Haiti en Marche: La sécurité a un prix à payer !
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Haiti en Marche: La sécurité a un prix à payer !
La sécurité a un prix à payer !
ANALYSE
PORT-AU-PRINCE, 28 Avril - Où vont tous ces gens ramassés jour et nuit par la Police nationale et la Minustah (mission internationale de maintien de la paix) ? Les prisons aux quatre coins du pays sont bondées. Les commissariats idem. C'est un aspect largement ignoré, le revers de la grande campagne contre l'insécurité conduite à marches forcées depuis décembre dernier et qui nous vaut en effet un aller mieux aujourd'hui, même si le plus gros reste à faire.
Il n'y a pas eu, que l'on sache, construction de nouveaux centres carcéraux. Et le Pénitencier national souffre depuis déjà fort longtemps d'un tel problème de surpopulation qu'il n'est soulagé, comme dirait un humoriste, que par les évasions qui y éclatent de façon régulière tous les six mois.
Aujourd'hui à Port-au-Prince les policiers vous dévisagent toujours prêts à embarquer tout ce qui leur paraît quelque peu suspect. Ils ont carte blanche et personne ne viendrait s'en plaindre, c'est qu'on revient de loin avec un rythme de plus d'une dizaine de kidnappings au quotidien, parfois doublés de meurtre, comme on l'a connu jusqu'à la fin de l'année écoulée.
Il n'y a pas que les razzias opérées à grande échelle par les forces de sécurité dans les quartiers populaires, partout les patrouilles de la police et de la Minustah sont sur les dents. Que fait-on des suspects emmenés au moindre indice ? Combien de temps dure la garde à vue ? D'abord comment identifier qui est qui dans un pays où le commun des mortels n'a pas toujours une identité sûre et certaine, voire une adresse recommandable ?
Une hydre multi-céphale...
Nous pensons que ce n'est pas à une tâche facile que sont confrontés actuellement les responsables de la loi et l'ordre dans notre pays.
Ensuite l'insécurité est une hydre à multiples tentacules. Cernée à la capitale, elle refait inexorablement surface ailleurs. Fuyant leur base à Cité Soleil (le plus grand bidonville du pays), les chefs de gang se replient dans leur province d'origine. Evens sera arrêté près des Cayes (département du Sud) et Bélony à Saint Michel de l'Attalaye (Artibonite).
Une remontée de la criminalité est signalée en même temps dans tous les départements, particulièrement ceux les plus proches de la frontière haïtiano-dominicaine. Celle-ci ne représente pas seulement une possibilité de fuite, mais est également un haut lieu de contrebande et de trafics de toutes sortes, y compris de drogue et d'armes illégales.
La dernière promotion de quelque 500 policiers est très visible à Port-au-Prince, une autre est actuellement en formation à l'académie de Frères. Les nouvelles recrues semblent encore avoir le moral. Mais on ne peut combler d'un jour à l'autre le manque criant de personnel, voire conscientisé et expérimenté.
Normalement c'est à la justice qu'il revient de donner le meilleur coup de main, de suppléer à beaucoup de ces problèmes.
Tel le triage des suspects afin de renvoyer au plus vite les innocents et ne pas continuer à bourrer les cachots irrespirables des commissariats.
Un grand juge circulant en tap tap...
Mais la justice est inexistante. C'est le moins qu'on puisse dire. De ce côté, apparemment tout est bloqué. Mais qui a tort ? Quand un président de cour d'appel est tué dans un accident apparemment stupide alors qu'il rentrait à la capitale pour délivrer un arrêt d'une importance capitale (celui du massacre de la Scierie, événements vrais ou faux survenus dans la commune de Saint Marc où des opposants auraient été assassinés en 2003 mais ce qui reste encore à prouver) et qu'on n'entend même pas parler d'une autopsie, que faut-il croire ?
D'autre part, un grand juge obligé de circuler en tap tap alors même qu'il est en service actif, a-t-on jamais vu ça ?
Mais revenons à nos moutons, même les prisons pour mineur(e)s qui débordent. La semaine passée, une commission de la chambre des députés découvrait au centre de détention pour adolescentes des fillettes de 9 ans. Lors d'une descente de lieux, la police aurait embarqué toute la maisonnée. Y compris donc des bébés ou presque. Et tout cela fort souvent se retrouve, pêle-mêle, tous âges confondus, dans la même petite cellule.
Et pourtant nous ne manquons pas d'organisations de défense des droits de l'homme dans le pays (tout comme des droits des femmes). Mais les voici soudain bien timides et réservées.
La situation est-elle si préoccupante que même les plus ardents militants des droits humains doivent se faire une raison ?
En tout cas, cela ne cesse d'inquiéter certains observateurs étrangers dont c'est la spécialité, en tout cas qui ont une expérience plus vaste que celle d'Haïti.
La Commission interaméricaine des droits humains constate lors de sa récente visite que le Pénitencier national qui a été construit pour recevoir 800 personnes, en abrite actuellement 2500, dont près de la totalité - 2418, n'ont pas encore été jugés.
Plus les 100 déportés par mois...
Certaines observations vous font dresser les cheveux sur la tête. A part le problème de surpopulation, il existe aussi une carence de gardiens. A tel point qu'une nouvelle gigantesque évasion est à redouter à n'importe quel moment.
Résultat : l'administration pénitentiaire n'ose plus autoriser le transfert de prisonniers pour cause de maladies. Mais savez-vous surtout pourquoi : parce que le prisonnier hospitalisé doit être sous constante surveillance, or le manque de gardiens est si criant qu'on ne peut plus se permettre de les déplacer.
Mais supposez des détenus tuberculeux ou atteints d'une autre maladie contagieuse et qu'on est obligé de garder à la prison.
La directrice de l'ONM (office national des migrations) recevait à la mi-avril une cinquantaine de déportés (les Etats-Unis nous expédient désormais 100 déportés par mois). La majorité d'entre eux sont des compatriotes rapatriés pour des problèmes d'immigration (hélas !), quelques-uns ont un casier judiciaire. Eh bien, ceux-là aussi doivent être maintenus en garde à vue.
Un cigare allumé aux deux bouts...
Lors d'une récente visite semi-officielle à Washington où il s'est entretenu avec la Secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, le Premier ministre Jacques Edouard Alexis dit avoir soulevé la nécessité de construire un nouveau centre national de détention en Haïti. Celui-ci devrait se situer en dehors de la capitale, et en plus d'une prison proprement dite, constituer aussi un centre de réhabilitation et de réinsertion.
Le président René Préval part le 8 mai prochain pour une visite officielle à Washington. Espérons que ces questions-là ne seront pas trop prosaïques pour figurer à l'agenda de ses rencontres avec les plus hauts dirigeants américains. Nul doute que ces derniers vont vouloir surtout l'entretenir du dossier de l'éthanol. En effet, le président Bush aurait inscrit Haïti comme une sorte de plaque tournante dans la production de ce bio-combustible à base de canne à sucre et destiné à permettre un jour de contrebalancer le règne tout puissant du pétrole devenant de plus en plus menaçant pour l'intérêt supérieur américain.
Le plus grave chez nous est que ces préoccupations ne retiennent l'attention que le temps qu'il faut pour trouver, comme aujourd'hui, un semblant de solution à une situation explosive, une sorte d'éruption volcanique avant que les cendres ne se déposent. Mais une fois le problème plus ou moins aplani, vogue la galère. Pourquoi finalement on est toujours prêt à accepter un bon petit dictateur (tel ce courant de nostalgie enregistré à l'occasion du centenaire de feu Papa Doc le 14 avril dernier). Pourvu qu'il nous débarrasse de ce genre de migraine.
Jusqu'à ce qu'il doive partir à son tour et nous laisse à nouveau un cigare allumé aux deux bouts...
