7 août 2009 D’Arbenz, 1954, à Zelaya, 2009 : Chiquita en Amérique Latine
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7 août 2009 D’Arbenz, 1954, à Zelaya, 2009 : Chiquita en Amérique Latine
7 août 2009
D’Arbenz, 1954, à Zelaya, 2009 : Chiquita en Amérique Latine (counterpunch)
Nikolas KOZLOFF
Quand
l’armée du Honduras a renversé le gouvernement démocratiquement élu de
Manuel Zelaya, il y a deux semaines (NDT ; un peu plus maintenant !),
il y eut un soupir de soulagement dans les conseils d’entreprise de
Chiquita Banana. Un peu plus tôt cette année, la compagnie basée à
Cincinatti s’était jointe à Dole [1] pour critiquer le Gouvernement de
Tegucigalpa qui avait augmenté le salaire minimum de 60%. Chiquita se
plaint que la nouvelle législation rend ses frais plus élevés qu’au
Costa Rica et diminue ainsi les profits de la compagnie : pour être
exact, 20 centimes de plus pour produire un cageot d’ananas et 10 de
plus pour un de bananes. Chiquita se lamente qu’elle perdra plusieurs
millions à cause de la réforme de Zelaya puisqu’elle produit environ 8
ou 22 millions de caisses d’ananas ou de bananes par an, respectivement.
Quand le décret sur le salaire minimum a été publié,
Chiquita a cherché de l’aide et appelé le Conseil Hondurien de
l’Entreprise Privée, connu sous son acronyme Espagnol COHEP. Comme
Chiquita, le COHEP était mécontent des mesures de Zelaya sur le salaire
minimum. Amilcar Bulnes, le président du COHEP, disait que si cette
mesure était appliquée, elle forcerait les patrons à licencier des
employés et ferait monter le taux de chômage du pays. Le COHEP,
l’organisation d’affaire la plus importante du Honduras, regroupe 60
chambres de métiers et de commerces dans tous les secteurs de
l’économie Hondurienne. Selon son propre site Web, le COHEP est le bras
politique et technique du secteur privé Hondurien, qui établit les
accords de commerce et assure “un soutien essentiel au système
démocratique“.
La communauté internationale ne doit pas prendre de
sanctions économiques contre le régime de Tegucigalpa issu du coup
d’Etat, dit le COHEP, car cela aggraverait les problèmes sociaux au
Honduras. Dans son nouveau rôle de porte-parole des pauvres du
Honduras, le COHEP déclare que le Honduras a déjà assez souffert de
tremblements de terre, de pluies diluviennes et de la crise financière
mondiale. Avant de sanctionner le Honduras à coup de mesures punitives,
déclare le COHEP, l’ONU et l’Organisation des Etats Américains
devraient envoyer des observateurs au Honduras pour analyser comment
ces sanctions pénaliseraient les 70% de Honduriens qui vivent dans la
pauvreté. En même temps, Bulnes a apporté son soutien au coup d’Etat de
Roberto Micheletti et déclaré que les conditions au Honduras n’étaient
pas propices au retour d’exil de Manuel Zelaya.
Chiquita : d’Arbenz au Bananagate
Il n’est pas étonnant que Chiquita recherche et s’allie
aux forces politiques et sociales les plus rétrogrades du Honduras.
Colsiba, la Coordination Latino-Américaine des Syndicats des
Bananeraies, dit que la compagnie fruitière n’a jamais accordé la
moindre protection à ses travailleurs et s’est toujours abstenue de
signer des conventions collectives de travail, que ce soit au
Nicaragua, au Guatemala ou au Honduras.
Colsiba compare les conditions infernales de travail
dans les plantations de Chiquita aux camps de concentration. Bien que
provocante, cette comparaison contient une part de vérité. Les femmes
travaillent dans les plantations de Chiquita de 6 heures du matin à 7
heures du soir, leurs mains brûlant dans des gants de caoutchouc.
