Les noirs et les médias canadiens
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Les noirs et les médias canadiens
Jeudi soir, le 9 février 2011, à la Maison du citoyen de la ville de Gatineau, je prendrai part à discussion autour du thème "Les Noirs et les médias". Voici un article fort instructif que je compte partager avec les participants.
Une tache noire dans la neige blanche
Écrit par Michelle Coudé-Lord
Source: http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/textes_d_opinion/representation_minorites/tache_noire_neige.cfm
Vedette du documentaire Tropique Nord, la journaliste Michaëlle Jean parle d'une réalité parfois douloureuse, toujours sensible : la place des Noirs au Québec.
Nous sommes en 1988. Michaëlle Jean passe sa première entrevue à Radio-Canada. On lui parle d'abord de son expérience sur le terrain, de son sens de l'analyse, de son intelligence. Puis elle reçoit la question en pleine face : « Pensez-vous pouvoir vous intégrer ? » Silence dans la demeure. Michaëlle Jean ne répond plus. Elle a juste un peu mal. Elle croyait que dans le milieu de l'information, domaine supposément à l'avant-garde, loin des préjugés, on n'allait pas jusque-là.
Le silence est lourd dans la pièce. L'interlocuteur est piégé. Il doit maintenant aller jusqu'au bout pour mettre un terme à cette séance de torture. « Pensez-y, vous êtes noire ! » « Y a pas de grande nouvelle », rétorque Michaëlle à l'homme de plus en plus mal à l'aise. « Vous allez être la première. Vous devrez travailler en équipe » , ajoute l'homme qui continue à creuser sa propre tombe. D'un ton direct et clair, Michaëlle l'assomme. « C'est un peu malsain, cette discussion. On va laisser faire... »
Alors chargée de cours à l'Université de Montréal, professeure de littérature respectée dans son milieu, elle peut se permettre d'être indépendante et de fuir cette discussion qui vire au... noir !
Michaëlle Jean, la Québécoise à part entière, d'origine haïtienne, n'a pas besoin de Radio-Canada pour exister !
Elle remporte ainsi sa première victoire. Michaëlle Jean entre par la grande porte et devient journaliste affectée à l'émission l'Actuel, animée par Michèle Viroly.
Le jour, lorsqu'elle traverse les couloirs et se rend à la cafétéria, elle sent qu'elle est « une nouveauté ». « J'étais la première noire passant à l'écran à la télé de Radio-Canada. Il y avait bien le journaliste Léo Kalinda à la radio, mais lui, on ne le voyait pas. Je savais donc que je ne pouvais pas me tromper. Tout le monde s'y attendait », me confie-t-elle.
1994 - Michaëlle Jean habite le quartier de la Petite-Bourgogne. Un soir de janvier, un propriétaire de dépanneur aimé et respecté de son patelin se fait abattre par des jeunes. Les journalistes accourent, de nombreux badauds regardent la pathétique scène de ce pauvre homme tué brutalement, injustement. Michaëlle, la voisine, est là. Un collègue journaliste lui lance alors : « Y a trop de Noirs dans ce quartier, normal que ça arrive... »
Habitée par cette remarque, elle ne dort pas de la nuit. Le lendemain matin, elle prend le téléphone et appelle le collègue. Lorsqu'il entend la voix de Michaëlle Jean au bout du fil, il connaît déjà la raison de l'appel. « Hier soir, j'ai dit une connerie. Je m'excuse », affirme-t-il en prenant les devants.
Michaëlle lui rappelle juste l'image de tous ces spectateurs de la tragédie qui ont pu entendre ses paroles... Le message était fait.
Quelques jours plus tard, les policiers rapporteront que le crime a pu être commis par deux jeunes, un de race blanche, un autre de race noire !
