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Par Robert Fisk
The Independent, le 7 avril 2007
article original : "Robert Fisk: The true story of free speech in America "
La censure systématique de la réalité au Moyen-Orient
se poursuit même dans les écoles
<BLOCKQUOTE>
Laila al-Arian portait son foulard derrière le bureau de Nation Books, l'un de mes éditeurs new-yorkais. Non, me dit-elle, il serait difficile de téléphoner à son père. À l'infirmerie de sa prison de Caroline du Nord, il ne peut passer que quelques coups de fil — surveillés, bien sûr — et il devenait de plus en plus faible.
Sami al-Arian a 49 ans, mais il est resté en grève de la faim pendant 60 jours pour protester contre le scandale que commettait le gouvernement contre lui, une parodie de justice qui n'a évidemment pas réussi à réveiller les gardiens endormis du journalisme américain à New York, Washington et Los Angeles.
Bravo, quand même, au journaliste John Sugg de Tampa, en Floride, qui a dressé, pendant des mois, le catalogue du calvaire d'al-Arian, en même temps qu'Alexander Cockburn de CounterPunch.
Jusqu'à maintenant, voici son histoire : Sami al-Arian, un Palestinien né au Koweït, était un professeur d'informatique respecté à l'Université de Floride du Sud, qui avait tenté, toutefois en vain, de comminiquer au gouvernement étasunien la vraie tragédie des Arabes palestiniens. Mais, selon Sugg, ses leçons rendirent furieux les lobbyistes d'Israël — la famille d'al-Arian a été chassée de Palestine en 1948 — et, en 2003, à l'instigation du Ministre de la Justice [John] Ashcroft, il fut arrêté et accusé de conspirer "à des meurtres et des atteintes à la personne" à l'extérieur des Etats-Unis et de lever des fonds pour le Djihad Islamique en "Palestine". Il a été détenu en isolement pendant deux ans et demi, clopinant sur huit cents mètres, pieds et mains enchaînés, ne serait-ce que pour parler à ses avocats.
Le procès d'al-Arian, qui a coûté 50 millions de dollars (36m€), a duré six mois : le gouvernement a appelé à la barre 80 témoins (dont 21 d'Israël) et a utilisé 400 appels téléphoniques interceptés, ainsi que la preuve d'une conversation qu'un co-accusé a eu avec al-Arian — tenez-vous bien ! — dans un rêve. Le juge local, un certain James Moody, a fait objection à toutes les remarques sur l'occupation militaire israélienne ou sur la Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, sur la base que cela mettrait en danger l'impartialité des jurés.
En décembre 2005, al-Arian a été acquitté sur les accusations les plus graves et sur celles qui restaient, les jurés se sont prononcés à 10 voix contre deux pour l'acquittement. Parce que le FBI voulait porter d'autres accusations, les avocats d'al-Arian lui dire de passer un accord de plaider-coupable qui mettrait un terme à d'autres poursuites. Cependant, arrivant pour entendre la sentence, al-Arian — qui supposait que le temps déjà passé en prison, suivi d'une expulsion, serait sa punition — découvrit Moody en train de parler de "sang" sur les mains de l'accusé et ce dernier s'assura qu'al-Arian passe 11 mois supplémentaires en prison. Ensuite, le procureur Gordon Kromberg, insista sur le fait que le prisonnier palestinien devait témoigner contre un groupe de réflexion islamique. Al-Arian pensait que sa transaction de plaider-coupable n'avait pas été honorée et refusa de témoigner. Il fut méprisé. Et il continue de languir en prison.
