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Entrevue d'Edmond Mulet avec Le Matin

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Message  gwotoro Ven 17 Nov 2006 - 19:31

ENTREVUE / Le chef de la Minustah sans état d’âme

Par Sabine Manigat et Claude Moïse
sabine.manigat@lematinhaiti.com
claudemoise@lematinhaiti.com


Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Haïti, l’ambassadeur Edmond Mulet, a répondu à l’invitation de Le Matin pour une entrevue exclusive, la première d’une série que le journal entreprend avec les grandes personnalités nationales et étrangères dont l’action pèse sur le destin du pays. Accompagné de son conseiller politique, M. Gerardo Le Chevalier, M. Mulet a été accueilli ce 15 novembre dans les locaux du Matin par le président et la secrétaire du Conseil d’administration, M. Réginald Boulos et Mme Anaïse Chavenet. L’entrevue s’est déroulée dans une atmosphère empreinte de cordialité avec la participation du rédacteur en chef, M. Clarens Fortuné et de nos éditorialistes Sabine Manigat et Claude Moïse. Trois grands thèmes ont été abordés et ont fait l’objet d’échanges fructueux dont nos lecteurs se rendront compte dans nos prochaines éditions.

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies annonce le début de la certification – en clair, l'épuration – de la police

La question de la sécurité est, de loin, celle qui mobilise le plus la Minustah. Pour l'heure le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies annonce le début de la certification – l'épuration, en clair – de la police. Il s’agit ni plus ni moins que de la mise en application des mesures négociées en mars 2006 par le gouvernement Latortue. Depuis quelques jours déjà, une commission bipartite PNH-Minustah a entamé l’exercice de révision systématique des dossiers de tous les membres de la PNH, en commençant par sa direction. À mesure que les policiers de haut niveau sont « certifiés », ils sont confirmés dans leurs fonctions et peuvent intégrer à leur tour une commission de vérification. Ce processus doit durer plusieurs mois. Le représentant du secrétaire général nous explique sur quelle base se fait la vérification. Interrogé sur les conséquences, à court terme, du déficit de personnel de sécurité engendré par ce processus « d’amaigrissement » de la police, l’ambassadeur Mulet se montre conscient du caractère délicat du moment, mais il demeure confiant dans les résultats positifs qui en sont attendus.

... après une alternance de conjonctures difficiles, comme en décembre 2005 ou en août 2006, et de périodes d’accalmie (mars-juin 2006), de nouveau la situation semble s’améliorer...

Répondant à nos inquiétudes sur la température actuelle en matière de sécurité, M. Mulet soutient, statistiques à l’appui, qu’après une alternance de conjonctures difficiles, comme en décembre 2005 ou en août 2006, et de périodes d’accalmie (mars-juin 2006), de nouveau la situation semble s’améliorer. Le chef de la Minustah s’est étendu sur la question. Il attribue d’emblée cette embellie à l’affirmation d’une volonté de la part des autorités haïtiennes. La stabilisation de la présence de la PNH dans Cité Soleil en est un exemple.

L’État, c’est la carotte, nous sommes le bâton

Les patrouilles conjointes avec la PNH sont quotidiennes et de plus en plus systématiques. La coopération entre la police haïtienne et les forces onusiennes est essentielle selon lui pour la réussite de la mission. Par contre, le représentant de Kofi Annan se fait bien plus discret et diplomatique lorsqu`il s’agit de se prononcer sur la stratégie de la « carotte et le bâton » adoptée par le gouvernement Alexis vis-à-vis des gangs armés. « L’État, c’est la carotte, nous sommes le bâton » se limite-t-il à commenter.

Le représentant du secrétaire général de l’Onu insiste par ailleurs sur l’ensemble des changements d'ordre socio-économique qui conditionnent le succès des réformes institutionnelles en cours ou envisagées en Haïti

Le Matin a abordé également avec l’ambassadeur Mulet le thème de la justice et de la réforme judiciaire. Le processus est plus complexe et sera plus lent, affirme M. Mulet. Parmi les nombreuses contraintes qui compliquent ce dossier les prescrits de la Constitution de 1987 ne sont pas les moindres. On se souvient que M. Mulet avait, avant même son arrivée en Haïti, suggéré d’adjoindre des professionnels francophones aux membres de la profession juridique. Il se montre aujourd’hui plus prudent, conscient de l’ampleur des enjeux et des liens multiples existant entre la réforme de la justice et la construction ensemble de l'État de droit. Le représentant du secrétaire général de l’Onu insiste par ailleurs sur l’ensemble des changements d'ordre socio-économique qui conditionnent le succès des réformes institutionnelles en cours ou envisagées en Haïti. C’est en somme tout l’édifice institutionnel, à commencer par les trois pouvoirs de l’État, qu’il s’agit de consolider. Une telle vision amène d’emblée M. Mullet à opiner sur le futur de la Minustah dans notre pays.

