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Saga fanmy Brandt kap fè manchèt depwi yon syèk

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Message  Rico Mer 31 Oct 2012 - 17:24

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Haïti : L’effet Clifford Brandt junior

Dimanche 28 octobre 2012

Débat

Par Leslie Péan

Soumis à AlterPresse le 27 octobre 2012

La famille Brandt défraie la chronique en Haïti, non pas
depuis l’incarcération de Clifford junior, mais depuis un
siècle. La saga de cette famille commence à la Jamaïque
avec la rencontre d’Oswald John Brandt, né dans cette île
en 1890, avec une charmante Haïtienne, Thérèse Barthe,
venue visiter son père en exil. Boyer Bazelais, Anténor
Firmin, Edmond Paul, François Légitime sont tous passés
par ce refuge, toujours prometteur. Les deux jeunes se
marient en 1910 et, suivant le chemin tracé par son cœur,
Oswald Brandt plie bagages et émigre en Haïti. Il a alors
seulement 20 ans.

Une fois en Haïti. O.J. Brandt, dont l’épouse est la
nièce du colonel Jules André, est partout un invité de
marque, surtout chez les anciens exilés qu’il a connus et
aidés à la Jamaïque. Parmi eux, l’influent Antoine
Pierre-Paul et Septimus Marius, qui, nommé ministre des
Finances par Antoine Simon, le place à la Banque
Nationale d’Haïti en 1910 en dépit ou à cause de son
statut d’étranger. Ainsi commence sa carrière de
financier. En 1916, il passe à la succursale que la
Banque Royale du Canada vient d’ouvrir à Port-au-Prince.

Le feuilleton se poursuit. O. J. Brandt gravit très vite
les divers échelons de cette institution pour accéder au
poste de directeur en 1925. On est en pleine occupation
américaine et l’économie du pays est en train de s’ouvrir
au capital étranger. C’est à ce moment que commence la
légende du petit-gars-parti-de-rien-et-qui-s’est-élevé-à-
la-force-de-son-poignet-par-le-travail-et-l’audace.

Le prestige de l’homme est d’autant plus grand qu’il est
le seul homme d’affaires de toute l’histoire du pays à
s’être forgé une réputation de philanthrope à
l’américaine. Le seul à avoir contribué à la diffusion du
savoir et à la formation de la jeunesse par un geste
d’envergure : le don du seul laboratoire d’une école
publique haïtienne, le Laboratoire O. J. Brandt du lycée
Pétion (immeuble compris). Cette dépendance du Vieux
Lycée, presque adossée à la Cathédrale, a été fréquentée
par toutes les générations qui ont étudié à cet
établissement après la fin de la Deuxième Guerre
mondiale.

Cette semaine encore, le nom O. J. Brandt refait surface
dans la mémoire des professionnels passés à cette école à
partir des années 50. En particulier des médecins et des
ingénieurs qui y ont manipulé, pour la première fois de
leur vie, des éprouvettes avec Marcel Francoeur ou des
électrodes et des aimants avec Parnell Marc. Des
professeurs, avocats et fonctionnaires sortis de la
section A et qui ont fait leurs classes terminales dans
les belles salles du second étage de l’immeuble O. J.
Brandt.

Cette histoire à succès comporte toutefois quelques
épisodes peu reluisants et peu connus du public. Après
l’entrée en guerre d’Haïti aux côtés des Alliés, sous
Élie Lescot, Oswald Brandt est un des grands
bénéficiaires de la nationalisation des biens des
citoyens allemands établis au pays (Reinbold, Gerlach,
Gaetjens, Jaeger, Ludecke, etc.), et la presse n’en fait
aucune mention. C’est seulement à la faveur de
l’éclaircie démocratique des premiers jours de 1946 que
le journal La Ruche commence à l’épingler. Et sans
ménagement. Il écrit : « En effet, ce mystérieux
personnage d’Oswald John Brandt, après avoir, sans aucun
doute, "corrompu" son associé Élie Lescot, Grand
Fonctionnaire Public dans l’exercice de ses hautes
fonctions – Délit prescrit par la Loi haïtienne –
l’escroc Oswald John Brandt se fit passer les usines de
Saint-Marc valant au minimum Deux cent mille dollars pour
la scandaleuse somme de trente cinq mille dollars, se
rendant de ce fait coupable au titre de receleur que la
loi Haïtienne punit beaucoup plus sévèrement que l’auteur
[1]. »

