Editorial Le Matin (4 septembre 2007)
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Editorial Le Matin (4 septembre 2007)
De la responsabilité des Nations
Par Roody Edmé
En 1998, une journaliste Kosovare écrivait ceci à propos de l’indépendance possible de son pays : « Imaginons maintenant que nous sommes déjà indépendants : que ferions-nous des quatre premiers mois ? Pendant les 120 premiers jours, nous allons peut-être définir les contours de notre société pour les 120 ans qui suivront. Ce sera la répétition générale d’une pièce dont j’espère que ce ne sera ni une tragédie ni une comédie…le vaisseau de ce nouvel État va-t-il aller droit à la tempête, tandis que nous nous battons autour du gouvernail, ou saurions-nous évaluer d’où vient le vent afin de choisir le meilleur cap ? »
Cette sage interrogation m’a amené à méditer, une fois de plus, sur les défis qui attendent les peuples et les nations après leur émancipation. Le film de Raoul Peck consacré à Lumumba montre la joyeuse insouciance des élites congolaises au moment de l’indépendance alors que se documentaient dans des cabinets secrets un complot permanent contre la jeune nation, et que des fils du « Congo libre » se préparaient eux aussi à se livrer au dépeçage de la nouvelle République.
L’histoire tragique de notre pays ne fait que rendre plus dramatique cette question de la responsabilité des peuples face à leur destin. Deux cents ans d’instabilité ponctués de rares éclaircies n’ont fait que ruiner et avilir les prétentions affichées par le nouvel État d’Haïti. Une lecture de la presse quotidienne du début du siècle montre comment notre société se laissait glisser bien fatalement dans le gouffre de l’occupation. Pourtant, les avertissements n’ont pas manqué et les bruits de bottes étrangères ont été assourdis par les pétarades incessantes de nos propres carabines.
De l’explosion mystérieuse du palais national sous Cincinnatus Leconte, à la fusillade spectaculaire de Coicou et de ses compagnons par une de ces nombreuses « nuits voraces » qui nous sont coutumières ; sans oublier le terrible massacre de la prison sous le commandement de Charles Oscar ; la coupe de sang était assez pleine et la dérive assez provocante pour justifier une intervention des donneurs d’ordre du continent.
La vérité c’est que l’absence de projet national de société, a débouché sur une implosion permanente de l’espace haïtien, saisi tout au cours du XIXe siècle par des querelles hégémoniques régionales à travers de sanglantes batailles pour la « conquête de l’Ouest », centre convoité du pouvoir d’État. Et chaque « révolution » en appelait à ses levées de fonds pour dédommager les révolutionnaires. L’effort économique national s’est dispersé en réparations pour des victimes réelles et supposées de nos jeux de massacres, au lieu d’investissements dans les infrastructures devant servir de squelette à la nouvelle nation.
La deuxième moitié du XXe siècle a vu l’écroulement des utopies populiste et élitiste dans un pays de plus en plus exsangue. Un nouveau réalisme nous porte à observer que la mise en place de la démocratie n’est pas chose aisée dans un société souffrant de « pathologie convulsive » et d’anarchie institutionnelle. On continue peu ou prou à se battre autour du gouvernail, gare à la direction du navire. Ce que nous devons savoir, c’est que les institutions les plus démocratiques dans leur essence peuvent être perverties si nous nous laissons aller par atavisme culturel à la personnalisation des conflits et à la multiplication des chapelles n’ayant pour seul crédo que la personne des uns ou des autres. Pourquoi pas une grande cathédrale où, autour de l’autel de la patrie, commencerait vraiment, tiens, le dialogue national dont on parle de moins en moins.
Les exercices de dialogue et de maîtrise d’ego réalisés par l’exécutif et le législatif, lors de « l’agaçante » crise institutionnelle de la semaine écoulée, sont à amplifier pour emporter les dernières méfiances dans une société ou la négociation est souvent suspecte. Histoire quand tu nous tiens !
mardi 4 septembre 2007
Par Roody Edmé
En 1998, une journaliste Kosovare écrivait ceci à propos de l’indépendance possible de son pays : « Imaginons maintenant que nous sommes déjà indépendants : que ferions-nous des quatre premiers mois ? Pendant les 120 premiers jours, nous allons peut-être définir les contours de notre société pour les 120 ans qui suivront. Ce sera la répétition générale d’une pièce dont j’espère que ce ne sera ni une tragédie ni une comédie…le vaisseau de ce nouvel État va-t-il aller droit à la tempête, tandis que nous nous battons autour du gouvernail, ou saurions-nous évaluer d’où vient le vent afin de choisir le meilleur cap ? »
Cette sage interrogation m’a amené à méditer, une fois de plus, sur les défis qui attendent les peuples et les nations après leur émancipation. Le film de Raoul Peck consacré à Lumumba montre la joyeuse insouciance des élites congolaises au moment de l’indépendance alors que se documentaient dans des cabinets secrets un complot permanent contre la jeune nation, et que des fils du « Congo libre » se préparaient eux aussi à se livrer au dépeçage de la nouvelle République.