Enchaînant sur les problèmes de renforcement des institutions nationales, étatiques ou civiques, l’ambassadeur Mulet situe l’importance de ces questions dans le cadre du mandat de la Minustah. Le dialogue national, l’appui aux instances électorales, les programmes d’accompagnement des parlementaires ou des élus locaux sont, parmi d’autres, les sujets abordés dans ce domaine.

Le chef de la Minustah n’est, par ailleurs, pas insensible aux manifestations d’hostilité qui visent les forces onusiennes. Il distingue deux catégories d’opposants, ceux qui de toute façon trouvent leur compte dans la perpétuation de l’insécurité et dans l’affaiblissement de l’État et ceux qui, par fierté patriotique, s’offusquent de la présence de forces armées étrangères sur le territoire de leur pays, un pays au passé si glorieux.

L’ambassadeur, qui entreprend systématiquement de connaître le pays – il a déjà fait les dix départements en cinq mois de mission s’émerveille de la beauté d’Haïti et de ses ressources. «J’ai demandé, et choisi de venir en Haïti», confie-t-il en nous racontant avec humour les circonstances de sa nomination.

Biographie

Né au Guatemala en 1951, Edmont Mulet a réalisé des études dans son pays, à Montréal, à New York et en Suisse. Il a été choisi par le secrétaire général Kofi Annan en mai 2006 comme son représentant spécial en Haïti et chef de la Minustah pour succéder au Chilien Juan Gabriel Valdes. M. Mulet a servi comme ambassadeur du Guatemala auprès de l’Union européenne, du Royaume de Belgique et du Luxembourg. Ce diplomate a représenté son pays dans des réunions préparatoires de plusieurs sommets entre les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe et l’Union européenne.

Mulet était élu au Congrès national du Guatemala en 1982. Candidat à l’Assemblée constituante nationale en 1984, il est élu au Congrès pour la période 1986-91 et rempile à ce poste en 1990 pour la période 1991-96. Durant son mandat au Congrès, il était impliqué dans le processus de paix en Amérique centrale, les Accords d’Esquipulas et les négociations de paix au Guatemala. Nommé ambassadeur du Guatemala aux États-Unis en 1993, il abandonne ce poste après le coup d’État dans son pays la même année. Après la restauration de la démocratie, il reprit ses fonctions en 1996. À son retour au Guatemala, il a été choisi pour occuper le poste de secrétaire général du parti « Union del Centro Nacional ».

vendredi 17 novembre 2006


Dernière édition par le Mar 21 Nov 2006 - 21:11, édité 1 fois

gwotoro
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Message  gwotoro Mar 21 Nov 2006 - 21:00

Choisi parmi 26 candidats


Edmond Mulet nous a raconté d’une manière plutôt rocambolesque sa désignation au poste de représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Haïti.

Le choix parmi 26 candidats se rapetissait au fur et à mesure que s’affinaient les critères de sélection : l’élu devait parler français, avoir servi dans la diplomatie, avoir une expérience politique…

Le panel du Matin qui l’interviewait s’est pratiquement tordu de rire. Voici l’histoire à quelques détails près.


Mulet était preneur. Le poste ne lui a pas été imposé. Ayant entendu dire que Juan Gabriel Valdès quittait Haïti, il s’est volontairement porté candidat à la succession du Chilien. Détail non négligeable : Mulet était déjà venu en mission en Haïti. Il postule donc. Des mois passent. Il est sans nouvelle de l’Organisation des Nations unies.