La charge est lourde contre le trio Lescot-Brandt-Brouez,
ce dernier étant le commis encaisseur de Lescot.
Difficile de condamner Oswald Brandt sans des preuves
palpables de pots-de-vin. Difficile surtout à cause des
complices invisibles qu’il a alors au sein du Comité
Exécutif Militaire (CEM) qui vient de prendre le pouvoir.
Paradoxalement, les jeunes militants de La Ruche
demandent de soutenir la junte militaire [2]. Difficile
enfin de déboulonner Oswald Brandt, un symbole qui fait
rêver une classe politique avide de ses subsides. Les
jeunes de La Ruche en sont conscients et écrivent : « Si
le monopole de la Fabrique et vente de tissus de coton
Lescot-Brandt-Brouez doit fonctionner sous quelque
rubrique que ce soit, alors vous n’aurez plus rien à
espérer de notre pays, suicidez-vous [3]. »

Une vue en plongée de la réalité

Personne ne s’est suicidé devant les complexités d’Haïti.
Oswald Brandt a traversé tous les mauvais régimes jusqu’à
ceux des dictateurs François et Jean-Claude Duvalier,
jouant continuellement double jeu. En 1961, il est forcé
de financer le bétonnage de la Grand-Rue [4] et même mis
en prison par Papa Doc qui veut lui soutirer de l’argent.
Il se vengera à sa façon. Le journaliste à la retraite
Jean Florival nous apprend dans Duvalier : La face cachée
de Papa Doc qu’Oswald Brandt — qui était son ami
personnel et celui de Gérard Daumec, conseiller écouté de
François Duvalier - alimentait régulièrement la radio
Vonvon en renseignements embarrassants pour le pouvoir.
Cette station clandestine, qui émettait à partir des
États-Unis, fit les délices de l’opposition pendant la
fin des années 1960 [5].

En plein cœur de la dictature féroce de François
Duvalier, O.J. Brandt bénéficie d’un tel prestige au pays
que, même lorsqu’il est pris la main dans le sac, le
pouvoir noiriste et populiste lui réserve un traitement
de faveur. Accusé, avec son fils Clifford, d’avoir
financé l’invasion avortée de la Coalition Haïtienne en
mai 1968 au Cap-Haïtien, il sera logé aux Casernes
Dessalines avec droit de visite, tandis que Clémard
Joseph Charles, le financier d’origine modeste, sera,
selon ses propres dires, enfermé « pieds nus, en caleçon
et chemisette à Fort Dimanche, puis au Pénitencier
national ».

Oswald Brandt construit au fil des ans un véritable
empire. Quittant la finance dès 1928, il décide de faire
cavalier seul et d’acquérir l’usine à mantègue (USMAN).
Il investit dans le textile, avec la filature Brandt
(FITICOSA), et dans l’agriculture, particulièrement dans
l’exportation du cacao et du café (où il devient un des
principaux acteurs). Il est aussi importateur de produits
pharmaceutiques, de véhicules et d’autres produits de
consommation. On le retrouve ensuite dans l’huile de
cuisine, les assurances, puis à la tête de l’usine de
fabrication de pâte de tomates FACOLEF, dans le Sud, et
de la PRINSA (élevage) dans la région de Thomazeau.

