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Le traitement des faits criminels par les medias et la PNH

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Message  gwotoro Ven 13 Juil 2007 - 9:03

L'actualité en question

Le traitement des faits criminels par les medias et la PNH Pixel
Le traitement des faits criminels par les medias et la PNH Pixel
Au début du mois dernier, une jeune femme a découpé en morceaux son petit ami. Bouclée par la Police nationale d'Haïti, elle passe aux aveux. Elle raconte avec sang-froid et sans remord tous les détails de ce meurtre prémédité sous les feux des caméras de certaines chaînes de télévision de la capitale qui, elles, ont choisi de diffuser les images au cours de leurs émissions de nouvelles.

Rien de grave dans une République où des chaînes de télévision par ondes peuvent s'enorgueillir de tout diffuser sans traitement préalable : « Gade'l jan'l ye », « Tande ak wè se de ». Les associations de défense des droits de la femme se sont tues estimant qu'elles n'ont pas à défendre le droit à la vie puisqu'il ne s'agit pas de réclamer la tête d'un agresseur mâle. Les associations de droits humains, pour leur part, encore initiées à la lecture des faits et actes qui constituent des atteintes graves à la santé mentale des populations, n'ont, par conséquent, rien pipé.

Le week-end dernier, la Police nationale d'Haïti a mis la main au collet d'un des présumés kidnappeurs/assassins de la jeune Natacha Farah Kerbie Dessources, le dénommé Pierre Léger. Exactement le même scénario, puisque les chaînes de télévision réinventent la roue des sciences de la communication et permettent à la population de « Tande ak wè se de » de « Gade'l jan'l ye ». Le présumé assassin Léger, dans un langage qui blesse la pudeur, qui retourne le couteau dans la plaie des parents de Natacha, a largement expliqué le calvaire de la victime, un mélange d'orgies et d'atrocités. Un mélange d'orgies, d'atrocités, de barbarie diffusé à grande échelle sans aucun commentaire réprobateur d'une quelconque personnalité morale de la société !

Les sciences de la communication se retrouvent au carrefour de la psychologie, de la sociologie, de la linguistique... et - à travers les moyens de communication de masse - (suppléent et même) se substituent à certaines structures cognitives de la société. Voilà pourquoi, dans toutes les sociétés civilisées, l'Etat, à travers un système communicationnel bien établi, légalement constitué, gère les ondes publiques, l'audiovisuel, avec rigueur, sérieux et responsabilité. Que l'Etat soit interventionniste ou abstentionniste, il reste le régulateur du système, gérant dans l'intérêt national ce patrimoine commun que constituent les ondes publiques.

Peut-on désormais mesurer avec exactitude les effets pervers de ces «shows» malsains, «criminogènes» sur la santé mentale des enfants, des jeunes du pays ?

Faut-il que les psychosociologues, les spécialistes en communication assistent impuissants à ces dérives, à ces déraisons des médias ?

A quoi sert l'Université, particulièrement la faculté des Sciences humaines, si elle ne peut conduire des recherches appliquées pour orienter, dans le bon sens, la société ?

Y a-t-il un ministère chargé de gérer le secteur «Communication» du pays ?

Source: Le Nouvelliste, 2 juillet 2007
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L'actualité en question



En guise de "L'actualité en question", nous soumettons à l'appréciation de nos fidèles lecteurs les commentaires de M. Thierry Fagart, responsable de la section des droits de l'homme de la MINUSTAH, en réponse à la publication dans notre édition du lundi 2 juillet 2007 de "L'actualité en question".

Monsieur,

Je me réfère à l'éditorial de votre rédaction paru dans votre édition datée du lundi 2 juillet 2007 sous le titre "L'actualité en question" et tiens vivement à vous en féliciter.

En effet, comme vous, la section des droits de l'homme de la MINUSTAH que je dirige est, depuis longtemps, extrêmement préoccupée par la relation sans nuances - par certains de vos confrères peu imbus de déontologie - de faits criminels choquants et par l'accès à la parole publique que, de concert avec la PNH, ces journalistes procurent aux suspects gardés à vue dans les locaux de police. Tous les criminologues s'accordent à considérer que l'absence de recul dans la présentation de phénomènes criminels est, en soi, criminogène, et que la fascination pour le crime est une réalité sociale que connaissent tous les peuples de la terre et que l'on ne saurait encourager.

Cependant, au delà des motifs d'indignation légitime que vous exposez et que nous partageons, je voudrais en ajouter quelques autres:

- Le libre accès aux suspects donné par la PNH aux médias constitue une grave violation de la présomption d'innocence, d'autant plus que la plupart du temps, ces personnes, qu'elles aient avoué ou non, sont présentées comme coupables à l'opinion publique. Pourtant, un simple aveu au stade de l'enquête de police ne vaut pas preuve, et le respect de la présomption d'innocence doit prévaloir en toute matière, jusqu'à une éventuelle décision judiciaire définitive de condamnation.

- Ce libre accès donné aux journalistes viole le sacro-saint principe du secret de l'enquête et risque d'entraver la bonne marche des investigations, par la publication d'informations confidentielles qui peuvent être éventuellement exploitées à leur profit par des malfaiteurs en fuite. Et que dire de la possibilité que l'on offre ainsi à un suspect de mauvaise foi de faire passer en toute tranquillité par la voie des ondes des messages codés à des complices en fuite ?

- Enfin, la preuve en matière pénale pouvant être rapportée par tous moyens non formellement prohibés, les déclarations publiées faites aux journalistes par des suspects, dans l'émotion consécutive à leur arrestation, pourront être par la suite retenues à leur charge. Le journaliste se transforme alors en véritable enquêteur de police judiciaire et, dès lors, ne procède plus à une interview, mais à ce qui s'assimile purement et simplement à un interrogatoire. Ce faisant, ce journaliste s'affranchit allègrement des règles protectrices de la Constitution de 1987 qui édictent le droit imprescriptible de toute personne poursuivie à l'assistance d'un avocat lors de ses auditions.

La question que vous avez si justement soulevée est une question grave, et il est réconfortant de constater que c'est de l'intérieur même de l'institution « presse » qu'est lancé ce cri d'alarme. Certes, il n'existe pas de remède miracle à ce phénomène, mais il me semble qu'il appartient conjointement aux organismes professionnels de la presse et la haute hiérarchie de la PNH de se donner les moyens de mettre fin à de tels abus.

Du point de vue de la police, il suffirait de formellement prohiber l'accès des journalistes aux locaux de garde à vue et de cesser de présenter à la presse les suspects arrêtés, lors de « conférences de presse » d'un genre bien particulier.

Du point de vue des organes professionnels de la presse, les dérives que vous relevez démontrent combien il serait important de doter la presse haïtienne d'un véritable code de déontologie et d'institutions en mesure d'exercer elles-mêmes la police à l'intérieur de l'institution. Tout le monde ne peut que se féliciter qu'en Haïti, les journalistes aient acquis, à force de combat, une large liberté de parole. Mais liberté n'est pas licence...Prenons y garde, si nous ne voulons pas qu'un jour, l'abus de cette liberté n'incite l'Etat à mettre lui-même de l'ordre dans une institution si fondamentale pour la démocratie, avec les éventuelles dérives qui pourraient découler d'une telle intervention.

Thierry Fagart

Source: Le Nouvelliste, 5 juillet 2007

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