Quand les quartiers populaires ne font plus les grands titre
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Quand les quartiers populaires ne font plus les grands titre
Quand les quartiers populaires ne font plus les grands titres !
PORT-AU-PRINCE, 11 Juin - La police nationale a du pain sur la planche. La lutte contre le trafic de drogue et le kidnapping occupe une très grande partie de son temps. Peut-on négliger le reste pour autant ! Déjà les agents de la circulation sur la route de Carrefour ont disparu. Or tout concourt : la conduite anarchique, les piles d'immondices qui réapparaissent à plusieurs endroits, l'instabilité, le banditisme. L'angoisse.
Comme si l'Etat devait concentrer en ce moment toutes ses forces d'un côté. La lutte contre la drogue monopolise. Mais c'est un tout, ne l'oublions pas.
Prenons les quartiers populaires, qu'on qualifiait de zones de non-droit, Cité Soleil, Martissant, faut-il tout oublier du moment qu'ils ne font plus l'actualité et que le kidnapping est allé s'établir plutôt au haut de la ville, principalement à Delmas, où deux de ces voyous ont été liquidés plus encore par la population que par la police, ce qui est une avancée remarquable et témoigne du rejet du crime par le corps social et que l'haïtien reste égal à lui-même.
Mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il faut aller aux sources du problème, c'est-à-dire la misère, déshumanisante. Puis on s'étonne de la conduite totalement inhumaine de ces jeunes gangsters, comme ceux qui nous ont enlevé un François Latour. Ils sont le produit d'un milieu bien déterminé. On ne changera rien sur le fond, rien de durable si on n'agit pas sur ce milieu. Le mal est en amont.
Au-delà de la répression...
Que se passe-t-il à Cité Soleil et à Martissant, pour ne citer que ces deux ex-points chauds, depuis la mise au pas des gangs qui y avaient établi domicile fixe ?
Primo, ils ne font plus les grands titres. La dernière fois, c'était pour annoncer à Cité Soleil, le plus grand bidonville du pays (300.000 habitants) un programme de revitalisation initié par l'USAID (assistance gouvernementale américaine) d'un montant de 20 millions de dollars US...
A Martissant, un nouveau commissariat de police a été inauguré avec assistance de la force internationale.
Depuis, plus rien. Du moment qu'ils ne font plus parler d'eux, ces quartiers risquent de disparaître à nouveau dans leur misère et leur détresse, comme cela se passe depuis toujours dans notre pays. Puis ils ressurgiront aussi menaçants à la faveur d'un prochain cataclysme politique.
Autrement dit, on n'a jamais su (ni voulu) aller au-delà de la répression. Comme si depuis l'esclavage colonial, la solution c'est de construire un mur, de baïonnettes ou de mitraillettes, armée d'Haïti ou force d'occupation, pour contenir les " vagabonds " (expression qu'on enseigne à l'académie militaire), hier marrons aujourd'hui déshérités, en dehors de la cité, " notre " cité. Jusqu'au prochain " Bois Caïman " (bien sûr entre guillemets).
Le crime se réfugie dans des zones abandonnées...
D'un autre côté, l'initiative de l'USAID à Cité Soleil est significative à cet égard. Les Américains s'y connaissent en effet en revitalisation, littéralement redonner vie, considérant que le crime se réfugie dans des zones abandonnées, abandonnées par tous généralement parlant, aussi bien par les institutions publiques que privées. Dans notre cas l'Etat, les trois pouvoirs, la police, la justice depuis toujours. Ignorées par les services publics : eau, électricité, téléphone, ramassage des ordures, nettoyage des canaux, ceux de nos quartiers populaires sont les plus puants au monde.
Mais abandonnées aux trafiquants et contrebandiers de toutes sortes, de tout poil. Ce n'est pas la crise politique qui a transformé ces quartiers en zones de non droit. La crise nous a réveillés à leur existence, nous a balancé cette réalité en pleine figure. Elle a fait sortir les loups des bois. Mais nous en a-t-elle fait prendre véritablement conscience ? On ne peut encore l'affirmer. Disons carrément, rien n'est moins sûr.
Comment avance le projet de l'USAID ? De toutes façons, l'assistance internationale ne peut que seconder. Même dans le cas où elle fournirait des millions, il faut une politique que seul l'Etat a pour mission et le devoir de mettre au point. Tout d'abord il faut retourner les institutions étatiques et les services publics dans ces quartiers abandonnés et par ceux-là en premier.
Récemment une agence de presse locale notait à juste titre que Cité Soleil est la seule commune de la république où n'habite pas son maire.
Voici symboliquement un premier objectif à atteindre : le maire de Cité Soleil doit pouvoir y résider sans crainte.
" Power to the people "...
Mais dans la conception américaine, revitalisation veut dire aussi business. Une fois l'insécurité sous contrôle, implanter des activités commerciales et industrielles, entamer le processus de création d'emplois.
