Haiti en Marche: Croissance et developpement
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Haiti en Marche: Croissance et developpement
ECONOMIE
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Toute croissance n'est pas forcément développement!
PORT-AU-PRINCE, 12 Janvier - Le nouveau terme à la mode dans le monde politico-médiatique haïtien c'est PIB ou Produit intérieur brut.
Le PIB est un indice de croissance économique. Ou plutôt un PIB en hausse confirme l'existence de perspectives de croissance. Ce serait le cas aujourd'hui d'Haïti dont le PIB est passé de 2,7 à 3, 7 en l'espace d'une année (2006-2007). Chiffres officiels, si l'on en croit l'agence Alterpresse (bulletin en date du 10 Janvier 2008).
Fort de ces performances, le gouvernement haïtien table pour la nouvelle année fiscale " sur un objectif de croissance de 4,5 pour cent, soit une amélioration de 0,8 pour cent. "
On vient de loin puisque pendant ces dernières années de crise politique, Haïti avait plus que touché le fond mais atteint l'inimaginable: une croissance négative.
Voilà des chiffres encourageants, certes. Mais attention aux amalgames. PIB pas plus que croissance ne veut dire développement. Disons mieux: dans tout développement, il y a croissance. Mais dans toute croissance, il n'y a pas forcément développement.
Ou pour être encore plus clair, supposons une personne qui découvre sur sa propriété une immense jarre pleine d'or et se met à dépenser ce pactole pour le bien strictement de sa famille.
Si tant est que les rentrées de cette famille font à elles seules bondir le PIB - puisqu'il ne s'agit pas plus que du volume d'affaires réalisées à l'intérieur d'un espace géographique donné pendant un temps déterminé.L'habit ne fait pas le moine...
Nous avons choisi un cas limite. Mais qui n'est pas bien différent de certains émirats du Golfe dont les recettes tirées de l'exploitation pétrolière sont monopolisées par quelques familles monarchiques ou oligarchiques qui placent directement cette fortune dans l'achat d'actions dans les plus grandes firmes de Wall Street, Londres, Berlin, Zurich ou Paris.
Ces paradis de l'or noir comptent bien entendu parmi les PIB les plus élevés de la planète.
Donc la seule hausse du PIB ou du taux de croissance ne veut pas dire développement national au sens de processus impliquant une large part de la population dans la production ainsi que dans la distribution des richesses ainsi créées.
La colonie de Saint Domingue rapportait à la France plus que toutes ses autres possessions du Nouveau monde. La Perle des Antilles. Mais quelle différence pour les esclaves!
Le PIB fait partie des indicateurs économiques classiques. Mais pourquoi a-t-on décidé de nos jours de le monter particulièrement en épingle quand d'autres indicateurs non moins importants ne sont pas réalisés - ne peuvent pas se réaliser ou restent indéfiniment sur la touche. Citons-en deux: la création d'emplois et l'amélioration du pouvoir d'achat.
Différentes raisons à cela:
L'aide internationale...
D'abord un PIB positif est la meilleure justification de l'aide internationale.
Haïti est un pays perpétuellement sous perfusion. Un malade qu'on ne peut débrancher sous peine de le voir trépasser. Du moins théoriquement.
D'un autre côté, l'aide bilatérale encore plus est votée (en dehors de l'aide humanitaire d'urgence) sur la base de certaines performances.
En effet l'aide doit être ratifiée par les parlements des pays donateurs. Ces derniers réclament chaque année des comptes. L'USAID américaine, l'ACDI canadienne, la représentation de l'Union Européenne trouvent donc dans ces dernières statistiques matière à mieux défendre leur budget local.
Or aujourd'hui plus que jamais, le plus d'aide qu'on apporte, le plus d'influence qu'on a. Faut-il préciser: y compris sur la politique du pays d'accueil!
De son côté, l'Etat haïtien en espère une bonne publicité auprès des investisseurs étrangers potentiels.
Le PIB est évidemment un indicateur favorable au regard des institutions internationales de crédits. Ce sont d'ailleurs elles qui l'ont inventé...
Un circuit de course de voitures de luxe...
Mais cela ne résout toujours pas la question du développement national. Car aujourd'hui c'est un tout: qui fournit les crédits tend à agir également sur les projets: leur détermination ainsi que leur exécution. La locomotive ne se met pas en marche sans tous ses wagons.
A ce compte-là, pourquoi pas un métro à Port-au-Prince (ou un circuit de course de voitures de luxe comme Baby Doc en avait rêvé) si cela peut aider à débloquer quelques milliards qu'on laisse à rembourser aux générations futures...
