Haiti en Marche: Les causes de la crise demeurent intactes
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Haiti en Marche: Les causes de la crise demeurent intactes
ECONOMIE-EMEUTES</B>
Les causes de la crise restent intactes
PORT-AU-PRINCE, 20 Avril - Personne n'a vu venir le déchaînement de ces derniers jours. Ni les pouvoirs publics. Ni l'international (mission des Nations Unies, ONGs).
Même quand la presse locale pullule d'articles et d'éditoriaux dénonçant le coût vertigineux de la vie et l'absence d'efforts réels pour y faire face.
Mais nul ne s'y attendait. Même quand les émeutes de la faim avaient commencé à frapper d'autres pays. Mais chez nous pas question, continuait-on à penser.
Et même quand les émeutes s'étaient déclenchées que les dirigeants haïtiens semblaient mettre davantage l'accent sur le secondaire (infiltrateurs, trafiquants, casseurs) que sur la réalité même de l'événement.
Et aujourd'hui encore, qui sait si on pense autrement. A preuve, les événements ont vite été récupérés pour faciliter des changements politiques (renvoi du Premier ministre et autres) qui n'attendaient qu'une telle occasion.
D'où vient une telle attitude?
L'Histoire veut que le peuple haïtien ait une immense capacité à avaler les coups durs. Les responsables politiques en ont la certitude. C'est leur principal atout, leur arme secrète et leur profession de foi depuis toujours.
Tout peuple a le gouvernement qu'il mérite, dit le proverbe, et si Haïti n'a jamais connu le développement, cherchez en aussi la cause dans cette tolérance particulière prêtée à son peuple.
Bush " très préoccupé "...
Mais qu'en est-il de l'international qui semble s'activer tellement depuis cette récente levée de boucliers, appelée encore " émeutes de la faim ", survenue dans notre pays.
Du président George W. Bush qui se déclare " très préoccupé " au grand mouvement de solidarité de l'aide alimentaire qui se manifeste d'un peu partout.
A ce compte-là, l'international semble plus averti que les autorités haïtiennes elles-mêmes.
Mais pourquoi n'avoir rien fait jusque-là? Il faut avouer que des étrangers savent nous demander comme ça, à brûle pourpoint: comment les Haïtiens peuvent-ils vivre ainsi?
Sans doute qu'ils finissent avant longtemps par s'habituer eux aussi au mythe du peuple qui chante et danse dans sa misère. Les officiels de la Minustah vont et viennent sans trop s'en émouvoir dans nos rues défoncées et autour des montagnes d'immondices empilés dans la rue sans attendre le passage du camion de la voirie mais que personne ne songe plus à interdire. Les recettes les plus rigoureuses...
Mais ceci c'est la face émergée de l'iceberg. La tolérance proverbiale de l'Haïtien peut aussi avoir inspiré les grands stratèges internationaux du néo-libéralisme à essayer chez nous les recettes les plus rigoureuses de leur arsenal. En effet, alors que les pires émeutes de notre histoire récente couvaient aux quatre coins du pays, les dirigeants haïtiens n'ont cessé de recevoir les meilleures notes de la part des grands argentiers de la planète. Inflation, taux de réserves, PIB, respect absolu des lois du marché, taxation zéro ou presque à l'importation, tout est au beau fixe. Mais comme sœur Anne on attend en vain la contrepartie promise. A ce jour, pas d'investissements locaux ni étrangers, donc pas d'emplois dignes de ce nom, résultat pas de pouvoir d'achat créé, en même temps que les produits importés deviennent inabordables plus que jamais et pour toutes les raisons que personne n'ignore (pétrole à plus de 110 dollars le baril, bio-carburant à base de céréales, appétit des pays émergents - Chine, Inde). En même temps aussi que le gouvernement haïtien perdait un temps précieux en jérémiades ineptes, du genre il faut laisser jouer les lois du marché, apparemment sûr des vertus de la médecine de cheval qu'il est chargé d'appliquer...
Bref, on nous demande plus d'efforts qu'à tout autre, mais pour être payé en monnaie de singe. Coïncidence ou expérience? Revient ce douloureux soupçon d'être utilisé comme un laboratoire, qu'on est des cobayes.
Ou ils se trompent, ou ils nous trompent!...
Les officiels de la Banque mondiale et du Fonds monétaire ne sont pas à leur coup d'essai. Du haut de leurs statistiques et de leurs paramètres, ils savent depuis longtemps peut-être que les choses n'allaient pas tarder à péter en Haïti. Sinon, comme disait l'autre, ou ils se trompent, ou ils nous trompent!
D'ailleurs leur réaction après-coup est si empressée (et qui sait, calculée) qu'on pourrait la considérer comme une sorte de preuve.
De son côté, le président René Préval déclare faire un autre choix, celui de la production nationale. Comme à son habitude, il dit refuser de faire des promesses immédiates qu'il ne pourrait pas tenir. C'était déjà son thème de campagne aux présidentielles de 2006.
