Centre commercial: de quelle 'mémoire' parle-t-on?
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Centre commercial: de quelle 'mémoire' parle-t-on?
RECONSTRUCTION
Centre commercial: de quelle 'mémoire' parle-t-on?
Ou une capitale 'pèpè'
PORT-AU-PRINCE, 15 Septembre - Parlons-nous du même centre commercial?
Celui dont une organisation se plaint qu'on est en train d''effacer toute trace de la mémoire haïtienne'.
Ou celui qu'on peut voir de ses yeux vus si on ose s'aventurer dans la zone en question.
C'est-à-dire tout le bas de la ville.
De la Rue du Centre jusqu'au Bicentenaire, de part et d'autre du Boulevard Jean Jacques Dessalines (anciennement Grand'Rue).
C'est la partie de la ville qui a été la plus détruite peut-être par le séisme du 12 janvier.
Aucun doute là-dessus. Il ne reste rien.
Seul debout le grand bâtiment de la banque centrale ou BRH, construit il y a dix ans à peine par la plus grande firme de construction française, Bouygue.
Au moins on en a eu pour notre argent.
La BRH a tenu. Phare. Citadelle.
Autour d'elle, une, deux, mais pas plus de trois constructions dans lesquelles on oserait mettre le nez.
Il est difficile de distinguer à plusieurs lieues à la ronde cette 'mémoire haïtienne' dont 'on' voudrait effacer toute trace.
Voyons voir. L'antique BNRH (Banque Nationale de la République d'Haïti) abritant par la suite la BNC
(Banque nationale de crédit).
Très endommagée. Mais pas tant pour la faire disparaître.
Quoi encore? La Chapelle de Saint Louis de Gonzague, à la rue du Centre, majestueuse.
Anti-sismique avant la lettre dans son corset métallique.
Peut-être aussi la mini-réplique de la Chapelle Sixtine, l'une des rares survivances du Bicentenaire des années 50, baptisée lors Cité de l'Exposition.
Adieu l'Hôtel de Ville, la Chancellerie, le bâtiment de la Poste, tous réduits littéralement en poussière.
Enseignes lumineuses de notre enfance …
Comme c'est le sort qui attend tout le centre commercial à deux ou trois exceptions près.
Et malgré toute notre bonne volonté - d'ailleurs nous y sommes allés pour ça, pour dire non nous aussi à l'entreprise annoncée d'effacement de 'toute la mémoire haïtienne', mais nous n'avons rien vu, plus aucune trace de ladite mémoire.
Nous sommes venus, nous avons vu, nous n'avons rien vu.
C'est qu'elle avait disparu depuis déjà très longtemps.
Voilà. 'Men koze a.'
Où sont les enseignes lumineuses de notre enfance? La Boulangerie Saint Marc.
Cette fille enroulée sur son ballon et qui nous clignait de l'œil.
Les effets spéciaux avant l'heure du logo de l'Imprimerie Henri Deschamps.
De quel patrimoine historique parle-t-on quand toute trace n'existe plus depuis longtemps du Magasin Oriental, de la Maison Paul Auxilla, distributeur du matelas Beautyrest et du savon Le Chat Ambré, de la Maison Nadal (où l'on allait recevoir nos primes en bouteilles de Mary Brisard et Dubo-Dubon-Dubonnet gagnées
aux jeux de l'antique Radio Haïti à la Grand'Rue) …
La voiture qui fit le plus rêver les Haïtiens …
De la Maison Berhman, qui introduisit la voiture qui fit le plus rêver les Haïtiens, et ce n'est ni la Cadillac ni la Rolls Royce, mais la Dynaflow.
La Compagnie haïtienne de moteurs et la limousine Mercedes offerte par l'aïeul des Brandt à Papa Doc après que celui-ci lui eut fait faire un petit séjour dans ses prisons.
Le Sabot d'or, Cent mille articles, des noms qui devaient rimer avec la fontaine lumineuse du Bicentenaire.
Ce centre commercial-là, qui constituait la 'mémoire', le patrimoine, que l'on voudrait protéger, hélas, nous arrivons bien trop tard.
Le séisme du 12 janvier a bon dos.
Sa disparition s'est faite cependant par étapes.
Ce fut d'abord la mort des grands bâtisseurs. Les géants qui y ont contribué.
Nous ne saurions remonter jusqu'au 19e siècle (bien que l'on pourrait, serait-ce le marché de la Croix des Bossales dont le nom indique bien ce qui s'y passait avant l'Indépendance).
A ce sujet, nous avons notre historien de Port-au-Prince, n'oublions pas, Georges Corvington, 'Port-au-Prince au cours des ans'.
Une marche arrière de plus d'un demi siècle …
Mais plus près de nous, aux environs des années 40, le centre commercial avait connu un développement paradoxalement plus proche d'un certain modernisme que tout ce qui puisse exister en Haïti aujourd'hui.
Donc nous parlons d'une marche arrière de plus d'un demi siècle.
