Haiti en Marche opine sur la lutte contre la corruption
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Haiti en Marche opine sur la lutte contre la corruption
LEGISLATIF VERSUS EXECUTIF
Et le pays traité en spectateur impuissant !
PORT-AU-PRINCE, 25 Août - La division entre les pouvoirs était bien nette au cours des derniers événements.
D'un côté une majorité parlementaire décidée à faire échec à la politique gouvernementale, plus précisément présidentielle, de lutte contre la corruption.
De l'autre, le gouvernement dont on ne sait pas s'il est uni derrière cette politique ou si certains de ses membres - y compris au sein du cercle le plus étroit - ne le subissent pas au contraire.
Toujours est-il qu'un homme a paru bien seul pendant la semaine - bien qu'il ne paraisse pas à première vue s'en émouvoir, c'est le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Claudy Gassant, le fer de lance de la lutte contre la contrebande et la corruption.
Mais derrière lui, on sait qui est visé, c'est le président de la république, René Préval, le vrai maître d'œuvre de cette politique qu'il avait annoncé avec tambour et trompettes le 18 mai dernier, jour du Drapeau haïtien.
Or il est désormais clair que tel n'était pas le propos de ceux qui l'ont accompagné en 2006 dans la marche vers le pouvoir, à commencer par certains élus de son propre parti, Lespwa.
Ceux-ci avaient pour seul objectif un petit pouvoir bien pépère, où l'on gère en rond sa petite circonscription, seul gage de sa légitimité, une légitimité bien sûr toute formelle, ainsi que ses relations à la fois nationales et internationales, car toutes les ambitions sont permises, on est en démocratie, n'est-ce pas.
Assentiment du bout des lèvres...
En un mot, c'est plus ça change, plus c'est la même chose.
Alors que le chef de l'Etat se lance dans une guerre sans merci contre la drogue, contre la contrebande et la corruption (tout cela avec l'assentiment du parlement et de tous les corps constitués, mais assentiment comme toujours supposé rester du bout des lèvres), entre-temps les députés s'amusent à renvoyer un ministre sous le fallacieux prétexte d'une insuffisante répartition de l'argent du carnaval à leurs circonscriptions respectives.
Mais en fait de carnaval, c'est l'autre soirée qu'on devait être servi. C'est le sénat de la république en ébullition, jetant le masque à cause de la convocation d'un grand homme d'affaires de la place au parquet de la capitale.
Bien décidés à ne pas laisser se matérialiser la convocation de l'ancien président de la Chambre de commerce et d'industrie, Mr Réginald Boulos, les sénateurs improvisent une sarabande extraordinaire destinée à court-circuiter l'événement. Objectif : avoir la tête du commissaire du gouvernement, tout au moins lui faire perdre la face, avant la rencontre au parquet fixée au jeudi 23 août.
Des allures de tribunal populaire ou plutôt d'inquisition...
Or selon l'éminent juriste, Me Gérard Gourgue, notre ex-professeur et père à tous en juridiction, si le commissaire Claudy Gassant devait répondre à une convocation, ce serait à celle du conseil supérieur de la magistrature, parce que le chef du parquet n'est pas un simple agent de l'exécutif, il est aussi et d'abord un magistrat de l'ordre et le défenseur de la société.
Subodorant le piège, et que cette convocation de la onzième heure devant la commission Justice du sénat où on voulait le traîner par la peau du cou avait des allures de tribunal populaire ou plutôt d'inquisition, Claudy Gassant fit une esquive. Il reçut Mr. Réginald Boulos comme annoncé jeudi au parquet, mais celui-ci rentra chez lui sans être pour le moins du monde inquiété.
Un grain de sable dans la machine !...
Mais cela ne s'arrête pas là ? Est-ce que les sénateurs n'ont pas malgré tout atteint leur but ? N'ont-ils pas finalement réussi à introduire un grain de sable dans la machine de la lutte contre la corruption ?