Ce n'est pas le cas, bien sûr, de la plupart des tortionnaires américains en Irak. L'un d'eux s'avère avoir l'insigne honneur de s'appeler Ric Fair, un "interrogateur sous contrat", qui a vidé son âme dans le Washington Post — bravo, soit dit en passant, au Post — à propos de ses frasques au "complexe" d'interrogatoires de la 82ème Division Aéroportée. Fair s'est mis à avoir des cauchemars au sujet d'un Irakien qu'il a privé de sommeil pendant les interrogatoires "en le forçant à se tenir debout dans un coin sans vêtements". À présent, c'est Fair qui est privé de sommeil. "Un homme sans visage me regarde fixement… implore mon aide, mais j'ai peur de faire un geste. Il commence à pleurer. C'est un son pitoyable et cela me rend malade. Il crie, mais lorsque je me réveille, je réalise que ces cris sont les miens."
Dieu merci, Fair n'a pas écrit de pièce relatant ses expériences et ne l'a pas offerte à la Chaîne 4, dont les dirigeants se sont dégonflés sur The Mark of Cain [la marque de Caïn], une fiction sur les abus de l'armée britannique à Bassora. Ils ont rapidement fait savoir que la retransmission de la pièce de Tony Marchant pourrait affecter le dénouement désormais heureux de la production bien moins fascinante sur la prison iranienne des 15 Célèbres "Appelés" — en rendant furieux le monde musulman avec les histoires sur la manière dont nos gars à Bassora tabassent les Irakiens du cru. À l'instar du journaliste qui a révélé le premier la mort de l'employé d'hôtel, Baha Moussa, sous détention britannique à Bassora — à présent que les soldats présents à sa raclée sauvage ont été acquittés de l'accusation de meurtre, je suppose que nous devons toujours nous référer à sa disparition en parlant de "mort"—, je peux attester que les Musulmans arabes savent à présent trop bien à quel point nos gars sont gentils et raffinés durant les interrogatoires. Ce sont nous, les Britanniques de l'intérieur, qui ne sommes pas censés croire en la torture. Les Irakiens savent tout de cela — et ils connaissaient tout du sort de Moussa bien avant que je ne le rapporte dans The Independent on Sunday.
La raison est qu'il ne s'agit vraiment que de nous cacher la réalité au Moyen-Orient. C'est pour empêcher les Britanniques et les Américains de mettre en doute l'occupation internationalement illégale et cruelle des terres musulmanes. Et au Pays de la Liberté, cette censure systématique de la réalité au Moyen-Orient se poursuit même dans les écoles. Maintenant, le proviseur d'un lycée du Connecticut a interdit une pièce jouée par les élèves, qui se base sur les lettres et les mots de soldats américains servant en Irak. Intitulée Voices in Conflict [Des Voix en Conflit], Natalie Kropf, Seth Koproski, James Presson et les autres lycéens de la Wilton High School ont compilé les réflexions de soldats et d'autres — dont un ancien élève de Wilton High tué en Irak — pour créer leur propre pièce. Cela n'a servi à rien. Cette pièce de théâtre pourrait blesser ceux "qui ont perdu des êtres chers ou qui ont des membres de leur famille en service en Irak au moment où nous parlons", a proclamé Timothy Canty, le proviseur de Wilton High. Et — c'est ma réplique préférée — Canty croyait qu'il n'y avait pas assez de temps pour répéter afin d'être sûr que la pièce offre "une expérience éducative légitime à nos élèves".
Et, bien sûr, je peux assez bien voir l'idée de M. Canty. Ces lycéens, qui ont produit The Crucible [Le Creuset] d'Arthur Miller, se sont entendus dirent par M. Canty — dont les propres expériences de la guerre, s'il en a eu, ne figurent pas dans son CV — que ce n'était pas leur place de dire à des auditoires ce que les soldats pensaient. Les élèves de Wilton High sont à présent inondés de propositions pour jouer cette pièce dans d'autres théâtres. Personnellement, je pense que M. Canty a peut-être raison. Il ferait beaucoup mieux d'encourager ses lycéens à jouer Titus Andronicus de Shakespeare, une pièce d'une violence inouïe, de torture, de viol, de mutilation et de meurtres d'honneur. Cela rendrait l'Irak parfaitement explicable aux gens bien-pensants du Connecticut. Une "expérience éducative légitime" si jamais il y en avait une.
traduit par [JFG/QuestionsCritiques]
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The Independent, le 7 avril 2007
article original : "Robert Fisk: The true story of free speech in America "
La censure systématique de la réalité au Moyen-Orient
se poursuit même dans les écoles
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Laila al-Arian portait son foulard derrière le bureau de Nation Books, l'un de mes éditeurs new-yorkais. Non, me dit-elle, il serait difficile de téléphoner à son père. À l'infirmerie de sa prison de Caroline du Nord, il ne peut passer que quelques coups de fil — surveillés, bien sûr — et il devenait de plus en plus faible.