Mais beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. De plus c'est là une culbute (subventionner la production nationale plutôt que les importations) qui lui permet de ne pas sembler toucher au sacro-saint évangile du libre-échangisme pour lequel le gouvernement n'a pas cessé d'être félicité. Le gouvernement, oui, mais pas le pays pour lequel rien n'a changé, si ce n'est en pis.
La " corporatocratie "...
Le raisonnement du président Préval est que la relance de la production locale de riz doit permettre au pays d'économiser les plus de 500 millions de dollars annuels que drainent les importations de ce produit.
Mais quand un reporter étranger lui demanda lors de sa conférence de presse du samedi 12 avril: est-ce qu'il sait comment réagiront les maîtres économiques du monde (la " corporatocratie "), M. Préval a répondu en substance: ce n'est pas son affaire!
Réponse un peu courte car les importations ne sont pas une fantaisie au gré des changements de gouvernement (comme celui qui se prépare en ce moment chez nous), c'est un système planétaire soigneusement calculé autour de politiques financières et fiscales bien définies et dont le respect est farouchement garanti par les institutions les plus puissantes de la planète: Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce (OMC) etc.
Or après les émeutes en Haïti, M. Bush s'est lui aussi déclaré " très préoccupé. " Mais lui a les moyens de sa politique. En effet, aussitôt après des tonnes de nourriture ont commencé à débarquer...
Il est vrai que Hugo Chavez n'entend pas laisser passer non plus l'occasion, annonçant l'envoi de plus de 350 tonnes. C'est qui dit mieux!
Puisque l'Etat n'existe pas...
Or une autre façon et même encore plus efficace de tuer toute velléité de production nationale, c'est une aide non contrôlée (et par qui le serait-elle puisque l'Etat n'existe pas), c'est noyer le pays, inonder le marché sous les mêmes produits. Le temps que passe la crise.
Conclusion: il ne suffit pas de diminuer de 50 pour cent le prix des engrais et des intrants agricoles quand on ne peut garantir à ses producteurs le marché. Puisque le marché en question (votre propre marché) depuis longtemps ne vous appartient plus. Or le riz ne souffre pas de grippe aviaire comme les œufs et les poulets dominicains.
Il en faut beaucoup plus pour relancer la production nationale. Or on ne peut avoir les deux en même temps: la confiance des gendarmes économiques et aussi son contraire.
La crise est peut-être sous contrôle, mais les causes de la crise n'ont pas été touchées. Bien au contraire.
Les causes de la crise restent intactes
PORT-AU-PRINCE, 20 Avril - Personne n'a vu venir le déchaînement de ces derniers jours. Ni les pouvoirs publics. Ni l'international (mission des Nations Unies, ONGs).
Même quand la presse locale pullule d'articles et d'éditoriaux dénonçant le coût vertigineux de la vie et l'absence d'efforts réels pour y faire face.
Mais nul ne s'y attendait. Même quand les émeutes de la faim avaient commencé à frapper d'autres pays. Mais chez nous pas question, continuait-on à penser.
Et même quand les émeutes s'étaient déclenchées que les dirigeants haïtiens semblaient mettre davantage l'accent sur le secondaire (infiltrateurs, trafiquants, casseurs) que sur la réalité même de l'événement.
Et aujourd'hui encore, qui sait si on pense autrement. A preuve, les événements ont vite été récupérés pour faciliter des changements politiques (renvoi du Premier ministre et autres) qui n'attendaient qu'une telle occasion.
D'où vient une telle attitude?
L'Histoire veut que le peuple haïtien ait une immense capacité à avaler les coups durs. Les responsables politiques en ont la certitude. C'est leur principal atout, leur arme secrète et leur profession de foi depuis toujours.
Tout peuple a le gouvernement qu'il mérite, dit le proverbe, et si Haïti n'a jamais connu le développement, cherchez en aussi la cause dans cette tolérance particulière prêtée à son peuple.
Bush " très préoccupé "...
Mais qu'en est-il de l'international qui semble s'activer tellement depuis cette récente levée de boucliers, appelée encore " émeutes de la faim ", survenue dans notre pays.
Du président George W. Bush qui se déclare " très préoccupé " au grand mouvement de solidarité de l'aide alimentaire qui se manifeste d'un peu partout.
A ce compte-là, l'international semble plus averti que les autorités haïtiennes elles-mêmes.
Mais pourquoi n'avoir rien fait jusque-là? Il faut avouer que des étrangers savent nous demander comme ça, à brûle pourpoint: comment les Haïtiens peuvent-ils vivre ainsi?
Sans doute qu'ils finissent avant longtemps par s'habituer eux aussi au mythe du peuple qui chante et danse dans sa misère. Les officiels de la Minustah vont et viennent sans trop s'en émouvoir dans nos rues défoncées et autour des montagnes d'immondices empilés dans la rue sans attendre le passage du camion de la voirie mais que personne ne songe plus à interdire. Les recettes les plus rigoureuses...
