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QUI EST SOUVERAIN: LE PEUPLE OU LES CHAMBRES PARLEMENTAIRES?

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Message  Doub-Sossis Lun 10 Mai 2010 - 19:55

Brèves observations sur le régime constitutionnel haïtien *

mardi 15 février 2005



Débat

Par Lyn Francois [1]

Soumis à AlterPresse le 12 février 2004

« Il nous faut une science politique nouvelle à un monde nouveau, mais c’est ce à quoi nous ne pensons guère. Placés au milieu du fleuve, nous ne faisons que regarder les vieux débris du rivage alors que l’eau nous pousse à reculons vers les abîmes les plus profondsÂ… »

A. De Tocqueville, De la démocratie en Amérique » Paris, Ed. Gallimard 1986.

Loin d’être éteinte, la controverse autour de la nature du régime institué par la Constitution du 29 mars 1987 connaît aujourd’hui un regain d’actualité accentué non seulement par l’impasse politique et institutionnelle dans laquelle se trouve l’Etat haïtien, mais aussi, par l’émergence d’un courant visant sinon à l’adoption d’une nouvelle constitution, du moins, à la révision de celle actuellement en vigueur. Si un changement de constitution n’est pas à l’heure actuelle envisageable, l’hypothèse d’une révision constitutionnelle semble néanmoins souhaitable dans la mesure où elle aboutirait à un régime équilibré. Sans doute, la grande nouveauté apportée par la Constitution de 1987 réside dans le rôle accru du Parlement qui, pour la première fois, devient la pièce maîtresse de l’échiquier politique. Il s’agit là d’une rupture avec la « tradition constitutionnelle » qui faisait du Président de la République un véritable « monarque ». Désormais, selon la Constitution, le Président exerce une sorte de « magistrature morale » : il incarne la continuité de l’Etat et veille au bon fonctionnement des institutions , il est le garant de l’Indépendance Nationale et de l’Intégrité du Territoire. Cependant, la fonction présidentielle s’appréciera autrement dans l’hypothèse où le Chef de l’Etat dispose de la majorité parlementaire. Comme dans le système français, le Président de la République disposera alors de « pleins pouvoirs » pour décider de la politique de la Nation. Le Premier Ministre se cantonnera à un rôle d’ « exécutant » de cette politique, de « chef d’état major » chargé de la discipline dans les rangs des parlementaires de la majorité présidentielle. Mais, ce renforcement « ponctuel » des pouvoirs du Chef de l’Etat ne permet nullement de conclure à l’existence d’un régime présidentiel. En effet, l’institution par le texte constitutionnel d’un exécutif bicéphale (Président- Premier Ministre) et d’un gouvernement politiquement responsable devant le Parlement est loin de correspondre aux canons classiques de ce type de régime. Dès lors, faut-il conclure, à l’instar de la majorité des politiques et auteurs haïtiens, à l’existence d’un régime parlementaire ? De prime abord, le système pourrait faire penser à un tel régime si l’on considère notamment la possibilité pour l’une ou l’autre Chambre du Corps législatif d’exercer un contrôle sur l’action du Gouvernement en l’interpellant et, le cas échéant, en procédant à sa destitution par le vote d’une motion de censure. Mais il ne faut pas s’y tromper. En réalité, le régime constitutionnel haïtien n’a de parlementaire que le nom ou l’apparence tant il est vrai que l’omnipotence du Parlement fait plutôt penser à la consécration d’un « régime Directorial » ou « d’Assemblée » (I) auquel il convient d’apporter quelques corrections allant dans le sens d’un certain rééquilibrage des Pouvoirs (II).

I) Le régime constitutionnel haïtien : un « régime d’Assemblée »

Il s’agit d’un régime atypique dont on retrouve les traces dans les Constitutions françaises des IIIe et IVe République. Sans doute, le Pouvoir constituant haïtien avait été séduit par cette expérience française qui réduisait la fonction présidentielle à une sorte de « magistrature morale » tout en renforçant considérablement le rôle de l’assemblée parlementaire. Au fond, en France comme en Haïti, le choix de ce régime semble traduire d’une part, une grande méfiance à l’égard du Pouvoir Exécutif qui pousse à réduire le rôle de son Chef (A), d’autre part, et presque par symétrie, une confiance excessive dans le Parlement au point d’en faire l’élément clé du système politique en lui attribuant des pouvoirs exorbitants (B).