1994 - Nous sommes dans la salle de rédaction de Radio-Canada. Un gentil collègue aborde Michaëlle avec un sourire et lui lance : « Toi, c'est bizarre, mais je ne te vois plus noire. » « Ça veut dire quoi cela ? Parce que j'ai ma gueule à la télé, je perds de la couleur ? »
« Tu sais, me dit-elle en me racontant cette anecdote, lorsque tu appartiens à une couleur, tu ne vas nulle part. Tu t'exclus toi-même. »
C'est pour abattre à nouveau les barrières qu'elle accepte avec empressement d'être la vedette d'un documentaire intitulé Tropique Nord, réalisé par son fidèle compagnon de vie, le cinéaste Jean-Daniel Lafond.
« Jean-Daniel m'a dit : " Michaëlle, dans ta participation à ce film, je ne veux pas sentir la journaliste, mais la femme noire, avec émotion et vérité ". »
Elle venait de faire une fausse couche et de perdre ainsi son premier enfant. « Ce documentaire devenait ainsi une thérapie pour Jean-Daniel et moi. Nous étions en deuil. »
Cet enfant à qui elle aurait vite dit sans aucune hésitation qu'elle est une Québécoise à part entière. « Je n'en peux plus de me faire demander encore d'où je viens... »
Elle est arrivée au Québec à l'âge de 10 ans. Son père, un enseignant très engagé politiquement, avait été torturé en Haïti, puis relâché pour mieux le tuer à petit feu, croit aujourd'hui Michaëlle. Il demande l'exil politique. Il se retrouve à Thetford Mines où on a un travail pour lui. Il peut retrouver sa famille, sa femme et ses deux filles, dont bien sûr la jeune Michaëlle, auprès de lui quelques mois plus tard.
Ils déménagent à Montréal, une ville plus cosmopolite où une communauté haïtienne prend racine.
Son père, « un homme que la torture aura brisé pour toujours », avoue Michaëlle, les quitte. Elle ne l'a jamais revu. Cela fait maintenant 15 ans. « J'ai compris que mon père avait été détruit au point de ne plus avoir d'énergie pour sa famille. Un couple sur deux éclate après un exil. »
Michaëlle vit avec sa mère et sa soeur. Élève brillante, elle fait des études en littérature. Toutes les portes s'ouvrent à elle.
Citoyenne engagée, elle travaille à la mise sur pied au Québec des maisons d'hébergement pour femmes battues. Elle écrit des textes touchants sur les femmes immigrantes dans la revue La Parole métèque. Elle n'hésite pas à répondre à des propos racistes dans les journaux. Elle ignore alors qu'on lui a ouvert un dossier à Radio-Canada. On commence à la remarquer.
En 1986, elle part pour Haïti, où les bouleversements débutent avec les élections. Elle verra Haïti en pleine effervescence.
Quelques mois plus tard, le cinéaste Tahani Rached, de l'Office national du film, lui offre de travailler avec lui à un documentaire spécial sur les élections en Haïti. Elle part. Quelques jours plus tard, les membres de l'équipe de tournage se retrouvent couchés sur le plancher d'un presbytère, voulant éviter les balles qui leur sifflent aux oreilles. Des macoutes les attaquent. Une personne sera blessée. Ils s'en sortent miraculeusement.
Voilà l'accident de parcours qu'il lui fallait pour sentir en elle la Michaëlle journaliste. « En regardant les yeux de ce peuple qui me suppliait de continuer à parler de lui, j'ai vu toute l'importance de ce métier et son pouvoir. »
L'équipe est ramenée au Québec. Et le documentaire se retrouve sous la forme d'une émission spéciale au Point.
C'est ainsi que Michaëlle s'est retrouvée, un beau matin de 1988, dans ce bureau de l'homme aux questions étranges, à Radio-Canada.
Elle ne l'a jamais regretté depuis. Après l'Actuel, il y a eu Montréal ce soir, puis Virage pendant deux ans, puis Le Point, où elle travaille toujours aujourd'hui.
« J'ai eu de la chance, mais je suis une fonceuse. Au début, j'ai entendu des gens dire que j'étais là à cause d'une politique d'embauche d'immigration et d'accès à l'égalité... " Il fallait une Noire ; en plus, elle était une femme, belle et passait bien à l'écran. " J'avais tout pour nourrir les préjugés », explique-t-elle.
Elle était en train de se rendre malade à travailler deux fois plus fort pour éviter l'erreur qui mettrait fin à sa carrière.