Sami al-Arian a 49 ans, mais il est resté en grève de la faim pendant 60 jours pour protester contre le scandale que commettait le gouvernement contre lui, une parodie de justice qui n'a évidemment pas réussi à réveiller les gardiens endormis du journalisme américain à New York, Washington et Los Angeles.
Bravo, quand même, au journaliste John Sugg de Tampa, en Floride, qui a dressé, pendant des mois, le catalogue du calvaire d'al-Arian, en même temps qu'Alexander Cockburn de CounterPunch.
Jusqu'à maintenant, voici son histoire : Sami al-Arian, un Palestinien né au Koweït, était un professeur d'informatique respecté à l'Université de Floride du Sud, qui avait tenté, toutefois en vain, de comminiquer au gouvernement étasunien la vraie tragédie des Arabes palestiniens. Mais, selon Sugg, ses leçons rendirent furieux les lobbyistes d'Israël — la famille d'al-Arian a été chassée de Palestine en 1948 — et, en 2003, à l'instigation du Ministre de la Justice [John] Ashcroft, il fut arrêté et accusé de conspirer "à des meurtres et des atteintes à la personne" à l'extérieur des Etats-Unis et de lever des fonds pour le Djihad Islamique en "Palestine". Il a été détenu en isolement pendant deux ans et demi, clopinant sur huit cents mètres, pieds et mains enchaînés, ne serait-ce que pour parler à ses avocats.
Le procès d'al-Arian, qui a coûté 50 millions de dollars (36m€), a duré six mois : le gouvernement a appelé à la barre 80 témoins (dont 21 d'Israël) et a utilisé 400 appels téléphoniques interceptés, ainsi que la preuve d'une conversation qu'un co-accusé a eu avec al-Arian — tenez-vous bien ! — dans un rêve. Le juge local, un certain James Moody, a fait objection à toutes les remarques sur l'occupation militaire israélienne ou sur la Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, sur la base que cela mettrait en danger l'impartialité des jurés.
En décembre 2005, al-Arian a été acquitté sur les accusations les plus graves et sur celles qui restaient, les jurés se sont prononcés à 10 voix contre deux pour l'acquittement. Parce que le FBI voulait porter d'autres accusations, les avocats d'al-Arian lui dire de passer un accord de plaider-coupable qui mettrait un terme à d'autres poursuites. Cependant, arrivant pour entendre la sentence, al-Arian — qui supposait que le temps déjà passé en prison, suivi d'une expulsion, serait sa punition — découvrit Moody en train de parler de "sang" sur les mains de l'accusé et ce dernier s'assura qu'al-Arian passe 11 mois supplémentaires en prison. Ensuite, le procureur Gordon Kromberg, insista sur le fait que le prisonnier palestinien devait témoigner contre un groupe de réflexion islamique. Al-Arian pensait que sa transaction de plaider-coupable n'avait pas été honorée et refusa de témoigner. Il fut méprisé. Et il continue de languir en prison.
Ce n'est pas le cas, bien sûr, de la plupart des tortionnaires américains en Irak. L'un d'eux s'avère avoir l'insigne honneur de s'appeler Ric Fair, un "interrogateur sous contrat", qui a vidé son âme dans le Washington Post — bravo, soit dit en passant, au Post — à propos de ses frasques au "complexe" d'interrogatoires de la 82ème Division Aéroportée. Fair s'est mis à avoir des cauchemars au sujet d'un Irakien qu'il a privé de sommeil pendant les interrogatoires "en le forçant à se tenir debout dans un coin sans vêtements". À présent, c'est Fair qui est privé de sommeil. "Un homme sans visage me regarde fixement… implore mon aide, mais j'ai peur de faire un geste. Il commence à pleurer. C'est un son pitoyable et cela me rend malade. Il crie, mais lorsque je me réveille, je réalise que ces cris sont les miens."