Un beau jour, son portable sonne. C’est un Tunisien : « Bonjour. Je vous appelle du bureau du secrétaire général à New York. Etes-vous toujours intéressé au poste de représentant spécial en Haïti ? ». Oui, bien sûr. Billet d’avion et réservation d’hôtel en poche, il se rend donc au siège. Il est le deuxième de trois candidats retenus à être interviewé. Il est assis seul d’un côté d’une grande table face à un panel de trois personnes à la mine plutôt patibulaire. Visages fermés. Rien ne transpire. Il se répand sur sa perception de Cité Soleil et sur les meilleurs moyens de contrer la violence des gangs armés à Port-au-Prince. « Je trouve votre approche plutôt molle ! » lui lâche sentencieusement l’un des membres du panel quand il a fini son exposé.

Le comité promet de lui faire signe lorsqu’il aura jaugé les deux autres candidats. Il lui recommande toutefois de ne pas s’éloigner de New York où il risque de revenir.

Pour passer le temps, il va flâner à Times Square, place mythique de Manhattan. Son portable sonne. Il doit rappliquer au siège où il est reçu par un adjoint du secrétaire général qu’il décrit comme une « armoire à glace ». Un rendez-vous est proposé à 10 h a.m. avec Kofi Annan en personne. Mais l’agenda du secrétaire général est surchargé. Pa yon twou pou pike zepeng ! Eclair de génie : l’adjoint propose au secrétaire général de présider à sa place une réunion, ce qui lui permettra de rencontrer le candidat Mulet.

Affaire conclue. Voilà les deux hommes face à face. Ils se rencontrent pour la première fois. Annan n’arrête pas de dire : « Quand vous serez en Haïti… quand vous aurez à faire ceci, quand vous aurez à faire cela… » Edmond Mulet croit pressentir sa nomination. Mais le secrétaire général prend congé de lui sans lever le voile sur ses intentions.

Le Guatémaltèque reprend le chemin de l’aéroport John F. Kennedy. Sa carte d’embarquement en main, il s'apprête à monter à bord de l’avion. Le portable sonne. Il est réquisitionné par les Nations unies.

Quand il reçoit la confirmation qu’il est retenu pour le poste, il prend son portable et appelle son épouse pour lui annoncer la bonne nouvelle. C’est très bien, se réjouit-elle. Mais sans se départir pas d’un pragmatisme bien féminin – Mulet dixit –, elle pose à brûle-pourpoint la question : « Le salaire est de combien ? » – Je ne sais pas, répond-il, décontenancé. La question n’a pas été abordée.
A.C.

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Message  gwotoro Mar 21 Nov 2006 - 21:04

Lutte contre l’impunité / « Un pas est franchi »

Par Marc-Kenson Joseph
jmarckenson@lematinhaiti.com

Veston gris, sourire aux lèvres, le représentant du Secrétaire général des Nations unies en Haïti, le Guatémaltèque Edmond Mulet, a répondu, avec son franc parler habituel aux questions relatives à l’épuration de la Police, la sécurité en général et aux élections du 3 décembre.

Le chef de la Minustah, qui déplore l’image négative d’Haïti projetée à travers le monde , se propose de présenter une autre vue d’Haïti aux conférences des bailleurs du 30 novembre à Madrid et du 6 décembre à Miami. Voici l’essentiel de l’interview exclusive accordée mercredi à Le Matin.


Le Matin : Où en est-on avec le programme de certification (veting) des agents de la PNH ?

Edmond Mulet: Le programme de réforme de la PNH a été approuvé en mars 2006 par le gouvernement Boniface/Latortue avec le soutien de la communauté internationale. Il n’y a pas que les Nations unies. Les bailleurs de fonds, américains, canadiens et français ont eux aussi participé à ce plan de réforme. La semaine dernière, le haut commandement de la Police nationale a annoncé la certification de tous les membres de la police.

En effet, une commission bipartite PNH-Minustah a entamé, le lundi 13 novembre, l’exercice de révision systématique des dossiers. Le directeur Mario Andrésol est le premier à y avoir été soumis. S’en suivront les autres cadres. À leur tour, s’ils sont confirmés dans leurs fonctions, ils pourront intégrer la commission de vérification. Ce processus doit durer plusieurs mois. C’est un grand pas vers la fin de l’ère de l’impunité en Haïti. Des conflits internes, la dictature, des gouvernements corrompus, les négociations de paix, les accords etc., en Amérique latine et centrale, nous sommes passés aussi par ce processus.

