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Honduras : la victoire du « Smart Power » par Eva Golinger

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Honduras : la victoire du « Smart Power »  par Eva Golinger Empty Honduras : la victoire du « Smart Power » par Eva Golinger

Message  piporiko Jeu 12 Nov 2009 - 11:22



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Mondialisation.ca, Le 11 novembre 2009
ChavezCod - 2009-11-10

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Honduras : la victoire du « Smart Power »  par Eva Golinger Printfriendly Imprimer cet article


Henry
Kissinger a dit que la diplomatie était « l’art de freiner le
pouvoir ». A l’évidence, l’idéologue le plus influent sur la politique
étrangère des Etats-Unis du 20eme siècle faisait référence à la
nécessité de « freiner le pouvoir » des autres états et gouvernements
afin de pouvoir maintenir la domination globale des Etats-Unis. Des
présidents tels que George W. Bush ont eu recours au « Hard Power »
(pouvoir brutal, force brute ou la méthode dure – NDT) pour atteindre
cet objectif : armes, bombes, menaces et invasions militaires.
D’autres, tels que Bill Clinton, ont eu recours au « Soft Power »
(pouvoir doux, subtil ou la méthode douce – NDT) : guerre culturelle,
Hollywood, idéaux, diplomatie, autorité morale et campagnes pour
« gagner les coeurs et les esprits » des habitants des pays ennemis.
L’administration Obama a choisi une mutation de ces deux concepts, en
fusionnant la puissance militaire avec la diplomatie, l’influence
politique et économique avec une pénétration culturelle et des
manoeuvres juridiques. Ils appellent ça le « Smart Power » (pouvoir
intelligent, ou la méthode douce, subtile – NDT). Appliqué pour la
première fois avec le coup d’état au Honduras, on peut dire qu’il a,
jusqu’à présent, fonctionné à merveille.

Au
cours de son audition devant le Sénat pour sa nomination, la secrétaire
d’Etat Hillary Clinton a déclaré que « nous devrions utiliser ce que
l’on appelle « smart power », l’éventail complet des outils à notre
disposition – diplomatiques, économiques, militaires, politiques,
juridiques et culturelles – et choisir l’outil, ou une combinaison
d’outils, adapté à chaque situation. Avec le « smart power », la
diplomatie deviendra le fer de lance de notre politique étrangère. »
Clinton a ensuite précisé ce concept en affirmant que « la voie la plus
sage sera de recourir d’abord à la persuasion ».

Qu’y
a-t-il d’intelligent dans ce concept ? Il s’agit d’une forme de
politique difficile à classer, difficile à détecter et difficile à
dévoiler.

Le
Honduras est un exemple. D’un côté, le Président Obama condamne le coup
d’état contre le Président Zelaya tandis que son ambassadeur à
Tegucigalpa se réunit régulièrement avec les putschistes. La secrétaire
d’Etat Clinton a répété à maintes reprises au cours des quatre derniers
mois que Washington ne voulait pas « influer » sur la situation au
Honduras – que les Honduriens devaient résoudre eux-mêmes la crise,
sans ingérence extérieure. Mais c’est Washington qui a imposé le
processus de médiation « mené » par le Président Oscar Arias du Costa
Rica, et c’est Washington qui a continué à financer le régime
putschiste et ses partisans via USAID, et c’est encore Washington qui a
contrôlé et commandé les forces armées honduriennes - coupables de
répressions contre le peuple et qui ont instauré un régime brutal - par
le biais d’une présence militaire massive dans la base militaire de
Soto Cano.

De
plus, ce sont des lobbyists à Washington qui ont rédigé « l’accord » de
San José, et au final, c’est une délégation de hauts fonctionnaires du
Département d’Etat et de la Maison Blanche qui ont « convaincu » les
Honduriens d’accepter cet accord. Malgré l’ingérence constante des
Etats-Unis dans le coup d’état au Honduras – par un soutien financier,
logistique, politique et militaire – la tactique du « smart power » de
Washington a réussi à tromper l’opinion publique et faire passer
l’administration Obama comme le grand vainqueur du « multilatéralisme ».

