Bush, Lula et Haiti: La diplomatie de l'éthanol (H en M)
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Bush, Lula et Haiti: La diplomatie de l'éthanol (H en M)
</B>Bush, Lula et Haïti: La diplomatie de l'éthanol
EDITORIAL
PORT-AU-PRINCE, 18 Mars - Bush et Lula lancent la diplomatie de l'éthanol. Le Brésil est le pays de l'Amérique du Sud où le président américain a eu la semaine dernière l'accueil le plus calme au milieu d'un périple marqué par les attaques habituelles de son homologue vénézuélien Hugo Chavez et des protestations contre l'indifférence d'une administration américaine totalement absorbée par son aventure en Irak ainsi que contre les déportations massives d'immigrants illégaux aux Etats-Unis.
George W. Bush et Lula da Silva ont conclu un accord pour propulser la fabrication des carburants Bio, dont l'éthanol, afin de faire équilibre à la suprématie du pétrole.
Entre parenthèses, le Venezuela du premier pourfendeur de M. Bush, Hugo Chavez, est le cinquième exportateur de pétrole du monde et le troisième fournisseur des Etats-Unis.
Selon l'accord Bush-Lula, le Brésil apporterait la technologie (la presque totalité des véhicules au Brésil utilisent à la fois indifféremment l'éthanol ou le pétrole).
Les Etats-Unis fourniraient des investissements mais surtout leur immense marché aux exportations d'éthanol du sud du continent.
Cependant l'accord prévoit aussi l'implication d'autres pays dans l'entreprise, dont Haïti.
L'éthanol est un dérivé de la distillation de la canne à sucre. Il est fabriqué à partir de la bagasse.
Une autre culture utilisée dans la fabrication du bio-diesel, c'est le ricin. Egalement une plante bien connue en Haïti. L'huile de ricin.
Le pétrole n'a plus pour très longtemps...
Selon les experts brésiliens, le règne du pétrole n'a plus pour très longtemps. Les réserves s'épuisent.
Les Etats-Unis y avaient déjà pensé. Mais leur éthanol (ou son propre parent, le méthanol), fabriqué à partir de la fermentation du blé, est de moins bonne qualité.
La France est déjà passée par là. L'année dernière, lors d'une visite à Brasilia, le président Jacques Chirac a annoncé que la France fera elle aussi appel à la technologie brésilienne dans ce domaine.
Que vient chercher Haïti là-dedans ?
On nous répondra pour lui donner une chance de développement. A la vérité, on parle d'une entreprise monstrueuse devant desservir le parc automobile du monde entier. Or tous les pays ne peuvent pas cultiver la canne qui est une plante tropicale. Il faut donc couvrir tout l'espace possible.
Rappelons que Haïti, depuis la colonie de Saint Domingue, est un producteur de canne à sucre par excellence.
Ironie du sort, les usines sucrières de la Hasco (plaine du Cul de Sac), au nord de la capitale ; de Léogane (également dans l'Ouest) ; de la plaine des Cayes-Torbeck (département du Sud) ont été quasiment abandonnées ces dernières décennies pour cause d'impossibilité de tenir la compétition avec le sucre importé.
Du boulot pour la petite paysannerie...
La nouvelle aventure viendrait ranimer les canneraies et donner du boulot à la petite paysannerie.
Mais pourquoi avoir attendu l'annonce du président Bush ?
En effet, le Brésil avait déjà tendu la perche au président René Préval lors de la tournée accomplie dans le sous-continent après son élection le 7 février 2006.
Au cours de visites dans des centres de recherches agricoles, M. Préval a eu connaissance des nombreuses possibilités d'Haïti (dans ces domaines un pays encore vierge) pour la production Bio, dont la fabrication de l'éthanol.
Mais il faut les investissements. Et de gros investissements.
Le capital haïtien n'est pas suffisant. De plus il est très frileux. Evidemment il risque de s'en mordre les doigts. Comme c'est déjà le cas dans le téléphone cellulaire.
Les investissements viendront par conséquent des Etats-Unis. On annonce pour bientôt une visite à Port-au-Prince du président Bush. Mais aucune confirmation officielle à ce jour.