L’histoire tragique de notre pays ne fait que rendre plus dramatique cette question de la responsabilité des peuples face à leur destin. Deux cents ans d’instabilité ponctués de rares éclaircies n’ont fait que ruiner et avilir les prétentions affichées par le nouvel État d’Haïti. Une lecture de la presse quotidienne du début du siècle montre comment notre société se laissait glisser bien fatalement dans le gouffre de l’occupation. Pourtant, les avertissements n’ont pas manqué et les bruits de bottes étrangères ont été assourdis par les pétarades incessantes de nos propres carabines.
De l’explosion mystérieuse du palais national sous Cincinnatus Leconte, à la fusillade spectaculaire de Coicou et de ses compagnons par une de ces nombreuses « nuits voraces » qui nous sont coutumières ; sans oublier le terrible massacre de la prison sous le commandement de Charles Oscar ; la coupe de sang était assez pleine et la dérive assez provocante pour justifier une intervention des donneurs d’ordre du continent.
La vérité c’est que l’absence de projet national de société, a débouché sur une implosion permanente de l’espace haïtien, saisi tout au cours du XIXe siècle par des querelles hégémoniques régionales à travers de sanglantes batailles pour la « conquête de l’Ouest », centre convoité du pouvoir d’État. Et chaque « révolution » en appelait à ses levées de fonds pour dédommager les révolutionnaires. L’effort économique national s’est dispersé en réparations pour des victimes réelles et supposées de nos jeux de massacres, au lieu d’investissements dans les infrastructures devant servir de squelette à la nouvelle nation.
La deuxième moitié du XXe siècle a vu l’écroulement des utopies populiste et élitiste dans un pays de plus en plus exsangue. Un nouveau réalisme nous porte à observer que la mise en place de la démocratie n’est pas chose aisée dans un société souffrant de « pathologie convulsive » et d’anarchie institutionnelle. On continue peu ou prou à se battre autour du gouvernail, gare à la direction du navire. Ce que nous devons savoir, c’est que les institutions les plus démocratiques dans leur essence peuvent être perverties si nous nous laissons aller par atavisme culturel à la personnalisation des conflits et à la multiplication des chapelles n’ayant pour seul crédo que la personne des uns ou des autres. Pourquoi pas une grande cathédrale où, autour de l’autel de la patrie, commencerait vraiment, tiens, le dialogue national dont on parle de moins en moins.
Les exercices de dialogue et de maîtrise d’ego réalisés par l’exécutif et le législatif, lors de « l’agaçante » crise institutionnelle de la semaine écoulée, sont à amplifier pour emporter les dernières méfiances dans une société ou la négociation est souvent suspecte. Histoire quand tu nous tiens !
mardi 4 septembre 2007
gwotoro- Super Star
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Nombre de messages : 3974
Localisation : Canada
Date d'inscription : 20/08/2006
Feuille de personnage
Jeu de rôle: le balancier
Re: Editorial Le Matin (4 septembre 2007)
Le vrai défi
Par Lyonel Trouillot
lyoneltrouillot@lematinhaiti.com
L’éditorial de Roody Edmé intitulé « De la responsabilité des nations » (Le Matin du mardi 4 septembre 2007) pose la question « des défis qui attendent les peuples après leur émancipation » et contient à la fois un constat et une mise en garde pour conclure : « La vérité est que l’absence de projet national a débouché sur une implosion permanente de l’espace haïtien ». Je partage l’idée (et nombre de chercheurs l’ont avancée avant Edmé et moi) que l’État et la construction nationale a souffert et souffre encore de morcellements identitaires ; que la violence a parfois servi de premier recours, et que les « querelles hégémoniques » ont favorisé de multiples assauts de L’État utilisé souvent par les uns contre les autres, et dans tous les cas contre la nation.
Suite de l'article: http://lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=8259
Par Lyonel Trouillot
lyoneltrouillot@lematinhaiti.com
L’éditorial de Roody Edmé intitulé « De la responsabilité des nations » (Le Matin du mardi 4 septembre 2007) pose la question « des défis qui attendent les peuples après leur émancipation » et contient à la fois un constat et une mise en garde pour conclure : « La vérité est que l’absence de projet national a débouché sur une implosion permanente de l’espace haïtien ». Je partage l’idée (et nombre de chercheurs l’ont avancée avant Edmé et moi) que l’État et la construction nationale a souffert et souffre encore de morcellements identitaires ; que la violence a parfois servi de premier recours, et que les « querelles hégémoniques » ont favorisé de multiples assauts de L’État utilisé souvent par les uns contre les autres, et dans tous les cas contre la nation.
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gwotoro- Super Star
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