Le
« smart power » a réussi à faire passer l’unilatéralisme de Washington
pour du multilatéralisme. Dés le premier jour, Washington a imposé son
programme. Le 1er Juillet, des porte-parole du Département d’Etat ont
avoué lors d’une conférence de presse qu’ils avaient été au courant de
l’imminence d’un coup d’état au Honduras. Ils ont aussi avoué que deux
hauts fonctionnaires du Département d’Etat, Thomas Shannon et James
Steinberg, se trouvaient au Honduras une semaine avant le coup pour
rencontrer les groupes civils et militaires impliqués. Ils ont déclaré
que leur objectif était « d’empêcher le coup d’état ». Mais comment
expliquer alors que l’avion qui a emmené de force le Président Zelaya
en exil ait décollé de la base militaire de Soto Cano en présence
d’officiers militaires américains ?

Les
faits dévoilent le vrai rôle de Washington dans le coup d’état au
Honduras, et démontrent l’efficacité du « soft power ». Washington
savait qu’un coup d’état se préparait, mais a continué à financer les
conspirateurs via USAID et NED. Le Pentagone a participé à l’exil forcé
et illégal du Président Zelaya et ensuite l’administration a utilisé
l’Organisation des Etats d’Américains (OEA) – qui à l’époque était
moribonde – comme une couverture pour atteindre ses objectifs. Le
discours du Département d’Etat a toujours légitimé les putschistes en
appelant « les deux parties... à résoudre le conflit politique d’une
manière pacifique par le dialogue. » Depuis quand l’auteur d’une prise
de pouvoir illégale est-il considéré comme une « partie légitime »
intéressée par un dialogue ? A l’évidence, un criminel qui a pris le
pouvoir par la force n’est pas intéressé par un dialogue. Avec une
telle logique, le monde devrait encourager l’administration US à
« résoudre son conflit politique avec Al Qaeda d’une manière pacifique
par le dialogue, et non par la guerre ».

Le
« smart power » d’Obama/Clinton a remporté sa première victoire au
cours des premiers jours du coup d’état, en persuadant les états
membres de l’OEA d’attendre 72 heures pour permettre au régime
putschiste du Honduras de « réfléchir à ses actes ». Peu de temps
après, la secrétaire d’Etat Clinton a imposé une médiation, menée par
Arias. Ensuite, à ce stade, un tel espace avait été concédé à
Washington que les Etats-Unis n’ont eu aucun mal à prendre les
commandes. Lorsque le Président Zelaya s’est rendu à Washington pour
rencontrer Clinton, il était évident qu’il n’avait plus le contrôle. Et
c’est comme ça qu’ils ont manoeuvré, en gagnant toujours plus de temps
jusqu’à la dernière minute, si bien que même si Zelaya revenait au
pouvoir, il n’aurait ni l’espace ni le temps pour gouverner.

Le
peuple, lui, a été exclu du processus. Des mois de répression, de
violences, de persécutions, de violations des droits de l’homme, de
couvre-feu, de fermetures de média, de tortures et d’assassinats
politiques sont passés à la trappe. Quel soulagement, a déclaré le
sous-secrétaire d’Etat Thomas Shannon lors de la signature de
« l’accord » final, que la situation au Honduras ait été résolue « sans
violence ».

Dés
la signature de « l’accord » le 30 octobre dernier, Washington a levé
les rares restrictions imposées au régime pour soi-disant exercer une
pression sur les putschistes. Désormais, ces derniers peuvent à nouveau
obtenir des visas et voyager aux Etats-Unis, et ils n’ont même pas à se
préoccuper des millions de dollars d’aide accordés par USAID, aide qui
en réalité n’avait jamais été suspendue... Les militaires US basés à
Soto Cano peuvent reprendre toutes leurs activités – sauf qu’elles
n’ont jamais été interrompues. La Southern Command (SOUTHCOM) du
Pentagone a affirmé quelques jours après le coup d’état que « tout
était normal chez nos forces armées au Honduras, elles poursuivent
toutes leurs activités habituelles avec leurs collègues honduriens. »
Et Washington a déjà préparé sa délégation d’observateurs pour les
élections présidentielles du 29 novembre prochain – ils sont déjà en
route.

Alors
oubliez le tortionnaire de la Guerre Froide, Billy Joya, qui complotait
avec les putschistes contre la résistance. Oubliez les forces
colombiennes paramilitaires envoyées pour aider le régime à
« contrôler » la population. Oubliez le recours aux canons à son
destiné à torturer les occupants de l’ambassade du Brésil pour faire
sortir Zelaya des locaux. Oubliez tout, il ne s’est rien passé. Comme
l’a dit Thomas Shannon, « nous félicitons ces deux grands hommes pour
cet accord historique ». Et la secrétaire d’Etat Clinton de rajouter
« cet accord constitue une grande victoire pour les Honduriens. »
Attendez une minute, une victoire pour qui ?