Tous les membres de la Police qui auraient été impliqués dans des délits, des crimes ou suspectés de participation dans des activités illégales devront laisser la force. C’est une investigation sérieuse qui se fait. Il y aura des témoignages, des révisions de dossier, des consultations de comptes bancaires, des visites à domicile. J’ai vu quelques dossiers et je crois que c’est vraiment cette volonté de la direction de la Police nationale, des ministères de la Justice et de l’Intérieur de pousser pour que ceci donne des résultats le plus vite que possible. Je trouve ça très très encourageant. C’est vraiment une plaque tournante dans l’histoire d’Haïti. Je n’ai pas encore compris pourquoi les médias, les partis politiques, et même le gouvernement n’ont pas encore réfléchi sur la transcendance de ce moment dans l’histoire haïtienne.

LM : Dans la planification de la certification de la PNH, est-il prévu de faire la connexion avec les membres des agences de sécurité et existe-t-il un rythme de remplacement rassurant ?

EM : À un moment donné, cela va causer certains problèmes. Parce que il y a dans la force policière des personnes impliquées dans des délits, d’autres qui ont une histoire peut-être criminelle et ils devront partir. Cela va créer du chômage. Je crains, à un moment donné, qu’on n’ait une réduction d’effectif à cause de la certification de la Police. C’est un cercle vicieux. À un moment donné, il faut sortir de ce cercle. Je crois que le moment est arrivé. C’est une décision du gouvernement avec l’appui de la communauté internationale pour commencer avec cette certification. Il y aura des conséquences judiciaires également suite aux dénonciations, accusations.

On peut parler aussi des problèmes de la justice, de la capacité du système judiciaire à administrer la justice. C’est un autre problème. Mais, on ne peut pas attendre d’avoir un cadre judiciaire complet, à avoir les remplaçants des policiers qui vont partir sinon on ne commencerait jamais.

Mais, parallèlement, nous faisons la formation à l’Académie de police. En décembre, on aura la 18e promotion. Il y aura peut-être un déficit mais il y aura 750 nouveaux policiers environ tous les six ou huit mois. On espère générer les éléments qui vont les remplacer le plus tôt que possible.

La création d’un État de droit en Haïti est fondamentale. Aujourd’hui, on parle d’infrastructures, de création d’emplois, d’assistance internationale, d’investissement international, de la diaspora qui va ramener de l’argent dans le pays, la présence de la communauté internationale à travers des projets de développement, etc. Mais, je ne vois rien de ça arriver s’il n’y a pas cet état de droit dans le pays. Certes, il y a des initiatives du secteur privé haïtien qui ont donné un gage de confiance au gouvernement et au processus. Mais ce n’est rien comparé à ce qu’on aurait en Haïti s’il y avait cette base fondamentale qu’est l’Etat de droit. L’épuration de la Police est nécessaire pour créer cet engouement.

LM : Les services d’intelligence français et américains fourniront- ils des informations à la commission de certification ?

EM : Je ne sais pas. Mais, je crois que c’est à la PNH d’en faire la demande car c’est elle qui conduit le processus.

LM : Entre une PNH épurée et le désarmement, la priorité ?

EM : Je dirais qu’il faut aller avec ce qui est possible. Parce que le désarmement en Haïti, ce n’est pas comme le programme de DDR qu’on voit partout dans le monde. C’est complètement différent. Si, dans d’autres régions du monde, on négocie avec une force de guérilla ou une armée rebelle, ici le pro- gramme devra toujours s’adresser à l’individu. C’est une décision volontaire de celui qui porte une arme de la remettre et de s’inscrire dans un programme de formation pour se réintégrer dans la société…

Aussi, en Haïti tout le monde est armé, à tous les niveaux. Avec nos check point, qui fouillent environ vingt-quatre mille voitures par semaine, on remarque que la plupart sont armés et ont des permis de port d’armes. Je crois qu’à un moment donné le gouvernement, le Parlement devront faire face à cette situation. Il faut avoir une nouvelle législation sur le droit du port d’arme et recertifier, réenregistrer les personnes qui ont droit à une arme et faire les preuves balistiques de chaque arme, etc.

LM : La Minustah, techniquement, est-elle consciente de renforcer la capacité, d’apporter de l’aide à la Police pour faire face aux problèmes criants qui se posent, de plus en plus difficiles, des interventions brutales et même meurtrières ?

