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NCHR ET LES PRISONS

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Message  piporiko Lun 15 Oct 2007 - 10:23

Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, Marie Yolenne Gilles Investigateur spécialiste du système carcéral haïtien, sur les sujets suivants : Le système carcéral, la détention préventive, l’intimité, la criminalité, l’impunité etc.





Marie Yolenne Gilles, nous vous souhaitons la bienvenue sur les ondes de Radio Classique Inter.



RB : L’état lamentable des prisons en Haïti, fait l’objet de grandes préoccupations.

Combien de prisons existent-ils dans ce système carcéral, quels en sont les types et leur population ?



MYG : Nous vous remercions d’avoir sollicité le RNDDH pour qu’il puisse intervenir à cette émission. Nous saluons tous ceux qui sont resté fidèles à ce rendez-vous sur l’Internet et sur leurs récepteurs.

Premièrement après le départ des Duvalier, après le régime militaire, on s’est entendu pour avoir des prisons civiles. Ces prisons n’ont pas répondu aux besoins et normes de vraies prisons civiles. A cause du fait qu’on ait utilisé les vestiges des prisons des Forces Armées d’Haïti qu’on a réparés pour remplir ce rôle. On est venu ensuite avec la Direction d’Administration Pénitentiaire, pour recevoir ceux qui sont emprisonnés. APENA comme une organisation qui a pour mission de garder et de réhabiliter, on l’a placé sous le contrôle du ministère de la justice comme une instance indépendante. Mais quand on s’est rendu compte que l’on gérait de gros bandits, ils ont reconnu la nécessité de défendre le bâtiment extérieur de la prison. Avec un décret on l’a placé sous le contrôle de la Police, comme une unité spécialisée.

Jusqu'à date on aurait dû avoir environ 21 prisons. Cependant, on n’a que 17 qui sont opérationnelles. Après le départ de Jean Bertrand Aristide, le 29 février 2004, il y a eu plusieurs prisons qui ont été détruites et d’autres désaffectées. Parmi celles qui ont été détruites, il y a celle des Gonaïves. Il y a la prison des femmes du Fort National qui a été désaffectée. On a envoyé ces femmes à Pétion-ville. Les prisons de Petit-Goâve et d’Aquin qui ne peuvent pas recevoir des prévenus à cause du fait qu’elles ont été détruites. Aujourd’hui nous avons seulement 17 prisons opérationnelles dans le pays, avec une prison de femmes et une prison d’adolescents.

Jusqu'à présent ces prisons ne répondent pas à l’ensemble des règlements minima pour le traitement des détenus. Elles ne répondent pas à ses propres règlements internes, vu qu’elles n’ont pas l’espace nécessaire pour qu’elles fonctionnent comme un lieu de correction.

La RNDDH travaille dans toutes les prisons. Nous faisons de la sensibilisation, de l’accompagnement pour les agents pénitentiaires et les détenus, de la clinique mobile, des distributions, des interventions auprès des autorités judiciaires pour accélérer les dossiers. Mais il nous faut dire qu’aujourd’hui, que les prisons sont encombrées. Pourquoi, par rapport à la population du pays qui est de 8 millions d’habitants, nous avons environ 6,000 détenus dans les 17 prisons. Cela veut dire que par rapport à la population il n’y a pas beaucoup de détenus. Mais que c’est l’espace qui n’est pas suffisant, qui est la cause de l’encombrement et de la promiscuité.



RB : Dans ce système carcéral, il y a-t-il des prisons communales et départementales, pour loger les prévenus, leurs budgets relèvent de quel département ministériel ?



MYG : Il n’y a pas de prison Communale, ni départementale. On a des prisons qui desservent les juridictions des premières instances. Là où il y a un tribunal de première instance, il y a au minimum une prison. A la Croix-des-Bouquets on vient d’inaugurer un tribunal de première instance, c’est sûr que l’on va construire une prison pour desservir ce tribunal. D’ailleurs c’était un projet qui était à l’étude depuis 1998. Jusqu'à présent on n’a encore rien fait. Nous faisons de la pression pour savoir combien d’argent a été alloué pour ce projet et quelles sont les pertes.

