Comme des damnés de la terre
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Comme des damnés de la terre
Comme des damnés de la terre
Le paysan est livré à lui-même. On a cure de ses misères, de ses besoins dans un pays en « crise alimentaire » où les agronomes labourent les bureaux climatisés en attendant l'aide internationale.
Opération de sarclage d'un champ de pistache non loin de Tuffet
(Photo: Roberson Alphonse)
A Moreau où en amont du canal l'eau coule à flots
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, des paysans dans moulin de petit-mil
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, le canal est sec
(Photo: Roberson Alphonse)
Un homme blessé à Poste-droit, non loin de Tuffet, à cause d'un conflit pour l'eau du canal
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, 2e section communale des Cayes, tout homme qui se respecte doit se mettre au travail dès l'aube. Les tirs au flanc ne sont pas tolérés. Clausel Ferrier, fils de cultivateur, le sait bien. Une houe à la main, un vieux chapeau sur la tête, un maillot troué sur le dos, il sarcle chaque recoin de son champ de pistache alors que le soleil, radieux, tape et chasse le frisquet des brises de ce matin de décembre.
Le front ruisselant de sueur, ce père de cinq enfants confie s'être adonné à la culture de la pistache à cause de la chute des prix du maïs, de la flambée de l'engrais et de l'eau qui ne coule plus dans un vieux canal d'irrigation construit au milieu des années quarante.
Sûr de lui, il explique que « la culture d'un hectare de maïs nécessite 12 sacs d'engrais. Et que le sac, en quelques mois, est passé de 500 à 1200 gourdes tandis que la petite marmite de maïs en grain se vend à 20 gourdes après avoir atteint la barre des 35 gourdes ».
L'acceptation en don par l'Etat haïtien d'un surplus de production de maïs venant de l'Argentine aurait cassé les reins des paysans en provoquant la chute des cours et une baisse de la production locale, se rappelle-t-il avoir entendu dire un agronome, il y a quelques années.
« L'Etat n'a cure du paysan. Mais l'Etat n'est pas l'unique responsable », fait remarquer Clausel contant, dans la même veine, les humiliations subies par d'autres paysans de la zone, regroupés au sein d'associations qui ont essayé en vain de trouver des crédits dans des banques commerciales ayant pignon sur rue dans tout le pays. « Le paysan est seul, il n'a pas de subvention », martèle-t-il en jurant ses grands dieux de ne pas aller gonfler les bidonvilles de Port-au-Prince avec sa femme et ses enfants.
Le défi de l'eau
Indispensable à l'agriculture, l'eau est devenue une denrée rare à Tuffet et dans les localités avoisinantes alimentées par le canal, confie Clausel. Le temps de passer ses récriminations une fois à la maison sur un bol de patate douce, il chausse une vielle godasse et prend, en compagnie de Valcourt Joseph Vilnor et de Paul André Chéry, la direction de Moreau. « L'eau est retenue en haut », dit-t-il en pointant du doigt le canal sec comme le désert du Sahara à quelques pas de « Eglise Dévouée pour Christ » de Tuffet.
Toutefois, à Moreau, non loin de Ferme Leblanc, elle coule, généreuse, en dépit de la réduction de son débit causée par la coupe effrénée d'arbres magnifiques et verdoyants dans les bassins versants avoisinants. « Avant, un comité planifiait la distribution. Chacune des 39 localités, de Major à Fondfrède, avait accès à l'eau au moins une fois par semaine », soutient-il en déplorant les conflits enregistrés dans le passé. Une femme enceinte a été battue par un homme suite à une dispute à cause de l'eau du canal, regrette Clausel qui appelle, au passage, au forage de puits comme alternative.
Léger confirme
Le paysan haïtien est effectivement abandonné, confirme l'agronome Pierre Léger, président de la Chambre de commerce du Grand Dud (Sud, Sud-Est, Grand'Anse et Nippes). « Les agronomes sont en train de labourer les bureaux de Damien. Ces monstres rongeurs attendent l'aide internationale », crache-t-il en expliquant comment l'aide internationale peut être déstabilisante si elle n'est pas bien canalisée. « Haïti n'est pas pauvre. Faisons la révolution économique », appelle l'industriel qui plaide en faveur du désenclavement du Grand Sud.
