Vivre dans une société de semblables
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Vivre dans une société de semblables
Les crises répétées de corruption au sein de l'appareil d'Etat montrent la profondeur et la gravité de notre mal. Une société pourrait être comparée à un être humain. La tête malade infecte le corps qui, à son tour, réinfecte la tête. Et c'est un cercle vicieux. Si on ne fait pas attention, tout l'argent du monde peut passer en Haïti et notre situation de pauvreté ne changra pas parce qu'il y a trop de gens malades d'argent et de ses corollaires (maison, voiture, etc.). Et c'est toute la société qui se trouve impliquée. J'ai vu des jeunes avec plein de gosses alors qu'ils ne travaillent pas. D'autres qui rêvent de belles voitures alors qu'ils viennent juste d'obtenir un emploi. Même un paysan à qui j'ai donné à monter une clôture se permet de me tromper. Il met en terre 8 douzaines de pieux et il me dit 20. Pourtant je sais qu'il sait compter. Quand j'envoie ma voiture au garage, je paie cher mais le service reçu ne correspond pas à l'argent donné, alors, je deviens plus pauvre. Un cadre moyen touche un salaire mensuel d'environ 15,000 gourdes, mais, avec cet argent, il ne peut même pas s'acheter de l'eau pour chasser son WC, s'il en a, voire vivre dans une maison normale, même si ça pourrait être une pièce et demie . Cette situation de misère et d'absence de services le fait fuir le pays. Un parent chômeur à qui un directeur d'école demande US$ 300 pour la graduation de son enfant, que crois-tu qu'il va faire puisqu'il ne dira pas au directeur qu'il n'en a pas les moyens ? Pris dans le jeu du paraître, du « fè wè », comme chacun de nous, il va extorquer un autre pour pouvoir y faire face. Une femme cuisinière a été voir un médecin. Celui-ci lui a prescrit une radiographie qui lui a coûté 2 000 gourdes. Combien touche une cuisinière chez nous? 3 ou 4,000gdes en moyenne, beaucoup moins dans d'autres familles. Ou on paie cher pour un bon service ou c'est le poulailler. Il n'y a pas de service, de qualité intermédiaire. J'ai été sidérée de voir l'état du local et des services offerts au Centre de psychiatrie. Le citoyen pour la plupart n'a aucune considération pour son semblable, trop pressuré par l'argent à gagner. Normalement, pour calmer la pression sur l'argent, un certain nombre de mesures devraient être prises. Les salaires des hauts fonctionnaires de l'Etat devraient être coupés de ¾ tandis qu'on leur donnerait des services. Le logement, l'éducation de leurs enfants, la santé, le transport devraient être garantis pour eux et leurs familles. Il en serait de même pour les policiers et certains juges. Une telle mesure permettrait à chaque citoyen de vivre selon ses moyens, de sortir de son illusion et de donner des services. La MINUSTAH ne serait plus nécessaire, car le policier, pour une large majorité, retrouverait son calme intérieur et ferait son travail comme cela se doit. Le paysage politique changerait. Les candidats aux postes politiques seraient des vrais. Parallèlement, le gouvernement devrait réduire certaines importations, contrôler l'argent qui sort du pays, pendant qu'il exige plus de services du citoyen. | ||
Une fois la société calmée, stabilisée, le gouvernement pourrait alors se consacrer à l'investissement et atteindre la croissance. Mais il se pose un problème majeur. Rentrer dans cette logique provoquerait la chute de ce gouvernement ; on chercherait à liquider les membres, car trop de gens déjà malades d'argent ont le pouvoir. Le citoyen lui-même, voyant qu'il a moins d'argent en main, prendrait peur et voudrait la tête du président. Mais le président Préval n'est pas homme à se laisser tomber et/ou se faire liquider au pouvoir. Il n'est pas homme non plus à vouloir tout contrôler. C'est plutôt le manoeuvrier qui a appris à jouer avec l'instabilité jusqu'à terminer son mandat. Le pouvoir en Haïti est piégé. Le dirigeant se retrouve devant un double défi. Il doit travailler pour le bien commun pendant que chaque citoyen veut travailler pour le bien personnel. D'autre part, né aussi d'une société individualiste, il devra battre son propre record. Certains rêvent d'un autre Duvalier, d'autres d'un Aristide. Moi, je ne rêve d'aucune dictature. J'aime être libre. Mais je sais que la liberté a un prix : c'est la participation à la construction de son bonheur. Je voudrais pour expliquer mes dires reprendre les idées de Tocqueville dans « De la démocratie en Amérique. » « De nos jours, l'esprit de cité me semble inséparable de l'exercice des droits politiques. L'homme du peuple, aux Etats-Unis, voit dans la fortune publique la sienne propre. Il s'est accoutumé à regarder cette prospérité comme son ouvrage. Il travaille au bien de l'Etat non seulement par devoir et par orgueil, mais j'oserais presque dire par cupidité. » Je sais qu'il y a beaucoup d'entre nous qui font des sacrifices pour ce pays. Mais je crois qu'il faut encore beaucoup plus pour arriver à une stabilisation. Cette société a besoin de rigueur, mais aussi de services. L'absence de ceux-ci déshumanise l'homme. Il faut plus de services d'hygiène, de santé, d'éducation, etc.... Il faut plus de travail. Dans toute société, il y a quelques vagabonds, quelques délinquants que l'Etat arrive à gérer en les mettant en prison. Mais quand ils sont trop nombreux, cela pose un gros problème de gouvernance. Alors c'est le système même qu'il faut remettre en question, comme on le fait pour une classe quand il y a trop d'échecs. Aujourd'hui, Il faut créer la stabilité. C'est le rôle de l'Etat, mais l'Etat s'est affaibli. Le futur dirigeant a besoin de notre accord, de notre appui pour réussir. J'encourage les citoyens à consommer, choisir local, pour réduire la pression sur l'argent et particulièrement à investir dans les secteurs de production et aider dans les services. C'est une autre mode de vie. Chacun peut aller à son rythme Mais ça vaut le coup pour les joies que l'on aura à en tirer. C'est un gros sacrifice. Je le sais. Mais si on ne le fait pas aujourd'hui, on devra le faire demain, car si on n'enterre pas ce système esclavagiste, il nous enterrera tous. Rose-Laure Brierre Oiseau_violet@ yahoo.com |
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