La PRINSA a fonctionné de 1981 à 1998 avant d’être
victime de l’embargo des années 1991-1994. La politique
ultralibérale du gouvernement de René Préval en a sonné
le glas. En effet « l’élevage industriel a connu un
véritable déclin vers 1991 à cause notamment de l’embargo
économique et de l’importation massive de morceaux de
poulet congelés. La production est passée de 6 500 000 à
300 000 têtes, puis à 45 000 têtes en 1998 pour les
poulets de chair ; et de 112 000 à 30 000 pour les poules
pondeuses [6]. »

En 1973, cinq ans après avoir été incarcéré avec son père
O.J. Brandt aux Casernes Dessalines, Clifford Brandt
relève le défi d’Alejandro Grullon qui veut implanter sa
banque Banco Popular Dominicano en Haïti. Brandt prend
les devants et crée, avec 420 actionnaires haïtiens, la
Banque de l’Union Haïtienne (BUH) dotée d’un capital
initial de 15 millions de gourdes répartis en 60,000
actions de 250 Gourdes. C’est la deuxième fois que le
secteur privé haïtien crée une banque commerciale, la
première ayant été la création en 1966 de la Banque
Commerciale d’Haïti par le même Clémard Joseph Charles.
Le premier conseil d’administration de la BUH est composé
de Marcel Léger, Président, Marcel Ed. Dupuy, Vice-
Président, Georges Baussan, Clifford H. Brandt, Jehan
Dartigue, Raymond Flambert, Faidherbe Guillaume, Maurice
Mompoint [7], Lucien Rousseau, Membres. Le patriarche
Oswald meurt en 1976 et son fils Clifford prend la barre
qu’il gardera jusqu’à son décès en 2001. Entretemps,
l’empire Brandt essaime à la Jamaïque, aux Bermudes et
aux Bahamas.

Le patriarche, son fils et ses petits-fils gardent une
sérénité de distanciation leur permettant de fructifier
leurs avoirs à une distance respectable des cercles
mulâtristes dominants. On ne s’étonnera donc pas de ne
pas retrouver le nom d’un seul Brandt dans la liste des
41 présidents qu’a eus le Cercle Bellevue de 1905 à 1985
[8]. Est-ce parce que le Cercle Bellevue a été dès son
origine sous l’influence de la communauté allemande avec
des présidents tels que Robert Gerlach, Frédéric
Gaetjens, Carl Jaeger, Fred Ludecke, etc ? Pourtant O.J.
Brandt aurait pu se prémunir de son ascendance allemande,
car son grand-père Wihelm Brandt était allemand [9].

Quoiqu’il en soit, les Brandt ont une vue pratique sur la
société haïtienne, son imaginaire et son anomie, une
perspective qu’on ne saurait sous-estimer. La grande
déception de la vie de Clifford Brandt aura été d’avoir
été mis en quarantaine par le gouvernement américain en
1993, accusé d’avoir agi contre les intérêts américains
en soutenant le coup d’État de 1991 contre le premier
gouvernement de Jean-Bertrand Aristide. À la fin de sa
vie, nonagénaire, il en sortit profondément troublé, ne
pouvant comprendre, de sa hauteur, la vue en plongée que
lui offrait la réalité. Les choses avaient bougé dans
leur fixité.

Le kidnapping sème pour récolter sans attendre

Dans le même temps, la dégradation de la situation
politique et économique affectait les consciences et les
valeurs. Les capitaines d’entreprise sont de moins en
moins considérés comme des valeurs à émuler. Les tontons
macoutes et autres rentiers politiques devenus riches en
un clin d’œil ont imposé d’autres mœurs. Qui représentent
une aubaine pour les forces de la globalisation
économique plus intéressées à mettre au pouvoir des
receveurs d’ordres que des entrepreneurs indépendants.
Tout en déplorant leurs agissements scandaleux, ces
forces globalisantes préfèrent s’inspirer des voyous pour
lesquels les valeurs intrinsèques n’existent pas. Les
générations qui naissent au cours des années 1960-1970
n’ont de modèles que ceux de l’argent volé par des hommes
de sac et de corde.