Le ministère de l'Agriculture, qui ne repose son action que sur le financement des bailleurs de fonds, a une réputation de gestionnaire de projet. Ce qui, estime-t-on, constitue un handicap à l'élaboration et à l'application d'une stratégie de développement de l'agriculture.
Au classement de la catastrophe
Au moment où l'on tire la sonnette d'alarme sur le déclin de l'agriculture locale, Haïti, selon la FAO, fait partie des 37 pays au monde qui sont en "situation de crise alimentaire". Le pays est confronté à des situations sévères d'insécurité alimentaire localisée, souligne le rapport 2007 de cet organisme des Nations unies, qui préconise une assistance externe rapide pour les pays concernés. Cette situation résulte des graves inondations des derniers mois, fait -on remarquer.
En dépit de sa détermination à lutter contre vents et marées, rien ne dit que Clausel, comme des centaines de milliers de paysans avant lui, n'ira pas gonfler les bidonvilles de la capitale ou risquer sa vie sur un rafiot en tentant d'atteindre les Etats-Unis ou les Bahamas. Du reste, il boit la tasse de la misère et de l'oubli jusqu'à la lie. L'autre aurait dit de lui qu'il est le damné de la terre.
Roberson Alphonse
robersonalphonse@yahoo.fr
Le paysan est livré à lui-même. On a cure de ses misères, de ses besoins dans un pays en « crise alimentaire » où les agronomes labourent les bureaux climatisés en attendant l'aide internationale.
Opération de sarclage d'un champ de pistache non loin de Tuffet
(Photo: Roberson Alphonse)
A Moreau où en amont du canal l'eau coule à flots
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, des paysans dans moulin de petit-mil
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, le canal est sec
(Photo: Roberson Alphonse)
Un homme blessé à Poste-droit, non loin de Tuffet, à cause d'un conflit pour l'eau du canal
(Photo: Roberson Alphonse)
A Tuffet, 2e section communale des Cayes, tout homme qui se respecte doit se mettre au travail dès l'aube. Les tirs au flanc ne sont pas tolérés. Clausel Ferrier, fils de cultivateur, le sait bien. Une houe à la main, un vieux chapeau sur la tête, un maillot troué sur le dos, il sarcle chaque recoin de son champ de pistache alors que le soleil, radieux, tape et chasse le frisquet des brises de ce matin de décembre.
Le front ruisselant de sueur, ce père de cinq enfants confie s'être adonné à la culture de la pistache à cause de la chute des prix du maïs, de la flambée de l'engrais et de l'eau qui ne coule plus dans un vieux canal d'irrigation construit au milieu des années quarante.
Sûr de lui, il explique que « la culture d'un hectare de maïs nécessite 12 sacs d'engrais. Et que le sac, en quelques mois, est passé de 500 à 1200 gourdes tandis que la petite marmite de maïs en grain se vend à 20 gourdes après avoir atteint la barre des 35 gourdes ».
L'acceptation en don par l'Etat haïtien d'un surplus de production de maïs venant de l'Argentine aurait cassé les reins des paysans en provoquant la chute des cours et une baisse de la production locale, se rappelle-t-il avoir entendu dire un agronome, il y a quelques années.
« L'Etat n'a cure du paysan. Mais l'Etat n'est pas l'unique responsable », fait remarquer Clausel contant, dans la même veine, les humiliations subies par d'autres paysans de la zone, regroupés au sein d'associations qui ont essayé en vain de trouver des crédits dans des banques commerciales ayant pignon sur rue dans tout le pays. « Le paysan est seul, il n'a pas de subvention », martèle-t-il en jurant ses grands dieux de ne pas aller gonfler les bidonvilles de Port-au-Prince avec sa femme et ses enfants.