A) Le rôle réduit du Chef de l’Exécutif

L’explication de ce rôle réside dans la méfiance à l’égard de la fonction présidentielle. Sans doute, l’objectif du Pouvoir constituant était de rompre définitivement avec « l’absolutisme présidentiel » incarné par le régime totalitaire des Duvalier avec son cortège de crimes. Il fallait éviter à tout prix que le pouvoir ne soit concentré entre les mains d’un seul homme, en l’occurrence le Chef de l’Etat. Une des premières manifestations d’un tel rejet fut la création d’un exécutif collégial (le Conseil National de Gouvernement), une sorte de « triumvirat » qui succéda, le 7 février 1986, à « Baby doc ». Aujourd’hui encore, la « collégialité présidentielle » continue de séduire un certain nombre d’auteurs qui y voient une parade à toute forme de dictature. Mais, cette méfiance politique à l’égard de la fonction présidentielle apparaît également dans le texte constitutionnel. Ainsi, influencé par la « désaffection populaire » de l’institution, le Pouvoir constituant s’est efforcé de réduire le rôle du Président de la République qui se résume pour l’essentiel à garantir le fonctionnement régulier des institutions [2] sans toutefois en avoir les moyens et les pouvoirs nécessaires. Sauf dans le domaine de la politique étrangère, la Constitution de 1987 conduit à un effacement du Chef de l’Etat qui ne dispose d’aucun pouvoir lui permettant d’influer sur la politique intérieure.

Une autre manifestation de cette méfiance politique résulte de l’article 284-2 de la Constitution qui prévoit que « l’amendement de la constitution ne peut entrer en vigueur qu’après l’installation du prochain Président élu. En aucun cas, le Président, sous le gouvernement de qui [duquel] l’amendement a eu lieu ne peut bénéficier des avantages qui en découlent ». L’objectif d’une telle disposition est d’éviter que le Président de la République ne modifie le texte constitutionnel afin de s’installer durablement au pouvoir. L’Assemblée constituante semble avoir été marquée par l’expérience du « mandat à vie » des Duvalier. Néanmoins, deux critiques majeures peuvent être formulées à l’encontre d’une telle technique. D’abord, en imposant un long délai pouvant aller jusqu’à cinq ans, pour l’entrée en vigueur d’une révision constitutionnelle, l’Assemblée constituante ne semble pas avoir compris que l’intérêt national, pourrait, dans certains cas, justifier l’application rapide d’un amendement constitutionnel. On songe notamment à la ratification d’un traité économique qui nécessiterait une révision de la Constitution. L’entrée en vigueur tardive de cette révision pourrait se révéler contraire aux intérêts de l’Etat. Ensuite, ce « délai déraisonnable » traduit un manque de hauteur de vue de l’Assemblée constituante qui semble avoir réduit la problématique de la révision de la Constitution à la seule question de la fonction présidentielle. On en veut pour preuve l’article 284-2 in fine qui dispose qu’ « en aucun cas, le Président sous le gouvernement de qui [duquel] l’amendement a eu lieu ne peut bénéficier des avantages qui en découlent ». Le terme « avantage » montre clairement qu’il s’agit d’amendements relatifs au mandat du Président de la République, (sa durée, son renouvellement consécutif ou non) ou à ses pouvoirs. Il s’ensuit une suspicion quasi obsessionnelle à l’égard de la fonction présidentielle qui conduit l’Assemblée constituante à attribuer des pouvoirs exorbitants au Parlement.

B) L’attribution de pouvoirs exorbitants au Parlement

Expression de nouvelles couches sociales qui aspirent au pouvoir, le Parlement a été perçu par l’Assemblée constituante comme l’organe le plus apte à lutter contre la monarchie présidentielle. D’où l’idée de traiter du Pouvoir législatif avant les autres [3], de lui attribuer des compétences considérables tout en enlevant à l’Exécutif les moyens de pression dont il dispose dans un régime parlementaire classique. L’inégalité des armes caractérise les rapports entre l’Exécutif et le Parlement : si le premier tire à l’arbalète, le second dispose de tout un arsenal d’armes sophistiquées dont celle de la destitution du gouvernement. Ainsi, conformément à l’article 129-4 de la Constitution, l’une ou l’autre des deux Chambres du Corps législatif peut, après interpellation du Gouvernement, décider d’un vote de censure sur une question se rapportant au programme ou à une déclaration de politique générale du Gouvernement. Le Premier ministre doit alors remettre au Président de la République la démission de son Gouvernement. Aucune arme égale n’est prévue en faveur de l’Exécutif chargé d’une certaine manière d’exécuter la « politique voulue » par l’Assemblée parlementaire. L’article 111-8 renforce même l’autorité de celle-ci en prévoyant qu’ « en aucun cas, la Chambre des députés ou le Sénat ne peut être dissous ou ajournéÂ… ». Ainsi, en cas de conflit politique avec le Parlement, le Gouvernement se trouve placé devant une alternative simple : soit, il se résout à exécuter la volonté du Parlement, dans ce cas, sa survie politique est assurée, soit il persiste à appliquer la politique qu’il a décidée, auquel cas, il est soumis à l’arme foudroyante de la censure.