Un jour, elle assiste à une conférence d'Esmeralda Thornhill, une avocate noire canadienne de la Commission des droits de la personne, qui raconte que plein de jeunes travailleurs noirs sont en train de se tuer au travail pour assurer leur survie. Elle s'est vite reconnue. « Je me suis dit : " C'est moi ça ! " À partir de ce moment-là, je me suis libérée de ce carcan et j'ai été enfin Michaëlle Jean. »
La journaliste libérée remporte alors le prix Mireille-Lanctôt pour un reportage traitant de la violence faite aux femmes et un autre remis par la Commission canadienne des droits humains pour un portrait de femmes immigrantes.
Le test était passé. Sa compétence, reconnue. On commença à oublier la journaliste de couleur... mais on remarqua la journaliste qu'elle était !
Petite, elle se sentait certains matins d'hiver « une tache noire dans la neige blanche ». Pas question qu'une fois adulte elle se sente « la Noire de la salle de rédaction ».
Le film Tropique Nord provoque, dérange. Un film que tous les journalistes devraient voir.
« Oui, il y a des racistes au Québec, mais cela ne veut pas dire que le Québec est raciste », affirme Michaëlle Jean.
C'est l'identité québécoise même qui se trouve questionnée dans ce documentaire. « Pourquoi ce trou dans la mémoire collective autour d'une présence noire qui remonte à plus de 300 ans ? », s'interroge Michaëlle Jean. « Les historiens n'ont-ils pas adouci sinon masqué le passé esclavagiste de la Nouvelle-France et du Canada ? ajoute-t-elle dans sa présentation du film. N'ont-ils pas affirmé bien vite la blancheur de ce pays, que la seule neige garantit, en prétendant que les Noirs sont là tout au plus depuis 30 ou 40 ans ? Curieuse omission qui fait que le Québec rejette ainsi une partie de sa propre culture et ne peut alors reconnaître les causes profondes du racisme... »
Aujourd'hui, Michaëlle Jean n'est plus « une nouveauté » à Radio-Canada. Elle souhaite maintenant ne plus être « l'ethnie de service ». « Je trouverais dommage qu'on se soit donné bonne conscience avec Michaëlle Jean... J'espère avoir ouvert des portes, pas en avoir fermé une ! »
Au moment de notre rencontre, Michaëlle préparait un reportage pour Le Point sur la vie dans le quartier de la Petite-Bourgogne dans le but de décrire l'implication d'une communauté qui s'est prise en main et a décidé de freiner cette pluie de préjugés qui s'est abattue sur elle depuis des mois.
Michaëlle ne savait pas encore si elle allait dire aux téléspectateurs qu'elle habitait dans le quartier ! « Cela me ferait de la peine que les gens pensent que la journaliste noire, elle encore, vient à la défense de ses pairs. »
On interpréterait alors très mal le reportage de cette journaliste authentique et colorée !
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Source : Michelle Coudé-Lord, « Une tache noire dans la neige blanche », Le 30, avril 1994, vol. 18, no 4, p. 24-25. (Reproduit avec la permission de l'auteur)
Michelle Coudé-Lord est journaliste aux affaires sociales, santé, depuis 15 ans au Journal de Montréal.
Une tache noire dans la neige blanche
Écrit par Michelle Coudé-Lord
Source: http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/textes_d_opinion/representation_minorites/tache_noire_neige.cfm
Vedette du documentaire Tropique Nord, la journaliste Michaëlle Jean parle d'une réalité parfois douloureuse, toujours sensible : la place des Noirs au Québec.
Nous sommes en 1988. Michaëlle Jean passe sa première entrevue à Radio-Canada. On lui parle d'abord de son expérience sur le terrain, de son sens de l'analyse, de son intelligence. Puis elle reçoit la question en pleine face : « Pensez-vous pouvoir vous intégrer ? » Silence dans la demeure. Michaëlle Jean ne répond plus. Elle a juste un peu mal. Elle croyait que dans le milieu de l'information, domaine supposément à l'avant-garde, loin des préjugés, on n'allait pas jusque-là.