EM : Je suis très encouragé par la façon dont la PNH est en train d’assumer ses responsabilités. À mon arrivée, il y a cinq mois, je ne voyais pas cette volonté, cette détermination de la PNH de participer, de s’engager – même avec nous - dans des opérations sécuritaires. Maintenant, le gouvernement a pris en charge la coordination de tout l’aspect sécuritaire. Durant le gouvernement intérimaire, c’était plutôt une responsabilité de la Minustah.

Aujourd’hui, le gouvernement prend des initiatives, et nous, nous suivons les indications et les instructions. Nous sommes là pour appuyer et soutenir le gouvernement dans cet aspect sécuritaire.
De plus en plus, on voit que la PNH s’engage dans des patrouilles, des check point. Nous accompagnons la PNH dans des opérations un peu partout dans le pays et surtout à Port-au-Prince. Quelque chose qu’on ne voyait pas depuis quelque temps. L’exemple le plus clair, c’est le 3 octobre à Cité Soleil. Presque trois ans depuis que la Police nationale n’entrait plus dans ce quartier. Depuis cette semaine, la police patrouille toute seule le quartier. À Martissant, on faisait des patrouilles avec les soldats sri lankais. Mais, depuis la semaine écoulée, des patrouilles conjointes se constituent.

Les agents de la PNH ont beaucoup plus de capacité, de formation, ils se sentent plus à l’aise pour nous accompagner. Aussi, il y a la contribution des bailleurs de fonds pour l’équipement de la PNH. Avant, pour nous accompagner, les agents n’avaient pas de casque, de gilet pare-balle, d’armes. Maintenant, la PNH est équipée de voitures, d’armes.... Le secrétaire d’État à la Sécurité publique, Luc Eucher Joseph, est celui qui convoque la Minustah pour faire la coordination d’opérations avec les bailleurs de fonds, etc. De plus en plus, on voit cette responsabilisation du gouvernement haïtien.

LM : Du côté politique, il y a des réactions nationalistes assez poussées, des manifestations aujourd’hui et d’autres à venir. Comment êtes-vous prêt à faire face à cet ensemble de situations ?

EM : Quand on est en train de préparer un État de droit en Haïti, c’est sûr que cela gêne. Il y a des secteurs ici qui bénéficient de l’impunité : des personnes participant dans la contrebande, dans le trafic d’armes, de drogues, etc. qui n’aimeraient pas que l’État de droit soit établi dans le pays. Parfois, il y a des gens qui réclament le départ de la Minustah. Quand on regarde un peu, on voit de qui il s’agit, alors, on comprend quelles sont les vraies motivations de ces groupes qui aimeraient que la communauté internationale les laisse tranquilles parce que c’est un problème pour eux.

De toute façon, les Nations unies ne vont pas rester en Haïti pour toujours. On ne peut pas parler de temps. On peut parler surtout de tâches. En voyant comment, si vite et avec combien de compétence, le gouvernement assume certaines responsabilités, je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Tous les jours, nous sommes attaqués, sous pression des bandits parce que dans cette opération sécuritaire que nous avons montée avec le gouvernement, la PNH, le Premier ministre, nous nettoyons certains quartiers. Et quand on repousse les bandits, quand on les concentre un peu partout, naturellement, il y a des réactions. À Cité Soleil l’autre jour, il y avait une manifestation des bandits qui demandaient que parte la Minustah. C’est évident que ce sont des gens qui n’ont aucun intérêt à ce que nous complétions notre travail en Haïti.

LM : Vous ne pensez pas que des gens qui ne sont pas des bandits, qui ne sont pas liés au trafic d’ armes ni à la corruption, puissent avoir aussi envie de voir partir la Minustah ?

EM : Si j’étais Haïtien, je n’aimerais pas voir des troupes étrangères promener sur le territoire de mon pays. Ça c’est clair. Je comprends que c’est une réaction normale, une réaction qui vient du cœur. Surtout, qu’Haïti est un pays qui a une histoire exemplaire. Mais, d’un autre côté, il faut reconnaître que cette présence des Nations unies ici n’est pas une présence impérialiste comme celles qu’a connues le pays auparavant. Ce n’est pas une présence de domination, de volonté de venir contrôler le pays, ni économiquement, ni politique- ment, ni militairement. Si vous voyez la composante de la Minustah, elle est surtout latino-américaine. Ce ne sont pas les marines américains. C’est une présence de très bonne volonté, de soutien, de fraternité, de voir en Haïti un progrès, un développement, pour qu’Haïti ne soit plus le dernier de la classe.

