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Message  Invité Jeu 14 Juil 2011 - 8:12



Voir Limbé et espérer !





Les dix ans de la Bibliothèque Georges Castera de Limbé


[u]Haïti: Par Valérie Marin La Meslée[/u](Prix Jacques Roche 2011 du journalisme culturel)

Quand j'ai vu Clément Benoit II tomber de gratitude dans les bras de Dany Laferrière à l'Hôtel Oloffson -où l'écrivain venait d'arriver de Montréal-, quand j'ai entendu l'éclat de bonheur dans son rire, j'ai compris que le fondateur de la Bibliothèque Georges Castera de Limbé attendait un tel moment depuis... dix ans. L'auteur de « L'énigme du retour » lui a fait cadeau de sa présence pour le dixième anniversaire de la « BGCL ».

Le Samedi 8 juillet, Dany Laferrière, Georges Castera, Emmelie Prophète et Rodney Saint-Lois ont pris le petit avion vers Cap-Haïtien, puis la route, heureux de fêter avec la population dix ans de passion pour le livre et pour la ville de Limbé qu'illustre cet établissement remarquable. « Je suis fou de la Bibliothèque Georges Castera de Limbé », dit Clément Benoit, qui en parle comme un amant transi d'une femme.... Cette folie se partage dans la joie, et qui a fait le voyage à Limbé ne pourra l'oublier.

J'ai eu cette chance après avoir reçu à Paris, en avril dernier, un coup de téléphone de Clément Benoit II m'annonçant que j'étais la lauréate 2011 du prix Jacques Roche du journalisme culturel décerné pour la quatrième année par la Bibliothèque Georges Castera, et pour la première fois à une journaliste étrangère du monde francophone. Grâce au soutien de l'ambassade de France, j'ai pu venir chercher ce merveilleux prix sur place.

Le sieur Clément ne m'était pas inconnu. Lors de mon premier passage à Port au Prince en 2007, où je réalisais une enquête pour le Magazine littéraire et des reportages pour la Radio France culture sur la vie littéraire de la capitale haïtienne, j'avais suivi le conseil de Lyonel Trouillot, m'engageant à faire la connaissance de ce garçon, alors que nous nous trouvions à l'aéroport, de retour de Cap-Haïtien. En m'approchant du garçon en question qui me raconta sa belle aventure, j'étais loin d'imaginer que je la vivrais de si près quatre ans plus tard.

A la veille de l'anniversaire, j'ai découvert cette charmante bourgade du fier Nord haïtien, qui a vu naître le peintre Philomé Aubin et l'écrivain Joseph D. Charles, et participé le lendemain à la fête que le directeur et sa valeureuse équipe préparaient corps et âmes depuis plusieurs semaines. Qu'on se le dise ! Clément Benoit II ne joue pas. « Quand je reçois, je reçois », affirment- il, et ses invités ont pu en juger sur pièce : les uns logés à l'hôtel Montjoly de Cap-Haïtien, partenaire de la bibliothèque, les autres au Limbé même, sur le campus verdoyant de l'hôpital du Bon Samaritain, tout près du Musée historique de Limbé.

De là, on se rend à pied à la bibliothèque, au long de trottoirs impeccables, salués par des visages accueillants. Une partie des Limbéens et Limbéennes, tous âges confondus, s'est déjà installée sur les lieux de la fête, ce poumon culturel que représente la bibliothèque dans la ville. Ecoutez le Docteur Nicael dire combien elle a compté pour lui quand il a pris son poste au Bon Samaritain voici onze ans.

Ecoutez la jeune Fredline qui travaille chaque samedi ici nous dire le rôle qu'elle a joué quand elle revint du Canada dans son Limbé natal, à l'âge de 12 ans : « La bibliothèque m'a sauvée ».

Tout cela vaut bien un tapis rouge, et ces drapeaux hissés en fanfare, s'il vous plait : celui de la BGCL côtoie celui du pays, et cette ouverture en grande pompe laisse les invités médusés. Ils entrent ensuite dans les murs, par la salle Gary Victor (lequel est attendu le 17 juillet pour la clôture de ce mois festif).
Dany Laferrière, lui, découvre émerveillé celle qui porte son nom...La dernière est dédiée à Yanick Lahens, venue ouvrir le bal des dix ans le 3 juillet. Aux murs de la salle de lecture dotée de revues du monde entier, les portraits de tous ceux qui comptent dans la littérature haïtienne semblent vous regarder avec bienveillance. Côté jardin, un large amandier offre son ombrage à l'assistance déjà nombreuse.

