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UNE AUTRE VUE DE NOS CIRCONSTANCES

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Message  Invité Jeu 24 Mar 2011 - 7:27

Auteur : Ernst Delmas
Date : 2-8-2011(forum haitiwebs.com)
Ce n’est vraiment ni Duvalier ni Aristide, mais nous
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J’ai lu avec attention le brillant coup de plume du brillant congénère et fameux journaliste Hérold Jean-François sur le nouvelliste. C’est ce qu’il est, brillant et louable. Mais, quelque chose cloche et paralyse ma capacité de comprendre ou bien est-ce moi qui ne suis pas en mesure de digérer les belles pensées en marge des aigreurs. Monsieur Jean-François a raison de penser qu’il y a toute une étape qui constitue notre vécu; et pour cette raison spécifique, je ne donnerais pas le tort de l’essentiel des déboires haïtiens à ces deux hommes qui sont venus un peu trop tard sur notre méchante scène politique et que les reproches de trop de zèle du début attribuées à eux, c’est qu’ils étaient trop revanchards quant au premier des Duvalier, trop bruyants et trop stricts dans leurs réclamations pour la chose nationale. Ils avaient voulu redresser des torts trop manifestes, saper des intérêts trop immenses.

C’est normal que les impardonnables d’hier, victimes sous une forme quelconque, se font difficilement pardonner aujourd’hui. Mais, si nous étions un peu plus compréhensifs dès le début, peut-être que les choses auraient été autrement. Ainsi, le problème c’est nous, et ce niveau de consentement national que nous n’avions jamais su atteindre parce que l’ennemi du national, tout comme la méchanceté, a toujours eu le bras long et était trop déterminé à corrompre et à gagner. L’une des choses que je sais, c’est que quand on perd son passé, on perd forcément son futur, et quelque chose tient à ce que nous perdons notre passé.

Je ne connais pas à fond ni les Duvalier, ni Jean-Bertrand Aristide pour n’avoir été qu’un adolescent sous le père, seulement un jeune adulte sous le fils jusqu'à son départ du pays en 1986 quand j’ai été déjà aux Etats-Unis en train de ruminer ma déception sur un bel avenir sans issue que je me suis préparé, et je n’ai pas été non plus en Haïti sous les présidences d’Aristide; mais, je connais un peu notre histoire et aussi sa perversité séculaire qui ne cesse de revenir. Cette prétention de connaissance de notre histoire en grande partie pas par ce que me disent nos historiens, mais par ce que j’ai appris de notre histoire à partir de l’outre-mer, et ce que ma mince capacité de persuasion m’a permis d’assimiler et de réverbérer à travers le prisme de ma conscience intellectuelle tout au moins.

Tout me dit que notre disgrâce en tant que nation, en tant que peuple ne date pas d’hier et que 1957 et 1991 n’ont pas grand-chose à voir avec ce dilemme notoire, propre à nous. Ces messieurs exécrés aujourd’hui n’ont que répondu de façon trop coercitive aux mêmes provocations qui nous ont toujours accablés à certains moments bien spécifiques de la durée historique. C’est plutôt comme écrit dans les décrets pervers que nous devions payer l’audace de nos pères jusqu’à une infinie quatrième génération et ceux-là qui ont sali leurs noms, sacrifié leur futur pour nourrir l’Achéron politique haïtien ne sont nullement les plus coupables. Tous nos grands-parents sont fautifs. Et nous nous portons comme garants de la débâcle future, puisque nous ne faisons rien pour instruire et construire mais pour envenimer et détruire.

En vertu de cette libération de ma conscience de toute rage personnelle et de tout fanatisme inconsidéré, je me déclare immunisé d’aucun esprit de partisan au rabais qu’on m’aurait attribué. Cependant un brin de probité intellectuelle m’obligerait à me demander, notre brillant Hérold Jean-François parle-t-il en parfaite connaissance de cause quant à la politique et des politiciens Haïtiens comme peut-être moi-même je les comprends. Pardonne-moi cette présomption outrée. J’ai appris qu’il n’y a pas souvent une grande différence entre la victime et le bourreau, mais le bourreau ne le sait pas toujours. Parfois le bourreau est si présomptueux qu’il fait de sa prétendue victime un martyr qui ne le serait pas autrement. Cela arrive à presque tous les systèmes de gouvernement en Haïti. Que ce soit la mort d’Estimé ou celle de Dessalines ou l’exil de Soulouque ou notre silence épais sur les Vêpres Dominicaines, on a quand même quelque chose de lourd sur sa conscience.

Enfant sous Duvalier, j’ai vécu - comme d’ailleurs tous les enfants de mon âge et tous les adultes ciblés ou obligés de se conformer- les frayeurs d’un gouvernement dominateur et puissant qui était comme cherchant à se faire une base solide à travers les broussailles marécageuses de la réalité sociale haïtienne. Lors, le politique, bouffi de meurtrissures séculaires ne se gênait nullement de s’imposer sur le social et l’économique causant des brèches à toute notion de bienséance ou de civilité politique, mais le politique qui essayait d’effrayer le social et l’économique ci-devant triomphants et qui l’ont empêché de s’extérioriser pour un peu trop longtemps. Puis les pions se trouvaient déplacés ou mal placés et puis les priorités n’étaient pas respectées, et puis les vocations politiques confrontaient des haines et des préjugés trop forts pour se taire ou pour accepter leurs défaites ou se livrer à des compromis pacifiques. On était sur ses ergots des deux côtés du mur social arbitraire.