Certains ouvriers sont âgés de 14 ans. Les travailleurs de la banane
d’Amérique Centrale ont poursuivi Chiquita pour avoir été exposés au
DBCP (DiBromoChloroPropane), un dangereux pesticide utilisé dans les
plantations, et qui provoque la stérilité, des cancers et des
malformations à la naissance.
Chiquita, anciennement connu comme la United Fruit
Company puis United Brands, a une longue et sordide histoire dans la
politique de l’Amérique Centrale [2]. Dirigée par Sam Zemuray ou
“Banana Man“, United Fruit entre dans le business de la banane au début
du 20ème siècle. En ce temps, Zemuray a émis la célèbre remarque “Au
Honduras, un mulet coûte plus cher qu’un membre du Parlement“. Dans les
années 1920, United Fruit contrôle 650.000 acres (environ 250.000
hectares) des meilleures terres du Honduras, à peu près le quart des
terres cultivables du pays. En plus, elle contrôle d’importantes routes
et voies ferrées.
Au Honduras, les compagnies fruitières étendent leur
influence dans tous les domaines, y compris militaires et politiques,
ce qui leur a valu le surnom de pieuvre. Ceux qui ne jouaient pas le
jeu de ces corporations étaient souvent retrouvés la face contre le sol
dans les plantations. En 1904, l’humoriste O. Henry inventa le terme
“Républiques Bananières“ pour désigner la célèbre United Fruit Company
et ses actions au Honduras.
Au Guatemala en 1954, United Fruit a soutenu le coup
d’état militaire fomenté par la CIA contre le Président Jacob Arbenz,
un réformateur qui avait mis en train un ensemble de réformes agraires.
Le renversement d’Arbenz généra plus de trente ans d’instabilité et de
guerre civile au Guatemala. Plus tard en 1961, United Fruit prêta ses
bateaux aux exilés Cubains entraînés par la CIA pour renverser Fidel
Castro à la Baie des Cochons.
En 1972, United Fruit (alors renommée United Brands)
propulse au pouvoir le Général Hondurien Oswaldo López Arellano. Le
tristement célèbre scandale du “Bananagate”, pots-de-vin versés par la
United Fruit à Arellano, oblige le dictateur à partir. Un grand jury
fédéral a accusé United Brands d’avoir soudoyé Arellano avec 1.25
million de dollars, et la promesse d’un second versement identique si
le militaire acceptait de réduire les taxes sur les exportations de
fruits. Pendant le scandale du Bananagate, le Président de la United
Fruit est tombé d’un gratte-ciel de New York, apparemment un suicide.
La prospérité des années Clinton et la Colombie
United Fruit a aussi des affaires en Colombie et
pendant ses opérations en Amérique du Sud y a développé des façons de
faire aussi marquées. En 1928, 3.000 travailleurs se mirent en grève
contre la compagnie pour demander de meilleurs salaires et conditions
de travail. La firme refuse initialement de négocier, mais cède
finalement sur des points mineurs, déclarant les autres revendications
“illégales“ ou “impossibles“. Quand les grévistes ont refusé de cesser
le mouvement, l’armée a ouvert le feu, faisant de nombreux morts.
Vous pourriez croire qu’après cela Chiquita aurait revu
sa politique envers les travailleurs, mais vers la fin des années 90 la
compagnie s’est adjoint des alliés inquiétants, en particulier des
paramilitaires d’extrême droite. Chiquita a payé plus d’un million de
dollars à ces hommes. Pour sa défense, Chiquita a déclaré qu’elle
payait juste les paramilitaires pour sa sécurité.
En 2007, Chiquita a versé 25 millions de dollars
d’amende après une enquête du Département de la Justice sur ces
paiements. Chiquita fut la première compagnie de l’histoire des USA
jugée coupable de liens financiers avec une organisation terroriste.
