La politique du « tout va mal »...
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La politique du « tout va mal »...
Une lecture à partager ci-dessous
Cette tendance, bien de chez nous, à ne pas rendre publique notre part de bonheur et de bonne humeur, m'a longtemps donné à moi, la « native natale » soucieuse du politiquement correct, la peur d'écrire. Vu que je n'ai jamais eu envie, ni les dispositions naturelles pour me lamenter, relater une autre catastrophe, ou faire une longue et savante analyse de notre société, j'ai longtemps pris le parti de me taire.
Chez nous, tout va toujours mal, même quand en fait... cela va bien! Mais, cela ne va jamais bien chez nous, direz- vous. Et vous avez un peu raison. En effet, ce n'est pas la peine de reprendre point par point le bilan, pour savoir que si nous parlons de gouvernance, d'environnement, d'économie, d'éducation et de santé... le tableau n'est pas brillant.
Mais, (soyons sérieux!) personne ne vit totalement dans la détresse. Nous avons tous, et c'est tant-mieux, nos petits et grands refuges qui font que malgré toutes sortes de problèmes, par moments, la vie est belle. Il faut qu'elle le soit. C'est humain. Il y va de notre équilibre. La preuve, même quand Haïti va mal, nous continuons d'aller à la mer, nous allons danser au son d'un quelconque zopop podop, nous organisons des journées récréatives et j'en passe ...
Oui, riches ou pauvres, nous nous amusons malgré tout. Pourtant, ne pas l'admettre est devenu une règle générale : Il ne faut jamais dire chez nous que l'on est content. Pour illustrer ceci, nous n'avons qu'à compter le faible pourcentage de gens qui nous répondent : « À merveille » ou tout simplement « bien » quand nous leur demandons de leurs nouvelles. En général, les réponses ont tendance à aller vers « Nap boulé piti piti... », « Eh bien, nou la... », « nap gade apré'w », « nap suiv ». Quand ce n'est pas : « pas aussi bien que toi » ou, (celle-là est ma préférée) : « nap betizé ». Ailleurs, chez les dominicains par exemple, un pauvre peut s'amuser même si c'est seulement avec une bière et une bachata. Chez eux, chacun vaque à ses occupations, personne n'essaie de culpabiliser celui qui possède, ni d'aigrir celui qui ne possède rien. Oui, j'ai entendu chez eux lors d'un long séjour dans leur pays, des « Muy bien, y usted ? » en réponse aux « como estas? » qui sortaient de ma bouche. Chez nos voisins, je n'ai pas entendu le: « nou la » et le ton piteux qui accompagne toujours cette réponse. Chez eux, j'ai aussi constaté que l'esthétique est une priorité, et ce, quelque soit l'épaisseur des porte-feuilles. Ils pique-niquent aussi au parc, (d'accord, ils ont des parcs) dansent et chantent à toutes les heures, et leurs journaux parlent de tout : du bon et du mauvais. Bref, nos voisins vivent eux. Et ce, en dépit de leurs tares et de leurs problèmes.
Nous vivons nous aussi. Mais, nous vivons cachés et tristes. Nous vivons d'amusements furtifs et coupables, noyés que nous sommes dans la politique du « tout va mal ». Je comprends que nous soyons souvent tristes et préoccupés... Ce que je n'explique pas, c'est cette culpabilité chronique qui semble nous ôter le droit au bonheur, même le plus simple. Il y aurait-t-il des avantages à s'attirer la pitié des autres ? Vivons-nous cachés et en silence « pou moun pa konn afè nou » ? Serait-ce dû à une hyper religiosité culpabilisante ? Sourire est-il musculairement impossible pour nous ? Sourire avec le ventre vide, direz vous encore, est impossible. C'est vrai. Les concernés sont excusés. Mais, et les autres ?
N'avez-vous jamais remarqué que même dans les restaurants, on aurait parfois envie de présenter des sympathies, comme à des funérailles, à certains groupes attablés (pourtant sortis pour un moment de détente). Un ami à moi, comédien et pince sans rire, l'a d'ailleurs fait. Il a salué un à un les membres d'une famille plutôt constipée, d'un cérémonieux « mes sympathies », ceci en plein vendredi soir à un restaurant bien connu de la place. Mais, l'ont-ils même entendu... ou compris? Faites vous-mêmes le test suivant la prochaine fois que vous sortez. Sans aller jusqu'aux salutations d'enterrement, comptez les gens qui sourient. Dans un lieu public, en voiture, à pieds, riches, pauvres... Il y en a peu, très peu. Essayez aussi de sourire gentiment à quelqu'un qui ne vous connait pas... vous n'obtiendrez souvent en retour qu'un regard de méfiance...
Au-delà de notre réalité de vie, la tristesse chez nous serait-elle devenue culturelle ? Le fait de penser à autre chose qu'à notre misère collective serait-il devenu un acte honteux ? Oui, me moquer de moi-même et de mes semblables, parler de tout et de rien sur le journal et sur mon blog, (de Michael Jackson, d'un réveil qui sonne trop tôt, d'une soirée à un club ou de facebook) m'a longtemps paru indécent... Il m'a fallu vivre un moment ailleurs pour que je revendique le droit de partager avec vous mes petites et grandes préoccupations et mes anecdotes simples.