Même s’il y a beaucoup de problèmes, on peut dire avec conscience mais avec fierté aussi, que la Mission des Nations unies a contribué à ce qu’il y ait un processus positif dans le pays. Même le fait d’avoir réalisé des élections qui ont été un exemple de participation, de motivation, de respect pour les autres... Je suis très optimiste, très encouragé quand je vois cette décision des partis politiques de travailler tous ensemble. Ils reconnaissent que durant ces vingt dernières années, cette polarisation, ces conflits internes n’ont rien produit et que maintenant il faut travailler ensemble. Comme je le dis toujours, en Haïti le mandat présidentiel est de cinq ans. Si les politiciens haïtiens pouvaient travailler ensemble pendant au moins quatre ans avec un projet commun, ça ferait l’affaire.

LM : Quelle est la position de la Minustah par rapport aux négociations avec les bandits armés ?

EM : C’est une responsabilité du gouvernement. Ce n’est pas à la Minustah, aux étrangers de parler avec les membres de gangs. Nous savons qu’il y a des pourparlers pour essayer de les convaincre de déposer les armes. Le gouverne- ment est la carotte et nous sommes le bâton. Nous encerclons de plus en plus les bandits, nous avons des survols d’hélicoptère, des photo- graphies aériennes de tous les endroits, nous avons les adresses, les noms…nous avons tout identifié.

LM : Vous avez tous les moyens pour entrer ?

EM : Oui et non. Nous ne pouvons aller ni plus vite ni plus loin que ce que le gouvernement nous demande de faire. Nous sommes prêts à répondre aux initiatives du gouvernement. Je préfère résoudre le problème des bandits sans confrontation, sans incident violent ou sanglant. Je crois que ça vaut la peine de donner au gouvernement l’espace et l’opportunité de résoudre le problème de cette façon avant de prendre une autre décision.

LM : Qu’en est-il du kidnapping ?

EM : Grâce à la présence de la PNH et de la Minustah, il y a eu une réduction des cas de kidnapping. En novembre, décembre 2005 et janvier2006, juste avant les élections, on enregistrait 300 à 400 cas de kidnapping par mois. C’était terrible. Après les élections c’est réduit pas mal. Au mois de juillet, on a vu la remontée (200). Plus ou moins la même chose en août. Mais à partir du 15 août, avec toute l’opération sécuritaire, en septembre c’était la moitié, en octobre c’était la moitié de septembre et en novembre c’était la moitié d’octobre. De 200 nous sommes passés à 20-30 cas de kidnapping par mois.

lundi 20 novembre 2006

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Message  gwotoro Mar 21 Nov 2006 - 21:05

Insécurité : le « coup de pouce » des medias

Selon le chef de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), les médias ne devraient pas accorder autant d’espace aux bandits. « Je sens que les médias (quotidiens, télévisions et radios) haïtiens donnent aussi un coup de main aux bandits et à créer cette image négative du pays. Dans aucun pays du monde, on ne donne de l’espace, de la crédibilité à des bandits. Quand ils annoncent leurs forfaits c’est un délit de sédition ».

Edmond Mulet, estime que « si les médias ne les reproduisent pas (les déclarations des bandits), ils seront seuls à crier. Ils doivent être isolés. Tout appel à la violence est inacceptable partout dans le monde ». Le Guatémaltèque prône l’existence d’un cordon sanitaire, soutenant que les médias, la population, la société civile, etc. n’ont rien avoir avec les bandits. Le fait de leur donner de la crédibilité est en train de nuire le processus politique en Haïti, conclut-il.

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Message  gwotoro Mar 21 Nov 2006 - 21:10

HAÏTI / DÉCADENCE / Que s’est-il passé, s’interroge Edmond Mulet

Par Marc-Kenson Joseph
jmarckenson@lematinhaiti.com

(Suite et fin d’une interview exclusive)

Le représentant du Secrétaire général des Nations unies en Haïti, Edmond Mulet, applaudit le déroulement du processus électoral en Haïti.

Dans l’interview accordée au journal, Edmond Mulet a abordé dans toutes ses dimensions la question de la réforme judiciaire ainsi que la mise en place d’infrastructures dans le pays.