Dans un procès contre Chiquita, les victimes de la
violence paramilitaire ont affirmé que la compagnie avait encouragé des
atrocités comme le terrorisme, des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité. Un défenseur des plaignants a dit que les relations
de Chiquita avec les paramilitaires “avaient pour but de s’assurer le
contrôle de tous les aspects de la distribution et de la vente des
bananes en faisant régner la terreur“.
A Washington D.C., le chef de direction de Chiquita,
Charles Linder, s’est occupé de démarcher la Maison-Blanche. Linder a
été un grand bailleur de fonds du Parti Républicain avant de couvrir
d’argent le Parti Démocrate et Bill Clinton. Clinton dédommagea Linder
en soutenant militairement et sans réserves le gouvernement d’Andrés
Pastrana (Président de la Colombie de 1998 à 2002) qui régna pendant la
période de prolifération des escadrons de la mort d’extrême droite. A
cette époque, les USA établissaient leurs programmes de libre échange
commerciaux avec leurs “amis“ d’Amériques Latines, sous la supervision
stratégique d’un vieil ami d’enfance de Clinton, Thomas McLarty ou
“Mack“. McLarty était secrétaire Général et Envoyé Spécial en Amérique
Latine de la Maison-Blanche. C’est un personnage intriguant dont je
reparlerais bientôt.
La filière Holder-Chiquita
Etant donné le passé trouble de Chiquita en Amérique
Centrale et en Colombie, il n’est pas surprenant que la compagnie ait
voulu s’associer à la COHEP au Honduras. En plus de courtiser les
milieux d’affaires au Honduras, Chiquita a aussi cultivé les relations
avec des puissantes firmes juridiques à Washington. Selon le Center for
Responsive Politics (Centre pour une Politique Réactive), Chiquita a
déboursé 70.000 dollars en frais de lobbying auprès des compagnies
Covington et Burling pendant ces trois dernières années.
Covington est une puissante firme juridique qui
conseille les sociétés multinationales. Eric Holder, le Procureur
Général actuel, un co-président de la campagne d’Obama et ex-Procureur
Général Adjoint sous Bill Clinton, était jusqu’à peu un conseiller de
cette firme. Chez Covington, Eric Holder a défendu Chiquita comme
conseiller principal dans son procès avec le Ministère de la Justice.
De son perchoir au nouveau et élégant siège de la direction de
Covington, près de l’immeuble du New York Times à Manhattan, Holder a
préparé Fernando Aguirre, le directeur général de Chiquita, pour un
entretien avec “60 Minutes“ [3] sur les escadrons de la mort Colombiens.
Holder fit plaider la compagnie fruitière coupable sur
un point, “son implication dans des transactions avec une organisation
terroriste mondiale reconnue“. Mais le juriste, qui touchait un salaire
conséquent à Covington, plus de 2 millions de dollars, négocia un
marché de rêves dans lequel Chiquita ne paya que 25 millions de dollars
sur cinq ans. Scandaleusement, aucun des six officiels de la compagnie
qui avaient approuvé les paiements n’alla en prison.
Le cas curieux de Covington
Creusez un peu et vous trouverez que Covington non
seulement représente Chiquita, mais est aussi une sorte de centre
névralgique utilisé par la droite dans ses tentatives de promouvoir une
politique étrangère déstabilisatrice en Amérique Latine. Covington a
mené une alliance stratégique importante avec Kissinger (Chili, fameuse
année 1973) et les Associés McLarty (oui, le même Mack McLarty que
celui de Bill Clinton), une firme internationale de conseil en
stratégie renommée.
De 1974 à 1981 John Bolton à été associé chez
Covington. En tant qu’ambassadeur des Etats Unis aux Nations Unies sous
George Bush, Bolton fut un critique féroce de la gauche en Amérique
Latine, par exemple d’Hugo Chavez au Venezuela. De plus, il y a peu,
John Negroponte est devenu le vice-président de Covington. Negroponte
est un ancien secrétaire d’Etat Adjoint, directeur du Renseignement
National et ambassadeur des USA aux Nations Unies.