Est-ce que en sachant agiter adroitement la carte politique, on peut influencer la décision des juges ?
Et qu'en est-il de tous ceux-là, et non des moindres, qui sont déjà en détention dans le cadre de cette même lutte contre la corruption. Le fait que la décision de jeudi (sans vouloir remettre en cause son bien fondé) semble avoir été prise sous la contrainte (des sénateurs), ne projette-il pas une ombre sur tout le processus mené jusqu'ici ?
Le conflit a éclaté au grand jour. Il est évident désormais pour tout le monde, et pour commencer les intéressés, que la politique anti-corruption n'a pas l'appui du parlement. Sinon très peu.
Est-ce le pouvoir qui n'a pas pris le temps de sensibiliser les parlementaires à la cause ?
Est-ce la lutte anti-corruption qui est conduite de manière trop expéditive pour avoir une véritable prise sur un phénomène aussi profondément ancré dans nos mœurs ?
Ou nos parlementaires aujourd'hui comme hier qui n'ont pas pour habitude de résister au chant des sirènes ?
Don Quichotte et Sancho Pança...
De toute façons, le président René Préval et le commissaire Gassant ont paru comme deux pions majeurs certes mais isolés au milieu de la carte politique, de la jungle politique, deux preux chevaliers certes, mais bien seuls. Don Quichotte et Sancho Pança, pense-t-on.
Et pourtant cette bataille qu'ils mènent trouve un large écho, a un grand support dans le public. C'est eux, c'est le pouvoir qui curieusement n'a pas daigné s'en occuper jusqu'à présent. Ou alors lui aussi du bout des lèvres...
Le pouvoir prisonnier du pouvoir...
La lutte contre la corruption a démarré sur des chapeaux de roue, mais elle n'ira pas bien loin, sans une mise en contexte. Sans un cadre institutionnel. Elle peut tracer quelques exemples, mais elle n'introduira aucun changement.
Le grand défaut du pouvoir de René Préval est de rester enfermé sur lui-même, de rester prisonnier de lui-même. Le pouvoir prisonnier du pouvoir. Le président Préval fait trop confiance à la politique et ne s'ouvre pas assez au reste. Ses seuls interlocuteurs sont le gouvernement, le parlement, les partis, les diplomates, les conseillers. Bref, le pouvoir.
Or la lutte contre la corruption c'est la lutte contre les pratiques mêmes du pouvoir. De ce genre de pouvoir. Comme il ressort du conflit actuel entre le parquet et le sénat de la république...
D'où aussi la résistance rencontrée au sein de l'administration (haute, moyenne et petite administration où, selon un dicton, le salaire est calculé justement au plus bas pour faciliter la circulation des pots-de-vin), l'administration où normalement on devrait enregistrer autant de remue-ménage ces jours-ci que dans le milieu des affaires car il faut au moins deux partenaires en corruption. Mais cette bureaucratie bureaucratisante, l'appareil étatique, le gouvernement version à l'haïtienne, bref le pouvoir résiste encore plus. Le pouvoir lui-même résiste au pouvoir.
La société civile, la vraie...
Le président et le commissaire ne suffiront pas pour en venir à bout sans un autre facteur et acteur vital dans cette lutte : la société civile, la vraie. L'opinion publique, qui devrait être seul juge, car c'est en sa faveur la lutte contre la corruption, c'est pour créer de meilleures conditions pour la création de la richesse nationale, pour qu'à la fois les moyens de création de cette richesse ainsi que cette richesse elle-même soient mieux partagés.
Mais le pouvoir traite l'opinion en spectateur impuissant. Il néglige le seul atout qui peut lui permettre de gagner cette bataille. Et peut-être le seul qui lui reste désormais !
Haïti en Marche, 25 Août 2007
Et le pays traité en spectateur impuissant !
PORT-AU-PRINCE, 25 Août - La division entre les pouvoirs était bien nette au cours des derniers événements.
D'un côté une majorité parlementaire décidée à faire échec à la politique gouvernementale, plus précisément présidentielle, de lutte contre la corruption.
De l'autre, le gouvernement dont on ne sait pas s'il est uni derrière cette politique ou si certains de ses membres - y compris au sein du cercle le plus étroit - ne le subissent pas au contraire.
Toujours est-il qu'un homme a paru bien seul pendant la semaine - bien qu'il ne paraisse pas à première vue s'en émouvoir, c'est le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Claudy Gassant, le fer de lance de la lutte contre la contrebande et la corruption.
Mais derrière lui, on sait qui est visé, c'est le président de la république, René Préval, le vrai maître d'œuvre de cette politique qu'il avait annoncé avec tambour et trompettes le 18 mai dernier, jour du Drapeau haïtien.
Or il est désormais clair que tel n'était pas le propos de ceux qui l'ont accompagné en 2006 dans la marche vers le pouvoir, à commencer par certains élus de son propre parti, Lespwa.
Ceux-ci avaient pour seul objectif un petit pouvoir bien pépère, où l'on gère en rond sa petite circonscription, seul gage de sa légitimité, une légitimité bien sûr toute formelle, ainsi que ses relations à la fois nationales et internationales, car toutes les ambitions sont permises, on est en démocratie, n'est-ce pas.
Assentiment du bout des lèvres...
En un mot, c'est plus ça change, plus c'est la même chose.
Alors que le chef de l'Etat se lance dans une guerre sans merci contre la drogue, contre la contrebande et la corruption (tout cela avec l'assentiment du parlement et de tous les corps constitués, mais assentiment comme toujours supposé rester du bout des lèvres), entre-temps les députés s'amusent à renvoyer un ministre sous le fallacieux prétexte d'une insuffisante répartition de l'argent du carnaval à leurs circonscriptions respectives.
Mais en fait de carnaval, c'est l'autre soirée qu'on devait être servi. C'est le sénat de la république en ébullition, jetant le masque à cause de la convocation d'un grand homme d'affaires de la place au parquet de la capitale.
Bien décidés à ne pas laisser se matérialiser la convocation de l'ancien président de la Chambre de commerce et d'industrie, Mr Réginald Boulos, les sénateurs improvisent une sarabande extraordinaire destinée à court-circuiter l'événement. Objectif : avoir la tête du commissaire du gouvernement, tout au moins lui faire perdre la face, avant la rencontre au parquet fixée au jeudi 23 août.
Des allures de tribunal populaire ou plutôt d'inquisition...
Or selon l'éminent juriste, Me Gérard Gourgue, notre ex-professeur et père à tous en juridiction, si le commissaire Claudy Gassant devait répondre à une convocation, ce serait à celle du conseil supérieur de la magistrature, parce que le chef du parquet n'est pas un simple agent de l'exécutif, il est aussi et d'abord un magistrat de l'ordre et le défenseur de la société.
Subodorant le piège, et que cette convocation de la onzième heure devant la commission Justice du sénat où on voulait le traîner par la peau du cou avait des allures de tribunal populaire ou plutôt d'inquisition, Claudy Gassant fit une esquive. Il reçut Mr. Réginald Boulos comme annoncé jeudi au parquet, mais celui-ci rentra chez lui sans être pour le moins du monde inquiété.
Un grain de sable dans la machine !...
Mais cela ne s'arrête pas là ? Est-ce que les sénateurs n'ont pas malgré tout atteint leur but ? N'ont-ils pas finalement réussi à introduire un grain de sable dans la machine de la lutte contre la corruption ?
Est-ce que en sachant agiter adroitement la carte politique, on peut influencer la décision des juges ?
Et qu'en est-il de tous ceux-là, et non des moindres, qui sont déjà en détention dans le cadre de cette même lutte contre la corruption. Le fait que la décision de jeudi (sans vouloir remettre en cause son bien fondé) semble avoir été prise sous la contrainte (des sénateurs), ne projette-il pas une ombre sur tout le processus mené jusqu'ici ?
Le conflit a éclaté au grand jour. Il est évident désormais pour tout le monde, et pour commencer les intéressés, que la politique anti-corruption n'a pas l'appui du parlement. Sinon très peu.
Est-ce le pouvoir qui n'a pas pris le temps de sensibiliser les parlementaires à la cause ?
Est-ce la lutte anti-corruption qui est conduite de manière trop expéditive pour avoir une véritable prise sur un phénomène aussi profondément ancré dans nos mœurs ?
Ou nos parlementaires aujourd'hui comme hier qui n'ont pas pour habitude de résister au chant des sirènes ?
Don Quichotte et Sancho Pança...
De toute façons, le président René Préval et le commissaire Gassant ont paru comme deux pions majeurs certes mais isolés au milieu de la carte politique, de la jungle politique, deux preux chevaliers certes, mais bien seuls. Don Quichotte et Sancho Pança, pense-t-on.
Et pourtant cette bataille qu'ils mènent trouve un large écho, a un grand support dans le public. C'est eux, c'est le pouvoir qui curieusement n'a pas daigné s'en occuper jusqu'à présent. Ou alors lui aussi du bout des lèvres...
Le pouvoir prisonnier du pouvoir...
La lutte contre la corruption a démarré sur des chapeaux de roue, mais elle n'ira pas bien loin, sans une mise en contexte. Sans un cadre institutionnel. Elle peut tracer quelques exemples, mais elle n'introduira aucun changement.
Le grand défaut du pouvoir de René Préval est de rester enfermé sur lui-même, de rester prisonnier de lui-même. Le pouvoir prisonnier du pouvoir. Le président Préval fait trop confiance à la politique et ne s'ouvre pas assez au reste. Ses seuls interlocuteurs sont le gouvernement, le parlement, les partis, les diplomates, les conseillers. Bref, le pouvoir.
Or la lutte contre la corruption c'est la lutte contre les pratiques mêmes du pouvoir. De ce genre de pouvoir. Comme il ressort du conflit actuel entre le parquet et le sénat de la république...
D'où aussi la résistance rencontrée au sein de l'administration (haute, moyenne et petite administration où, selon un dicton, le salaire est calculé justement au plus bas pour faciliter la circulation des pots-de-vin), l'administration où normalement on devrait enregistrer autant de remue-ménage ces jours-ci que dans le milieu des affaires car il faut au moins deux partenaires en corruption. Mais cette bureaucratie bureaucratisante, l'appareil étatique, le gouvernement version à l'haïtienne, bref le pouvoir résiste encore plus. Le pouvoir lui-même résiste au pouvoir.
La société civile, la vraie...
Le président et le commissaire ne suffiront pas pour en venir à bout sans un autre facteur et acteur vital dans cette lutte : la société civile, la vraie. L'opinion publique, qui devrait être seul juge, car c'est en sa faveur la lutte contre la corruption, c'est pour créer de meilleures conditions pour la création de la richesse nationale, pour qu'à la fois les moyens de création de cette richesse ainsi que cette richesse elle-même soient mieux partagés.
Mais le pouvoir traite l'opinion en spectateur impuissant. Il néglige le seul atout qui peut lui permettre de gagner cette bataille. Et peut-être le seul qui lui reste désormais !
Haïti en Marche, 25 Août 2007
gwotoro- Super Star
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Nombre de messages : 3974
Localisation : Canada
Date d'inscription : 20/08/2006
Feuille de personnage
Jeu de rôle: le balancier
Re: Haiti en Marche opine sur la lutte contre la corruption
C'est la ou la perte d'un Jean Dominique, qui etait le "porte-parole" de la premiere presidence de Preval fait tres mal...
gwotoro- Super Star
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Nombre de messages : 3974
Localisation : Canada
Date d'inscription : 20/08/2006
Feuille de personnage
Jeu de rôle: le balancier
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