Le budget de la prison dépend du ministère de la justice. Mais dans tous les systèmes carcéraux on trouve des ONG internationales et locales avec l’Eglise qui portent un appui considérable aux prévenus, tant physique que moral.



RB : Donnez nous une brève description de l’état des prisons que vous avez visitées et investiguées ?



MYG : Il y a seulement que quelques heures de cela, nous étions à la prison de la Grande Rivière du Nord et après à celle de Fort Liberté. Nous pouvons témoigner du fait que les conditions dans ces prisons sont très difficiles. Quand quelqu’un est emprisonné, il ne cesse pas d’être un être humain. Il perd sa liberté de circuler et de vaquer à ses affaires. Ils sont enfermés 24 heures sur 24 heures dans des cellules encombrées. Ils n’ont aucune récréation. Et ils ne sortent pas de la cellule pour être à l’air libre et bénéficier de la clarté du soleil. Il n’y a pas assez d’agent pénitencier. Pour tout le pays il n’y a que 500, alors que le nombre de détenus est en train d’augmenter. Alors que les Nations Unies dit que la proportion doit être un agent pour 4 détenus, nous n’avons qu’un agent pour plus que 13 détenus. Cela veut dire qu’il n’y a pas assez de surveillance. Les prisons n’étant pas sécurisées, on ne laisse pas sortir les détenus. On ne sort de la cellule, que pour que quelques minutes, pour faire ses besoins, se baigner, aller au tribunal ou quand on a un visiteur. Ces conditions ne sont pas bonnes. Elles ne sont pas normales. On leur donne à manger 2 fois par jour. Les détenus n’ont pas confiance dans la justice. Il y a des gens qui sont emprisonnés depuis 2004, qui ne savent pour combien de temps ils seront incarcérés. Ils sont en détention préventive prolongée. La loi donne au juge d’instruction 3 mois pour instruire le cas. Un mois pour rédiger la conclusion de l’instruction. Mais ce n’est pas ça que nous constatons dans la pratique. Si c’est un cas collectif, il dure plus longtemps.

Dans une prison comme celle de Hinche où les détenus sont entassés. Ils ne sortent pas pour aucune raison de leurs cellules. Le sol des cellules n’est pas cimenté. Dans les périodes de pluie, l’eau entre dans la prison. Les détenus pataugent littéralement dans la boue. La cour de la prison étant inondée, les geôliers ne vont pas permettre aux détenus de sortir de leurs cellules pour aller faire leurs besoins. Les détenus ne reçoivent pas la nourriture à temps. A la prison de Hinche les détenus vivent dans des conditions exécrables, que l’on n’inflige pas aux animaux. C’est un SOS que nous lançons à tous ceux qui vivent dans cette société pour sensibiliser les autorités pour changer les conditions des détenus de la prison de Hinche. Il y a de fait un espace qui est disponible. L’administration pénitentiaire traîne les pieds pour les transférer.

Les conditions ne sont pas les mêmes dans toutes les prisons. Chaque prison a sa propre réalité. A la Grande Rivière du Nord on trouve des détenus en bonne santé. Mais allez au Cap-Haïtien, vous trouverez des détenus malades, tuberculeux, ayant des grattelles, ou souffrant de béribéri. Chaque prison a une équipe qui la gère. Chaque équipe gère selon les moyens et vision qu’elle a.



RB : La détention préventive prolongée est sévèrement critiquée par toutes les instances internationales, par toutes les organisations de droits humains, par tous les citoyens qui sont simplement soucieux de leurs droits constitutionnels.

Quelles sont les causes de la prolongation de la détention préventive en Haïti ?