Negroponte, en tant qu’ambassadeur des USA au Honduras
de 1981 à 1985, a joué un rôle majeur dans l’aide des USA aux rebelles
de la Contra qui voulaient renverser les Sandiniste au Nicaragua. Des
défenseurs des droits de l’homme ont accusé Negroponte d’ignorer les
violations de ces droits commises par les escadrons de la mort du
Honduras, qui ont été payés et en partie entraînés par la CIA. Bien
sûr, quand Negroponte était ambassadeur, l’immeuble qu’il occupait à
Tegucigalpa est devenu un des plus grands centre névralgique de la CIA
en Amérique Latine avec un décuplement de son personnel.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve reliant Chiquita au
coup d’Etat récent au Honduras, il y a une convergence de faits
troublants et de politiciens importants impliqués pour exiger une
enquête plus poussée. Du COHEP à Covington, en passant par Holder,
Negroponte et McLarty, Chiquita a recherché des amis haut placés, amis
qui n’ont aucun penchant pour les politiques progressistes sur le
travail soutenues par le régime de Zelaya à Tegucigalpa.
NIKOLAS KOZLOFF
ARTICLE ORIGINAL
http://www.counterpunch.org/kozloff...
Counterpunch 17-19 Juillet 2009
Traduction Laurent EMOR pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info
Nikolas Kozloff est l’auteur de Revolution ! South America and the Rise of the New Left (Révolution / L’Amérique du Sud et la montée de la nouvelle gauche) (Palgrave-Macmillan, 2008). Consultez son blog sur senorchichero.blogspot.com.
[1] Historiquement la Dole est la “Hawaiian Pineapple
Company“ qui s’installe à Hawaï en 1851 où elle est soupçonnée d’avoir
participé à l’éviction de la dernière reine d’Hawaii et aidé les
États-Unis à en faire un de ses territoires.
[2] Lire “Le pape vert“ de Miguel Angel Asturias (Albin Michel, 1956)
[3] 60 Minutes, un magazine
télévisé d’information américain produit par CBS News et diffusé par
CBS est régulièrement en tête des sondages d’audience.
URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/D-Arbenz-1954-a-Zelaya-2009-Chiquita-en-Amerique-Latine.html
D’Arbenz, 1954, à Zelaya, 2009 : Chiquita en Amérique Latine (counterpunch)
Nikolas KOZLOFF
Quand
l’armée du Honduras a renversé le gouvernement démocratiquement élu de
Manuel Zelaya, il y a deux semaines (NDT ; un peu plus maintenant !),
il y eut un soupir de soulagement dans les conseils d’entreprise de
Chiquita Banana. Un peu plus tôt cette année, la compagnie basée à
Cincinatti s’était jointe à Dole [1] pour critiquer le Gouvernement de
Tegucigalpa qui avait augmenté le salaire minimum de 60%. Chiquita se
plaint que la nouvelle législation rend ses frais plus élevés qu’au
Costa Rica et diminue ainsi les profits de la compagnie : pour être
exact, 20 centimes de plus pour produire un cageot d’ananas et 10 de
plus pour un de bananes. Chiquita se lamente qu’elle perdra plusieurs
millions à cause de la réforme de Zelaya puisqu’elle produit environ 8
ou 22 millions de caisses d’ananas ou de bananes par an, respectivement.
Quand le décret sur le salaire minimum a été publié,
Chiquita a cherché de l’aide et appelé le Conseil Hondurien de
l’Entreprise Privée, connu sous son acronyme Espagnol COHEP. Comme
Chiquita, le COHEP était mécontent des mesures de Zelaya sur le salaire
minimum. Amilcar Bulnes, le président du COHEP, disait que si cette
mesure était appliquée, elle forcerait les patrons à licencier des
employés et ferait monter le taux de chômage du pays. Le COHEP,
l’organisation d’affaire la plus importante du Honduras, regroupe 60
chambres de métiers et de commerces dans tous les secteurs de
l’économie Hondurienne. Selon son propre site Web, le COHEP est le bras
politique et technique du secteur privé Hondurien, qui établit les
accords de commerce et assure “un soutien essentiel au système
démocratique“.