Trop tard pour venir rechercher sous les décombres du séisme la moindre trace de ce patrimoine.
Pur phantasme. Tout est effacé depuis belle lurette.
Sans oublier les incendies. Et surtout les 'déchoucages' (pillages à caractère faussement politique du départ de Baby Doc en février 1986, jusqu'au lendemain du séisme du 12 janvier dernier).
Allez voir par vous-mêmes. Si vous en avez le courage!
Donc les vieux, les barons, les premiers du nom qui étaient venus sans un nom, emportant leurs rêves dans la tombe, les fils se contentent de faire tourner la boite, mais le commerce rapidement cède la place à la finance comme moyen
d'enrichissement car la fortune ne se compte plus en millions mais en milliards.
Le centre commercial est envahi de succursales de banques.
Le lutteur Di Paolo …
Toutes les grandes enseignes de jadis, Versailles Bigo Frères, Little Europe, Magasins Fouad Mourra, notre copain Nassim, le Bazar La Poste, les frères Izmery, l'inventeur de l'expression 'sur vos deux Vitiello', Maglio, Caprio, (dont la fille, sinon celle d'un autre de ces Italiens rois de la chaussure, épousera le lutteur Di Paolo, c'est l'époque
où l'on avait droit à plein de spectacles, aussi bien les cirques, les manivelles que les rencontres sportives vraies ou parodiées), comment oublier La Belle Créole si natif-natal qu'elle inspira plein de chansons populaires, nos increvables chaussures Bata,
le magasin L'Abeille pour nos premières cartables de l'année scolaire, le père Acra auquel les femmes enceintes du peuple venaient pour qu'il leur fasse une croix sur le ventre, cela devant porter chance à leur progéniture, tous ces étages de magasins des deux côtés de la Grand'Rue qui lors étaient habités par leurs propres propriétaires et qui de leur balcon saluaient le cortège carnavalesque (ah qu'elles sont jolies les filles de mon pays!) ou le défilé militaire conduit à cheval par le général-président Paul E. Magloire, le chouchou du secteur commercial, tout a été abattu depuis
longtemps …
Une capitale 'pèpè' …
Pour faire place aux 'pèpè.'
Alors, votre fameuse 'mémoire', atterrissez, c'est plutôt celle d'une destruction systématique, et depuis longtemps consommée.
Messieurs-dames, assez rêvé, laissez faire les bulldozers.
Je détruirai ce temple et je le rebâtirai en trois jours!
En effet, faut y croire. Mais peut-on faire autrement?
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince
Centre commercial: de quelle 'mémoire' parle-t-on?
Ou une capitale 'pèpè'
PORT-AU-PRINCE, 15 Septembre - Parlons-nous du même centre commercial?
Celui dont une organisation se plaint qu'on est en train d''effacer toute trace de la mémoire haïtienne'.
Ou celui qu'on peut voir de ses yeux vus si on ose s'aventurer dans la zone en question.
C'est-à-dire tout le bas de la ville.
De la Rue du Centre jusqu'au Bicentenaire, de part et d'autre du Boulevard Jean Jacques Dessalines (anciennement Grand'Rue).
C'est la partie de la ville qui a été la plus détruite peut-être par le séisme du 12 janvier.
Aucun doute là-dessus. Il ne reste rien.
Seul debout le grand bâtiment de la banque centrale ou BRH, construit il y a dix ans à peine par la plus grande firme de construction française, Bouygue.
Au moins on en a eu pour notre argent.
La BRH a tenu. Phare. Citadelle.
Autour d'elle, une, deux, mais pas plus de trois constructions dans lesquelles on oserait mettre le nez.
Il est difficile de distinguer à plusieurs lieues à la ronde cette 'mémoire haïtienne' dont 'on' voudrait effacer toute trace.
Voyons voir. L'antique BNRH (Banque Nationale de la République d'Haïti) abritant par la suite la BNC
(Banque nationale de crédit).
Très endommagée. Mais pas tant pour la faire disparaître.
Quoi encore? La Chapelle de Saint Louis de Gonzague, à la rue du Centre, majestueuse.
Anti-sismique avant la lettre dans son corset métallique.
Peut-être aussi la mini-réplique de la Chapelle Sixtine, l'une des rares survivances du Bicentenaire des années 50, baptisée lors Cité de l'Exposition.
Adieu l'Hôtel de Ville, la Chancellerie, le bâtiment de la Poste, tous réduits littéralement en poussière.
Enseignes lumineuses de notre enfance …
Comme c'est le sort qui attend tout le centre commercial à deux ou trois exceptions près.
Et malgré toute notre bonne volonté - d'ailleurs nous y sommes allés pour ça, pour dire non nous aussi à l'entreprise annoncée d'effacement de 'toute la mémoire haïtienne', mais nous n'avons rien vu, plus aucune trace de ladite mémoire.
Nous sommes venus, nous avons vu, nous n'avons rien vu.
C'est qu'elle avait disparu depuis déjà très longtemps.
Voilà. 'Men koze a.'