MYG : Il y a plusieurs raisons qui créent la prolongation de la détention préventive. Ca commence à partir de l’arrestation. La Constitution prévoit qu’une personne arrêtée doit se présenter par devant son juge naturel dans les 48 heures après son arrestation. Parfois la Police dit qu’il n’a pas de véhicule pour transporter le détenu au tribunal de paix pour les instructions préliminaires. Au tribunal, le juge n’ayant pas le temps pour entendre la personne, écrit un mandat de dépôt, pour envoyer la personne en prison. Ce juge n’extrait plus la personne de la prison. Ou que le juge prend un temps très long pour l’extraire. Après l’extraction de la personne, le juge fait l’instruction préliminaire, et transfère le dossier au Parquet. Le dossier reste au Parquet, ne va pas au décanat pour être transféré au cabinet d’instruction. Au cabinet d’instruction, le juge instructeur vous dit qu’il n’a aucun moyen, pas de véhicule pour aller faire l’investigation, pas de carte, pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas de machine à écrire, pas de greffier, pas de secrétaire pour l’aider pour faire les saisies. Lorsqu’un juge d’instruction envoie le dossier au Parquet, qui a 3 jours pour rendre la réquisitoire pour retourner le dossier au cabinet d’instruction, ça prend des fois 3 mois pour retourner le dossier au cabinet d’instruction. Entre-temps le détenu reste en prison, sans espoir. Sorti du cabinet d’instruction, le détenu va être jugé. Son dossier doit être enrôlé, soit dans le correctionnel ou l’assise criminelle avec ou sans assistance de jury. Donc il y a plusieurs raisons qui peuvent causer la prolongation de la détention préventive. Le manque de moyen est évident. Mais la question de la volonté humaine est très importante. Les magistrats arrivent à 10 heures du matin au travail. Après 2 heures de l’après-midi, il n’y a personne aux tribunaux. C’est le cas aujourd’hui au tribunal de première instance à Fort Liberté. Nous revenions de la prison pour investiguer l’état des lieux. Arrivé au Parquet à 3 heures moins 10 minutes, on n’a trouvé personne, aucune autorité. On a dû appeler le juge d’instruction au téléphone pour nous informer du tas de dossiers qu’il a en main, pour des détenus qui languissent en détention préventive prolongée.



RB : Arrêtée, on donne automatiquement à la personne un numéro. On fait une évaluation préliminaire du délit. Le juge décide devant quel tribunal elle va comparaître. Quelle est la procédure en Haïti ?



MYG : Quand la Police arrête une personne, il prend les témoignages et arguments. Elle crée le dossier de la personne appréhendée. Elle l’envoie à la justice. On l’envoie au cabinet d’instruction. Le cabinet d’instruction fait l’investigation du cas. Au moment où la personne entre en prison on lui assigne un numéro d’écrou pour tout le temps qu’il passera en prison. La lenteur du système encombre les prisons.

Il n’y a aucune notion de politique criminelle. Il n’y a aucune politique criminelle concernant les moyens, les moyens répressifs, préventifs, pour que l’Etat puisse avoir une méthode de contrôle pour opérer contre les crimes et criminels qui évoluent dans cette société. Aucune société ne peut fonctionner sans une politique appropriée qui correspond à son type. On vit dans une société avec un Etat pompier qui réagit aux crimes commis, au lieu de les prévenir, pour diminuer la criminalité dans le pays.

Après 2004 les prisons sont devenues plus encombrées. Il n’y a aucune évaluation des raisons. Est-ce que c’est le nombre des juges qui ne suffit pas ? Est-ce que ceux sont les juges qui ne font plus leur travail ? Ou est-ce que c’est un plus grands nombre de bandits qui émerge dans la société. En Dominicanie, il y a des livres qui sont écrits sur le sujet de la criminalité. Partout ailleurs les sociétés produisent des études pour combattre la criminalité. Dans notre cas, il y a une augmentation importante de la criminalité dans notre société qui est devenue une crise. Par rapport à cette crise, il n’y a aucune mesure prise pour résoudre ce problème social.



RB : Que doit-on faire dans la pratique pour résoudre le problème de la prolongation de la détention préventive ?



MYG : Il y a une carence de responsabilité concernant les acteurs. Nous voulons parler des juges d’instruction et des commissaires du gouvernement. Comment comprendre qu’un juge d’instruction qui a des tas de dossiers en main, il les laisse dans un tiroir. Il se plaint des moyens, mais il ne respecte jamais les délais que lui donne la loi. Il n’y a aucune mesure prise contre lui. Il y a aussi un bureau d’inspection judiciaire qui n’existe que de nom au sein du ministère de la justice. Il faut qu’il devienne opérationnel. Ces juges ne travaillent pas assez aux tribunaux. Ils ont la plupart un chaire de professeur à plein temps. Alors qu’aux tribunaux ils viennent que quand ils ont le temps. La fonction de magistrat ne jouit pas de priorité. S’ils s’adonnaient à plein temps à leurs travaux de magistrat, on verrait une amélioration substantielle de la détention préventive.