La communauté internationale ne doit pas prendre de
sanctions économiques contre le régime de Tegucigalpa issu du coup
d’Etat, dit le COHEP, car cela aggraverait les problèmes sociaux au
Honduras. Dans son nouveau rôle de porte-parole des pauvres du
Honduras, le COHEP déclare que le Honduras a déjà assez souffert de
tremblements de terre, de pluies diluviennes et de la crise financière
mondiale. Avant de sanctionner le Honduras à coup de mesures punitives,
déclare le COHEP, l’ONU et l’Organisation des Etats Américains
devraient envoyer des observateurs au Honduras pour analyser comment
ces sanctions pénaliseraient les 70% de Honduriens qui vivent dans la
pauvreté. En même temps, Bulnes a apporté son soutien au coup d’Etat de
Roberto Micheletti et déclaré que les conditions au Honduras n’étaient
pas propices au retour d’exil de Manuel Zelaya.
Chiquita : d’Arbenz au Bananagate
Il n’est pas étonnant que Chiquita recherche et s’allie
aux forces politiques et sociales les plus rétrogrades du Honduras.
Colsiba, la Coordination Latino-Américaine des Syndicats des
Bananeraies, dit que la compagnie fruitière n’a jamais accordé la
moindre protection à ses travailleurs et s’est toujours abstenue de
signer des conventions collectives de travail, que ce soit au
Nicaragua, au Guatemala ou au Honduras.
Colsiba compare les conditions infernales de travail
dans les plantations de Chiquita aux camps de concentration. Bien que
provocante, cette comparaison contient une part de vérité. Les femmes
travaillent dans les plantations de Chiquita de 6 heures du matin à 7
heures du soir, leurs mains brûlant dans des gants de caoutchouc.
Certains ouvriers sont âgés de 14 ans. Les travailleurs de la banane
d’Amérique Centrale ont poursuivi Chiquita pour avoir été exposés au
DBCP (DiBromoChloroPropane), un dangereux pesticide utilisé dans les
plantations, et qui provoque la stérilité, des cancers et des
malformations à la naissance.
Chiquita, anciennement connu comme la United Fruit
Company puis United Brands, a une longue et sordide histoire dans la
politique de l’Amérique Centrale [2]. Dirigée par Sam Zemuray ou
“Banana Man“, United Fruit entre dans le business de la banane au début
du 20ème siècle. En ce temps, Zemuray a émis la célèbre remarque “Au
Honduras, un mulet coûte plus cher qu’un membre du Parlement“. Dans les
années 1920, United Fruit contrôle 650.000 acres (environ 250.000
hectares) des meilleures terres du Honduras, à peu près le quart des
terres cultivables du pays. En plus, elle contrôle d’importantes routes
et voies ferrées.
Au Honduras, les compagnies fruitières étendent leur
influence dans tous les domaines, y compris militaires et politiques,
ce qui leur a valu le surnom de pieuvre. Ceux qui ne jouaient pas le
jeu de ces corporations étaient souvent retrouvés la face contre le sol
dans les plantations. En 1904, l’humoriste O. Henry inventa le terme
“Républiques Bananières“ pour désigner la célèbre United Fruit Company
et ses actions au Honduras.
Au Guatemala en 1954, United Fruit a soutenu le coup
d’état militaire fomenté par la CIA contre le Président Jacob Arbenz,
un réformateur qui avait mis en train un ensemble de réformes agraires.
Le renversement d’Arbenz généra plus de trente ans d’instabilité et de
guerre civile au Guatemala. Plus tard en 1961, United Fruit prêta ses
bateaux aux exilés Cubains entraînés par la CIA pour renverser Fidel
Castro à la Baie des Cochons.
