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Haiti en Marche: Que sont devenus les Port-au-Princiens !

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Message  gwotoro Dim 22 Juil 2007 - 1:57

Que sont devenus les Port-au-Princiens !

SOCIETE

PORT-AU-PRINCE, 14 Juillet
- Le maire Jason fait de son mieux. N'a-t-il pas un nom prédestiné de celui qui est capable de s'attaquer aux tâches les plus impossibles. Alors qu'il est accusé dans l'incendie du marché de la place de la Cathédrale par les vendeurs et vendeuses pris pour cibles dans la campagne d'assainissement de la capitale, le maire signe coup sur coup un communiqué avec le ministère de la santé pour procéder à la saisie de tous les médicaments en vente sur la voie publique (marchés en plein air et au coin des rues) et un autre pour enlever toutes les carcasses qui traînent dans les rues et pénaliser lourdement leurs propriétaires.

Cependant même Hercule avait plus de chance de réussite quand il s'est attaqué aux écuries d'Augias. Les flammes n'étaient pas encore éteintes que nos vigoureuses marchandes avaient repris possession de la place de la Cathédrale et les vendeurs de médicaments continuent à jouer à cache-cache avec les agents sanitaires.

En comparaison, une ville comme Jacmel a vu ses rues changer de visage en l'espace de quelques semaines. Toutes les rues de Jacmel, la capitale du Sud-est et qui se considère déjà à beaucoup d'égards et avec raison comme la deuxième ville du pays, sont adoquinées. Un grand projet financé par la coopération française via l'AFD (Agence française de développement).

Leur foi dans leur coin de terre...

La principale force de Jacmel par rapport aux autres chefs lieu du pays, ce sont les jacméliens. C'est leur foi dans leur coin de terre qui donne à ce dernier la chance de se relever alors que dans le reste du pays, c'est le nivellement par le bas qui domine.

Récemment un observateur (ou plutôt une observatrice des fois qu'elle nous écouterait en ce moment) relevait que c'est un scandale que la ville des Gonaïves se permet de détruire invariablement les restaurations qui sont faites quasiment chaque année pour honorer ce que les haïtiens dénomment la cité de l'indépendance. Notre observatrice considère stupide une telle exception (si les gonaïviens se fichent des débours ainsi consentis par le trésor public, tant pis pour eux !), d'autant que Gonaïves n'a joué aucun rôle particulier, souligne-t-elle aussi, pendant la guerre de l'indépendance haïtienne il y a deux cents ans. Elle ne doit cet honneur que parce que le fondateur de la patrie, le général Jean Jacques Dessalines, était un grand casanier et que Gonaïves est la plus proche de sa localité préférée, Marchand, où l'empereur Dessalines finira d'ailleurs par établir la capitale de la nouvelle nation indépendante.

Sans abonder dans ces dernières observations, nous pensons que cette personne a tout à fait raison sur le fond. Peut-on faire pour une ville plus que ce qui est souhaité d'abord par ses habitants eux-mêmes ?

Jacmel fait la différence parce que les jacméliens sont attachés, comme on dit, à leurs vieilles pierres. Aujourd'hui comme hier. Après la longue nuit de Papa Doc (Jacmel n'avait pas voté Duvalier en 1957), vint en 1975 la construction de la route de l'Amitié, courtoisie de la France de l'Ambassadeur Bernard Dorin, la ville fut redécouverte certes très fatiguée, mais la rue du Commerce était toujours à la même place, comme dirait Prévert.

Regardez comment les jacméliens résistent à laisser leur nouveau port, qui date du premier mandat du président René Préval (1996-2001), envahi par les pèpè (vêtements usagés importés des USA).

Les colombes de la paix ont été dévorées...

Aussi la question à se poser c'est d'où vient cette différence ? Pourquoi Port-au-Prince, la capitale, continue-t-elle de son côté à s'enfoncer malgré tous les efforts de rattrapage ?

Deux cent cinquantième anniversaire de sa fondation en l'année 2000. Une fortune dépensée dans la rénovation du boulevard du bicentenaire, anciennement Cité de l'exposition. Aujourd'hui il n'en reste aucune trace.

2004 : Bicentenaire de l'indépendance. Le Champ de mars dans toute sa splendeur.

Aujourd'hui même les colombes de la paix qui ont dû chercher un abri ailleurs. Si elles n'ont pas été plus sûrement dévorées.

Faut-il donc croire que les habitants de la capitale n'aiment pas le beau, n'aiment pas la propreté ?

Nous sommes pourtant le même peuple que les jacméliens. Ou les petite-rivière-de-nippiens, ou les habitants de Port Salut, toutes ces petites villes de l'intérieur qu'il fait toujours bon de visiter.

