’existe pas une fatalité haïtienne, a suggéré Laleau. Il a pris l’exemple de la Corée du Sud qui en 1962 avait des conditions économiques similaires à celles d’Haïti et qui pourtant a réussi à multiplier son PIB par un coefficient de 8 en quarante ans. Sur cette même période, le PIB per capita a été réduit de 40 % en Haïti. Laleau croit que la construction d’un consensus national pour le développement est essentielle en Haïti. À cet effet, le modèle de développement haïtien, estime-t-il, doit être pensé par des Haïtiens.

Le deuxième défi relevé est d’ordre idéologique. En ce sens, il convient de faire des choix, car une politique économique n’est jamais neutre, selon Laleau, qui croit qu’il faut rejeter les politiques qui ne vont pas dans le sens du développement socio-économique.

Laleau a identifié aussi un défi institutionnel. Il a souligné que les travaux de réformes administratives entrepris par l’État haïtien depuis 1996 n’ont pas vraiment fait l’objet d’application véritable. Il y a également un défi techno- logique. Wilson Laleau estime qu’Haïti doit faire appel au capital nécessaire pour investir dans les meilleures machines en vue de profiter des avantages comparatifs dont elle jouit dans plusieurs secteurs, dont le textile.

Laleau a relevé aussi un défi stratégique. Le problème des pays en voie de développement, a-t-il insisté, n’est pas un problème de ressources, mais la façon dont les ressources stratégiques sont gérées. Dans l’éventail des ressources indiscutables d’Haïti, il a cité le paysage, la jeunesse, la diaspora …Les politiques nationales dans ces domaines doivent être clairement définies, a-t-il préconisé.

En dernier lieu, Wilson Laleau a mentionné un défi technique relatif au financement de l’économie et un défi éthique, transversal aux autres défis.

Pour remettre l’économie sur la voie de la prospérité et de la stabilité, Wilson Laleau croit indispensable de trouver les moyens pour affronter ces défis. Sinon…
lundi 18 décembre 2006


Dernière édition par le Mer 10 Jan 2007 - 22:14, édité 1 fois

gwotoro
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À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti ? Empty Re: À quoi ont servi les réformes économiques en Haïti ?

Message  Jude Mar 19 Déc 2006 - 5:58

Wilson Laleau est quelqu'un de très intéressant. J'ai déjà discuté quelques fois économie avec lui.
Malheuresement, le rectorat rencontre de nombreux problèmes.


Note amusante : ses secrétaires sont adorables !
Jude
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