Haïti en Marche, 28 Avril 2007
ANALYSE
PORT-AU-PRINCE, 28 Avril - Où vont tous ces gens ramassés jour et nuit par la Police nationale et la Minustah (mission internationale de maintien de la paix) ? Les prisons aux quatre coins du pays sont bondées. Les commissariats idem. C'est un aspect largement ignoré, le revers de la grande campagne contre l'insécurité conduite à marches forcées depuis décembre dernier et qui nous vaut en effet un aller mieux aujourd'hui, même si le plus gros reste à faire.
Il n'y a pas eu, que l'on sache, construction de nouveaux centres carcéraux. Et le Pénitencier national souffre depuis déjà fort longtemps d'un tel problème de surpopulation qu'il n'est soulagé, comme dirait un humoriste, que par les évasions qui y éclatent de façon régulière tous les six mois.
Aujourd'hui à Port-au-Prince les policiers vous dévisagent toujours prêts à embarquer tout ce qui leur paraît quelque peu suspect. Ils ont carte blanche et personne ne viendrait s'en plaindre, c'est qu'on revient de loin avec un rythme de plus d'une dizaine de kidnappings au quotidien, parfois doublés de meurtre, comme on l'a connu jusqu'à la fin de l'année écoulée.
Il n'y a pas que les razzias opérées à grande échelle par les forces de sécurité dans les quartiers populaires, partout les patrouilles de la police et de la Minustah sont sur les dents. Que fait-on des suspects emmenés au moindre indice ? Combien de temps dure la garde à vue ? D'abord comment identifier qui est qui dans un pays où le commun des mortels n'a pas toujours une identité sûre et certaine, voire une adresse recommandable ?
Une hydre multi-céphale...
Nous pensons que ce n'est pas à une tâche facile que sont confrontés actuellement les responsables de la loi et l'ordre dans notre pays.
Ensuite l'insécurité est une hydre à multiples tentacules. Cernée à la capitale, elle refait inexorablement surface ailleurs. Fuyant leur base à Cité Soleil (le plus grand bidonville du pays), les chefs de gang se replient dans leur province d'origine. Evens sera arrêté près des Cayes (département du Sud) et Bélony à Saint Michel de l'Attalaye (Artibonite).
Une remontée de la criminalité est signalée en même temps dans tous les départements, particulièrement ceux les plus proches de la frontière haïtiano-dominicaine. Celle-ci ne représente pas seulement une possibilité de fuite, mais est également un haut lieu de contrebande et de trafics de toutes sortes, y compris de drogue et d'armes illégales.
La dernière promotion de quelque 500 policiers est très visible à Port-au-Prince, une autre est actuellement en formation à l'académie de Frères. Les nouvelles recrues semblent encore avoir le moral. Mais on ne peut combler d'un jour à l'autre le manque criant de personnel, voire conscientisé et expérimenté.
Normalement c'est à la justice qu'il revient de donner le meilleur coup de main, de suppléer à beaucoup de ces problèmes.
Tel le triage des suspects afin de renvoyer au plus vite les innocents et ne pas continuer à bourrer les cachots irrespirables des commissariats.
Un grand juge circulant en tap tap...
Mais la justice est inexistante. C'est le moins qu'on puisse dire. De ce côté, apparemment tout est bloqué. Mais qui a tort ? Quand un président de cour d'appel est tué dans un accident apparemment stupide alors qu'il rentrait à la capitale pour délivrer un arrêt d'une importance capitale (celui du massacre de la Scierie, événements vrais ou faux survenus dans la commune de Saint Marc où des opposants auraient été assassinés en 2003 mais ce qui reste encore à prouver) et qu'on n'entend même pas parler d'une autopsie, que faut-il croire ?
D'autre part, un grand juge obligé de circuler en tap tap alors même qu'il est en service actif, a-t-on jamais vu ça ?