Le silence est lourd dans la pièce. L'interlocuteur est piégé. Il doit maintenant aller jusqu'au bout pour mettre un terme à cette séance de torture. « Pensez-y, vous êtes noire ! » « Y a pas de grande nouvelle », rétorque Michaëlle à l'homme de plus en plus mal à l'aise. « Vous allez être la première. Vous devrez travailler en équipe » , ajoute l'homme qui continue à creuser sa propre tombe. D'un ton direct et clair, Michaëlle l'assomme. « C'est un peu malsain, cette discussion. On va laisser faire... »
Alors chargée de cours à l'Université de Montréal, professeure de littérature respectée dans son milieu, elle peut se permettre d'être indépendante et de fuir cette discussion qui vire au... noir !
Michaëlle Jean, la Québécoise à part entière, d'origine haïtienne, n'a pas besoin de Radio-Canada pour exister !
Elle remporte ainsi sa première victoire. Michaëlle Jean entre par la grande porte et devient journaliste affectée à l'émission l'Actuel, animée par Michèle Viroly.
Le jour, lorsqu'elle traverse les couloirs et se rend à la cafétéria, elle sent qu'elle est « une nouveauté ». « J'étais la première noire passant à l'écran à la télé de Radio-Canada. Il y avait bien le journaliste Léo Kalinda à la radio, mais lui, on ne le voyait pas. Je savais donc que je ne pouvais pas me tromper. Tout le monde s'y attendait », me confie-t-elle.
1994 - Michaëlle Jean habite le quartier de la Petite-Bourgogne. Un soir de janvier, un propriétaire de dépanneur aimé et respecté de son patelin se fait abattre par des jeunes. Les journalistes accourent, de nombreux badauds regardent la pathétique scène de ce pauvre homme tué brutalement, injustement. Michaëlle, la voisine, est là. Un collègue journaliste lui lance alors : « Y a trop de Noirs dans ce quartier, normal que ça arrive... »
Habitée par cette remarque, elle ne dort pas de la nuit. Le lendemain matin, elle prend le téléphone et appelle le collègue. Lorsqu'il entend la voix de Michaëlle Jean au bout du fil, il connaît déjà la raison de l'appel. « Hier soir, j'ai dit une connerie. Je m'excuse », affirme-t-il en prenant les devants.
Michaëlle lui rappelle juste l'image de tous ces spectateurs de la tragédie qui ont pu entendre ses paroles... Le message était fait.
Quelques jours plus tard, les policiers rapporteront que le crime a pu être commis par deux jeunes, un de race blanche, un autre de race noire !
1994 - Nous sommes dans la salle de rédaction de Radio-Canada. Un gentil collègue aborde Michaëlle avec un sourire et lui lance : « Toi, c'est bizarre, mais je ne te vois plus noire. » « Ça veut dire quoi cela ? Parce que j'ai ma gueule à la télé, je perds de la couleur ? »
« Tu sais, me dit-elle en me racontant cette anecdote, lorsque tu appartiens à une couleur, tu ne vas nulle part. Tu t'exclus toi-même. »
C'est pour abattre à nouveau les barrières qu'elle accepte avec empressement d'être la vedette d'un documentaire intitulé Tropique Nord, réalisé par son fidèle compagnon de vie, le cinéaste Jean-Daniel Lafond.
« Jean-Daniel m'a dit : " Michaëlle, dans ta participation à ce film, je ne veux pas sentir la journaliste, mais la femme noire, avec émotion et vérité ". »
Elle venait de faire une fausse couche et de perdre ainsi son premier enfant. « Ce documentaire devenait ainsi une thérapie pour Jean-Daniel et moi. Nous étions en deuil. »
Cet enfant à qui elle aurait vite dit sans aucune hésitation qu'elle est une Québécoise à part entière. « Je n'en peux plus de me faire demander encore d'où je viens... »
Elle est arrivée au Québec à l'âge de 10 ans. Son père, un enseignant très engagé politiquement, avait été torturé en Haïti, puis relâché pour mieux le tuer à petit feu, croit aujourd'hui Michaëlle. Il demande l'exil politique. Il se retrouve à Thetford Mines où on a un travail pour lui. Il peut retrouver sa famille, sa femme et ses deux filles, dont bien sûr la jeune Michaëlle, auprès de lui quelques mois plus tard.