Où sont les enseignes lumineuses de notre enfance? La Boulangerie Saint Marc.
Cette fille enroulée sur son ballon et qui nous clignait de l'œil.
Les effets spéciaux avant l'heure du logo de l'Imprimerie Henri Deschamps.
De quel patrimoine historique parle-t-on quand toute trace n'existe plus depuis longtemps du Magasin Oriental, de la Maison Paul Auxilla, distributeur du matelas Beautyrest et du savon Le Chat Ambré, de la Maison Nadal (où l'on allait recevoir nos primes en bouteilles de Mary Brisard et Dubo-Dubon-Dubonnet gagnées
aux jeux de l'antique Radio Haïti à la Grand'Rue) …
La voiture qui fit le plus rêver les Haïtiens …
De la Maison Berhman, qui introduisit la voiture qui fit le plus rêver les Haïtiens, et ce n'est ni la Cadillac ni la Rolls Royce, mais la Dynaflow.
La Compagnie haïtienne de moteurs et la limousine Mercedes offerte par l'aïeul des Brandt à Papa Doc après que celui-ci lui eut fait faire un petit séjour dans ses prisons.
Le Sabot d'or, Cent mille articles, des noms qui devaient rimer avec la fontaine lumineuse du Bicentenaire.
Ce centre commercial-là, qui constituait la 'mémoire', le patrimoine, que l'on voudrait protéger, hélas, nous arrivons bien trop tard.
Le séisme du 12 janvier a bon dos.
Sa disparition s'est faite cependant par étapes.
Ce fut d'abord la mort des grands bâtisseurs. Les géants qui y ont contribué.
Nous ne saurions remonter jusqu'au 19e siècle (bien que l'on pourrait, serait-ce le marché de la Croix des Bossales dont le nom indique bien ce qui s'y passait avant l'Indépendance).
A ce sujet, nous avons notre historien de Port-au-Prince, n'oublions pas, Georges Corvington, 'Port-au-Prince au cours des ans'.
Une marche arrière de plus d'un demi siècle …
Mais plus près de nous, aux environs des années 40, le centre commercial avait connu un développement paradoxalement plus proche d'un certain modernisme que tout ce qui puisse exister en Haïti aujourd'hui.
Donc nous parlons d'une marche arrière de plus d'un demi siècle.
Trop tard pour venir rechercher sous les décombres du séisme la moindre trace de ce patrimoine.
Pur phantasme. Tout est effacé depuis belle lurette.
Sans oublier les incendies. Et surtout les 'déchoucages' (pillages à caractère faussement politique du départ de Baby Doc en février 1986, jusqu'au lendemain du séisme du 12 janvier dernier).
Allez voir par vous-mêmes. Si vous en avez le courage!
Donc les vieux, les barons, les premiers du nom qui étaient venus sans un nom, emportant leurs rêves dans la tombe, les fils se contentent de faire tourner la boite, mais le commerce rapidement cède la place à la finance comme moyen
d'enrichissement car la fortune ne se compte plus en millions mais en milliards.
Le centre commercial est envahi de succursales de banques.
Le lutteur Di Paolo …
Toutes les grandes enseignes de jadis, Versailles Bigo Frères, Little Europe, Magasins Fouad Mourra, notre copain Nassim, le Bazar La Poste, les frères Izmery, l'inventeur de l'expression 'sur vos deux Vitiello', Maglio, Caprio, (dont la fille, sinon celle d'un autre de ces Italiens rois de la chaussure, épousera le lutteur Di Paolo, c'est l'époque
où l'on avait droit à plein de spectacles, aussi bien les cirques, les manivelles que les rencontres sportives vraies ou parodiées), comment oublier La Belle Créole si natif-natal qu'elle inspira plein de chansons populaires, nos increvables chaussures Bata,
le magasin L'Abeille pour nos premières cartables de l'année scolaire, le père Acra auquel les femmes enceintes du peuple venaient pour qu'il leur fasse une croix sur le ventre, cela devant porter chance à leur progéniture, tous ces étages de magasins des deux côtés de la Grand'Rue qui lors étaient habités par leurs propres propriétaires et qui de leur balcon saluaient le cortège carnavalesque (ah qu'elles sont jolies les filles de mon pays!) ou le défilé militaire conduit à cheval par le général-président Paul E. Magloire, le chouchou du secteur commercial, tout a été abattu depuis
longtemps …
Une capitale 'pèpè' …
Pour faire place aux 'pèpè.'
Alors, votre fameuse 'mémoire', atterrissez, c'est plutôt celle d'une destruction systématique, et depuis longtemps consommée.
Messieurs-dames, assez rêvé, laissez faire les bulldozers.
Je détruirai ce temple et je le rebâtirai en trois jours!
En effet, faut y croire. Mais peut-on faire autrement?
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince
Sasaye- Super Star
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Localisation : Canada
Opinion politique : Indépendance totale
Loisirs : Arts et Musique, Pale Ayisien
Date d'inscription : 02/03/2007
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