Bâton onze

Bâton Onze, on l'appelait ainsi, car il mangeait beaucoup et n'arrivait à grossir. J'ai grandi avec Bâton onze, il rendait service à tout le monde, il était gentil comme tout, respectait autant les plus vieux et les jeunes. Cela à remonte à plus de vingt ans notre dernière conversation. Il me donnait des nouvelles de tout le monde du quartier où l'a été élevé. On se remémorait des histoires avec la préfecture de Port-au-Prince du temps d’Edner Day avec ses sbires mal fagotés qui avaient de la misère à attraper un jeune s’adonnant à pratiquer le sport national sur le macadam.  À l’époque plusieurs d’entre eux ne possédaient pas d’armes car il fallait qu’ils les payent eux-mêmes.  Sachant cela, il arrive parfois que les jeunes les confrontaient et ces soi-disant attachés prenaient la fuite.  Toutefois, il y avait Agimal, il était assez costaud et pouvait  quand même effrayer quelques jeunes.  Néanmoins, Bâton Onze, mon ami d’enfance et dont je vais taire le vrai prénom ne ressemble en rien avec ce bâton onze qui a usurpé le pouvoir en Haïti.

L’inculpé, bâton onze de surcroît, ce jovenel n’est que l’ombre de lui-même.  Quelqu’un m’a suggéré de visionner le montage vidéo qui a été présenté jeudi soir en guise d’adresse à la nation. On se rend compte qu’il a de la difficulté à s’exprimer, à maintenir le rythme. Il s’agit de petites séquences vidéo qu’il a dû répéter plusieurs fois. L’on a l’impression qu’on lui a dicté à chaque séquence quelle attitude, quel ton à avoir. En fait, un très mauvais acteur.  Qu’il soit conscient, il ne peut convaincre des jeunes en âge scolaire,  voire des adultes. La dernière fois qu’un président avait fait un tel montage vidéo, il n’était plus dans le pays lors de sa diffusion. Il s’était échappé en catimini dans la nuit avec sa famille.  Ceci dit, jovenel, bâton onze, s’amaigrit à vue d’œil comme quoi, bien mal acquis ne profite à rien, même à donner la santé.