Haïti est aussi haïtienne !...
Capitaux nord-américains. Technologie brésilienne. Main d'œuvre haïtienne. Mais ce n'est pas tout, Haïti est aussi haïtienne, si l'on ne se trompe.
Nous devinons par conséquent que si visite du président Bush il y a, c'est pour venir en discuter face à face (les yeux dans les yeux " tout manti kaba ") avec les officiels, le secteur privé et la société civile de notre pays, dont les syndicats et associations paysannes.
Car il existe un précédent. Et aussi une lourde hypothèque.
D'abord l'offre de couvrir Haïti de plantations d'hévéa ou arbre à caoutchouc. En échange, on accorderait une sorte de monopole d'importation aux voitures Ford. Mais on se demande si à l'époque il existait plus de 4 voitures en Haïti. Probablement ce qui sera immortalisé chez nous sous le nom de Ford-4.
L'affaire de la SHADA...
Non, l'exemple typique, c'est ce que la mémoire collective rapporte plutôt comme la mésaventure du sisal ou encore le scandale de la SHADA, du nom de l'entreprise internationale en question.
A la demande des Etats-Unis, Haïti se couvre d'un jour à l'autre de plantations de sisal. Monoculture du sisal. Cette plante (dont nous tirons tout bêtement la pite pour fabriquer des cordes) était lors à la base de la production de nombreux articles de consommation de masse dans les pays occidentaux.
Hélas, le synthétique un beau jour arrive et adieu veau, vache, cochons, couvée. La fibre synthétique chasse le sisal du marché. Ce dernier ne pousse plus aujourd'hui que dans les coins les reculés de la campagne haïtienne, dans les savanes les plus désolées. C'est la triste fin d'un des plus mauvais coups qui aient été portés à la paysannerie haïtienne. Et à l'agriculture, pour ne pas dire l'économie haïtienne.
Et c'est la façon dont l'opération a été menée. On sortait à peine de l'occupation américaine du pays (1915-1934) pour entrer dans la seconde guerre mondiale (1939-1945) où les besoins en sisal se firent encore plus pressants.
Les autorités haïtiennes furent mises pratiquement en demeure (peut-être bien aussi qu'elles ne se firent pas beaucoup prier) de réquisitionner le plus d'espace que possible afin de constituer d'immenses plantations livrées à la culture extensive du sisal. Dans un pays où c'est la mini-propriété (qui plus est, subdivisée à l'infini) qui est la règle, le pays fut, c'est le cas de dire, mis en coupe réglée.
Mais ce remue-ménage ne concernera pas seulement la terre. Le même sort frappa aussi la population, les habitants qui se précipitèrent d'un bout à l'autre du territoire pour participer au " miracle économique ". Le pays en sortit bouleversé, déchiré, écartelé pour longtemps. Et probablement nous en payons encore les conséquences.
Les temps ont bien changé !...
Mais lors nous vivons sous la dictature des régimes tantôt civilo-militaires, tantôt militaires tout court laissés par l'occupant de 1915.
Cependant les temps ont bien changé. Nos dirigeants sont élus aujourd'hui lors de consultations honnêtes et démocratiques. Ils savent mieux aussi leur mission. Entendez, la bonne gouvernance.
Quoique une armée étrangère se trouve aussi aujourd'hui dans nos murs, mais c'est dans le cadre d'une mission pacifique et non impérialiste, de " stabilisation " et non d'exploitation !
La visite du président Bush en Haïti est donc très attendue car pouvant déboucher sur un riche partenariat et riche à la fois pour les Etats-Unis, le Brésil et pour Haïti. Et par Haïti, nous n'entendons pas seulement la main d'œuvre paysanne abondante, même trop. Les cadres haïtiens doivent être formés à la technologie nouvelle pour prendre la relève; le capital privé haïtien pour faire contrepoids à la percée étrangère; le trésor public etc.
Bref on attend voir de quelle façon les grands promoteurs comptent cette fois s'y prendre. Car la mésaventure du sisal (l'affaire de la SHADA) est encore fraîche.