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Message  piporiko Lun 15 Oct 2007 - 10:23

RB : Les photos des prisonniers entassés dans les cellules, présentées par les médias mettent en exergue le problème de surpopulation carcéral, mais pose aussi comme corollaire le problème de l’intimité.

Pouvez-vous nous expliquer les différents aspects des problèmes que pose l’aspect de l’intimité dans les prisons ?



MYG : Nous ne pouvons pas parler de sur population aujourd’hui. Si nous tenons compte de la population d’Haïti comparé à la population carcérale, nous devons conclure que nous avons une population bon enfant. Il n’y a pas trop de personne en prison. Ceux sont les prisons qui n’ont pas assez d’espace. Dans toute société, on trouve des gens qui ne respectent pas la loi. C’est cette catégorie de gens que l’on emprisonne. Nous pouvons dire que nous avons l’encombrement causé par l’insuffisance d’espace.

L’intimité, Dans les prisons haïtiennes il n’y a pas d’intimité pour quelque soit le prisonnier, peu importe son rang social. La promiscuité est la réalité de la prison. Les cellules sont très mal aérées. A cause de la promiscuité, des gens entrent en prison en santé et en sortent malades. Il n’y a pas de surveillance systématique de la prison. Il y a des gens qui entrent en prison sans vice, mais qui en sortent avec des vices qui ne font pas normalement parti de leur culture. Ceux sont des constats. Nous ne voulons stigmatiser personne. Nous ne faisons que rapporter ce que nous constatons.



RB : A cause des relations de mercenariat qui existent entre l’OP, la base du parti lavalas, avec son leadership, on avait toutes les peines du monde à distinguer la violence politique de la violence criminelle. Certes certains secteurs en ont profité pour maintenir un climat de déstabilisation, sociale, politique et économique, pendant un laps de temps assez long.

Peut-on, dans le climat sécuritaire actuel, distinguer la violence politique de la criminalité ?



MYG : Je n’ai pas une connaissance de la politique active. Cela ne veut pas dire pour autant que je ne vis pas la politique au jour le jour. Nous catégorisons tous les actes de violence de la même manière. Nous les mettons tous dans le même sac. C’est pourquoi nous parlons de la violation de droits humains et du non respect des droits humains. Quand nous parlons du respect, c’est à propos des rapports de personne à personne. Quand nous parlons de violation, c’est à propos de ceux qui auraient dû garantir ces droits, mais qui les violent.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans la situation où il y a des groupes armés liés au pouvoir, qui font des représailles en son nom, comme nous avions l’habitude de le constater au cours des années 2002, 2003. Nous ne le voyons pas encore. Aussitôt que nous le verrons, nous ne manquerons pas de le dénoncer. Il y a le banditisme, le kidnapping, le vol à main armée, le braquage etc. Ceux sont des crimes qui augmentent au sein de la société. C’est parce qu’il y a un travail qui n’est pas fait. Nous croyons qu’il y a des réflexions qui devraient se faire en profondeur, pour savoir quelles mesures prendre pour contrecarrer ces crimes qui augmentent au sein de cette société.



RB : Quels sont les secteurs qui sont impliqués dans la criminalité ?

Ont-ils aussi des liens politiques ?



MYG : Il est difficile de déterminer dans quel secteur. Parce qu’on peut trouver un kidnappeur ou un délinquant venant de n’importe quel secteur de la société. On ne peut pas catégoriser la criminalité de cette façon, à partir de secteur ou de catégorie social. Nous n’avons aucune enquête menée ou des indices qui nous permettraient de nous exprimer de cette façon. Il y a des réseaux de mafia, de crime organisé qui inclut des gens de toutes les catégories sociales. Il y a aussi des fiefs pour certains types de crime, tel que le kidnapping à Cité Soleil et dans d’autres bidonvilles comme Martissant.



RB : Les luttes anti-corruption, anti-drogue etc. lancées par le gouvernement ont-elles déjà un effet perceptible ?