Ils déménagent à Montréal, une ville plus cosmopolite où une communauté haïtienne prend racine.
Son père, « un homme que la torture aura brisé pour toujours », avoue Michaëlle, les quitte. Elle ne l'a jamais revu. Cela fait maintenant 15 ans. « J'ai compris que mon père avait été détruit au point de ne plus avoir d'énergie pour sa famille. Un couple sur deux éclate après un exil. »
Michaëlle vit avec sa mère et sa soeur. Élève brillante, elle fait des études en littérature. Toutes les portes s'ouvrent à elle.
Citoyenne engagée, elle travaille à la mise sur pied au Québec des maisons d'hébergement pour femmes battues. Elle écrit des textes touchants sur les femmes immigrantes dans la revue La Parole métèque. Elle n'hésite pas à répondre à des propos racistes dans les journaux. Elle ignore alors qu'on lui a ouvert un dossier à Radio-Canada. On commence à la remarquer.
En 1986, elle part pour Haïti, où les bouleversements débutent avec les élections. Elle verra Haïti en pleine effervescence.
Quelques mois plus tard, le cinéaste Tahani Rached, de l'Office national du film, lui offre de travailler avec lui à un documentaire spécial sur les élections en Haïti. Elle part. Quelques jours plus tard, les membres de l'équipe de tournage se retrouvent couchés sur le plancher d'un presbytère, voulant éviter les balles qui leur sifflent aux oreilles. Des macoutes les attaquent. Une personne sera blessée. Ils s'en sortent miraculeusement.
Voilà l'accident de parcours qu'il lui fallait pour sentir en elle la Michaëlle journaliste. « En regardant les yeux de ce peuple qui me suppliait de continuer à parler de lui, j'ai vu toute l'importance de ce métier et son pouvoir. »
L'équipe est ramenée au Québec. Et le documentaire se retrouve sous la forme d'une émission spéciale au Point.
C'est ainsi que Michaëlle s'est retrouvée, un beau matin de 1988, dans ce bureau de l'homme aux questions étranges, à Radio-Canada.
Elle ne l'a jamais regretté depuis. Après l'Actuel, il y a eu Montréal ce soir, puis Virage pendant deux ans, puis Le Point, où elle travaille toujours aujourd'hui.
« J'ai eu de la chance, mais je suis une fonceuse. Au début, j'ai entendu des gens dire que j'étais là à cause d'une politique d'embauche d'immigration et d'accès à l'égalité... " Il fallait une Noire ; en plus, elle était une femme, belle et passait bien à l'écran. " J'avais tout pour nourrir les préjugés », explique-t-elle.
Elle était en train de se rendre malade à travailler deux fois plus fort pour éviter l'erreur qui mettrait fin à sa carrière.
Un jour, elle assiste à une conférence d'Esmeralda Thornhill, une avocate noire canadienne de la Commission des droits de la personne, qui raconte que plein de jeunes travailleurs noirs sont en train de se tuer au travail pour assurer leur survie. Elle s'est vite reconnue. « Je me suis dit : " C'est moi ça ! " À partir de ce moment-là, je me suis libérée de ce carcan et j'ai été enfin Michaëlle Jean. »
La journaliste libérée remporte alors le prix Mireille-Lanctôt pour un reportage traitant de la violence faite aux femmes et un autre remis par la Commission canadienne des droits humains pour un portrait de femmes immigrantes.
Le test était passé. Sa compétence, reconnue. On commença à oublier la journaliste de couleur... mais on remarqua la journaliste qu'elle était !
Petite, elle se sentait certains matins d'hiver « une tache noire dans la neige blanche ». Pas question qu'une fois adulte elle se sente « la Noire de la salle de rédaction ».
Le film Tropique Nord provoque, dérange. Un film que tous les journalistes devraient voir.