Ne pas se contenter des services sociaux classiques (la situation de Cité Soleil ne serait-elle d'ailleurs pas également une conséquence de cette doctrine de totale dépendance vis-à-vis des puissantes et omniprésentes ONG à laquelle la communauté internationale nous a contraint ces dernières années ?).
Il existe une expression américaine qui s'appelle " empower ", donner aux gens le pouvoir de s'en sortir par eux-mêmes. " Power to the people " signifie aussi, et plus que jamais aujourd'hui, le pouvoir économique.
A ce sujet, direz-vous, Cité Soleil situé au bord de mer est dans une position idéale puisque abritant déjà la plus grande zone industrielle du pays. Forcés par les violences de fermer boutique ou de ralentir leurs activités, ceux-là ne demandent qu'à revenir.
Un nouvel aménagement...
Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, si c'est pour recommencer comme avant, dans les mêmes conditions, il y a fort à parier qu'on retombera avant longtemps dans la même situation.
Il y a donc nécessité de trouver un nouvel aménagement afin que la population de Cité Soleil puisse développer une relation plus positive avec la forte implantation industrielle sur place. Cela doit être une situation de gagnant-gagnant qu'il revient à l'Etat de gérer par le jeu des mesures fiscales et des licences et concessions communales.
Mais sur ce plan économique, il nous semble qu'il y ait encore plus urgent à faire, c'est développer un large programme de micro crédit dans tous ces quartiers sensibles, profiter de cette force extraordinaire de survie qui a permis aux gens de tenir dans ces conditions quasi impossibles, utiliser le même esprit combatif à des fins plus constructives.
Le micro crédit...
En tête les femmes, ces mères-courage infatigables, ouvrières, marchandes de pacotille, cuisinières au coin des rues, bref madan sara. De plus, en Haïti comme ailleurs, toutes les institutions de micro crédit saluent en elles les meilleurs débiteurs au monde.
Selon l'économiste Hernando de Soto, plus des deux tiers de la richesse nationale en Haïti se trouveraient au bord de mer et dans l'informel. Une mauvaise utilisation de cette richesse fait qu'elle disparaît elle aussi sans laisser de traces. Avec le micro crédit on fait participer ceux-là mêmes qui la génèrent à sa gestion.
Impossible de fermer unilatéralement la porte comme nous l'avons fait pendant deux siècles et de partager la cité entre ceux en dedans et ceux en dehors. Désormais toutes les murailles de Chine, toutes les mitraillettes du monde, armée d'Haïti ou force d'occupation, n'y pourront rien.
Et il nous faut trouver nous-mêmes la solution !
Haïti en Marche, 11 Juin 2007
PORT-AU-PRINCE, 11 Juin - La police nationale a du pain sur la planche. La lutte contre le trafic de drogue et le kidnapping occupe une très grande partie de son temps. Peut-on négliger le reste pour autant ! Déjà les agents de la circulation sur la route de Carrefour ont disparu. Or tout concourt : la conduite anarchique, les piles d'immondices qui réapparaissent à plusieurs endroits, l'instabilité, le banditisme. L'angoisse.
Comme si l'Etat devait concentrer en ce moment toutes ses forces d'un côté. La lutte contre la drogue monopolise. Mais c'est un tout, ne l'oublions pas.
Prenons les quartiers populaires, qu'on qualifiait de zones de non-droit, Cité Soleil, Martissant, faut-il tout oublier du moment qu'ils ne font plus l'actualité et que le kidnapping est allé s'établir plutôt au haut de la ville, principalement à Delmas, où deux de ces voyous ont été liquidés plus encore par la population que par la police, ce qui est une avancée remarquable et témoigne du rejet du crime par le corps social et que l'haïtien reste égal à lui-même.
Mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il faut aller aux sources du problème, c'est-à-dire la misère, déshumanisante. Puis on s'étonne de la conduite totalement inhumaine de ces jeunes gangsters, comme ceux qui nous ont enlevé un François Latour. Ils sont le produit d'un milieu bien déterminé. On ne changera rien sur le fond, rien de durable si on n'agit pas sur ce milieu. Le mal est en amont.
Au-delà de la répression...
Que se passe-t-il à Cité Soleil et à Martissant, pour ne citer que ces deux ex-points chauds, depuis la mise au pas des gangs qui y avaient établi domicile fixe ?
Primo, ils ne font plus les grands titres. La dernière fois, c'était pour annoncer à Cité Soleil, le plus grand bidonville du pays (300.000 habitants) un programme de revitalisation initié par l'USAID (assistance gouvernementale américaine) d'un montant de 20 millions de dollars US...
A Martissant, un nouveau commissariat de police a été inauguré avec assistance de la force internationale.
Depuis, plus rien. Du moment qu'ils ne font plus parler d'eux, ces quartiers risquent de disparaître à nouveau dans leur misère et leur détresse, comme cela se passe depuis toujours dans notre pays. Puis ils ressurgiront aussi menaçants à la faveur d'un prochain cataclysme politique.