Je déplore les forfaits, les excès, les abus d’où qu’ils viennent. Enfant, j’ai vu des mères pleurer leurs fils sans comprendre tout à fait l’immensité du malheur social haïtien, jeune adulte, j’ai vu des rêves détruits sans me rendre compte de l’ampleur du mal, j’ai vu flancher et tomber comme des feuilles caduques et pour des raisons politiques des gens que j’ai aimés, et j’ai exprimé parfois ouvertement mes aigreurs contre l’origine de ces disgrâces. Ce mal qui nous vient tout droit en héritage des mauvais agissements séculaires de toutes sortes et de tous nos grands-parents est un mal concocté; et les nouveaux acteurs qui pensaient pouvoir remédier devenaient toujours de nouvelles victimes ou de nouveaux interprètes du même refrain malfaiteur.

En ce moment pénible de notre histoire, tout ce que nous devons nous demander, qui a tort ou raison, à qui ont profité les crimes qui ont maculé du sang de nos propres frères le visage de notre souveraineté? Les acrobaties rétrospectives exécutées par moi me font me demander personnellement, depuis quand a-t-il commencé ce mal qui répand encore la terreur? 1957, 1986, 1991 ne sont que des héritiers malheureux de ce que nous avons été depuis 1804. Il y a toujours eu chez nous ce rideau de fer qui étouffe, le social et l’économique n’ont jamais pardonné au politique de vouloir équilibrer la marche infernale pour empêcher de tomber dans les fossés béants, balancer l’inéquation totalitaire provoquée par la morgue d’un petit groupe, d’où la naissance de cette bataille rangée dès le lendemain de 1804.

Les intérêts antinationaux et internationaux ont toujours été trop puissants pour baisser le carquois devant les intérêts supérieurs de la nation. Il y a toujours eu cette entité vorace à utiliser toutes les forces vives de la nation contre elle-même. Cette force qui a toujours dépersonnalisé nos élites au point de ne pas pouvoir dire qu’Haïti est notre mère ou notre belle-mère tout au moins, le peuple haïtien c’est nos frères ou nos demi-frères, je ne peux pas trahir ma mère, ma belle-mère, mes frères et mes demi-frères. Cette force qui a toujours réduit au silence nos voix superbes et les a ridiculisées les ridiculise encore. Ceux-là qui ont pris la chance de dire qu’il est temps que succombe le malheur haïtien, ce foutu mal nègre, sont les plus ridiculisés de notre histoire. C’est un mal qui a commencé avec notre naissance en tant que nation et qui s’attache encore à nous voir périr après avoir assassiné de corps ou de caractère les meilleurs d’entre nous.

Donc, notre brillant Jean-François a raison en un sens, ce n’est ni Duvalier, ni Aristide, c’est nous et avec la complicité de l’ennemi commun, c’est l’ennemi commun grâce à notre complicité. Tous ceux-là qui ont levé la tête l’ont baissée. Les comprendre ou comprendre le jeu qui les a emportés et les emporte encore, c’est peut-être plus fort qu’Hérold Jean-François et que moi pour n’être pas dans les secrets des dieux mais dans le collimateur d’un malheur persistent, mécréant et barbare.

Ainsi, sans être insensible au sort de ceux-là que nous pleurons encore nonobstant leur appartenance sociale et les conditions dans lesquelles ils sont entrés dans l’éternité, nous devrions opter pour la réconciliation nationale, toute autre démarche ne serait que division et diversion préméditées et sans grandeur patriotique. Permettez-moi de paraphraser Conrad, que les pleurs et les grincements de dents provoqués par les forfaits d’autrefois étaient pour nous ou contre nous, ils étaient inacceptables.

Nous avons pour devoir de faire mieux et de faire la différence avec les Boyer, les Lescot, les Borno, les Vincent, Les Salomon, les Hyppolite, les Jeannis, les Dejoie, les Estimé, les Magloire, les Duvalier et les Aristide, tous ces beaux noms du terroir qui ne doivent pas périr. Le fils du généreux jeune médecin d’alors, du jeune penseur, du brillant ethnologue, du visionnaire haïtien d’avant le Palais National tout comme le petit prêtre de Saint Jean Bosco, charismatique, charitable, Titid pour ses amis et ses détracteurs ont leurs places parmi nous.

Nous avons besoin de leurs fautes, de leurs erreurs, de leurs gémissements intimes, de leurs faiblesses connues et de leurs grandeurs secrètes. Tous ces noms qui ont lutté doivent vivre ou tout au moins survivre la disgrâce qu’ils ont eue en héritage pour entonner un mémento, un requiescat in pace à l’égard des défunts. Quant aux linges sales, nous sommes à peu près dix millions à les laver entre nous. Ensemble, ensemble nous sommes toute une avalanche d’espoir aux noms du peuple et du pays haïtiens, toutes choses, toutes couleurs, toutes classes étant à considérer.

Ernst Delma

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Message  Mawon Rcfranc Jeu 24 Mar 2011 - 9:37

Excellent analyse et dissertation, sans passion et sans fanatisme. L’auteur a mis le doigt dans la plaie. Tout autant que nous ne cessons pas avec le ‘se pa mwen se yo’, nous n’irons nulle part. JCD, JBA, JGP sont les symptômes du mal haïtien et non pas la cause.

Nous venons juste d’avoir une chance pour rompre ce cercle vicieux et infernal avec cette nouvelle élection et la présence des anciens présidents dans le pays. Le prochain gouvernement Martelly ou Manigat doivent résister toutes tentations et pressions de leur zélés supporteurs d’humilier et de prendre revanche.

Ce serait même recommandable d’avoir une amnistie générale, pour pouvoir recommencer sur de nouvelle base. Tout autre peuple qui etaient dans la meme situation ou pire sont passer par la pour avancer a l'avance. Comme example, les Etats-Unis apres la guerre civile, L'Afrique du Sud post apartheid, Le Nicaragua etc..

Sommes nous les plus betes et les plus revanchards?
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