Le Matin : Deux pays auraient émis des doutes quant à la possibilité de la tenue des élections à la date du 3 décembre. Etes-vous au courant ?

Edmond Mulet : Non. Il ne s’agit pas d’objections. On a reçu deux lettres de deux ambassades qui réclamaient des clarifications sur le processus électoral. Je crois que ce dernier avance très bien. Toutes les réticences et réserves que certains groupes avaient ont été revues et tout a été résolu. Il y a eu des doutes sur la capacité de l’instance chargée d’imprimer les bulletins (Le Nouveau Matin S.A). Mais, l’on constate que l’imprimeur a, au contraire, avancé la date de livraison de deux semaines. Tout est prêt. Tout est bien fait. La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) se charge de la logistique.

Je suis confiant qu’on aura de très bonnes élections le 3 décembre. Il y aura peut-être, comme partout dans le monde - surtout quand on a presque trente milles candidats- des incidents ici et là. C’est un processus électoral nécessaire, fondamental pour boucler ce cycle électoral. Avec ces élections municipales et locales, le processus de décentralisation en Haïti pourra commencer.

LM : À quand la réforme de la justice ?

EM : Le ministère de la Justice travaille avec la communauté internationale. Le gouvernement a proposé trois lois fondamentales au Premier ministre. Elles n’ont pas encore été approuvées par son cabinet. Ces lois portent sur l’École de la magistrature et son statut ainsi que sur l’organisation du système judiciaire en général. L’année prochaine, elles devront être approuvées par le Parlement. C’est la base nécessaire pour constituer le système.

Cependant, compte tenu de l’aspect constitutionnel, il faut attendre les élections municipales car ce sont les Asec, Casec, qui ont la responsabilité d’entamer la mise en place non seulement du Conseil électoral permanent mais également le renforcement du système judiciaire. Ils vont élire les juges de paix, les juges des Cours d’appel… Je n’ai jamais vu ça dans aucun pays étranger. C’est vraiment très décentralisé, très démocratique.

LM : Comment va-t-on procéder dans le cadre de cette réforme?

EM : Le plan de réforme de la justice en Haïti est comparativement en retard par rapport à ce qui se fait ailleurs. Il débute à peine. Les trois lois précitées en constituent la base.

LM : Tenant compte de la complexité que posent les contraintes légales et constitutionnelles, comment la Minustah pourrait-elle aider à faire ce travail de réforme au sein de la justice ?

EM : Seulement au niveau technique et aussi dans les aspects où le gouvernement veut avoir une assistance, un accompagnement de la communauté internationale. C’est au gouvernement de nous dire dans quels aspects, dans quels secteurs et quand. Ce sont des initiatives du gouvernement haïtien. Nous sommes là avec la meilleure disposition à aider, à appuyer, à accompagner. Ces initiatives ne reviennent pas à la communauté internationale mais à l’Assemblée nationale haïtienne.

On ne peut pas parler de plan de réforme judiciaire sans y inclure celui de la Police nationale d’Haïti. Cela fait partie de toute une juridiction globale de gouvernance, de création d’institution. Tout est vraiment lié, attaché à l’aspect fiscal. Quand un policier gagne $150 par mois et qu’un juge gagne $200 par mois, c’est aussi un grand problème. Moi, si j’étais juge et que je percevais $200 par mois, je me demanderais, je me demanderais… ! Alors, mieux vaut vraiment créer des conditions pour qu’il y ait des salaires dignes. Ça, c’est très important.

On peut passer par la certification de la Police mais si on ne l’accompagne pas d’un processus qui tienne compte de la dignité des fonctionnaires, cela ne va servir à rien. De même, on peut avancer dans le processus de réforme judiciaire mais si on ne prévoit pas des salaires dignes à l’intention des représentants d’État et administrateurs de justice, cela ne va non plus servir à rien. Pour cela, je vois avec beaucoup d’optimisme les actions entreprises par le gouvernement pour générer des revenus (contrôle sur la contrebande, paiement des taxes…). Il faut donner à l’État haïtien les ressources nécessaires lorsqu’on se rend compte que 60 % du budget national est un appui budgétaire direct de l’étranger. Alors qu’au moins 200 à 300 millions de dollars se perdent tous les ans dans la contrebande.

L.M : Avez-vous fait un état des lieux ?

