AU SUJET DE L’ARMÉE.
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AU SUJET DE L’ARMÉE.
au sujet de l’armée.
Lettre ouverte à Georges Michel
Par Camille Loty Malebranche
Monsieur, je suis avec un profond intérêt citoyen tout le
débat auquel vous prenez part comme intervenant majeur et privilégié, étant
historien, rédacteur de la constitution de 1987 et membre pressenti de la
commission présidentielle devant statuer sur le retour ou non du pays au
militarisme. En lisant sur le site de MétropoleHaïti votre propos en date du 19
octobre 2007 sur la nécessité de reconstituer la force armée en Haïti, pour
selon vous, éviter que le gouvernement de la république ne soit renversé par
des insurgés 18 mois après le départ la Minustah, la question à ce sujet est de
savoir: à qui ont jamais profité les forces armées en Haïti? Bien au-delà de
votre personne, je suis interpellé par toutes les vagues démontées de passions,
les justifications tous azimuts par la sécurité dont l’armée serait la seule
pourvoyeuse digne et attitrée, sans oublier les invocations de surveillance de
l’intégrité territoriale conférant le statut de nécessité
« nationale » à l’institution militaire… Je m’adresse à vous donc en
tant qu’historien et personnalité ayant pris part à la rédaction de la
constitution de 1987, par deux interrogations toutes simples. L’armée
d’Haïti a-t-elle jamais dans l’histoire, respecté la constitution et les
autorités civiles légalement constituées? Et quelle institution est-elle la
parturiente de quasiment tous les renversements de gouvernement issu des urnes
à travers l’histoire d’Haïti? La question doit être débattue en public tout en
évitant les prêts à penser expéditifs, les stéréotypes militaristes ou
antimilitaristes qui, les uns et les autres, voient les intervenants se figer
dans une sorte d’introversion partisane aggravant l’incommunication sur le
sujet par des apophtegmes d’adoption ou de rejet du militarisme. Pour
communiquer valablement en brisant toute attitude univoque contreproductive, il
nous faut donc placer la question dans l’espace public, c'est-à-dire la poser
dans la presse au cœur de la société qui doit en dernier ressort accepter ou
refuser la reconstitution de l’armée en Haïti. Pour ce faire, nul n’est
autorisé à jouer les manipulateurs par des bobards historiens maquillés en
vérité historique. Et ensuite, puisque la chose est d’intérêt strictement
public et ne saurait être ni réduite à une affaire de crédo social de
groupuscules ni tributaire de secteurs intéressés et déjà portés par leur appartenance
de classe voire de « caste », à vouloir imposer l’institution
militaire au pays, pourquoi ne pas aller à un référendum? Qui, ici, a peur du
verdict de l’écrasante majorité des haïtiens? Je sais que mille subterfuges
logiques ou juridiques, évoquant la reconnaissance de l’armée par la
constitution de 1987, seront évoqués pour contourner ma proposition
référendaire! Mais cela nous placerait sans souci du bien commun national, inutilement
devant une aporie factice vainement entretenue par l’esprit procédurier et
dilatoire de quelques-uns, puisqu’il est clair que la pire ennemie de toutes
les constitutions jamais écrites et promulguées en Haïti, a été l’armée tout au
long de nos deux siècles d’existence. Les faits, à ce sujet, formels et sans
ombre, nous crient au visage, qu’après la révolution fondatrice de 1804 où elle
l’a amorcé, l’armée a été l’instrument d’empêchement de l’État-Nation
haïtien, par l’instabilité politique et la cruauté tyrannique dont elle fit
montre au service d’intérêts toujours particuliers très rarement voire jamais
nationaux.
Si je considère vos arguments, de véritables arguties
infantilisantes pour un homme instruit, historien de surcroît, l’armée aurait
la vertu de prévenir l’Occupation étrangère du territoire. Le sérieux du débat
pour le destin de la démocratie haïtienne et le respect de compatriote que je
vous dois, m’empêche de m’esclaffer. Mais pouvez-vous proférer pareille
énormité et ensuite prétendre être apte à conseiller sereinement le président
de la république au sujet d’une éventuelle reconstitution ou non de l’armée? Car
votre pathétique comparaison de l’armée qui aurait tenu 60 ans avant une
seconde Occupation alors que la police n’aurait préservé le pays que 10 ans de l’actuelle
Occupation est rocambolesque. Une simple analyse de l’histoire de cette armée
inféodée aux Etats-Unis de 34 à 94 dévoile à qui veut saisir le sens de sa
réussite, la vérité de l’évitement de l’occupation en ces 60 ans. Ce fut une
armée d’Occupation sans les blancs. Aucune raison donc pour l’impérialiste
d’intervenir quand des nationaux font leur sale besogne! Ce fut aussi une armée
de répression et de coups d’État comme au 19ème En
septembre 1994, la seconde Occupation étasunienne fut, pour tous ceux qui
veulent comprendre cet épisode douloureux de notre histoire récente, encore une
fois une conséquence des grossièretés criminelles de l’armée de Cédras et de M.
François tristement célèbres par leur gérance désastreuse du coup d’État
perpétré trois ans auparavant, trois ans où ils sont allés de la formation du
sinistre Fraph (corps de miliciens assassins) aux massacres gratuits de
citoyens dans un pays déchiré par le narcotrafic et l’insécurité. Dans les deux
cas, pas même symboliquement l’armée n’a réagi contre l’occupant. Pierre Sully
est bien solitaire dans sa tombe avec ses convictions de bon soldat! Et puis,
du côté de la faisabilité financière, à moins de se voiler volontairement la
face et de pratiquer l’autruche analytique, Haïti a-t-elle les ressources pour
s’offrir une armée d’effectif suffisant et bien équipée en vue d’une éventuelle
protection du territoire, tout en ayant une force policière, elle aussi avec un
effectif juste et les équipements adéquats pour le maintien de l’ordre public?