En 1972, United Fruit (alors renommée United Brands)
propulse au pouvoir le Général Hondurien Oswaldo López Arellano. Le
tristement célèbre scandale du “Bananagate”, pots-de-vin versés par la
United Fruit à Arellano, oblige le dictateur à partir. Un grand jury
fédéral a accusé United Brands d’avoir soudoyé Arellano avec 1.25
million de dollars, et la promesse d’un second versement identique si
le militaire acceptait de réduire les taxes sur les exportations de
fruits. Pendant le scandale du Bananagate, le Président de la United
Fruit est tombé d’un gratte-ciel de New York, apparemment un suicide.
La prospérité des années Clinton et la Colombie
United Fruit a aussi des affaires en Colombie et
pendant ses opérations en Amérique du Sud y a développé des façons de
faire aussi marquées. En 1928, 3.000 travailleurs se mirent en grève
contre la compagnie pour demander de meilleurs salaires et conditions
de travail. La firme refuse initialement de négocier, mais cède
finalement sur des points mineurs, déclarant les autres revendications
“illégales“ ou “impossibles“. Quand les grévistes ont refusé de cesser
le mouvement, l’armée a ouvert le feu, faisant de nombreux morts.
Vous pourriez croire qu’après cela Chiquita aurait revu
sa politique envers les travailleurs, mais vers la fin des années 90 la
compagnie s’est adjoint des alliés inquiétants, en particulier des
paramilitaires d’extrême droite. Chiquita a payé plus d’un million de
dollars à ces hommes. Pour sa défense, Chiquita a déclaré qu’elle
payait juste les paramilitaires pour sa sécurité.
En 2007, Chiquita a versé 25 millions de dollars
d’amende après une enquête du Département de la Justice sur ces
paiements. Chiquita fut la première compagnie de l’histoire des USA
jugée coupable de liens financiers avec une organisation terroriste.
Dans un procès contre Chiquita, les victimes de la
violence paramilitaire ont affirmé que la compagnie avait encouragé des
atrocités comme le terrorisme, des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité. Un défenseur des plaignants a dit que les relations
de Chiquita avec les paramilitaires “avaient pour but de s’assurer le
contrôle de tous les aspects de la distribution et de la vente des
bananes en faisant régner la terreur“.
A Washington D.C., le chef de direction de Chiquita,
Charles Linder, s’est occupé de démarcher la Maison-Blanche. Linder a
été un grand bailleur de fonds du Parti Républicain avant de couvrir
d’argent le Parti Démocrate et Bill Clinton. Clinton dédommagea Linder
en soutenant militairement et sans réserves le gouvernement d’Andrés
Pastrana (Président de la Colombie de 1998 à 2002) qui régna pendant la
période de prolifération des escadrons de la mort d’extrême droite. A
cette époque, les USA établissaient leurs programmes de libre échange
commerciaux avec leurs “amis“ d’Amériques Latines, sous la supervision
stratégique d’un vieil ami d’enfance de Clinton, Thomas McLarty ou
“Mack“. McLarty était secrétaire Général et Envoyé Spécial en Amérique
Latine de la Maison-Blanche. C’est un personnage intriguant dont je
reparlerais bientôt.
La filière Holder-Chiquita
Etant donné le passé trouble de Chiquita en Amérique
Centrale et en Colombie, il n’est pas surprenant que la compagnie ait
voulu s’associer à la COHEP au Honduras. En plus de courtiser les
milieux d’affaires au Honduras, Chiquita a aussi cultivé les relations
avec des puissantes firmes juridiques à Washington. Selon le Center for
Responsive Politics (Centre pour une Politique Réactive), Chiquita a
déboursé 70.000 dollars en frais de lobbying auprès des compagnies
Covington et Burling pendant ces trois dernières années.
Covington est une puissante firme juridique qui
conseille les sociétés multinationales. Eric Holder, le Procureur
Général actuel, un co-président de la campagne d’Obama et ex-Procureur
Général Adjoint sous Bill Clinton, était jusqu’à peu un conseiller de
cette firme. Chez Covington, Eric Holder a défendu Chiquita comme
conseiller principal dans son procès avec le Ministère de la Justice.
