Selon RTBF, télévision Belge: Retour à Haïti : le chaos organisé...

04.05.10 - 12:01


Retour à Haïti : le chaos organisé...


Haïti porte toujours les traces du séisme du 12 janvier. Tellement. Si fort. Elles sont partout, ces cicatrices béantes. Pour la RTBF, Françoise Baré est retournée sur les lieux de la catastrophe.


Les grandes artères sont dégagées des gravats mais le manque d'engins est d'une brûlante actualité. Avec 1000 camions travaillant non-stop, il faudrait 1000 jours pour tout évacuer... On est loin du compte. D'autant qu'à chaque déblaiement on retrouve des dizaines de corps.

Les cérémonies peuvent enfin avoir lieu. Le respect des morts et les souvenirs font que le temps de la reconstruction est suspendu. Le deuil à Haïti est loin d'être fait. "Le 12 janvier, nous lance Valère, c'était hier, non ?"

1 300 000 personnes vivent sous des tentes, des bâches, à même la terre ou au mieux sur des palettes. Des détritus sont partout. Dans les camps il n'y a pas ou peu d'égouts ; les ONG ont, avec l'aide des sinistrés, amené des canalisations pour l'eau et pour vider les toilettes.

A Port-au-Prince, il y a un grand camp de sans-abris, tendance bidonville, une ville dans la ville, avec son gouvernement ses élus improvisés puisque, comme le dit le pasteur Saint Cyr au camp de Pétionville : "Nous avons un président mais qui autour? Nous sommes abandonnés. Mais on ne se laisse pas abattre, les internationaux nous aident"...

Sean Penn est son bras droit
Et puis à Pétionville, là où autrefois la jet-set jouait au golf et où maintenant 45 000 personnes s'installent dans le provisoire sous des tentes de fortune, le pasteur croit à la reconstruction. "Mais il faut passer par un changement de mentalité politique", dit-il. Pour l'instant le camp est bien géré et encadré par les associations caritatives américaines. Ce pasteur est fier d'annoncer l'identité de son bras droit : l'acteur américain Sean Penn...

A flanc de collines, des canaux sont creusés et les terres sont retenues par des sacs de sable. On a improvisé une école pour les petits et des lieux de parole existent pour exorciser ses peines, ses angoisses. Les femmes ont repris en main l'économie informelle : on les voit avec des grands plats de zinc emplis de petits paquets de bonbons et des flacons de détergent venus de Saint-Domingue. Elles vendent ces produits à ceux qui ont un peu d'argent.

La nourriture a été distribuée pour un mois. Le mois est terminé et il se dit que le gouvernement ne veut plus de ces distributions massives qui empêchent, selon lui, la reprise de la production nationale et de l'économie du pays. Cela fait hausser les épaules du pasteur qui rappelle que le gouvernement n'a jamais eu de politique économique depuis 1804 et que l'importation de riz et même de manioc s'est toujours faite depuis trente ans au détriment de l'agriculture haïtienne.

"Cash for work"
Tous se demandent quand ils reprendront leur travail, leur vraie activité, car aujourd'hui 85 000 Haïtiens travaillent pour les organisations internationales dans le programme "cash for work". Ils reçoivent 5 dollars par jour contre une pelle et l'huile de bras pour aider là où il le faut. C'est une goutte d'eau dans l'océan de tout ce qui reste à faire. Anatole est formel : "Avec cela comment faire vivre une famille ? Moi, il me reste ma vie et ma famille, mais pas de lendemain ni d'avenir..."
Le séisme a provoqué la mort de 300 000 personnes. 250 000 blessés sont recensés. 18 000 fonctionnaires ont disparu. Le montant des dégâts est supérieur à 120% du produit intérieur brut et le gouvernement n'a plus d'argent pour payer ses travailleurs.

Tous sont sceptiques sur la possibilité des autorités de passer à l'action. Mais le temps presse, la saison des cyclones s'annonce pour juin. Le pays est si vulnérable. Se relèvera-t-il d'une nouvelle catastrophe humanitaire ?

Françoise Baré