Cette rubrique hebdomadaire est née du fait que si, à un certain moment, j'avais la tête ailleurs, c'est parce qu'elle était chez les voisins... et que ceux-ci m'ont communiqué, avec leur vivacité, leur insouciance et leurs « bamboches » l'envie de dire : « Ajoutons de la couleur à nos vies, desserrons les noeuds de cravate et arrêtons de nous prendre trop au sérieux ! » Nous n'avons qu'une vie à vivre et... Dieu ! Qu'elle est courte !
Source le Nouvelliste
Cette tendance, bien de chez nous, à ne pas rendre publique notre part de bonheur et de bonne humeur, m'a longtemps donné à moi, la « native natale » soucieuse du politiquement correct, la peur d'écrire. Vu que je n'ai jamais eu envie, ni les dispositions naturelles pour me lamenter, relater une autre catastrophe, ou faire une longue et savante analyse de notre société, j'ai longtemps pris le parti de me taire.
Chez nous, tout va toujours mal, même quand en fait... cela va bien! Mais, cela ne va jamais bien chez nous, direz- vous. Et vous avez un peu raison. En effet, ce n'est pas la peine de reprendre point par point le bilan, pour savoir que si nous parlons de gouvernance, d'environnement, d'économie, d'éducation et de santé... le tableau n'est pas brillant.
Mais, (soyons sérieux!) personne ne vit totalement dans la détresse. Nous avons tous, et c'est tant-mieux, nos petits et grands refuges qui font que malgré toutes sortes de problèmes, par moments, la vie est belle. Il faut qu'elle le soit. C'est humain. Il y va de notre équilibre. La preuve, même quand Haïti va mal, nous continuons d'aller à la mer, nous allons danser au son d'un quelconque zopop podop, nous organisons des journées récréatives et j'en passe ...
Oui, riches ou pauvres, nous nous amusons malgré tout. Pourtant, ne pas l'admettre est devenu une règle générale : Il ne faut jamais dire chez nous que l'on est content. Pour illustrer ceci, nous n'avons qu'à compter le faible pourcentage de gens qui nous répondent : « À merveille » ou tout simplement « bien » quand nous leur demandons de leurs nouvelles. En général, les réponses ont tendance à aller vers « Nap boulé piti piti... », « Eh bien, nou la... », « nap gade apré'w », « nap suiv ». Quand ce n'est pas : « pas aussi bien que toi » ou, (celle-là est ma préférée) : « nap betizé ». Ailleurs, chez les dominicains par exemple, un pauvre peut s'amuser même si c'est seulement avec une bière et une bachata. Chez eux, chacun vaque à ses occupations, personne n'essaie de culpabiliser celui qui possède, ni d'aigrir celui qui ne possède rien. Oui, j'ai entendu chez eux lors d'un long séjour dans leur pays, des « Muy bien, y usted ? » en réponse aux « como estas? » qui sortaient de ma bouche. Chez nos voisins, je n'ai pas entendu le: « nou la » et le ton piteux qui accompagne toujours cette réponse. Chez eux, j'ai aussi constaté que l'esthétique est une priorité, et ce, quelque soit l'épaisseur des porte-feuilles. Ils pique-niquent aussi au parc, (d'accord, ils ont des parcs) dansent et chantent à toutes les heures, et leurs journaux parlent de tout : du bon et du mauvais. Bref, nos voisins vivent eux. Et ce, en dépit de leurs tares et de leurs problèmes.
Nous vivons nous aussi. Mais, nous vivons cachés et tristes. Nous vivons d'amusements furtifs et coupables, noyés que nous sommes dans la politique du « tout va mal ». Je comprends que nous soyons souvent tristes et préoccupés... Ce que je n'explique pas, c'est cette culpabilité chronique qui semble nous ôter le droit au bonheur, même le plus simple. Il y aurait-t-il des avantages à s'attirer la pitié des autres ? Vivons-nous cachés et en silence « pou moun pa konn afè nou » ? Serait-ce dû à une hyper religiosité culpabilisante ? Sourire est-il musculairement impossible pour nous ? Sourire avec le ventre vide, direz vous encore, est impossible. C'est vrai. Les concernés sont excusés. Mais, et les autres ?
N'avez-vous jamais remarqué que même dans les restaurants, on aurait parfois envie de présenter des sympathies, comme à des funérailles, à certains groupes attablés (pourtant sortis pour un moment de détente). Un ami à moi, comédien et pince sans rire, l'a d'ailleurs fait. Il a salué un à un les membres d'une famille plutôt constipée, d'un cérémonieux « mes sympathies », ceci en plein vendredi soir à un restaurant bien connu de la place. Mais, l'ont-ils même entendu... ou compris? Faites vous-mêmes le test suivant la prochaine fois que vous sortez. Sans aller jusqu'aux salutations d'enterrement, comptez les gens qui sourient. Dans un lieu public, en voiture, à pieds, riches, pauvres... Il y en a peu, très peu. Essayez aussi de sourire gentiment à quelqu'un qui ne vous connait pas... vous n'obtiendrez souvent en retour qu'un regard de méfiance...
Au-delà de notre réalité de vie, la tristesse chez nous serait-elle devenue culturelle ? Le fait de penser à autre chose qu'à notre misère collective serait-il devenu un acte honteux ? Oui, me moquer de moi-même et de mes semblables, parler de tout et de rien sur le journal et sur mon blog, (de Michael Jackson, d'un réveil qui sonne trop tôt, d'une soirée à un club ou de facebook) m'a longtemps paru indécent... Il m'a fallu vivre un moment ailleurs pour que je revendique le droit de partager avec vous mes petites et grandes préoccupations et mes anecdotes simples.
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