Mais ceci c'est la face émergée de l'iceberg. La tolérance proverbiale de l'Haïtien peut aussi avoir inspiré les grands stratèges internationaux du néo-libéralisme à essayer chez nous les recettes les plus rigoureuses de leur arsenal. En effet, alors que les pires émeutes de notre histoire récente couvaient aux quatre coins du pays, les dirigeants haïtiens n'ont cessé de recevoir les meilleures notes de la part des grands argentiers de la planète. Inflation, taux de réserves, PIB, respect absolu des lois du marché, taxation zéro ou presque à l'importation, tout est au beau fixe. Mais comme sœur Anne on attend en vain la contrepartie promise. A ce jour, pas d'investissements locaux ni étrangers, donc pas d'emplois dignes de ce nom, résultat pas de pouvoir d'achat créé, en même temps que les produits importés deviennent inabordables plus que jamais et pour toutes les raisons que personne n'ignore (pétrole à plus de 110 dollars le baril, bio-carburant à base de céréales, appétit des pays émergents - Chine, Inde). En même temps aussi que le gouvernement haïtien perdait un temps précieux en jérémiades ineptes, du genre il faut laisser jouer les lois du marché, apparemment sûr des vertus de la médecine de cheval qu'il est chargé d'appliquer...
Bref, on nous demande plus d'efforts qu'à tout autre, mais pour être payé en monnaie de singe. Coïncidence ou expérience? Revient ce douloureux soupçon d'être utilisé comme un laboratoire, qu'on est des cobayes.
Ou ils se trompent, ou ils nous trompent!...
Les officiels de la Banque mondiale et du Fonds monétaire ne sont pas à leur coup d'essai. Du haut de leurs statistiques et de leurs paramètres, ils savent depuis longtemps peut-être que les choses n'allaient pas tarder à péter en Haïti. Sinon, comme disait l'autre, ou ils se trompent, ou ils nous trompent!
D'ailleurs leur réaction après-coup est si empressée (et qui sait, calculée) qu'on pourrait la considérer comme une sorte de preuve.
De son côté, le président René Préval déclare faire un autre choix, celui de la production nationale. Comme à son habitude, il dit refuser de faire des promesses immédiates qu'il ne pourrait pas tenir. C'était déjà son thème de campagne aux présidentielles de 2006.
Mais beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. De plus c'est là une culbute (subventionner la production nationale plutôt que les importations) qui lui permet de ne pas sembler toucher au sacro-saint évangile du libre-échangisme pour lequel le gouvernement n'a pas cessé d'être félicité. Le gouvernement, oui, mais pas le pays pour lequel rien n'a changé, si ce n'est en pis.
La " corporatocratie "...
Le raisonnement du président Préval est que la relance de la production locale de riz doit permettre au pays d'économiser les plus de 500 millions de dollars annuels que drainent les importations de ce produit.
Mais quand un reporter étranger lui demanda lors de sa conférence de presse du samedi 12 avril: est-ce qu'il sait comment réagiront les maîtres économiques du monde (la " corporatocratie "), M. Préval a répondu en substance: ce n'est pas son affaire!
Réponse un peu courte car les importations ne sont pas une fantaisie au gré des changements de gouvernement (comme celui qui se prépare en ce moment chez nous), c'est un système planétaire soigneusement calculé autour de politiques financières et fiscales bien définies et dont le respect est farouchement garanti par les institutions les plus puissantes de la planète: Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce (OMC) etc.
Or après les émeutes en Haïti, M. Bush s'est lui aussi déclaré " très préoccupé. " Mais lui a les moyens de sa politique. En effet, aussitôt après des tonnes de nourriture ont commencé à débarquer...
Il est vrai que Hugo Chavez n'entend pas laisser passer non plus l'occasion, annonçant l'envoi de plus de 350 tonnes. C'est qui dit mieux!
Puisque l'Etat n'existe pas...
Or une autre façon et même encore plus efficace de tuer toute velléité de production nationale, c'est une aide non contrôlée (et par qui le serait-elle puisque l'Etat n'existe pas), c'est noyer le pays, inonder le marché sous les mêmes produits. Le temps que passe la crise.
Conclusion: il ne suffit pas de diminuer de 50 pour cent le prix des engrais et des intrants agricoles quand on ne peut garantir à ses producteurs le marché. Puisque le marché en question (votre propre marché) depuis longtemps ne vous appartient plus. Or le riz ne souffre pas de grippe aviaire comme les œufs et les poulets dominicains.
Il en faut beaucoup plus pour relancer la production nationale. Or on ne peut avoir les deux en même temps: la confiance des gendarmes économiques et aussi son contraire.
La crise est peut-être sous contrôle, mais les causes de la crise n'ont pas été touchées. Bien au contraire.
Haïti en Marche, 20 Avril 2008
gwotoro- Super Star
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Date d'inscription : 20/08/2006
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