Dieu merci, Fair n'a pas écrit de pièce relatant ses expériences et ne l'a pas offerte à la Chaîne 4, dont les dirigeants se sont dégonflés sur The Mark of Cain [la marque de Caïn], une fiction sur les abus de l'armée britannique à Bassora. Ils ont rapidement fait savoir que la retransmission de la pièce de Tony Marchant pourrait affecter le dénouement désormais heureux de la production bien moins fascinante sur la prison iranienne des 15 Célèbres "Appelés" — en rendant furieux le monde musulman avec les histoires sur la manière dont nos gars à Bassora tabassent les Irakiens du cru. À l'instar du journaliste qui a révélé le premier la mort de l'employé d'hôtel, Baha Moussa, sous détention britannique à Bassora — à présent que les soldats présents à sa raclée sauvage ont été acquittés de l'accusation de meurtre, je suppose que nous devons toujours nous référer à sa disparition en parlant de "mort"—, je peux attester que les Musulmans arabes savent à présent trop bien à quel point nos gars sont gentils et raffinés durant les interrogatoires. Ce sont nous, les Britanniques de l'intérieur, qui ne sommes pas censés croire en la torture. Les Irakiens savent tout de cela — et ils connaissaient tout du sort de Moussa bien avant que je ne le rapporte dans The Independent on Sunday.
La raison est qu'il ne s'agit vraiment que de nous cacher la réalité au Moyen-Orient. C'est pour empêcher les Britanniques et les Américains de mettre en doute l'occupation internationalement illégale et cruelle des terres musulmanes. Et au Pays de la Liberté, cette censure systématique de la réalité au Moyen-Orient se poursuit même dans les écoles. Maintenant, le proviseur d'un lycée du Connecticut a interdit une pièce jouée par les élèves, qui se base sur les lettres et les mots de soldats américains servant en Irak. Intitulée Voices in Conflict [Des Voix en Conflit], Natalie Kropf, Seth Koproski, James Presson et les autres lycéens de la Wilton High School ont compilé les réflexions de soldats et d'autres — dont un ancien élève de Wilton High tué en Irak — pour créer leur propre pièce. Cela n'a servi à rien. Cette pièce de théâtre pourrait blesser ceux "qui ont perdu des êtres chers ou qui ont des membres de leur famille en service en Irak au moment où nous parlons", a proclamé Timothy Canty, le proviseur de Wilton High. Et — c'est ma réplique préférée — Canty croyait qu'il n'y avait pas assez de temps pour répéter afin d'être sûr que la pièce offre "une expérience éducative légitime à nos élèves".
Et, bien sûr, je peux assez bien voir l'idée de M. Canty. Ces lycéens, qui ont produit The Crucible [Le Creuset] d'Arthur Miller, se sont entendus dirent par M. Canty — dont les propres expériences de la guerre, s'il en a eu, ne figurent pas dans son CV — que ce n'était pas leur place de dire à des auditoires ce que les soldats pensaient. Les élèves de Wilton High sont à présent inondés de propositions pour jouer cette pièce dans d'autres théâtres. Personnellement, je pense que M. Canty a peut-être raison. Il ferait beaucoup mieux d'encourager ses lycéens à jouer Titus Andronicus de Shakespeare, une pièce d'une violence inouïe, de torture, de viol, de mutilation et de meurtres d'honneur. Cela rendrait l'Irak parfaitement explicable aux gens bien-pensants du Connecticut. Une "expérience éducative légitime" si jamais il y en avait une.
traduit par [JFG/QuestionsCritiques]
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