Inutile de dire qu'on parle à ce moment-là d'un PIB absolument faramineux. Autrement dit, une certaine manipulation de ces chiffres pour faire avancer le processus dans telle direction plutôt que telle autre reste aussi du domaine du possible.
Mais en plus de l'augmentation massive de la dette externe, il y a l'entretien de ces nouvelles infrastructures à assurer et qui n'est pas évident. Parlons-en alors de développement durable!
C'est la cathédrale de feu le président Houphouët-Boigny construite au milieu d'un désert. Et que vient bénir le pape en personne.
On s'explique mieux la crise actuelle en Côte d'Ivoire.
Cela ne nourrit pas son homme...
Conclusion: le PIB c'est bon signe mais comme dit un proverbe haïtien, cela ne va pas au marché (en français, cela ne nourrit pas son homme). Mais dites-moi plutôt quel est votre programme, quelle vision du développement poursuivons-nous?
Aujourd'hui tout le monde n'a à la bouche que ces notions (PIB, inflation à 1 chiffre, taux de croissance, macro X ou Y), c'est tant mieux mais bobine, (en français miroir aux alouettes, attrape-nigauds) quand on les applique à l'homme de la rue, c'est-à-dire à la dure réalité de la vie.
Bref un pays, quelles que soient ses difficultés, ne peut se passer d'avoir sa propre politique, de faire un choix.
Pourquoi le salaire minimum journalier reste-il coincé à 70 gourdes, quand l'assiette de nourriture au coin de la rue coûte 50 gourdes et le transport journalier 35 gourdes (hausse du carburant oblige) et que ces derniers valaient moins de la moitié dix années plus tôt?
De plus, il faut veiller que toute augmentation trop généreuse du salaire minimum ne vienne constituer un frein aux investissement extérieurs. Oui, vous avez dit chantage, n'est-ce pas. Et c'est aussi par la faute de ces économistes, de ces gentils petits économistes qui pratiquent une sorte de broderie en pointillé (ou tout en points roses) mais se gardent bien de développer une théorie plus complète, qui mette face à face toutes les facettes et surtout toutes les contradictions du système.
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Toute croissance n'est pas forcément développement!
PORT-AU-PRINCE, 12 Janvier - Le nouveau terme à la mode dans le monde politico-médiatique haïtien c'est PIB ou Produit intérieur brut.
Le PIB est un indice de croissance économique. Ou plutôt un PIB en hausse confirme l'existence de perspectives de croissance. Ce serait le cas aujourd'hui d'Haïti dont le PIB est passé de 2,7 à 3, 7 en l'espace d'une année (2006-2007). Chiffres officiels, si l'on en croit l'agence Alterpresse (bulletin en date du 10 Janvier 2008).
Fort de ces performances, le gouvernement haïtien table pour la nouvelle année fiscale " sur un objectif de croissance de 4,5 pour cent, soit une amélioration de 0,8 pour cent. "
On vient de loin puisque pendant ces dernières années de crise politique, Haïti avait plus que touché le fond mais atteint l'inimaginable: une croissance négative.
Voilà des chiffres encourageants, certes. Mais attention aux amalgames. PIB pas plus que croissance ne veut dire développement. Disons mieux: dans tout développement, il y a croissance. Mais dans toute croissance, il n'y a pas forcément développement.
Ou pour être encore plus clair, supposons une personne qui découvre sur sa propriété une immense jarre pleine d'or et se met à dépenser ce pactole pour le bien strictement de sa famille.
Si tant est que les rentrées de cette famille font à elles seules bondir le PIB - puisqu'il ne s'agit pas plus que du volume d'affaires réalisées à l'intérieur d'un espace géographique donné pendant un temps déterminé.L'habit ne fait pas le moine...
Nous avons choisi un cas limite. Mais qui n'est pas bien différent de certains émirats du Golfe dont les recettes tirées de l'exploitation pétrolière sont monopolisées par quelques familles monarchiques ou oligarchiques qui placent directement cette fortune dans l'achat d'actions dans les plus grandes firmes de Wall Street, Londres, Berlin, Zurich ou Paris.
Ces paradis de l'or noir comptent bien entendu parmi les PIB les plus élevés de la planète.
Donc la seule hausse du PIB ou du taux de croissance ne veut pas dire développement national au sens de processus impliquant une large part de la population dans la production ainsi que dans la distribution des richesses ainsi créées.