EM : Je suis là depuis cinq mois, j’ai fait le parcours des différents départements et chefs-lieux du pays. Partout où je vais, je visite les maires, les Hôtels de ville et les registres civils. Je ne retrouve pas de registre civil. Parfois je ne vois jamais un bureau. Parfois une table et une chaise. Il n’y a pas un bout de papier, pas de cahier, pas de machine à écrire, les bébés sont en train de naître et ils ne sont pas enregistrés, les gens meurent mais les décès ne sont pas reportés.

Même le registre civil, la base fondamentale de tout Etat, est absent en Haïti. Je me pose la question au sujet des autres institutions puisque celle qui donne un sens à une communauté est pratiquement inexistante. C’est une vision globale qu’il faut avoir sur l’ensemble des institutions. Or, en Haïti, dans les années 30-40, il y avait des institutions, des routes. Qu’est-ce qui s’est passé ? Quand il y a quarante ans, la devise haïtienne était comparable à celles de l’Amérique centrale ou de la République dominicaine, du reste de la Caraïbe, etc., et maintenant, c’est un monde de différence.

Durant les vingt dernières années, combien de fois la communauté internationale a-t-elle eu à intervenir en Haïti ? Huit, neuf fois. On rentre. On s’en va. Quand on ne voit pas les millions de dollars que l’on dit avoir investis dans le pays - on ne voit même pas un registre civil - je me demande si la communauté internationale ne devrait pas faire un examen de conscience, un examen de la façon dont les travaux sont réalisés, de nos efforts de développement, de soutien et d’appui en Haïti. Mais je crois aussi que les Haïtiens devraient faire un examen de conscience sur la façon de faire les choses autrement.

LM : Quel est le rôle que les Nations unies (Minustah) pourraient jouer dans la reconstruction des infrastructures dans ce pays ?

EM : Les Nations unies ne font pas de construction d’infrastructures. On n’a pas de projet, on n’a pas d’argent. C’est la responsabilité des institutions financières internationales, des bailleurs de fonds. S’il n’y a pas une stabilité politique et une vision à moyen et long terme, je crois que la communauté internationale ne sera pas intéressée à venir investir dans des infrastructures. C’est pourquoi la Minustah joue un rôle important : stabiliser le pays, aider à construire des institutions (PNH, le système de justice…). Permettre aux autres de faire leur boulot sur le terrain.

D’ici à février-mars de l’année prochaine, on espère voir sur le terrain des chantiers importants tels des constructions de plusieurs routes. En outre, s’il y a la stabilité politique, d’autres secteurs vont également investir. Je suis vraiment émerveillé par la beauté du pays, la quantité de belles plages…vraiment c’est une beauté extraordinaire. Mais, il faut une vision générale du pays.

Parallèlement, nous accueillerons de nouveaux policiers dont certains spécialisés dans l’administration de la police. D’ici à quelques mois, le nombre de militaire sera révisé. La situation en Haïti est beaucoup plus policière que militaire.

LM : Comment décrivez-vous cette vision ?

EM : Le Premier ministre Alexis, avec son plan gouvernemental, a une vision claire : la gouvernance, la lutte contre la corruption, la lutte contre l’impunité, l’Etat de droit, le dialogue national, la réconciliation nationale…

Je suis très encouragé par la détermination du gouvernement à travailler, par la façon dont les partis politiques les plus importants travaillent la main dans la main, par la volonté de la classe dirigeante non seulement politique mais économique du pays de travailler ensemble.

Je vois aussi avec une grande satisfaction la qualité des membres du gouvernement. Dans mon pays, au Guatemala, j’aimerais avoir des dirigeants de ce niveau (moral, académique, intellectuel) que vous avez ici en Haïti. La détermination du gouvernement est une garantie pour la communauté internationale, les électeurs et la population haïtienne en général.

LM : Que dites vous de la cherté des opérations de l’Onu ?

EM : Je suis complètement d’accord que les dix-huit opérations des Nations unies sont très, très chères. Mais lorsqu’on se rend compte que les opérations de maintien de la paix coûtent quatre milliards de dollars par an et qu’une guerre comme celle qui perdure en Irak, par exemple, coûte 6 milliards de dollars par mois, alors c’est vrai, les opérations de paix sont très coûteuses mais les guerres sont encore plus coûteuses.

mardi 21 novembre 2006

gwotoro
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