Le défi de l'eau
Indispensable à l'agriculture, l'eau est devenue une denrée rare à Tuffet et dans les localités avoisinantes alimentées par le canal, confie Clausel. Le temps de passer ses récriminations une fois à la maison sur un bol de patate douce, il chausse une vielle godasse et prend, en compagnie de Valcourt Joseph Vilnor et de Paul André Chéry, la direction de Moreau. « L'eau est retenue en haut », dit-t-il en pointant du doigt le canal sec comme le désert du Sahara à quelques pas de « Eglise Dévouée pour Christ » de Tuffet.
Toutefois, à Moreau, non loin de Ferme Leblanc, elle coule, généreuse, en dépit de la réduction de son débit causée par la coupe effrénée d'arbres magnifiques et verdoyants dans les bassins versants avoisinants. « Avant, un comité planifiait la distribution. Chacune des 39 localités, de Major à Fondfrède, avait accès à l'eau au moins une fois par semaine », soutient-il en déplorant les conflits enregistrés dans le passé. Une femme enceinte a été battue par un homme suite à une dispute à cause de l'eau du canal, regrette Clausel qui appelle, au passage, au forage de puits comme alternative.
Léger confirme
Le paysan haïtien est effectivement abandonné, confirme l'agronome Pierre Léger, président de la Chambre de commerce du Grand Dud (Sud, Sud-Est, Grand'Anse et Nippes). « Les agronomes sont en train de labourer les bureaux de Damien. Ces monstres rongeurs attendent l'aide internationale », crache-t-il en expliquant comment l'aide internationale peut être déstabilisante si elle n'est pas bien canalisée. « Haïti n'est pas pauvre. Faisons la révolution économique », appelle l'industriel qui plaide en faveur du désenclavement du Grand Sud.
Le ministère de l'Agriculture, qui ne repose son action que sur le financement des bailleurs de fonds, a une réputation de gestionnaire de projet. Ce qui, estime-t-on, constitue un handicap à l'élaboration et à l'application d'une stratégie de développement de l'agriculture.
Au classement de la catastrophe
Au moment où l'on tire la sonnette d'alarme sur le déclin de l'agriculture locale, Haïti, selon la FAO, fait partie des 37 pays au monde qui sont en "situation de crise alimentaire". Le pays est confronté à des situations sévères d'insécurité alimentaire localisée, souligne le rapport 2007 de cet organisme des Nations unies, qui préconise une assistance externe rapide pour les pays concernés. Cette situation résulte des graves inondations des derniers mois, fait -on remarquer.
En dépit de sa détermination à lutter contre vents et marées, rien ne dit que Clausel, comme des centaines de milliers de paysans avant lui, n'ira pas gonfler les bidonvilles de la capitale ou risquer sa vie sur un rafiot en tentant d'atteindre les Etats-Unis ou les Bahamas. Du reste, il boit la tasse de la misère et de l'oubli jusqu'à la lie. L'autre aurait dit de lui qu'il est le damné de la terre.
Roberson Alphonse
robersonalphonse@yahoo.fr
Maximo- Super Star
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Nombre de messages : 3182
Localisation : Haiti
Loisirs : football - Gagè
Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
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Re: Comme des damnés de la terre
Gade on sijè telman inpotan, kote peyizaneri nou an ap finn deperi, prodiksyon nasyonal nou an degraba, pèsòn pa inteveni la dan li.
Maximo- Super Star
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Nombre de messages : 3182
Localisation : Haiti
Loisirs : football - Gagè
Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Comme des damnés de la terre
Vous avez mis l'article sur le forum mais vous n'avez fait aucun commentaire. Comme étant l'initiateur de ce débat sur cet article, il serait interessant de poster vos commentaires.
Quant à moi, je compte entrer dans ce topic ce soir ou demain matin. Je vais surtout aborder la gestion de l'eau, les conflits, et solutions.
Quant à moi, je compte entrer dans ce topic ce soir ou demain matin. Je vais surtout aborder la gestion de l'eau, les conflits, et solutions.
Invité- Invité
Re: Comme des damnés de la terre
Merci Dufreined
Maximo- Super Star
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Nombre de messages : 3182
Localisation : Haiti
Loisirs : football - Gagè
Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Comme des damnés de la terre
Conflit pour l'eau du canal
Que s'est-il passé?