MYG : Ce n’est pas encore perceptible. Mais nous savons que l’information en Haïti circule avec une vitesse d’éclair. En 2003, sous Aristide il y avait beaucoup d’insinuation concernant le haut état-major de la police, le parlement et la drogue. On a eu la preuve qu’après le départ d’Aristide, lorsque le gouvernement américain est venu arrêter certaines personnalités de la politique et de la Police qui sont aujourd’hui en prison aux Etats-Unis. La situation n’est pas différente aujourd’hui, en matière de corruption et en matière de trafic de drogue. On a entendu qu’à Tiburon il y avait la voiture d’un sénateur. Il y a un juge qui avait fait un rapport. Nous continuons à collecter des informations. Au moment opportun, quand nous aurons assez de preuve nous le publierons.

Nous croyons s’il y a une lutte qui se mène contre la criminalité, la drogue et le banditisme, depuis qu’il y aura des évidences et des preuves, on n’aurait pas dû avoir de délai. On aurait dû appliquer la loi, peu importe les personnes impliquées.



RB : Dans le domaine des exécuteurs de basses œuvres gouvernementales, le port d’arme symbolise la possession du pouvoir et le droit d’en abuser impunément. Pendant ce dernier demi-siècle sous deux régimes populistes des deux extrêmes, cette pratique a fait un saut qualitatif pour devenir une culture.

Quels handicapes cette culture posent-ils à l’établissement de l’Etat de droit ?



MYG : Le populisme n’a jamais contribué à l’établissement d’un Démocratie solide. C’est toujours feu de paille. Ca n’amènera jamais la société nulle part. La société se construit sur des bases solides.



RB : Quand on constate, le genre de pouvoir que l’on a depuis un demi-siècle. On peut voir au niveau des homme de main, c’est le port d’arme qui symbolise la possession du pouvoir et garantit leur impunité. Avec le port d’arme ils agissent sur la société.

Pensez-vous que cette culture va continuer ?



MYG : Ils sont venus avec le CNDDR, pour le désarmement. Pourquoi ne sont-ils pas allés plus profondément pour demander qui a distribué les armes ? Pourquoi utilisent-ils ces armes ? Jusqu'à présent en parlant de désarmement, il n’y a pas mille armes qui ont été remises. Les Nations Unies parlent de 250,000 armes à feu qui circulent en Haïti. Qu’est-ce qui a été fait concrètement pour désarmer les gens ? Il n’y a pas une volonté politique réelle pour les désarmer pour réduire la quantité d’arme qui circule dans le pays.

Quand on entre dans un commissariat de police, pour voir le matériel qu’utilise la police pour faire son travail. Ils vous montrent 3 fusils. Il n’y a pas d’arme pour sécuriser les bâtiments de l’Etat. Cependant quand une autorité se déplace, elle est accompagnée d’un arsenal d’armes qui peut aisément alimenter au moins 3 commissariats.

Les armes se trouvent, par la complicité des autorités, entre les mains de ceux qu’elles désignent. Chaque gang qui opère, le fait sous la protection d’un chef. Chaque gang qui est démantelé, on y trouve un policier impliqué. Ce n’est pas une mince affaire. C’est une manœuvre qu’ils font pour apaiser les esprits. Les armes continuent à circuler partout dans le pays.

Toutes les armes confisquées par la police, qu’en a-t-on fait ? Les a-t-on désaffectées en toute transparence ? Les armes continuent à être vendues clandestinement. Elles continueront à semer le deuil dans la société.

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Message  piporiko Lun 15 Oct 2007 - 10:23

RB : De tous les temps, aux plus hauts sommets de l’Etat haïtien, l’influence sur le système judiciaire à tous les niveaux, l’inégalité devant la loi, les différentes prérogatives du pouvoir, sont consentis et créent un aura d’impunité proportionnel au niveau d’autorité qu’exerce quelqu’un.

L’autorité haïtienne consentira-t-elle à abandonner ses prérogatives au profit de l’établissement de l’Etat de droit ?



MYG : Les autorités de l’Etat utilisent surtout le pouvoir pour s’enrichir. Je ne vois pas un sens de responsabilité, de patriotisme. Je vois plutôt des gens qui se cherchent une meilleure situation. C’est pour cela qu’il y a des scandales par-ci par-là. Ils font plutôt de la démagogie.