Le viol de la société haïtienne réalisé par l’occupation
tonton macoute étale son désordre partout même dans les
familles de l’élite. Sous les yeux des parents qui sont
dépassés. L’ascenseur du trafic des stupéfiants accommode
toutes les promiscuités. Les sociologues américains
parleront de l’élite moralement répugnante (morally
repugnant elite) pour rendre compte de la pourriture
observée au sommet de la société haïtienne. Une société
en ruines et qui, de surcroit, trouve des gens à
dévaloriser l’intellectualité. Devant le vacarme des
intérêts particuliers et autres relativités, la note
intellectuelle mettant en valeur la vérité effraie les
petits esprits se délectant dans les cancans.

L’affaire de Clifford Brandt junior, le kidnappeur, qui
défraie la chronique depuis le lundi 22 octobre 2012
s’inscrit dans la décadence de la société haïtienne et
fait pâlir l’histoire d’une famille qui a laissé sa
marque dans la finance, l’agriculture et l’industrie.
Dans un pays qui veut que seule la politique soit fertile
et où les citoyens sont convaincus que c’est l’unique
endroit à semer pour récolter sans attendre. La mentalité
de l’argent facile s’est développée avec le narcotrafic
et son corollaire, le kidnapping contre rançon.

Clifford Brandt junior s’est laissé glisser sur cette
pente dangereuse. Ce faisant, il a délaissé la
civilisation en ne contrôlant pas ses pulsions
d’agressivité. Elles se sont relâchées au point de le
conduire au crime. C’est dans une atmosphère
d’indignation et de réprobation générale que le
kidnapping des deux jeunes Moscoso a été accueilli.
Aucune humanité ne peut être construite avec des
pratiques relevant de la mentalité des fauves. En
attendant de comprendre cette économie affective, il
s’est enfermé lui-même dans le cycle de la violence et de
la terreur. On ne saurait innocenter les criminels
individuels qui terrorisent les familles dans des
kidnappings en série depuis près d’une décennie. Les
enlèvements et séquestrations sont devenus monnaie
courante depuis 2005.

Des hommes sans foi ni loi

La société haïtienne surfe sur le crime impuni depuis sa
naissance. Un groupe de tueurs a organisé des massacres
systématiques depuis ceux des Français en avril 1804, de
Germain Pico en 1805 et de Dessalines en 1806. Un petit
groupe a kidnappé le pays en exploitant la paysannerie
systématiquement. On lui a pris la production de café, de
sucre, de coton, etc. et on lui a donné en retour de la
monnaie de singe. Dans ce kidnapping, il n’a pas eu accès
à la santé, à l’éducation, au logement, à l’eau potable
et à l’électricité. Comme le dit Vertus Saint-Louis « les
habitations sont soumises aux commandants militaires,
eux-mêmes placés sous les ordres des généraux comme
Dessalines, nommés inspecteurs de culture. Les
cultivateurs n’ont pas le droit de se déplacer sans
permission, même pour se rendre au marché [10]. » Les
paysans sont privés de la liberté de se déplacer d’une
plantation à une autre. La nuit les bandes Zobop
continuent l’ordre diurne en exigeant un laissez-passer.
Sinon, c’est la mort !

L’étude de la société haïtienne depuis 1804 indique que
les élites ont accepté de négocier leur position de «
commandeur » en se vautrant dans la fange, entourées de
sbires venus de la « meilleure » société sous Geffrard
avec les Gibosiens et des bas-fonds sous Soulouque avec
les Zinglins. Le kidnapping d’Haïti est consacré dès la
dette de l’indépendance de 1825. La culture de la rente a
développé une pourriture qui s’accumule. Dans les villes,
des hommes sans foi ni loi ont imposé les mœurs vandales
tandis que dans les campagnes leurs alliés ont promu la
peur et la zombification. Registre d’une barbarie qui
connaît des alternances dans le consensus du chen manje
chen pour la destruction de l’Autre. Aversion et
hostilité, affrontements et règlements de compte sont
toujours au rendez-vous dans une culture de vendetta qui
n’a rien à envier à celle des Siciliens ?