- Le débit de l'eau est-il suffisant pour satisfaire toutes les demandes des usagers d'irrigation?
- Les canaux sont-ils revetus pour diminuer les pertes d'eau par infiltration?
- Les paysans sont-ils bien formés pour choisir la meilleure méthode adaptée aux parcelles?
- Y a-t-il un calendrier d'irrigation bien établi pour la zone?
Invité- Invité
Re: Comme des damnés de la terre
Dufreined, Preval se on agronom, gen youn lot agronom a la tèt de depatman de Lagrikilti, chaje ak neg ki konen e ki ka rezoud pwoblem irigasyon, angrè, prè a peyizan yo pou ede yo plante e fè tè ya bayo randman optimum, se pa konen yo pa konen sa pou yo fè. Ka peyizan Moreau ak Tuffet yo, se ka tout peyizan nan peyi ya. Peyizan yo pa ka viv, yo pa jwen èd, se ou swa yo vini plen bidonvil gwan vil yo ou byen yo pwan kantè, on pakèt tè la ap gaspiye, manje chè ap touye pèp la, preske tout danre nou se SenDomeng yo soti.
Kom mwen tande ke gen neg gouvenman yo kap li sit la mwen mande yo ki lè yap fè on bagay pou peyizan yo, pou la tè ka rekomanse bay an Ayiti, pou nou pa depann de lè zot selman, pou prodiksyon nasyonal nou ka fè on ti monte, pou pri manje ka desann, pou la vi chè sa kap toupizi pèp la bese.
Fout tonerrrr, bay pèp la on chans, ede yo, se pa mete nan poch selman. Bay Ayiti on chans, kite Ayiti viv.
Kom mwen tande ke gen neg gouvenman yo kap li sit la mwen mande yo ki lè yap fè on bagay pou peyizan yo, pou la tè ka rekomanse bay an Ayiti, pou nou pa depann de lè zot selman, pou prodiksyon nasyonal nou ka fè on ti monte, pou pri manje ka desann, pou la vi chè sa kap toupizi pèp la bese.
Fout tonerrrr, bay pèp la on chans, ede yo, se pa mete nan poch selman. Bay Ayiti on chans, kite Ayiti viv.
Maximo- Super Star
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Nombre de messages : 3182
Localisation : Haiti
Loisirs : football - Gagè
Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
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Re: Comme des damnés de la terre
Les paysans haitiens sont des damnés des le premier jour de notre independance. De 1804 à nos jours je n'ai connu aucun programme (pwogram ki gen nen nan figy l) de developpement en faveur de la paysannerie. Mes freres et soeurs haitiens, c'est vraiment triste que les vrais patriotes haitiens sont laissés à l'arriere du bateau national, quoiqu'ils soient les vrais contribuables. Comme je l'ai dit dans mon ouvrage, il y a aura pas de developpement si l'on pense uniquement au developpement des grandes villes d'Haiti par la concentration de tout le pouvoir politique aux mains des soit-disant intellectuels des villes.
Votre frere et compatriote
Jean
Votre frere et compatriote
Jean
Arché Jean- Senior
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Localisation : Boston, Massachusetts
Loisirs : Reading, writing, sports and travel
Date d'inscription : 12/08/2007
Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Comme des damnés de la terre
Comme passe-temps, j'essaie de rescontituer sous un format web les informations sur le dernier projet agricole qui bénéficiait de mes assistances techniques lorsque je vivais encore en Haiti.
Le site est loin d'etre terminé mais ceux qui sont intéressés à l'agriculture haitienne peuvent quand meme visualiser les images du périmètre d'irrigation de Petit-Goave et bien d'autres informations pertinentes sur l'irrigation en Haiti.
J'espère avoir plus de temps libre pour compléter ce travail:
http://www.websolutionfl.net/
Le site est loin d'etre terminé mais ceux qui sont intéressés à l'agriculture haitienne peuvent quand meme visualiser les images du périmètre d'irrigation de Petit-Goave et bien d'autres informations pertinentes sur l'irrigation en Haiti.
J'espère avoir plus de temps libre pour compléter ce travail:
http://www.websolutionfl.net/
Invité- Invité
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