Mais qu'on se rassure, les temps entre-temps ont bien changé !
Editorial, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince [/size]
EDITORIAL
PORT-AU-PRINCE, 18 Mars - Bush et Lula lancent la diplomatie de l'éthanol. Le Brésil est le pays de l'Amérique du Sud où le président américain a eu la semaine dernière l'accueil le plus calme au milieu d'un périple marqué par les attaques habituelles de son homologue vénézuélien Hugo Chavez et des protestations contre l'indifférence d'une administration américaine totalement absorbée par son aventure en Irak ainsi que contre les déportations massives d'immigrants illégaux aux Etats-Unis.
George W. Bush et Lula da Silva ont conclu un accord pour propulser la fabrication des carburants Bio, dont l'éthanol, afin de faire équilibre à la suprématie du pétrole.
Entre parenthèses, le Venezuela du premier pourfendeur de M. Bush, Hugo Chavez, est le cinquième exportateur de pétrole du monde et le troisième fournisseur des Etats-Unis.
Selon l'accord Bush-Lula, le Brésil apporterait la technologie (la presque totalité des véhicules au Brésil utilisent à la fois indifféremment l'éthanol ou le pétrole).
Les Etats-Unis fourniraient des investissements mais surtout leur immense marché aux exportations d'éthanol du sud du continent.
Cependant l'accord prévoit aussi l'implication d'autres pays dans l'entreprise, dont Haïti.
L'éthanol est un dérivé de la distillation de la canne à sucre. Il est fabriqué à partir de la bagasse.
Une autre culture utilisée dans la fabrication du bio-diesel, c'est le ricin. Egalement une plante bien connue en Haïti. L'huile de ricin.
Le pétrole n'a plus pour très longtemps...
Selon les experts brésiliens, le règne du pétrole n'a plus pour très longtemps. Les réserves s'épuisent.
Les Etats-Unis y avaient déjà pensé. Mais leur éthanol (ou son propre parent, le méthanol), fabriqué à partir de la fermentation du blé, est de moins bonne qualité.
La France est déjà passée par là. L'année dernière, lors d'une visite à Brasilia, le président Jacques Chirac a annoncé que la France fera elle aussi appel à la technologie brésilienne dans ce domaine.
Que vient chercher Haïti là-dedans ?
On nous répondra pour lui donner une chance de développement. A la vérité, on parle d'une entreprise monstrueuse devant desservir le parc automobile du monde entier. Or tous les pays ne peuvent pas cultiver la canne qui est une plante tropicale. Il faut donc couvrir tout l'espace possible.
Rappelons que Haïti, depuis la colonie de Saint Domingue, est un producteur de canne à sucre par excellence.
Ironie du sort, les usines sucrières de la Hasco (plaine du Cul de Sac), au nord de la capitale ; de Léogane (également dans l'Ouest) ; de la plaine des Cayes-Torbeck (département du Sud) ont été quasiment abandonnées ces dernières décennies pour cause d'impossibilité de tenir la compétition avec le sucre importé.
Du boulot pour la petite paysannerie...
La nouvelle aventure viendrait ranimer les canneraies et donner du boulot à la petite paysannerie.
Mais pourquoi avoir attendu l'annonce du président Bush ?
En effet, le Brésil avait déjà tendu la perche au président René Préval lors de la tournée accomplie dans le sous-continent après son élection le 7 février 2006.
Au cours de visites dans des centres de recherches agricoles, M. Préval a eu connaissance des nombreuses possibilités d'Haïti (dans ces domaines un pays encore vierge) pour la production Bio, dont la fabrication de l'éthanol.
Mais il faut les investissements. Et de gros investissements.
Le capital haïtien n'est pas suffisant. De plus il est très frileux. Evidemment il risque de s'en mordre les doigts. Comme c'est déjà le cas dans le téléphone cellulaire.
Les investissements viendront par conséquent des Etats-Unis. On annonce pour bientôt une visite à Port-au-Prince du président Bush. Mais aucune confirmation officielle à ce jour.
Haïti est aussi haïtienne !...