La pensée a été combattue. Le baccalauréat a été jusqu’à
la fin des années 60 un lieu où les dissertations étaient
écrites par les étudiants en trois heures sur une feuille
double. L’élève était convoqué à penser sur un sujet qui
lui était proposé. Mais la dégradation de l’enseignement
a fini par convaincre les professeurs de ne plus donner
une feuille double aux élèves. Dès la fin des années
1970, ces derniers recevaient une feuille simple pour
consigner le fruit de leurs réflexions. Il a fallu trente
ans pour éroder les valeurs éthiques du travail bien
fait, de la rectitude et de l’honnêteté qui existaient
dans la vie publique au profit de la débauche et
l’hédonisme tèt kalé. Les certitudes ont dépéri et ce
n’est plus avec de la poésie que l’on courtise une jeune
fille. Le seul paramètre de la séduction et de la valeur,
c’est l’argent, comme l’a souligné le président Martelly
en comparant son fils Olivier aux avocats Newton Saint
Juste et André Michel. La messe est dite !

La baisse du niveau de l’instruction (le moyen) s’est
répercutée sur celui de l’éducation (la finalité). La
constante dialectique entre ces deux niveaux s’est
transmise dans la famille, les comportements individuels,
bref dans la civilisation haïtienne. Exit le contrôle de
soi et l’autolimitation. On se permet d’écrire n’importe
quoi et de dire n’importe quoi. Tout devient vulgarité
jusqu’aux plus hautes sphères de la société et du pouvoir
politique. Cette acceptation n’est-elle pas la forme que
prend le rejet des institutions scolaires, des valeurs,
des mœurs ?

Le chaos de la réalité haïtienne s’est amplifié et la
connaissance est en retard sur ce chaos. Le crétinisme
qui s’est imposé pour gouverner la société haïtienne a
des racines profondes. On les trouve chez ces dictateurs
à la Sténio Vincent et François Duvalier qui, se voulant
providentiels, refusent le pluralisme. On les trouve
également chez ceux qui rejettent les 10plomes, 20plomes
et autres plomes, et qui utilisent leur gouvernement
charismatique [11] pour lancer le pays sur les voies de
garage des industries en cavale. Situation d’autant plus
grave que, comme le dit Norbert Elias, « le commandement
peut échoir à des personnes qui jusque-là n’avaient pas
grand-chose à dire [12]. »

L’orthographe élémentaire

Les discussions vont bon train sur le sort que la justice
haïtienne réservera à Clifford Brandt junior surtout
depuis les déclarations de son avocat Me Calixte Delatour
qui ont provoqué un véritable tollé. Selon son défenseur,
« il ne s’agirait pas d’un kidnapping mais plutôt d’un
problème personnel [13]. »

Au cœur de la stratégie de la défense, on redécouvre des
faits qui remontent à 2007 et qui ont aussi à voir avec
la disparition-exécution de Robert Marcello, directeur du
Centre national de passation des marchés publics. On se
rappelle encore que Fritz Brandt et son fils David Brandt
avaient été mis en prison par le commissaire du
gouvernement Claudy Gassant en juillet 2007 sous le
gouvernement de René Préval. Selon le commissaire
Gassant, ils avaient été pris la main dans le sac pour
une affaire de factures de douane. Il circule toutefois
une autre version des motifs de cette arrestation
intempestive.