La colonie de Saint Domingue rapportait à la France plus que toutes ses autres possessions du Nouveau monde. La Perle des Antilles. Mais quelle différence pour les esclaves!
Le PIB fait partie des indicateurs économiques classiques. Mais pourquoi a-t-on décidé de nos jours de le monter particulièrement en épingle quand d'autres indicateurs non moins importants ne sont pas réalisés - ne peuvent pas se réaliser ou restent indéfiniment sur la touche. Citons-en deux: la création d'emplois et l'amélioration du pouvoir d'achat.
Différentes raisons à cela:
L'aide internationale...
D'abord un PIB positif est la meilleure justification de l'aide internationale.
Haïti est un pays perpétuellement sous perfusion. Un malade qu'on ne peut débrancher sous peine de le voir trépasser. Du moins théoriquement.
D'un autre côté, l'aide bilatérale encore plus est votée (en dehors de l'aide humanitaire d'urgence) sur la base de certaines performances.
En effet l'aide doit être ratifiée par les parlements des pays donateurs. Ces derniers réclament chaque année des comptes. L'USAID américaine, l'ACDI canadienne, la représentation de l'Union Européenne trouvent donc dans ces dernières statistiques matière à mieux défendre leur budget local.
Or aujourd'hui plus que jamais, le plus d'aide qu'on apporte, le plus d'influence qu'on a. Faut-il préciser: y compris sur la politique du pays d'accueil!
De son côté, l'Etat haïtien en espère une bonne publicité auprès des investisseurs étrangers potentiels.
Le PIB est évidemment un indicateur favorable au regard des institutions internationales de crédits. Ce sont d'ailleurs elles qui l'ont inventé...
Un circuit de course de voitures de luxe...
Mais cela ne résout toujours pas la question du développement national. Car aujourd'hui c'est un tout: qui fournit les crédits tend à agir également sur les projets: leur détermination ainsi que leur exécution. La locomotive ne se met pas en marche sans tous ses wagons.
A ce compte-là, pourquoi pas un métro à Port-au-Prince (ou un circuit de course de voitures de luxe comme Baby Doc en avait rêvé) si cela peut aider à débloquer quelques milliards qu'on laisse à rembourser aux générations futures...
Inutile de dire qu'on parle à ce moment-là d'un PIB absolument faramineux. Autrement dit, une certaine manipulation de ces chiffres pour faire avancer le processus dans telle direction plutôt que telle autre reste aussi du domaine du possible.
Mais en plus de l'augmentation massive de la dette externe, il y a l'entretien de ces nouvelles infrastructures à assurer et qui n'est pas évident. Parlons-en alors de développement durable!
C'est la cathédrale de feu le président Houphouët-Boigny construite au milieu d'un désert. Et que vient bénir le pape en personne.
On s'explique mieux la crise actuelle en Côte d'Ivoire.
Cela ne nourrit pas son homme...
Conclusion: le PIB c'est bon signe mais comme dit un proverbe haïtien, cela ne va pas au marché (en français, cela ne nourrit pas son homme). Mais dites-moi plutôt quel est votre programme, quelle vision du développement poursuivons-nous?
Aujourd'hui tout le monde n'a à la bouche que ces notions (PIB, inflation à 1 chiffre, taux de croissance, macro X ou Y), c'est tant mieux mais bobine, (en français miroir aux alouettes, attrape-nigauds) quand on les applique à l'homme de la rue, c'est-à-dire à la dure réalité de la vie.
Bref un pays, quelles que soient ses difficultés, ne peut se passer d'avoir sa propre politique, de faire un choix.
Pourquoi le salaire minimum journalier reste-il coincé à 70 gourdes, quand l'assiette de nourriture au coin de la rue coûte 50 gourdes et le transport journalier 35 gourdes (hausse du carburant oblige) et que ces derniers valaient moins de la moitié dix années plus tôt?
De plus, il faut veiller que toute augmentation trop généreuse du salaire minimum ne vienne constituer un frein aux investissement extérieurs. Oui, vous avez dit chantage, n'est-ce pas. Et c'est aussi par la faute de ces économistes, de ces gentils petits économistes qui pratiquent une sorte de broderie en pointillé (ou tout en points roses) mais se gardent bien de développer une théorie plus complète, qui mette face à face toutes les facettes et surtout toutes les contradictions du système.
Haïti en Marche, 12 Janvier 2008
gwotoro- Super Star
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Localisation : Canada
Date d'inscription : 20/08/2006
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