Au
final, « l’accord » tant vanté et imposé par Washington ne fait que
demander au Congrès hondurien – le même Congrès qui a falsifié la
lettre de démission de Zelaya afin de justifier le coup d’état, le même
Congrès qui a soutenu l’installation illégale de Micheletti à la
présidence – de décider si Zelaya doit être remis au poste de
président. Mais uniquement après avoir reçu l’avis de la Cour Suprême
du Honduras – la même cour qui a qualifié Zelaya de traître pour avoir
appelé à une consultation (sans engagement) sur une éventuelle réforme
constitutionnelle future, la même cour qui avait ordonné sa capture
brutale. Même si la réponse du Congrès était positive, Zelaya n’aurait
aucun pouvoir. L’ « accord » stipule que les membres de son cabinet
seront désignés par les partis politiques impliqués dans le coup
d’état, et les forces armées seront placées sous le contrôle de la Cour
Suprême qui a soutenu le coup d’état, et que Zelaya pourrait être jugé
pour le « crime » de « trahison » parce qu’il demandait un vote non
contraignant sur une éventuelle réforme constitutionnelle.

Selon
l’ « accord », une commission sera chargée de surveiller son
application. Aujourd’hui, Ricardo Lagos, ex-président du Chili et
fidèle allié de Washington, a été désigné à la tête de la commission.
Lagos est co-directeur du Conseil d’Administration de Dialogue
Inter-Américain, un groupe de réflexion de droite qui exerce une
influence sur la politique de Washington en Amérique latine. Lagos a
aussi été chargé de créer la version chilienne de la NED (National
Endowment for Democracy) qui s’appelle « Fundación Democracia y
Desarrollo », destinée à « promouvoir la démocratie » en Amérique
latine, à la manière US. En quittant la présidence du Chili en 2006,
Lagos a été nommé Président du Club de Madrid – un club sélect
d’ex-présidents qui se consacrent à « promouvoir la démocratie » à
travers le monde. Plusieurs figures clés de ce club sont actuellement
impliquées dans la déstabilisation de gouvernements de gauche en
Amérique latine, dont Jorge Quiroga et Gonzalo Sánchez de Lozada
(anciens présidents de la Bolivie), Felipe Gonzalez (ancien premier
ministre espagnol), Vaclav Havel (ancien président de la République
tchèque) et José Maria Aznar (ancien premier ministre espagnol), entre
autres.

Au
final, le « smart power » aura été suffisamment subtil pour tromper
tous ceux qui saluent à présent la « fin de la crise » au Honduras.
Mais pour une majorité de latino-américains, la victoire du « smart
power » d’Obama au Honduras constitue un sombre et dangereux présage.
Des initiatives telles que l’ALBA ont à peine commencé à atteindre un
niveau d’indépendance vis-à-vis de la puissance dominante du nord. Pour
la première fois dans leur histoire, les nations et peuples d’Amérique
latine ont collectivement tenu tête en faisant preuve de dignité et de
souveraineté pour construire leur propre avenir. Puis Obama est arrivé
avec son « smart power », et l’ALBA a été frappée par le coup d’état au
Honduras, et l’intégration de l’Amérique latine se retrouve affaiblie
par l’expansion US en Colombie, et le combat pour l’indépendance et la
souveraineté dans l’arrière cour de Washington est en train d’être
écrasé avec un sourire cynique et une poignée de main hypocrite.

C’est
en courbant l’échine devant Washington que la crise au Honduras a été
« résolue ». Une crise qui, ironiquement, fut fomentée par les
Etats-Unis eux-mêmes. On parle à présent de coups d’états similaires au
Paraguay, au Nicaragua, en Equateur et au Venezuela où la subversion,
la contre insurrection et la déstabilisation sont font sentir chaque
jour un peu plus. Le peuple du Honduras est toujours en état de
résistance, malgré « l’accord » entre les gens au pouvoir. Leur
soulèvement déterminé et leur engagement aux côtés de la justice sont
un symbole de dignité. La seule manière de battre l’impérialisme –
qu’elle soit douce, dure ou subtile – c’est par l’union et
l’intégration des peuples.

« Nous commettons l’illégal de suite. Pour l’anticonstitutionnel, il faut plus de temps. » - Henry Kissinger


Lire l'article : Honduras: A Victory for “Smart Power”Traduction VD pour Le Grand Soir

Eva Golinger est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Eva Golinger publiés par Mondialisation.ca

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