A côté de cette arme de destitution du Gouvernement, l’Assemblée parlementaire en dispose d’autres d’une efficacité non moins redoutable tels par exemple l’interpellation et la censure à tout moment d’un Ministre qui doit être renvoyé par l’Exécutif (c’est le pouvoir de révocation du Parlement : art. 172) ; l’exclusivité de toute révision constitutionnelle dans la mesure où le référendum constituant est formellement interdit (art. 284-3) ; le pouvoir pour la Chambre des députés de prononcer la mise en accusation : du Président de la République pour crime de haute trahison ou toute autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions (art. 186 § a) ; du Premier Ministre, des Ministres et des Secrétaires d’Etat pour crimes de haute trahison et de malversations ou d’excès de pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions (art. 186-§b).

L’attribution de ces pouvoirs exorbitants au Parlement crée un déséquilibre institutionnel d’autant plus grave que la culture de « radicalisation politique » risque de provoquer une situation de crise permanente [4]. Un rééquilibrage des Pouvoirs devient alors nécessaire tant à l’instauration d’un véritable Etat de droit qu’à la stabilité politique du pays.

II) Le régime constitutionnel haïtien : la nécessité d’un rééquilibrage des Pouvoirs

En France, la nécessité de mettre fin à l’instabilité gouvernementale provoquée par le régime d’Assemblée de la IVe République avait conduit à l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958 consacrant la naissance de la Ve République. Si un changement de Constitution en Haïti ne semble pas à l’ordre du jour, il n’en demeure pas moins que certains amendements doivent être apportés au texte constitutionnel afin d’assurer un certain équilibre entre les Pouvoirs. D’une manière générale, il convient de contrebalancer l’hégémonie du Parlement en autorisant sa dissolution par le Président de la République (A) et en permettant au peuple de participer à la vie démocratique par le biais du référendum (B).

A) Le droit de dissolution du Parlement par le Chef de l’Etat

L’objectif est d’instaurer une certaine interaction entre les Pouvoirs qui caractérise le régime parlementaire. Cette interaction suppose l’existence de moyens de pression réciproques permettant « l’égalité des armes » entre les Pouvoirs. Ainsi, à l’arme parlementaire de la censure ou de la destitution devrait correspondre l’arme présidentielle de la dissolution. Le choix de mettre une telle arme entre les mains du Président de la République se justifie non seulement parce qu’il est le Chef de l’Exécutif, mais aussi parce que l’article 136 de la Constitution en fait le garant du fonctionnement régulier des Pouvoirs publics. Au fond, la Constitution institue le Président de la République « arbitre » des institutions. En cas de crise ou de blocage institutionnel, le pouvoir de dissolution lui permettrait de trancher en provoquant des élections anticipées. Le dernier mot reviendrait alors au Corps électoral, autrement dit au peuple souverain qui pourrait, le cas échéant, envoyer une nouvelle majorité politique au Parlement. Toutefois, l’utilisation de cette arme devrait être soigneusement encadrée afin d’éviter toute forme de dérive. Ainsi, le recours à la dissolution devrait être possible seulement une fois pendant la durée d’une législature. Chacun peut aisément comprendre qu’il n’est pas dans l’intérêt de la République d’organiser sans cesse des joutes électorales compte tenu du coût financier très important pour le budget de l’Etat et du risque de lassitude du Corps électoral. Cette limitation du droit de dissolution ferait également écho à l’article 129-6 qui prévoit que le Corps législatif ne peut prendre plus d’un vote de censure par an sur une question se rapportant à une déclaration de politique générale du Gouvernement. Enfin, la limitation ferait de la dissolution une arme à double tranchant. En effet, si le Président, cherchant à disposer de la majorité parlementaire venait à dissoudre l’Assemblée, il existerait le risque qu’il soit désavoué par le peuple mécontent, ce qui aurait pour conséquence de l’affaiblir politiquement pendant la durée de son mandat. Autant dire, qu’il devrait faire preuve d’une extrême prudence dans le maniement de l’arme politique de la dissolution.