« Oui, il y a des racistes au Québec, mais cela ne veut pas dire que le Québec est raciste », affirme Michaëlle Jean.
C'est l'identité québécoise même qui se trouve questionnée dans ce documentaire. « Pourquoi ce trou dans la mémoire collective autour d'une présence noire qui remonte à plus de 300 ans ? », s'interroge Michaëlle Jean. « Les historiens n'ont-ils pas adouci sinon masqué le passé esclavagiste de la Nouvelle-France et du Canada ? ajoute-t-elle dans sa présentation du film. N'ont-ils pas affirmé bien vite la blancheur de ce pays, que la seule neige garantit, en prétendant que les Noirs sont là tout au plus depuis 30 ou 40 ans ? Curieuse omission qui fait que le Québec rejette ainsi une partie de sa propre culture et ne peut alors reconnaître les causes profondes du racisme... »
Aujourd'hui, Michaëlle Jean n'est plus « une nouveauté » à Radio-Canada. Elle souhaite maintenant ne plus être « l'ethnie de service ». « Je trouverais dommage qu'on se soit donné bonne conscience avec Michaëlle Jean... J'espère avoir ouvert des portes, pas en avoir fermé une ! »
Au moment de notre rencontre, Michaëlle préparait un reportage pour Le Point sur la vie dans le quartier de la Petite-Bourgogne dans le but de décrire l'implication d'une communauté qui s'est prise en main et a décidé de freiner cette pluie de préjugés qui s'est abattue sur elle depuis des mois.
Michaëlle ne savait pas encore si elle allait dire aux téléspectateurs qu'elle habitait dans le quartier ! « Cela me ferait de la peine que les gens pensent que la journaliste noire, elle encore, vient à la défense de ses pairs. »
On interpréterait alors très mal le reportage de cette journaliste authentique et colorée !
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Source : Michelle Coudé-Lord, « Une tache noire dans la neige blanche », Le 30, avril 1994, vol. 18, no 4, p. 24-25. (Reproduit avec la permission de l'auteur)
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Re: Les noirs et les médias canadiens
Jeudi 9 février
19 h Salle de presse Vidéotron,
Maison du citoyen (25, rue Laurier)
Conférence : Les Noirs et les médias. Par sa présence au sein des médias locaux et communautaires, la communauté noire de la région de Gatineau-Ottawa investit un espace, exprime une vision de l'actualité et enrichit la vie quotidienne des citoyens de même que leur compréhension de la nouvelle. Quels sont les défis auxquels la communauté noire est confrontée dans son engagement bénévole au sein des médias communautaires? Présentatrice et modératrice : Marie Yanick Dutelly, écrivaine, poète et artiste
Panélistes :
Sarah Onyango, animatrice de l'émission Black on Black à CHUO 89.1 FM,
Jean Saint-Vil, animateur radio Bouyon-Rasin à CHUO 89.1 FM. et Rendez-Vous Haitiens à CKCU FM., et
Jean-Marie Vianney, animateur radio.
Entrée libre.
Renseignements : 819 243-2345, poste 2544 Présentée par le Conseil de la communauté noire de Gatineau en partenariat avec la Ville de Gatineau.
19 h Salle de presse Vidéotron,
Maison du citoyen (25, rue Laurier)
Conférence : Les Noirs et les médias. Par sa présence au sein des médias locaux et communautaires, la communauté noire de la région de Gatineau-Ottawa investit un espace, exprime une vision de l'actualité et enrichit la vie quotidienne des citoyens de même que leur compréhension de la nouvelle. Quels sont les défis auxquels la communauté noire est confrontée dans son engagement bénévole au sein des médias communautaires? Présentatrice et modératrice : Marie Yanick Dutelly, écrivaine, poète et artiste
Panélistes :
Sarah Onyango, animatrice de l'émission Black on Black à CHUO 89.1 FM,
Jean Saint-Vil, animateur radio Bouyon-Rasin à CHUO 89.1 FM. et Rendez-Vous Haitiens à CKCU FM., et
Jean-Marie Vianney, animateur radio.
Entrée libre.
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