Alors ?

Un problème d'identité...

Eh bien, force est de reconnaître qu'il y a peut-être là un problème d'identité. Nous disons peut-être parce qu'il n'y a pas encore eu une enquête pour le prouver. Mais il est fort possible que l'état d'une ville quelconque soit directement proportionnel au degré d'attachement ou mieux d'appartenance de sa population à cette ville, à l'histoire partagée ensemble.

Le jacmélien s'empresse de regagner sa ville à chaque week-end.

Le natif des Cayes rapplique de tous les coins du monde pour y passer la 15 Août.

L'année est foutue pour le Nordiste s'il a manqué les fêtes champêtres.

Enfin la capitale se vide (enfin) de tous ses marchands des rues pour le week-end des Rois.

Hélas, seul le Port-au-Princien qui est enchaîné à cet enfer, à son enfer. Comme le rocher de Sisyphe...

Mais existe-il un Port-au-Princien ?

Comment reconnaître le Port-au-Princien ?

L'accent Brigitte Bardot...

En France, on parle d'accent. L'accent marseillais bien connu. Le provençal, le gascon, le corse. Il y a aussi un accent parisien, et dans Paris lui-même l'accent de Montmartre, l'accent 16e arrondissement, Brigitte Bardot.

Paris a ses grands auteurs. Marcel Proust y représente en littérature ce que Woody Allen est pour Manhattan (New York) au cinéma.

Espérons que Gary Victor sera pour Port-au-Prince ce que Dany Laferrière est à Petit-Goave.

Mais s'il est très risqué (et pour toutes sortes de raisons bonnes ou mauvaises) d'essayer de déterminer un accent port-au-princien (étant donné tout l'héritage d'exclusion qui accompagne le qualificatif de la " république de Port-au-Prince "), par contre la capitale est devenue le lieu de tous les accents. Il suffit de regarder les nouvelles le soir à la télé. Y compris aujourd'hui tous ceux de la Minustah !

Donc est-ce que le plus grand mal dont souffre Port-au-Prince n'est pas une question d'identité ?

Pourquoi les autres sont-ils aussi fiers de leur patelin, quelque petit et modeste soit-il, et pas nous à la capitale ?

Hissez le pont-levis !...

Et si nous osons aller jusqu'au bout (mais alors là nous risquons sérieusement de nous faire taper sur les doigts) : est-ce qu'il n'y a pas un plafond à ne pas franchir, une sorte de balance qu'il faut maintenir obligatoirement entre le nombre de ceux qui viennent habiter dans une ville par nécessité et ceux qui y ont depuis toujours habité.

Comme dans la cité antique, entre le vrai citadin (avec tous les droits du citadin) et ce que les Romains ont dénommé " alien " ou étranger.

Et ce qui n'est pas loin en somme de tous nos réfugiés illégaux que l'on nous renvoie d'ailleurs par charters entiers de tous les pays de la région (Etats-Unis, Bahamas, République dominicaine, Guyane).

Bref, est-ce qu'à un certain moment, il ne faut pas fermer les portes, dire basta !, hissez le pont-levis, c'est fini, on ne reçoit plus personne, terminus !

La république de Port-au-Prince !...

En tout cas, en moins de 50 ans, la capitale est passée de 700.000 habitants (chiffre rapporté par Bernard Diederich dans son dernier livre qui est une monographie du Port-au-Prince des années 40-50, " Bon Papa ") à aujourd'hui environ 2 millions.

Le Petit Larousse, édition 1999, donnait 1 million 144.000 habitants.

Well ! Que faire alors ? On ne peut pas refaire la " république de Port-au-Prince. " De toutes façons, avec qui ? Aujourd'hui un chat n'y retrouverait pas ses petits.

Ensuite, Papa doc est mort. Et avec lui, le dernier des Nazis.

Et surtout Trujillo avait dit à ses tueurs, comment pourrait-on l'oublier : vous identifierez l'haïtien à son accent. Waou !

Ainsi furent assassinés en 1937 plus de trente mille de nos frères. A l'arme blanche et sur la rivière du même nom, Massacre.

Par conséquent, oublions tout ce qui a été dit jusqu'ici (quelle mouche nous a piqués, ouf !, peut-être un petit coup de déprime face à l'état de notre cité) et revenons plutôt à notre maire qui est bien décidé quant à lui à faire quelque chose, lui qui a déjà un nom prédestiné, Jason. Ce n'est pas de trop, parce que là ce n'est plus de la littérature, c'est pas de la tarte, ces Port-au-Princiens : vraiment difficiles à avaler.


Editorial, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince

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