Outre le fait que ce droit de dissolution du Président de la République ferait contrepoids (c’est le système de checks and balances) au pouvoir de destitution du Parlement, il présenterait également l’avantage de permettre au peuple, quasiment exclu dans le système actuel [5], d’arbitrer les conflits politiques les plus graves et par voie de conséquence de prendre directement part aux débats démocratiques. Le recours au peuple pourrait être renforcé par l’adoption du référendum populaire, autre technique permettant de contrebalancer les pouvoirs exorbitants du Parlement.

B) L’adoption du référendum

Le référendum est une technique qui permet de soumettre directement une loi ordinaire (référendum législatif) ou constitutionnelle (référendum constituant) à l’approbation de l’ensemble du Corps électoral. Loin d’être incompatible avec l’existence d’une assemblée législative, cette technique en est un complément efficace dans la mesure où la souveraineté nationale est directement exercée par le peuple à côté de celle exercée par ses représentants. La Constitution, en son article 284-3 ne traite que du référendum constituant pour en interdire formellement l’application. Le texte précise que « toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par référendum est formellement interdite ». Le silence du texte sur le référendum législatif pourrait conduire à reconnaître la conformité de cette technique à la Constitution. Mais, l’article 58 semble exclure ce type de référendum en prévoyant des cas limitatifs de l’exercice directe de la souveraineté par le peuple. Après avoir rappelé que la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens, le texte dispose « qu’ils [ les citoyens] exercent directement les prérogatives de la souveraineté par : a) l’élection du Président de la République ; b)-l’élection des membres du pouvoirs législatif ; c)l’élection des membres de tous autres corps ou de toutes Assemblées prévues par la loi ». Dans ces conditions, tout recours au référendum semble être banni par la Constitution. Toutefois, seul le référendum constituant est expressément prohibé par la Loi fondamentale. Pourtant, l’admission de cette technique de révision constitutionnelle dont l’initiative devrait appartenir au Président de la République, aurait pour principale vertu d’associer directement le peuple aux décisions graves engageant l’avenir de la Nation. L’exemple topique est celui du référendum de ratification d’un traité international contraire à la Constitution. L’accord du peuple pour l’adoption de la norme internationale vaudrait également pour l’amendement de la norme constitutionnelle immédiatement applicable. Ainsi, qu’il soit législatif ou constituant, le référendum serait un moyen de renforcer la libre participation des citoyens aux affaires publiques d’autant que cette « liberté-participation » fait de chaque homme un animal politique (Aristote) et de la République la chose de tous.

Sans doute, l’adoption de ces réformes contribuerait avec la grande réforme de l’Etat à l’inauguration d’une ère politique nouvelle caractérisée par l’équilibre entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif, disposant l’un et l’autre des moyens de pression réciproques. Le Corps électoral serait alors l’instance la plus haute, celle dont la décision s’impose aux autres instances qui, si élevées soient-elles, sont au dessous de la Nation, comme le délégataire reste subordonné au déléguant.

Lyn FRANà‡OIS

PS :

* Texte d’une intervention au colloque organisé les 30 septembre et 1er octobre 2004 à la faculté des lettres et des sciences humaines de Limoges et qui avait pour thème " Haïti : 1804-2004. L’indépendance d’Haïti et la construction d’un mythe culturel ".


[1] Maître de Conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges, Membre de l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques (OMIJ), Assesseur du Doyen et Responsable administratif du Master 2 de Droit Privé Général et Européen.

[2] V. art. 136 précité.

[3] Nous pensons que le choix de l’Assemblée constituante de traiter en priorité du « Pouvoir législatif » constitue une preuve de la prééminence de l’institution.

[4] Ce risque est accentué par la présence de plusieurs dizaines de « partis politiques » ou plutôt « d’écuries présidentielles » sans troupes et souvent sans programme.

[5] En effet, à l’heure actuelle, le rôle du peuple souverain se limite à l’élection de ses différents représentants
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