Capitaux nord-américains. Technologie brésilienne. Main d'œuvre haïtienne. Mais ce n'est pas tout, Haïti est aussi haïtienne, si l'on ne se trompe.
Nous devinons par conséquent que si visite du président Bush il y a, c'est pour venir en discuter face à face (les yeux dans les yeux " tout manti kaba ") avec les officiels, le secteur privé et la société civile de notre pays, dont les syndicats et associations paysannes.
Car il existe un précédent. Et aussi une lourde hypothèque.
D'abord l'offre de couvrir Haïti de plantations d'hévéa ou arbre à caoutchouc. En échange, on accorderait une sorte de monopole d'importation aux voitures Ford. Mais on se demande si à l'époque il existait plus de 4 voitures en Haïti. Probablement ce qui sera immortalisé chez nous sous le nom de Ford-4.
L'affaire de la SHADA...
Non, l'exemple typique, c'est ce que la mémoire collective rapporte plutôt comme la mésaventure du sisal ou encore le scandale de la SHADA, du nom de l'entreprise internationale en question.
A la demande des Etats-Unis, Haïti se couvre d'un jour à l'autre de plantations de sisal. Monoculture du sisal. Cette plante (dont nous tirons tout bêtement la pite pour fabriquer des cordes) était lors à la base de la production de nombreux articles de consommation de masse dans les pays occidentaux.
Hélas, le synthétique un beau jour arrive et adieu veau, vache, cochons, couvée. La fibre synthétique chasse le sisal du marché. Ce dernier ne pousse plus aujourd'hui que dans les coins les reculés de la campagne haïtienne, dans les savanes les plus désolées. C'est la triste fin d'un des plus mauvais coups qui aient été portés à la paysannerie haïtienne. Et à l'agriculture, pour ne pas dire l'économie haïtienne.
Et c'est la façon dont l'opération a été menée. On sortait à peine de l'occupation américaine du pays (1915-1934) pour entrer dans la seconde guerre mondiale (1939-1945) où les besoins en sisal se firent encore plus pressants.
Les autorités haïtiennes furent mises pratiquement en demeure (peut-être bien aussi qu'elles ne se firent pas beaucoup prier) de réquisitionner le plus d'espace que possible afin de constituer d'immenses plantations livrées à la culture extensive du sisal. Dans un pays où c'est la mini-propriété (qui plus est, subdivisée à l'infini) qui est la règle, le pays fut, c'est le cas de dire, mis en coupe réglée.
Mais ce remue-ménage ne concernera pas seulement la terre. Le même sort frappa aussi la population, les habitants qui se précipitèrent d'un bout à l'autre du territoire pour participer au " miracle économique ". Le pays en sortit bouleversé, déchiré, écartelé pour longtemps. Et probablement nous en payons encore les conséquences.
Les temps ont bien changé !...
Mais lors nous vivons sous la dictature des régimes tantôt civilo-militaires, tantôt militaires tout court laissés par l'occupant de 1915.
Cependant les temps ont bien changé. Nos dirigeants sont élus aujourd'hui lors de consultations honnêtes et démocratiques. Ils savent mieux aussi leur mission. Entendez, la bonne gouvernance.
Quoique une armée étrangère se trouve aussi aujourd'hui dans nos murs, mais c'est dans le cadre d'une mission pacifique et non impérialiste, de " stabilisation " et non d'exploitation !
La visite du président Bush en Haïti est donc très attendue car pouvant déboucher sur un riche partenariat et riche à la fois pour les Etats-Unis, le Brésil et pour Haïti. Et par Haïti, nous n'entendons pas seulement la main d'œuvre paysanne abondante, même trop. Les cadres haïtiens doivent être formés à la technologie nouvelle pour prendre la relève; le capital privé haïtien pour faire contrepoids à la percée étrangère; le trésor public etc.
Bref on attend voir de quelle façon les grands promoteurs comptent cette fois s'y prendre. Car la mésaventure du sisal (l'affaire de la SHADA) est encore fraîche.
Mais qu'on se rassure, les temps entre-temps ont bien changé !
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