De son perchoir au nouveau et élégant siège de la direction de
Covington, près de l’immeuble du New York Times à Manhattan, Holder a
préparé Fernando Aguirre, le directeur général de Chiquita, pour un
entretien avec “60 Minutes“ [3] sur les escadrons de la mort Colombiens.
Holder fit plaider la compagnie fruitière coupable sur
un point, “son implication dans des transactions avec une organisation
terroriste mondiale reconnue“. Mais le juriste, qui touchait un salaire
conséquent à Covington, plus de 2 millions de dollars, négocia un
marché de rêves dans lequel Chiquita ne paya que 25 millions de dollars
sur cinq ans. Scandaleusement, aucun des six officiels de la compagnie
qui avaient approuvé les paiements n’alla en prison.
Le cas curieux de Covington
Creusez un peu et vous trouverez que Covington non
seulement représente Chiquita, mais est aussi une sorte de centre
névralgique utilisé par la droite dans ses tentatives de promouvoir une
politique étrangère déstabilisatrice en Amérique Latine. Covington a
mené une alliance stratégique importante avec Kissinger (Chili, fameuse
année 1973) et les Associés McLarty (oui, le même Mack McLarty que
celui de Bill Clinton), une firme internationale de conseil en
stratégie renommée.
De 1974 à 1981 John Bolton à été associé chez
Covington. En tant qu’ambassadeur des Etats Unis aux Nations Unies sous
George Bush, Bolton fut un critique féroce de la gauche en Amérique
Latine, par exemple d’Hugo Chavez au Venezuela. De plus, il y a peu,
John Negroponte est devenu le vice-président de Covington. Negroponte
est un ancien secrétaire d’Etat Adjoint, directeur du Renseignement
National et ambassadeur des USA aux Nations Unies.
Negroponte, en tant qu’ambassadeur des USA au Honduras
de 1981 à 1985, a joué un rôle majeur dans l’aide des USA aux rebelles
de la Contra qui voulaient renverser les Sandiniste au Nicaragua. Des
défenseurs des droits de l’homme ont accusé Negroponte d’ignorer les
violations de ces droits commises par les escadrons de la mort du
Honduras, qui ont été payés et en partie entraînés par la CIA. Bien
sûr, quand Negroponte était ambassadeur, l’immeuble qu’il occupait à
Tegucigalpa est devenu un des plus grands centre névralgique de la CIA
en Amérique Latine avec un décuplement de son personnel.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve reliant Chiquita au
coup d’Etat récent au Honduras, il y a une convergence de faits
troublants et de politiciens importants impliqués pour exiger une
enquête plus poussée. Du COHEP à Covington, en passant par Holder,
Negroponte et McLarty, Chiquita a recherché des amis haut placés, amis
qui n’ont aucun penchant pour les politiques progressistes sur le
travail soutenues par le régime de Zelaya à Tegucigalpa.
NIKOLAS KOZLOFF
ARTICLE ORIGINAL
http://www.counterpunch.org/kozloff...
Counterpunch 17-19 Juillet 2009
Traduction Laurent EMOR pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info
Nikolas Kozloff est l’auteur de Revolution ! South America and the Rise of the New Left (Révolution / L’Amérique du Sud et la montée de la nouvelle gauche) (Palgrave-Macmillan, 2008). Consultez son blog sur senorchichero.blogspot.com.
[1] Historiquement la Dole est la “Hawaiian Pineapple
Company“ qui s’installe à Hawaï en 1851 où elle est soupçonnée d’avoir
participé à l’éviction de la dernière reine d’Hawaii et aidé les
États-Unis à en faire un de ses territoires.
[2] Lire “Le pape vert“ de Miguel Angel Asturias (Albin Michel, 1956)
[3] 60 Minutes, un magazine
télévisé d’information américain produit par CBS News et diffusé par
CBS est régulièrement en tête des sondages d’audience.
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