La problématique de l’albinisme en Afrique: superstition ou corruption?

piporiko Mar 2 Juin 2009 - 12:39

La problématique de l’albinisme en Afrique: superstition ou
corruption?

Par Hugues St.Fort

J’ai quelque peu hésité avant de faire de la question des
albinos en Afrique le thème de ma chronique de cette semaine. En effet, nous
savons combien une certaine presse internationale ne manque jamais de rabaisser
le continent africain ou certaines nations africaines en les présentant sous
leur jour le plus révoltant, le plus laid, le plus vil. Parler des albinos en
Afrique risque d’apporter de l’eau au moulin des plus tenaces détracteurs de
l’Afrique et des Noirs en général. Cependant, en y réfléchissant, j’ai vite fait
mon choix. L’horreur de cette question est trop immense pour que je n’en parle
pas. Il faut savoir appeler un chat un chat. Après tout, la presse francophone
internationale (France24, RFI) a déjà consacré des dossiers importants à ce
sujet, dossiers qui ont fait le tour des rédactions du monde et l’opinion
publique internationale en est déjà informée. Pourquoi donc ne pas donner mon
propre point de vue sur cette question si terrible ? En quoi consiste la
question des albinos en Afrique ?

Tout d’abord, qu’est-ce que l’albinisme ? Dans les
sciences médicales et biologiques, l’albinisme est défini comme l’absence
héréditaire de pigmentation, partielle (poils, iris) ou totale (tous les
téguments) en raison de l’absence de mélanine. A cause de cela, les albinos
risquent de développer des cancers de la peau et d’autres maladies. Cependant,
le point de vue de certains sorciers africains est tout à fait différent. Pour
eux en effet, se procurer certaines parties du corps d’un albinos confère des
pouvoirs magiques. La croyance est fortement répandue dans plusieurs pays
d’Afrique que les sorciers ont le pouvoir de fabriquer des poudres magiques avec
les membres d’un albinos et ces poudres peuvent apporter de la chance, du
bonheur en amour, la victoire dans des élections politiques…Dès lors, dans les
pays concernés, la chasse aux albinos est lancée et ils meurent souvent dans des
conditions atroces (les deux jambes sciées par exemple). Je précise cependant
que je n’ai pas fait des études de terrain pour confirmer ces cas mais il existe
de nombreux rapports fournis par des albinos eux-mêmes qui ont fui leur pays
pour échapper à l’horreur et qui ont vu des membres de leur propre famille
victimes de cette situation. Voici ce que dit un intervenant africain du Burundi
sur France24 : « Les albinos africains seront toujours considérés
comme des êtres magiques habités par des forces étranges. …Ils sont considérés
aussi comme des parias, les familles africaines pensent qu’un mauvais sort est
lancé contre elles. Auparavant, la tradition ancestrale africaine consistait à
les tuer dés la naissance. Les mères craignaient les moqueries et quolibets,
qu’elles seraient soupçonnées d’avoir eu une aventure avec un Blanc ou un diable
quelconque et être victimes d’un sort. »

A ce niveau-là, on est en plein délire de superstition et
il y a toute une mentalité due aux conditions d’existence millénaires en Afrique
qui se prête à la réception de cette croyance arriérée. Les sociologues
définissent la superstition comme une croyance relative aux phénomènes
naturels qui dépend d’une interprétation magique ou occulte des événements qui
passent pour être vrais en dépit des faits objectivement prouvés être faux. La
superstition n’est pas l’apanage des sociétés traditionnelles car elle sévit
encore dans les sociétés post-industrielles, quoiqu’à un degré limité. En fait,
la mentalité magique est loin d’être en recul. Elle serait même en train de
refaire surface dans ces sociétés post-industrielles si on considère le succès
en littérature ou au cinéma de certains best-sellers comme la série « Harry
Potter » de J.K. Rowling. Mais dans les sociétés traditionnelles africaines
en question, les coutumes n’ont pas évolué, les mentalités vieilles de plusieurs
millénaires demeurent tout aussi fortes. L’extermination des albinos dans
certains pays africains ne serait pas un événement récent. Si elle est connue
maintenant du grand public international, c’est d’abord et surtout parce que la
presse mondiale s’en est emparée. La popularité du Net a fait le reste.

Il est cependant un autre aspect du phénomène qu’on a
tendance à passer sous silence. C’est l’implication de certains gouvernements
africains dans l’extermination des albinos. Plusieurs internautes africains
(Cameroun, surtout) sont intervenus sur le Net pour dénoncer les pratiques
anti-albinos commises sur ordre de certains membres du gouvernement.
« Quand certains membres de ce gouvernement veulent obtenir plus de pouvoir
dans un poste de choix ou se faire fabriquer un charme puissant, voire n’importe
quel grigri souvent censé les protéger et leur procurer un grand pouvoir, les
cheveux des albinos et autres parties de leurs corps sont souvent d’actualité
pour que de tels traitements puissent être exécutés. » Si c’est vrai que
certains membres de certains gouvernements africains sont impliqués, on fait
face ici à une situation où superstition et corruption se sont alliées pour
maintenir un état de faits millénaires et renforcer le pouvoir des gouvernements
en place. Ce ne serait pas la première fois que de telles situations émergent
dans des sociétés traditionnelles. Nous Haïtiens en savons quelque chose puisque
Duvalier a en partie maintenu sa dictature pendant des dizaines d’années en
manipulant la mentalité magique haïtienne pour que les classes dominées
acceptent sans broncher sa domination.

La discrimination et l’extermination dont sont victimes
les gens atteints d’albinisme en Afrique sont révoltantes en raison de la
cruauté avec laquelle ces albinos sont traités. De ce point de vue, les médias
ont tout à fait raison de révéler ces pratiques inhumaines toujours en cours en
Afrique. Il revient maintenant aux gouvernements de ces pays d’intervenir le
plus sévèrement possible pour mettre un terme à ces pratiques.

Contactez
Hugues St. Fort à : Hugo274@aol.com

Invité Mar 2 Juin 2009 - 23:20

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