RB : Selon ce qui se dit il y a un effort qui se fait pour réduire l’impunité.

Par qui se fait cet effort et dans quel domaine ?



MYG : Pour réduire l’impunité, il faudrait tracer des exemples. Il faut en plus des exemples que la loi soit appliquée équitablement. Il y a des gens quand ils sont arrêtés qui ont des traitements différents des autres. Quand quelqu’un n’est pas satisfait d’une décision de justice. Il se rend justice. Le crime augmente. Ceux qui bénéficient des faveurs des autorités continuent à perpétrer les crimes. Parce qu’il sait qu’il a accès à des autorités qui peuvent le libérer et le faire échapper aux rigueurs de la loi.

Dans notre société, depuis le départ des Duvalier, jusqu'à nos jours, la plus grande revendication du peuple haïtien, c’est la justice. Il y a beaucoup de grands crimes qui ont été perpétrés au sein de notre société, qui n’ont jamais pu trouver justice. Raboteau au cours du coup d’état de 1991, la mort de Jean Dominique, celle de Brignole Lindor, de Jacques Roch, les paysans de Piatre, de Jean Rabel, le massacre de La Scierie, l’assassinat du prêtre Jean Pierre Louis, etc. C’est parce que tous ces bandits savent qu’ils trouveront toujours quelqu’un pour leur faire sortir de prison. C’est ça l’impunité. N’a-t-on pas libéré tous ceux qui ont été emprisonnés pour le massacre de la Scierie ? C’est ce qui renforce l’impunité. Ceux sont des autorités très importantes de l’Etat qui facilitent ces mises en liberté.



RB : L’impunité, n’est-elle pas aussi un sous-produit de la réduction de l’autorité de l’Etat ?



MYG : Ce que je vois de préférence, c’est une politisation de la justice, par les grandes autorités de l’Etat. Toutes les grandes décisions de justices qui sont rendues, depuis l’avènement de Préval au pouvoir, il les annonce lui-même. Alors que l’Exécutive ne doit pas s’immiscer ou influencer les jugements. C’est le président qui annonce officiellement les décisions concernant certains grands dossiers. Je crois que c’est une volonté de vouloir politiser tous les appareils de l’Etat. Politiser la Police. Politiser la justice etc.



RB : L’impunité demeurant un paramètre important, on constate qu’il y a un rétablissement de la sécurité en ce moment. Mais il y a des gens qui disent qu’il y a une augmentation graduelle d’actes criminels.

De quoi s’agit-il ?



MYG : La diminution de l’insécurité est très apparente. On ne peut pas dire qu’il y a une absence de crime. Il y a des crimes qui sont commis qui ne sont pas médiatisés, par peur. La victime craint de rendre public sont problème. La victime craint les représailles. Elle n’a aucune garantie de protection. La disparition de Lovinsky Pierre Antoine est un exemple frappant. Personne ne sait où il est passé.



RB : Lovinsky est un acteur de la scène politique, organisant des manifestations etc. Quelles sont les hypothèses de sa disparition ?



MYG : En mainte fois nous avons essayé de travailler avec les autorités de la police, pour qu’elles puissent partager avec nous certaines informations concernant Lovinsky. Jusqu'à présent elles n’ont jamais montré qu’elles ont des indices sur cette disparition. Elles nous ont fait savoir qu’il y a eu des contactes qui ont été faits avec l’extérieur, avec des membres de sa famille vivant à l’étranger.

Il n’y a pas seulement Lovinsky. Il y a plusieurs autres cas de personnes, qui ne sont pas connues. Au RNDDH nous travaillons sur ces cas de personnes dont on n’a pas encore trouvé leur cadavre ou leur trace.



RB : Comme investigatrice pour le RNDDH, quelles sont le plus grandes difficultés que vous avez rencontré pour accomplir votre travail d’investigation ?



MYG : L’accès à l’information en Haïti n’est pas quelque chose de facile. Mais avec la pratique on peut trouver des pistes. Quand aux preuves, n’ayant pas cette culture, il est difficile d’en développer. Il y a des fois qu’on peut être en train de travailler sur 50 dossiers, on peut croire que nous sommes en train de traîner. Le plus souvent, c’est surtout l’absence d’évidence. Le blocage de l’information par les personnes concernées vient surtout à cause de la peur des représailles, même quand on leur donne toutes des garanties qu’elles ne seront pas citées.