Dix ans ? Mais oui! Dix ans déjà qu'un jeune homme, sortant de « Livres en folie » les bras chargés de livres, confiait à Daniel Marcelin qui l'accompagnait : « regarde, j'ai une belle bibliothèque entre les mains ». De quoi en monter une à Limbé dans la maison de ses parents, devenue la « maison aux trésors », comme l'a nommée une de mes consœurs française dans la revue Livres-Hebdo.

Peu à peu, Clément Benoit II a su ouvrir les fenêtres de sa ville sur le monde, en multipliant ses sources d'approvisionnement en livres : salons du livre de Paris, de Montréal, participation généreuse et soutenue des éditions Mémoire d'encrier via leur directeur, Rodney Saint Eloi, sans oublier ces dons reçus de l'épouse de Dany Laferrière, la généreuse Maguy, du Limbéen Philomé Robert, journaliste à France 24. Et jusqu'au député qui a doté l'établissement d'un nouveau dictionnaire.

Et pourquoi l'avoir nommé Bibliothèque Georges Castera, demande un journaliste à Clément Benoit II ? Il raconte que Wooly Saint Louis jean, son professeur au lycée Roussan Camille, lui a fait découvrir et aimer ce poète, que le poète en lui chérit plus que tout autre. Le 8 juillet 2001, La bibliothèque ouvrait ses portes avec 57 ouvrages. Elle en compte 4 322 aujourd'hui. C'est ce miracle, qui en exige plus d'un au quotidien, que l'on célèbre ce 8 juillet 2011 à Limbé au fil de lectures de textes et de musique, tous styles et générations confondus, des diseurs slameurs de « Tambour créole » aux troubadours « d'Entre nous d'Haïti » qui prouvent que les ans n'entament en rien la valeur.

Le directeur de la bibliothèque, orateur qui travaille sans notes, s'exprime en roi de l' « entertainement » limbéen, on le croirait droit sorti d'un film américain des années cinquante. Il n'oublie aucun des sponsors qui permettent à cette belle aventure de perdurer, salue le président d'honneur qui abreuve les lecteurs en cascade d'eau fraîche, remercie ses huit collaborateurs, de la fidèle ménagère Thérèse à sa perle d'assistante, la nommée Urcile, et associe les dynamiques associations de sa ville, en matière de tourisme, de poésie, et d'une jeunesse soucieuse du développement.

A peine a-t-il achevé son discours dans son élégant costume sombre qu'il disparaît pour revenir quelques instants plus tard sur la scène, vêtu d'un tee-shirt orange Barbancourt, installant sur la table les livres des écrivains présents en vue de la séance de signature. Devant cette incessante activité, ma voisine Rachel Casseus, soeur du grand comédien disparu Lobo, s'interroge: « est-ce qu'il a un jumeau ? »

Après lecture d'extraits de leurs textes par les écrivains, ceux -ci répondent aux questions du public agglutiné jusqu'au fond de la cour. Emmelie Prophète, récompensée du prix Joseph D. Charles pour son roman « Le reste du temps » (ed Memoire d'encrier), autre distinction remise paren ce jour d'anniversaire en tant que responsable de la Direction nationale du livre. Elle veille à l'équipement sanitaire des lieux autant qu'au bon déroulement de la fête.

« Il faudrait plus de Limbé dans le monde, et plus de monde à Limbé », dit-elle, et quand on regarde la toile que le jeune peintre Lubin Julemuss, du groupe Tambour créole, a offert à Dany Laferrière, représentant l'écrivain dans une attitude de penseur souriant, une main musicale posée sur la joue à la manière de Jean Price-Mars, l'autre tenant des livres d'où commence le voyage dans le cosmos, l'accord s'avère parfait avec ce moment résumé par l'invité d'honneur : « le cosmos est à Limbé. »

Mais oui. Symbole du Tout Monde de feu d'Edouard Glissant, le petit Limbé est grand, qui rayonne par sa bibliothèque au-delà des frontières. Les lecteurs les traversent entre les pages des livres qu'ils partagent dans la plus belle des relations. Au-delà de sa ville, Clément Benoit II fait porter à dos d'âne des livres aux villages voisins, et près d'une fois par mois, il entreprend la conquête littéraire du pays, en posant des« Livres en liberté » d'une ville à l'autre.

En plaisantant, notre hôte disait à la ronde, à propos de son récent séjour parisien : «Voir Paris et mourir » ! Pour ajouter aussitôt : «voir Limbé et espérer ». La lucidité ne manque pas à cet opérateur culturel acharné, mais il la marie avec un talent de visionnaire et une efficacité d'homme d'action.

Emmelie Prophète, qui travaille à ce que le plus grand nombre d'Haïtiens puisse avoir accès au livre, sait l'énergie que requièrent les espérances têtues et conclut sur ces mots un moment de partage culturel aussi inattendu qu'exemplaire :
« il nous faudrait une dizaine de Clément Benoit pour le pays !».

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