La condition exsangue du budget public, ne saurait autoriser la prise en charge
financière par l’État haïtien de deux forces publiques. Il nous faut en garder
une et la plus appropriée. Dans un pays où chaque besoin fondamental - de la
nourriture à l’eau potable, de l’éducation des masses à la santé - est une
priorité, à moins d’une cécité critique réelle, il est indécent qu’un
intellectuel ou qu’un quelconque individu par intérêt de classe ou de « caste »,
ou par mentalité de horde, se mêle de vouloir berner l’opinion publique sur
cette question de l’armée. La sécurité, étant affaire policière, pourquoi
vouloir que ce soit l’armée qui joue à la police? siècle. Alors que la
police vagissante, peu professionnelle et sous équipée victime des corruptions venant
de sa politisation par le régime lavalas, n’avait jamais pu se constituer une
véritable force de sécurité publique. L’armée a toujours eu directement ou
indirectement le pouvoir de 1934 à 1959 - où, si je ne m’abuse, Duvalier a
constitué son corps de macoutes - et a repris tambour battant le pouvoir de
1986 à 1994. La police, esquintée par la politique lavalassienne qui prétendait
la former, n’a jamais été au pouvoir. Aujourd’hui, l’Occupation, s’il en est,
n’est que le prolongement du désastre militaire hérité des deux cents ans de
bévues de nos différentes armées qui se sont elles-mêmes disqualifiées en tant
que force publique nationale. Par ailleurs, tous, même le primaire qui étudie
l’histoire d’Haït, savent, que la première Occupation étasunienne eut
directement comme cause immédiate, l’armée en la personne du général président
Vilbrun Guillaume Sam dont le subalterne militaire Charles Oscar Étienne ayant
assassiné les prisonniers politiques, a déclenché la terrible émeute du lugubre
28 juillet 1915 dont Wilson et une certaine classe haïtienne ont argué pour faire
intervenir les yankees au pays.
L’armée haïtienne, je le redis, n’a jamais été qu’une force
de répression contre les masses et les patriotes, une force féroce à la
disposition de la classe du pouvoir mais oncques un agent de stabilité ni de
sécurité nationale.
À moins que, comme toujours dans l’histoire du tragique existentiel collectif qui est la
nôtre, quelques-uns veuillent continuer à bafouer la loi par la baïonnette! Car
que l’armée fût nationale ou non avant ou après 1915, le résultat de sa
présence et de ses forfaits, fut indifféremment le même : la destruction
des possibles d’un État-Nation haïtien, la traumatisation de la société, la
fragilisation de toute l’institution étatique et juridico-légale permettant à
une certaine classe de disposer du pays comme elle veut et sans résistance institutionnelle
ou structurelle. Mais, en fait, même avec une reconstitution de l’armée, cela n’est
aujourd’hui garanti vu le nouvel ordre mondial, le tribunal pénal international
et l’activité de la société civile mondialement active… Hélas! Le changement est
irritable et inacceptable à certains secteurs vétustes attachés aux vieilles
méthodes, obnubilés par des privilèges malsains de règne par la force et sans
loi! L’Histoire, vous conviendrez avec moi, monsieur G. Michel, est d’abord
constituée de ses faits et événements avant toute herméneutique de chapelle,
voilà pourquoi elle échappera toujours à la farce ou aux bouffonneries
historiennes des uns et des autres, farce et bouffonnerie relevant du genre
dramatique et non historique.
Toute logique tronquée se révèle paralogisme et vile opinion
sans analyse dans les termes, parce que masquant et dénaturant les faits. On ne
peut se permettre dans un débat aussi essentiel, cette occurrence si pertinente
pour l’avenir de la société haïtienne, éluder l’une des vraies causes de la
dérive bicentenaire du pays, je cite la militaire. Nul ne doit se permettre de
prendre ses certitudes pour l’évidence voire la vérité. Et dans ce cas-ci, ni
fanatisme ni phobie ne doivent primer la raison. Aucune ratiocination, aucune
fumisterie, aucun turlupin d’individu ou de clan ne doit non plus faire biaiser
le débat social et la décision qui, du pouvoir, s’ensuivra. L’erreur
historienne est compréhensible mais qu’il serait abject de fonder le destin de
toute une nation sur des plaidoyers captieux, des espèces d’arguties spécieuses
et intéressées pour manipuler les consciences en abusant l’opinion publique! L’amour
de la patrie nous garde tous d’une telle impudence qui serait purement et
simplement antihaïtienne, Monsieur Michel.
Tandis que nous demandons à l’exécutif d’éviter toute
pusillanimité laxiste face à des commissions représentatives de secteurs
suspects de connivence avec des groupuscules ne poursuivant que leur triste et
petite vision cloitrée à la lorgnette de leurs mesquins intérêts qu’ils
voudraient imposer au pays, je vous prie, Monsieur, d’agréer mes sentiments
citoyens les meilleurs et mes plus ardentes salutations patriotiques.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
Dernière édition par le Ven 21 Sep 2007 - 20:22, édité 1 fois
kafedous- Junior
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Nombre de messages : 12
Localisation : pòtoprens
Loisirs : internet
Date d'inscription : 12/09/2007
kafedous- Junior
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Re: AU SUJET DE L’ARMÉE.
Kafedous
Je tiens à vous informer que vous pouvez en tout temps editer les textes que vous affichez au forumhaiti. Vous cliquez sur editer et vous aurez la possibilité de modifier votre papier.
Bonne chance
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