RB : Au RNDDH faites-vous des investigations sur la criminalité ?



MYG : Oui, nous faisons des investigations sur ce sujet. Mais nous demandons surtout aux autorités haïtiennes une politique claire que le gouvernement devrait mettre en vigueur pour combattre les criminels. Une politique qui aurait une réflexion sur les moyens de prévention, pour avoir en vérité le contrôle de cette société. Une société ne peut pas être opérationnelle sans une politique criminelle. Il leur faudrait réfléchir sur la nature des problèmes. D’où viennent-ils, Comment répondre aux besoins de diminution du nombre de victime dans cette société.

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Message  piporiko Lun 15 Oct 2007 - 10:24

RB : Dans cette organisation CNDDR que vous avez dû observer pour comprendre ce qu’elle est, comment elle fonctionne.

Pouvez-vous nous donner votre opinion sur elle ? A-t-elle un effet véritable sur le désarmement, la démobilisation et la réinsertion ?



MYG : Ce n’est pas une organisation. C’est une commission organisée par Préval. Il en manque deux membres. Un a démissionné. L’autre est en prison aux Etats-Unis. Il y a un autre qui est un des bandits, le porte-parole de l’Opération Bagdad. Et Alix Fils-Aimé est à sa tête. Cette commission travaille de concert avec la Minustah qui a sa section de désarmement. Il y a de grands scandales autour du CNDDR. Il y a des bandits que sont recherchés par la police pour crimes qui sont réinsérés dans le CNDDR pour les protéger. Quand au cours de la journée ils sont au CNDDR, le soir, ils reprennent leurs activités criminelles dans leurs gangs. Il y a plus que 10 que la police a arrêtés, qui sont au Pénitencier National, sans compter ceux qui sont morts dans des échanges de feu avec la Minustah. Pour entrer au CNDDR, il faut remettre une arme. Ayant une industrie qui leur fournit des armes créoles, ils remettent une arme créole au CNDDR, et gardent leurs vraies armes, pour s’en servir la nuit au cours de leurs opérations de kidnapping et de banditisme. Au RNDDH nous n’avons jamais cessé de les dénoncer. Il y a parmi eux ceux que la CNDDR a dû livrer parce qu’ils sont dans des crimes scandaleux dénoncés par nous et par d’autres.



RB : Quand on constate qu’après l’incarcération de Frank Ciné, des Brandt et la convocation de Reginald Boulos, il semble que tout s’est arrêté. La lutte anti-corruption est arrivée à un point mort.

Cette lutte contre la corruption va-t-elle continuer, ou est-elle terminée ?



MYG : On a affaire à une équipe qui se contente de faire de grandes démonstrations initiales, sans suivie. Il y a de ces dossiers qui sont transférés déjà au cabinet. Il y a des juges qui vont statuer. La loi accorde 3 mois minimum au juge d’instruction pour investiguer le dossier.



RB : Il y a l’affaire de l’UCREF qui fait l’objet de critique intense.

De quoi s’agit-il ?



MYG : Pour le moment nous ne voulons pas opiner, parce que nous sommes en train de compiler des dossiers sur ce sujet. Nous avons un rapport qui va sortir dans les jours à venir sur la question de justice. Nous vous donnons la garantie qu’on aura une rubrique sur ce sujet. A sa sortie, nous allons partager une copie de ce rapport avec vous et vos auditeurs.



RB : Quand on se rappelle les dénonciations faites par le RNDDH, de juges qui ont été chassés du système judiciaire et qui y ont été réintroduits.

Ces juges malgré les dénonciations du RNDDH, sont-ils encore en fonction dans le système judiciaire ?



MYG : Il y a de ces juges qui sont encore en fonction. Il y a un qui était inculpé dans le massacre de La Scierie qui est un doyen du tribunal des Croix-des-Bouquets. Il y a un autre impliqué dans un cas de vol de véhicule qui est installé comme commissaire.

Nous ne voulons pas opiner, parce que nous avons un rapport qui va sortir que nous allons partager avec vous. Ce sera un rapport sur le système judiciaire. Nous allons continuer à faire notre travail d’investigation. Nous allons continuer le monitoring au jour le jour. Lorsqu’il nous faut dénoncer, nous dénoncerons. Nous exigeons des autorités l’application de la loi. Nous voulons aller jusqu’au bout. Nos dossiers ne sont pas fermés dans des tiroirs. Nos dossiers sont publics. Nous les partageons avec toutes les autorités. Nous les discutons avec eux et ensuite nous les publions.



RB : Quelles sont les relations qui existe entre le RNDDH et le secteur des droits humains de la Minustah ?



MYG : C’est une relation très timide. Au début, ils n’ont pas eu de relation avec les organisations de droits humains locales. Mais ces derniers temps, ils ont fait des ouvertures. Nous les rencontrons dans des prisons, nous nous parlons. Mais avant ils étaient plutôt renfermés sur eux-mêmes. Nous avons maintenant des activités que nous menons de concert. Nous avons des réunions que se font avec toutes les organisations locales. Donc il y a des échanges qui commencent à se faire dans ce sens. Il y a des ouvertures qui se font entre le secteur de droits humains de la Minustah et les organisations de droits humains locales.



RB : Quelles sont vos impressions ? Pensez-vous que ces ouvertures vont augmenter en nombre et en importance ?



MYG : Je ne veux pas spéculer. Parce qu’ils ont leur propre philosophie, leurs propres approches, leurs propres objectifs. Le pays est le notre. Nous savons ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin. Certains monitorings peuvent ne pas être importants pour eux. Alors que ces monitorings sont d’une importance pour nous. Ils seront toujours les bien venus. Nous comprenons leurs aides et nous les apprécions. Nous avons des échanges. Mais nous nous battons pour assumer nos responsabilités et pour le faire avec du courage.



RB : Marie Yolenne je te remercie pour une participation extrêmement impressionnante à cette émission. Le détail sur le fonctionnement du système judiciaire particulièrement sur le traitement des dossiers que tu as partagé avec nous. Tu as fait preuve d’une connaissance profonde du système carcéral haïtien, des particularités de chacune des prisons et surtout des aspects humanitaires de chacune d’elles. Les différents aspects de l’élément humain et du fonctionnement du système judiciaire, qui contribuent au prolongement de la détention préventive.

C’est notre première entrevue, je souhaite que ce ne sera pas la dernière.



MYG : Nous le souhaitons aussi. Il nous faut dire qu’au moment où nous parlons, nous sommes en pleine campagne qui a commencé depuis le 2 octobre. Apres les prisons civiles de Delmas, Carrefour, Arcahaie, Hinche, Mirebalais, nous sommes à Fort Liberté et au Cap. Mais malheureusement à cause des intempéries, nous ne pouvons pas atteindre le département du Nord-ouest. Nous allons continuer avec une campagne sur la question des prisons qui se terminera le 28 octobre à Jérémie, qui est la journée internationale des prisonniers.

Il ne faut pas oublier que notre thème qui est de faire en sorte que les droits des prisonniers soient respectés. Il ne faut pas oublier que depuis le 30 août 1955 l’Assemblée Générale des Nations Unies avait décrété que le dernier dimanche du mois d’octobre soit la journée internationale des prisonniers, pour mieux vulgariser et sensibiliser le monde sur les conditions des prisonniers, et faire la promotion pour leurs doits. Mais de notre coté dans le RNDDH, nous collaborons avec le MCC et avec la Direction d’administration pénitentiaire pour organiser des activités durant tout ce mois, dans les prisons des provinces. Nous les visitons. Nous faisons de la clinique mobile. Nous rencontrons les autorités. Nous participons aux activités culturelles. Nous distribuons du matériel hygiénique, de cuisine, partout. A la fin le 28 octobre nous publierons un grand rapport sur la situation générale de toutes les prisons. Je serai toujours contente de parler à vos auditeurs pour les sensibiliser, pour savoir comment fonctionnent les prisons, comment vivent les prisonniers.

Pour une autre fois nous vous remercions d’avoir inviter RNDDH pour faire un brassage d’idées ensemble sur cette problématique qui évolue dans notre pays.



RB : C’est à moi de te remercier. A la prochaine.



MYG : Merci

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