Mais revenons à nos moutons, même les prisons pour mineur(e)s qui débordent. La semaine passée, une commission de la chambre des députés découvrait au centre de détention pour adolescentes des fillettes de 9 ans. Lors d'une descente de lieux, la police aurait embarqué toute la maisonnée. Y compris donc des bébés ou presque. Et tout cela fort souvent se retrouve, pêle-mêle, tous âges confondus, dans la même petite cellule.
Et pourtant nous ne manquons pas d'organisations de défense des droits de l'homme dans le pays (tout comme des droits des femmes). Mais les voici soudain bien timides et réservées.
La situation est-elle si préoccupante que même les plus ardents militants des droits humains doivent se faire une raison ?
En tout cas, cela ne cesse d'inquiéter certains observateurs étrangers dont c'est la spécialité, en tout cas qui ont une expérience plus vaste que celle d'Haïti.
La Commission interaméricaine des droits humains constate lors de sa récente visite que le Pénitencier national qui a été construit pour recevoir 800 personnes, en abrite actuellement 2500, dont près de la totalité - 2418, n'ont pas encore été jugés.
Plus les 100 déportés par mois...
Certaines observations vous font dresser les cheveux sur la tête. A part le problème de surpopulation, il existe aussi une carence de gardiens. A tel point qu'une nouvelle gigantesque évasion est à redouter à n'importe quel moment.
Résultat : l'administration pénitentiaire n'ose plus autoriser le transfert de prisonniers pour cause de maladies. Mais savez-vous surtout pourquoi : parce que le prisonnier hospitalisé doit être sous constante surveillance, or le manque de gardiens est si criant qu'on ne peut plus se permettre de les déplacer.
Mais supposez des détenus tuberculeux ou atteints d'une autre maladie contagieuse et qu'on est obligé de garder à la prison.
La directrice de l'ONM (office national des migrations) recevait à la mi-avril une cinquantaine de déportés (les Etats-Unis nous expédient désormais 100 déportés par mois). La majorité d'entre eux sont des compatriotes rapatriés pour des problèmes d'immigration (hélas !), quelques-uns ont un casier judiciaire. Eh bien, ceux-là aussi doivent être maintenus en garde à vue.
Un cigare allumé aux deux bouts...
Lors d'une récente visite semi-officielle à Washington où il s'est entretenu avec la Secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, le Premier ministre Jacques Edouard Alexis dit avoir soulevé la nécessité de construire un nouveau centre national de détention en Haïti. Celui-ci devrait se situer en dehors de la capitale, et en plus d'une prison proprement dite, constituer aussi un centre de réhabilitation et de réinsertion.
Le président René Préval part le 8 mai prochain pour une visite officielle à Washington. Espérons que ces questions-là ne seront pas trop prosaïques pour figurer à l'agenda de ses rencontres avec les plus hauts dirigeants américains. Nul doute que ces derniers vont vouloir surtout l'entretenir du dossier de l'éthanol. En effet, le président Bush aurait inscrit Haïti comme une sorte de plaque tournante dans la production de ce bio-combustible à base de canne à sucre et destiné à permettre un jour de contrebalancer le règne tout puissant du pétrole devenant de plus en plus menaçant pour l'intérêt supérieur américain.
Le plus grave chez nous est que ces préoccupations ne retiennent l'attention que le temps qu'il faut pour trouver, comme aujourd'hui, un semblant de solution à une situation explosive, une sorte d'éruption volcanique avant que les cendres ne se déposent. Mais une fois le problème plus ou moins aplani, vogue la galère. Pourquoi finalement on est toujours prêt à accepter un bon petit dictateur (tel ce courant de nostalgie enregistré à l'occasion du centenaire de feu Papa Doc le 14 avril dernier). Pourvu qu'il nous débarrasse de ce genre de migraine.
Jusqu'à ce qu'il doive partir à son tour et nous laisse à nouveau un cigare allumé aux deux bouts...
Haïti en Marche, 28 Avril 2007
gwotoro- Super Star
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Date d'inscription : 20/08/2006
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