Autrement dit, on n'a jamais su (ni voulu) aller au-delà de la répression. Comme si depuis l'esclavage colonial, la solution c'est de construire un mur, de baïonnettes ou de mitraillettes, armée d'Haïti ou force d'occupation, pour contenir les " vagabonds " (expression qu'on enseigne à l'académie militaire), hier marrons aujourd'hui déshérités, en dehors de la cité, " notre " cité. Jusqu'au prochain " Bois Caïman " (bien sûr entre guillemets).
Le crime se réfugie dans des zones abandonnées...
D'un autre côté, l'initiative de l'USAID à Cité Soleil est significative à cet égard. Les Américains s'y connaissent en effet en revitalisation, littéralement redonner vie, considérant que le crime se réfugie dans des zones abandonnées, abandonnées par tous généralement parlant, aussi bien par les institutions publiques que privées. Dans notre cas l'Etat, les trois pouvoirs, la police, la justice depuis toujours. Ignorées par les services publics : eau, électricité, téléphone, ramassage des ordures, nettoyage des canaux, ceux de nos quartiers populaires sont les plus puants au monde.
Mais abandonnées aux trafiquants et contrebandiers de toutes sortes, de tout poil. Ce n'est pas la crise politique qui a transformé ces quartiers en zones de non droit. La crise nous a réveillés à leur existence, nous a balancé cette réalité en pleine figure. Elle a fait sortir les loups des bois. Mais nous en a-t-elle fait prendre véritablement conscience ? On ne peut encore l'affirmer. Disons carrément, rien n'est moins sûr.
Comment avance le projet de l'USAID ? De toutes façons, l'assistance internationale ne peut que seconder. Même dans le cas où elle fournirait des millions, il faut une politique que seul l'Etat a pour mission et le devoir de mettre au point. Tout d'abord il faut retourner les institutions étatiques et les services publics dans ces quartiers abandonnés et par ceux-là en premier.
Récemment une agence de presse locale notait à juste titre que Cité Soleil est la seule commune de la république où n'habite pas son maire.
Voici symboliquement un premier objectif à atteindre : le maire de Cité Soleil doit pouvoir y résider sans crainte.
" Power to the people "...
Mais dans la conception américaine, revitalisation veut dire aussi business. Une fois l'insécurité sous contrôle, implanter des activités commerciales et industrielles, entamer le processus de création d'emplois.
Ne pas se contenter des services sociaux classiques (la situation de Cité Soleil ne serait-elle d'ailleurs pas également une conséquence de cette doctrine de totale dépendance vis-à-vis des puissantes et omniprésentes ONG à laquelle la communauté internationale nous a contraint ces dernières années ?).
Il existe une expression américaine qui s'appelle " empower ", donner aux gens le pouvoir de s'en sortir par eux-mêmes. " Power to the people " signifie aussi, et plus que jamais aujourd'hui, le pouvoir économique.
A ce sujet, direz-vous, Cité Soleil situé au bord de mer est dans une position idéale puisque abritant déjà la plus grande zone industrielle du pays. Forcés par les violences de fermer boutique ou de ralentir leurs activités, ceux-là ne demandent qu'à revenir.
Un nouvel aménagement...
Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, si c'est pour recommencer comme avant, dans les mêmes conditions, il y a fort à parier qu'on retombera avant longtemps dans la même situation.
Il y a donc nécessité de trouver un nouvel aménagement afin que la population de Cité Soleil puisse développer une relation plus positive avec la forte implantation industrielle sur place. Cela doit être une situation de gagnant-gagnant qu'il revient à l'Etat de gérer par le jeu des mesures fiscales et des licences et concessions communales.
Mais sur ce plan économique, il nous semble qu'il y ait encore plus urgent à faire, c'est développer un large programme de micro crédit dans tous ces quartiers sensibles, profiter de cette force extraordinaire de survie qui a permis aux gens de tenir dans ces conditions quasi impossibles, utiliser le même esprit combatif à des fins plus constructives.
Le micro crédit...
En tête les femmes, ces mères-courage infatigables, ouvrières, marchandes de pacotille, cuisinières au coin des rues, bref madan sara. De plus, en Haïti comme ailleurs, toutes les institutions de micro crédit saluent en elles les meilleurs débiteurs au monde.
Selon l'économiste Hernando de Soto, plus des deux tiers de la richesse nationale en Haïti se trouveraient au bord de mer et dans l'informel. Une mauvaise utilisation de cette richesse fait qu'elle disparaît elle aussi sans laisser de traces. Avec le micro crédit on fait participer ceux-là mêmes qui la génèrent à sa gestion.
Impossible de fermer unilatéralement la porte comme nous l'avons fait pendant deux siècles et de partager la cité entre ceux en dedans et ceux en dehors. Désormais toutes les murailles de Chine, toutes les mitraillettes du monde, armée d'Haïti ou force d'occupation, n'y pourront rien.
Et il nous faut trouver nous-mêmes la solution !
Haïti en Marche, 11 Juin 2007
gwotoro- Super Star
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Date d'inscription : 20/08/2006
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