Selon cette version, il s’était plutôt agi de mettre au
pas les Brandt qui avaient repoussé une collusion que
leur proposait le pouvoir. Le gouvernement Préval avait
appuyé les concurrents de Brandt qui lui avaient promis
de plus substantielles ristournes sur un contrat d’achats
de véhicules. Brandt se croyait dans son bon droit en
gagnant un appel d’offres ouvert où le moins disant
décrochait le contrat. Il s’est alors fait de dangereuses
inimitiés politiques avec les gangsters de l’entourage de
Préval qui ne lui ont pas pardonné le culot de se
défendre pied à pied contre les vœux du président. Il
avait haussé les épaules, se croyant à l’abri des
poursuites des chacals. Il avait oublié que dans la
culture politique haïtienne, mettez n’importe quel quidam
président et la population tombera à ses genoux.

À ceux qui leur disaient d’être prudents, de ne pas
chercher une plage de sable ensoleillé à la montagne ni
de faire la morale au président Préval, les Brandt
avaient répondu qu’ils étaient des commerçants et pas des
curés. Ce serait là le début de la mobilisation anti-
Brandt qui s’est soldée par la mise en prison du père et
du frère de Clifford Brandt junior. La lutte anti-
corruption étant devenue un habillage de luxe pour les
gouvernements contre leurs opposants. Les Brandt père et
fils sont restés en prison jusqu’à ce qu’ils cessent de
rouspéter.

Dans de nombreuses villes

On ne saurait écarter du revers de la main ces hypothèses
d’explication du comportement de Clifford Brandt junior.
Mais il faut admettre que même dans le cas où elles
seraient justes, la décision de kidnapper les deux jeunes
Moscoso est un remède pire que le mal. La famille Brandt
ne saurait s’affranchir ni s’émanciper du carcan
corrupteur de l’État marron en prenant le chemin du
kidnapping comme revanche. Cela va à l’encontre du besoin
de sécurité incompressible de l’être humain. C’est un
principe intemporel et une logique éternelle pour
l’existence et la viabilité de toute société.

Le procès de Clifford Brandt junior devrait servir de
cadre pour l’évaluation du délabrement de la société
haïtienne, du vide existant dans les esprits et de la
disparition des valeurs. Depuis celles de l’orthographe
élémentaire qui porte des écrivassiers à se balader sur
les réseaux sociaux de l’Internet en écrivant n’importe
quoi sans le moindre respect pour la langue et la logique
jusqu’aux déclarations farfelues de la « diplomatie des
affaires » qui reflète la folie des grandeurs d’un
gouvernement pourtant hué et condamné par des
manifestants dans de nombreuses villes du pays. Il faut
entreprendre des travaux de rénovation, mais il faut
surtout du neuf.

Depuis le procès de la Consolidation, l’État haïtien a
raté toutes les occasions de faire preuve d’une
détermination et d’une capacité d’instaurer la règle de
droit dans ce pays. Qu’il s’agisse d’un simple citoyen
accusé de vols de bétail ou d’hommes d’affaires
puissants, d’adversaires ou de partisans bien placés du
gouvernement, les procès intentés en Haïti ont toujours
été une mascarade. On a encore en mémoire les procès
bâclés de Luc Désir à la chute de Duvalier, de Roger
Lafontant sous le premier gouvernement de Jean-Bertrand
Aristide, de Léon Jeune, Claude Raymond et Prosper Avril
sous René Préval. Le gouvernement actuel aura-t-il la
sagesse et le courage de garantir aux accusés et à la
société haïtienne le procès juste que toute la population
appelle de ses vœux ?

Le décollage d’Haïti se fera au prix d’une rupture avec
la tradition. Le moment est venu de montrer la
possibilité d’une justice égalitaire, loin des brumes et
épaisseurs organisant trafics et influences qui bloquent
ou minent la confiance dans l’État de droit. Puisse
l’attention sérieuse portée à ce procès inciter à une
illustration du bien commun en montrant le triomphe d’une
révolution mentale inscrite dans le sens de la modernité.
Sinon, le gouvernement va au-devant d’affrontements
périlleux, car la société est maintenant au bout du
rouleau.
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