Hedi Annabi nouveau patron de la Munisthah en Haiti.

Pourquoi un tunisien à la tête de la Minustah ?

PORT-AU-PRINCE, 26 Août - Mission accomplie pour Edmond Mulet.

Le chef civil de la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation en Haïti ou Minustah s'en va après environ 14 mois en Haïti.

Le guatémaltèque Edmond Mulet avait succédé à un chilien, Juan Gabriel Valdez.

Celui-ci a nagé dans les eaux difficiles de la politique jusqu'au-boutiste des tombeurs de Jean-Bertrand Aristide le 29 février 2004 pour présider à des élections qui ont mis au pouvoir ni plus ni moins qu'un ancien lavalas (nous précisons ancien), Mr. René Préval.

Tandis que Edmond Mulet aura la tâche tout aussi difficile de pacifier les quartiers populaires et nombreuses zones de non-droit de la capitale haïtienne où cela avait commencé sous l'étendard de la résistance pro-Aristide pour culminer dans la pire criminalité de droit commun jamais vue dans notre pays.

Son heure de gloire aura été d'accompagner récemment son patron, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, au quartier même de Cité Soleil, le plus redoutable de tous.

A la mairie de Cité Soleil où le maire élu Wilson Louis le félicitait en présence du secrétaire général, Edmond Mulet fut ému jusqu'aux larmes.

Son successeur est un tunisien, Mr. Hedi Hannabi. Il prendra fonctions en octobre prochain.

La prochaine étape, selon Mulet, est l'établissement de l'Etat de droit par le renforcement des institutions et la réforme de la police et de la justice, la résolution des divergences politiques à travers un dialogue constructif, l'implication des citoyens dans la construction d'une Haïti équitable, en paix et sur la voie du développement durable.

Sénateurs plus disposés à chercher querelle...

La réforme de la police a progressé. D'ailleurs en prenant appui sur les faiblesses trop criantes du corps : la profonde implication de ses agents dans le trafic de la drogue.

Par contre, la deuxième réforme primordiale, celle de la justice, ne semble pas avoir bougé d'un pouce.

Motif : il y a trois législations essentielles à être votées. Deux ont passé le test parlementaire. La troisième attend.

Elle peut devoir attendre encore longtemps vu l'humeur actuelle des sénateurs, qui sont plus disposés à chercher noise à l'exécutif qu'à tout autre chose.

Le nouveau représentant en Haïti du secrétaire général de l'ONU, Hedi Hannabi, est un diplomate de carrière. Son dernier poste fut celui d'assistant secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, auquel d'ailleurs va le remplacer Edmond Mulet.

Poste important vu le nombre de plus en plus grand de missions de casques bleus déployées dans le monde.

Annabi connaît donc déjà le dossier haïtien, pour la bonne raison aussi qu'Haïti est classée aujourd'hui parmi l'une des plus réussies de ces missions.

Mais c'est aussi la première fois qu'un diplomate qui n'appartient pas à la région, est nommé à la tête de la Minustah.

Et cela peut poser problème. Pas du côté haïtien, mais de la Minustah elle-même.

Haïti approché pour la première fois comme un problème régional...

En effet, il existe un accord informel, non écrit, depuis l'instauration de la Minustah que la direction militaire de la mission est assurée par un général brésilien, du fait que c'est le Brésil qui fournit le plus important contingent de soldats, tandis que la direction civile est considérée comme devant revenir à un diplomate sud-américain pour faire contrepoids, étant donné que les autres pays de la région y participent aussi de manière appréciable. Et que ce sont-là des efforts qui leur pèsent beaucoup financièrement.

Enfin le cas Haïti, pour la première fois, est approché comme un problème régional. Et non pas uniquement comme une simple nuisance dans l'arrière-cour des grandes puissances.

Enfin la plupart de ces pays (y compris le grand Brésil) font leur première expérience en matière d'implication aussi profonde dans la diplomatie internationale et un poste comme cela est une marque de prestige importante.

Certains visent même un siège permanent au conseil de sécurité.

Ainsi la nomination d'un diplomate venant du dehors pour diriger la mission peut avoir été reçue avec beaucoup de surprise (et peut-être de déception). Après le chilien Valdez, le guatémaltèque Mulet, c'était peut-être le tour d'un argentin ou d'un bolivien ou de tout autre de la zone sud-américaine. Tout comme c'est un américain qui avait assuré l'intérim avant l'arrivée de Mulet. Sans oublier que Edmond Mulet lui-même est d'ascendance canadienne.

Le sud-coréen Ban Ki-Moon, secrétaire général à peine entré en fonctions, est-il suffisamment imbu de ces questions ? On ne sait. En tout cas, questions délicates s'il en est car il y va de la susceptibilité régionale.

Et peut-être aussi de l'avenir de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti !!!

Editorial, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince