Haiti en Marche: Chefs de gang d'hier et d'aujourd'hui
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Haiti en Marche: Chefs de gang d'hier et d'aujourd'hui
Chefs de gang d'hier et d'aujourd'hui
ANALYSE
PORT-AU-PRINCE, 24 Mars - Mine de rien c'est une ère qui s'achève. Celle des petits chefs de gang qui font la loi à la capitale. Terreur mêlée d'une admiration confuse dans les petites classes.
Aujourd'hui ils sont en train de tomber les uns après les autres sous les coups de boutoir de la Mission onusienne de maintien de la paix (MINUSTAH). Le plus fameux, Evens Jeune, alias Ti Couteau, est sous les verrous. Son allié, Amaral Duclonat, dans le maquis. Les autres déposent les armes ou bien de leur cachette, indiquent aux autorités où récupérer ces dernières. Ce sont des dizaines de fusils d'assaut et des tonnes de munitions qui passent aux mains des forces de l'ordre.
Evens (comme son prénom l'indique) est accusé de vols, viols, kidnappings, tortures, meurtres etc.
Cependant aucune plainte n'a encore été déposée contre lui. De ce fait, une association d'avocats bénévoles basée aux Etats-Unis qualifie sa détention d'arbitraire et demande sa remise en liberté.
Le gouvernement n'est pas susceptible de marcher à de tels arguments car même les présumés admirateurs du jeune homme trapu et à la mine peu sympathique qui a exercé un règne sans partage sur le bidonville de Cité Soleil (300.000 habitants), avouent que Evens en a flingué plus d'un, y compris parmi ses proches. Un vrai général " pa lan grenn " (c'est-à-dire qui n'admet aucun écart).
Ces dernières années ont été marquées par la saga de ces jeunes tyranneaux de village (pardon de quartiers populeux et populaires) répondant aux noms de Bélony, Dread Wilmer, Dread Mackenzie, Tupac, Billy, les frères Métayer (aux Gonaïves).
Des noms fantasmagoriques si ce n'est prédestiné comme Labanyè, Général Toutou, Black Africa, Ronald " Cadavre "...
Brigands bien-aimés !...
Pour les lecteurs de romans policiers, c'est la version haïtienne des " Cercueil ", " Corbillard " et autres personnages qui ont régné sur le Harlem des années 40. Tout en étant craints pour leur brutalité ou même leur cruauté, ce sont aussi des vedettes dans leur entourage, parce que se faisant le plus souvent passer pour des vengeurs de leur classe, celle des laissés pour compte (ou de leur race, le nazisme).
C'est ainsi que des victimes de kidnapping racontent comment les habitants des quartiers populaires (Cité Soleil, Solino, Martissant) où elles ont été conduites, ont manifesté la plus grande indifférence à leur égard, quand le spectacle n'a pas été accueilli par des cris de joie.
Les kidnappeurs en question consacrent, dit-on, une partie de la rançon à acheter le silence de la population locale.
Evens et Amaral sont même allés jusqu'à créer des œuvres sociales : restaurants communautaires, centres sportifs etc.
Les frères Métayer, quant à eux, assuraient à leurs hommes un emploi au port des Gonaïves...
Le pouvoir absolu rend absolument fou...
Mais le prétexte idéologique reste toujours très superficiel. Il y a d'abord la crise politique qui entraîne la disparition totale de l'autorité de l'Etat et le non fonctionnement des institutions. Ensuite, vu l'incapacité des leaders à maîtriser la situation, ces derniers se banalisent et perdent toute crédibilité aux yeux de leurs propres troupes. Dans le vide ainsi créé, le gangstérisme finit alors par occuper toute la place.
Le gangstérisme roi.
Et comme tout pouvoir absolu rend absolument fou, c'est alors la ballade sanglante qu'on a vécue ces dernières années.
Il s'agit donc de criminels plus ou moins présumés qui doivent rendre des comptes à la justice, reste pour cette dernière à en fixer l'étendue. Mais là encore, le bon peuple pense qu'il n'existe pas de justice et que Evens s'en sortira ou il sera liquidé en prison !
Cependant la réflexion ne doit pas s'arrêter là. Les Evens et compagnie ne sont pas nés de nulle part. Ti Bobo et Boss Peinte, vous connaissez. C'étaient les Evens et Ronald Cadavre sous le règne de Papa Doc Duvalier. Super tontons macoutes avec licence de tuer et ne s'en privant point, abattant leurs victimes en pleine rue et en plein jour, à quelque milieu qu'ils appartiennent, le tyran ne faisant confiance à personne.
Et le jour de la mort de Ti Bobo, Duvalier lui fit des funérailles nationales. Sa dernière victime avait été un officier de l'armée...
Des horreurs qui ne diffèrent en rien...
Plus près de nous, après le coup d'état militaire de septembre 1991, l'armée envoya ses paramilitaires du FRAPH mâter la population des quartiers populaires. On rapporta des horreurs qui ne diffèrent en rien de celles enregistrées ces dernières années. Comme des jeunes garçons forcés de violer leur mère ou leur sœur...
Ces jeunes garçons sont la même génération des Evens et compagnie.
La différence cette fois est que la machine a déraillé et que ceux qui ont été jusqu'ici des hommes de main pour Papa Doc ou pour le général Cédras (ou pour Aristide), se sont mis à leur propre compte.
Mais ce qui en quelque sorte fait aussi leur faiblesse. Autrefois l'armée ou le pouvoir se serait arrangé pour faire fuir les principaux meneurs de l'autre côté de la frontière.
Aujourd'hui encore on chuchote que certains chefs de gang auraient pu s'échapper... grâce à leurs relations avec des services de renseignements étrangers. On cite ceux de ladite Armée Ti-machette...
La ligne de démarcation...
Donc rien ne se perd, rien ne se crée.
Evens et Amaral sont les descendants des Ti Bobo et Boss Peinte ou Antoine Koury d'hier...
Tout comme ceux-ci, de leur côté, n'avaient rien à envier aux officiers brutaux des régimes militaires ou civilo-militaires d'autrefois, comme un général Charles Oscar qui fit massacrer la fine fleur de l'élite politique avant l'intervention américaine de 1915... Ou un sergent " Trois Pas " dont le rôle, dit-on, était de contenir le peuple de la capitale en deçà de la statue de Dessalines au Champ de Mars qui représentait la ligne de démarcation entre le Port-au-Prince bourgeois et la basse ville prolétarisée.
Faut-il rappeler que nous vivons dans un pays qui a toujours eu pour principale assise l'exclusion et donc son corollaire immédiat la brutalité, avec éventuellement des pointes d'énorme cruauté. De massacres, comme les vêpres de Jérémie. Et qu'on distingue un vrai tyran à son habileté à manipuler ces profondes frustrations qui dorment en nous.
Même mimétisme social...
Les chefs de gang d'aujourd'hui sont à ce point un héritage du système qu'ils ne pensent qu'à singer leurs aînés jusque dans leurs élans du cœur ou leurs manœuvres démagogiques, c'est selon. Ainsi les résidences princières, avec piscine, bar et salle de séjour qu'ils s'offrent au cœur même du bidonville...
Bien naïf le général brésilien qui s'écrie : c'est déjà un crime de vivre si luxueusement au milieu de tant de misère ! Notre général devrait regarder un tout petit peu davantage autour de lui.
Ils créent des œuvres sociales pour leurs concitoyens du bidonville, voulant signifier par là qu'ils sont meilleurs que ladite bonne société. Mais pour un oui ou un non, ils punissent aussi de mort. Et au bout du compte, ce sont leurs semblables qui constituent le plus grand nombre de leurs victimes.
Moins de frustrés...
Enfin, n'allez pas croire que nous sommes différents des autres peuples de la terre. Que se soit au Congo (RDC) ou pendant la guerre du Kosovo, on rencontre toujours ce genre de créatures. Comme les SA qui ont ouvert la voie à l'accession de Hitler en Allemagne, des garçons bouchers ; ou ceux qui aideront à détecter les juifs en France occupée, à voir le très beau film de Louis Malle " Lacombe Lucien " ...
On les retrouve dans les premiers contingents de la NKVD, la police secrète de Staline, mais aussi parmi les jeunes adeptes du Ku Klux Klan...
Dénominateur commun : des frustrés dans un monde soudain livré au chaos.
Seule solution :
1) tous ensemble, faisons un effort pour sortir du chaos et pour ne plus jamais y retomber.
2) Construisons un autre monde où il y aura moins de frustrés. Ce sera pour notre bien à tous.
Haïti en Marche, 24 Mars 2007
ANALYSE
PORT-AU-PRINCE, 24 Mars - Mine de rien c'est une ère qui s'achève. Celle des petits chefs de gang qui font la loi à la capitale. Terreur mêlée d'une admiration confuse dans les petites classes.
Aujourd'hui ils sont en train de tomber les uns après les autres sous les coups de boutoir de la Mission onusienne de maintien de la paix (MINUSTAH). Le plus fameux, Evens Jeune, alias Ti Couteau, est sous les verrous. Son allié, Amaral Duclonat, dans le maquis. Les autres déposent les armes ou bien de leur cachette, indiquent aux autorités où récupérer ces dernières. Ce sont des dizaines de fusils d'assaut et des tonnes de munitions qui passent aux mains des forces de l'ordre.
Evens (comme son prénom l'indique) est accusé de vols, viols, kidnappings, tortures, meurtres etc.
Cependant aucune plainte n'a encore été déposée contre lui. De ce fait, une association d'avocats bénévoles basée aux Etats-Unis qualifie sa détention d'arbitraire et demande sa remise en liberté.
Le gouvernement n'est pas susceptible de marcher à de tels arguments car même les présumés admirateurs du jeune homme trapu et à la mine peu sympathique qui a exercé un règne sans partage sur le bidonville de Cité Soleil (300.000 habitants), avouent que Evens en a flingué plus d'un, y compris parmi ses proches. Un vrai général " pa lan grenn " (c'est-à-dire qui n'admet aucun écart).
Ces dernières années ont été marquées par la saga de ces jeunes tyranneaux de village (pardon de quartiers populeux et populaires) répondant aux noms de Bélony, Dread Wilmer, Dread Mackenzie, Tupac, Billy, les frères Métayer (aux Gonaïves).
Des noms fantasmagoriques si ce n'est prédestiné comme Labanyè, Général Toutou, Black Africa, Ronald " Cadavre "...
Brigands bien-aimés !...
Pour les lecteurs de romans policiers, c'est la version haïtienne des " Cercueil ", " Corbillard " et autres personnages qui ont régné sur le Harlem des années 40. Tout en étant craints pour leur brutalité ou même leur cruauté, ce sont aussi des vedettes dans leur entourage, parce que se faisant le plus souvent passer pour des vengeurs de leur classe, celle des laissés pour compte (ou de leur race, le nazisme).
C'est ainsi que des victimes de kidnapping racontent comment les habitants des quartiers populaires (Cité Soleil, Solino, Martissant) où elles ont été conduites, ont manifesté la plus grande indifférence à leur égard, quand le spectacle n'a pas été accueilli par des cris de joie.
Les kidnappeurs en question consacrent, dit-on, une partie de la rançon à acheter le silence de la population locale.
Evens et Amaral sont même allés jusqu'à créer des œuvres sociales : restaurants communautaires, centres sportifs etc.
Les frères Métayer, quant à eux, assuraient à leurs hommes un emploi au port des Gonaïves...
Le pouvoir absolu rend absolument fou...
Mais le prétexte idéologique reste toujours très superficiel. Il y a d'abord la crise politique qui entraîne la disparition totale de l'autorité de l'Etat et le non fonctionnement des institutions. Ensuite, vu l'incapacité des leaders à maîtriser la situation, ces derniers se banalisent et perdent toute crédibilité aux yeux de leurs propres troupes. Dans le vide ainsi créé, le gangstérisme finit alors par occuper toute la place.
Le gangstérisme roi.
Et comme tout pouvoir absolu rend absolument fou, c'est alors la ballade sanglante qu'on a vécue ces dernières années.
Il s'agit donc de criminels plus ou moins présumés qui doivent rendre des comptes à la justice, reste pour cette dernière à en fixer l'étendue. Mais là encore, le bon peuple pense qu'il n'existe pas de justice et que Evens s'en sortira ou il sera liquidé en prison !
Cependant la réflexion ne doit pas s'arrêter là. Les Evens et compagnie ne sont pas nés de nulle part. Ti Bobo et Boss Peinte, vous connaissez. C'étaient les Evens et Ronald Cadavre sous le règne de Papa Doc Duvalier. Super tontons macoutes avec licence de tuer et ne s'en privant point, abattant leurs victimes en pleine rue et en plein jour, à quelque milieu qu'ils appartiennent, le tyran ne faisant confiance à personne.
Et le jour de la mort de Ti Bobo, Duvalier lui fit des funérailles nationales. Sa dernière victime avait été un officier de l'armée...
Des horreurs qui ne diffèrent en rien...
Plus près de nous, après le coup d'état militaire de septembre 1991, l'armée envoya ses paramilitaires du FRAPH mâter la population des quartiers populaires. On rapporta des horreurs qui ne diffèrent en rien de celles enregistrées ces dernières années. Comme des jeunes garçons forcés de violer leur mère ou leur sœur...
Ces jeunes garçons sont la même génération des Evens et compagnie.
La différence cette fois est que la machine a déraillé et que ceux qui ont été jusqu'ici des hommes de main pour Papa Doc ou pour le général Cédras (ou pour Aristide), se sont mis à leur propre compte.
Mais ce qui en quelque sorte fait aussi leur faiblesse. Autrefois l'armée ou le pouvoir se serait arrangé pour faire fuir les principaux meneurs de l'autre côté de la frontière.
Aujourd'hui encore on chuchote que certains chefs de gang auraient pu s'échapper... grâce à leurs relations avec des services de renseignements étrangers. On cite ceux de ladite Armée Ti-machette...
La ligne de démarcation...
Donc rien ne se perd, rien ne se crée.
Evens et Amaral sont les descendants des Ti Bobo et Boss Peinte ou Antoine Koury d'hier...
Tout comme ceux-ci, de leur côté, n'avaient rien à envier aux officiers brutaux des régimes militaires ou civilo-militaires d'autrefois, comme un général Charles Oscar qui fit massacrer la fine fleur de l'élite politique avant l'intervention américaine de 1915... Ou un sergent " Trois Pas " dont le rôle, dit-on, était de contenir le peuple de la capitale en deçà de la statue de Dessalines au Champ de Mars qui représentait la ligne de démarcation entre le Port-au-Prince bourgeois et la basse ville prolétarisée.
Faut-il rappeler que nous vivons dans un pays qui a toujours eu pour principale assise l'exclusion et donc son corollaire immédiat la brutalité, avec éventuellement des pointes d'énorme cruauté. De massacres, comme les vêpres de Jérémie. Et qu'on distingue un vrai tyran à son habileté à manipuler ces profondes frustrations qui dorment en nous.
Même mimétisme social...
Les chefs de gang d'aujourd'hui sont à ce point un héritage du système qu'ils ne pensent qu'à singer leurs aînés jusque dans leurs élans du cœur ou leurs manœuvres démagogiques, c'est selon. Ainsi les résidences princières, avec piscine, bar et salle de séjour qu'ils s'offrent au cœur même du bidonville...
Bien naïf le général brésilien qui s'écrie : c'est déjà un crime de vivre si luxueusement au milieu de tant de misère ! Notre général devrait regarder un tout petit peu davantage autour de lui.
Ils créent des œuvres sociales pour leurs concitoyens du bidonville, voulant signifier par là qu'ils sont meilleurs que ladite bonne société. Mais pour un oui ou un non, ils punissent aussi de mort. Et au bout du compte, ce sont leurs semblables qui constituent le plus grand nombre de leurs victimes.
Moins de frustrés...
Enfin, n'allez pas croire que nous sommes différents des autres peuples de la terre. Que se soit au Congo (RDC) ou pendant la guerre du Kosovo, on rencontre toujours ce genre de créatures. Comme les SA qui ont ouvert la voie à l'accession de Hitler en Allemagne, des garçons bouchers ; ou ceux qui aideront à détecter les juifs en France occupée, à voir le très beau film de Louis Malle " Lacombe Lucien " ...
On les retrouve dans les premiers contingents de la NKVD, la police secrète de Staline, mais aussi parmi les jeunes adeptes du Ku Klux Klan...
Dénominateur commun : des frustrés dans un monde soudain livré au chaos.
Seule solution :
1) tous ensemble, faisons un effort pour sortir du chaos et pour ne plus jamais y retomber.
2) Construisons un autre monde où il y aura moins de frustrés. Ce sera pour notre bien à tous.
Haïti en Marche, 24 Mars 2007
gwotoro- Super Star
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Nombre de messages : 3974
Localisation : Canada
Date d'inscription : 20/08/2006
Feuille de personnage
Jeu de rôle: le balancier
Re: Haiti en Marche: Chefs de gang d'hier et d'aujourd'hui
Amen.Que les aveugles demandent à leurs amis de leur lire l'editorial d'haiti en marche.Oui Aristide n'a pas invente le kidnaping ;c'est l'indifference de la societé haitienne aux souffrances des laisses pour compte qui creent nos monstres.Qu'ils se nomment Nord Alexis, Florville Hyppolite , Boss Peintre, Guyoux,Thompson,sedras, Jack Etienne,Ti bobo,Ti kouto ti boule,Chamblen ,Toto ; ils sont tous des produits de la meme moule.Selon vos points de vue et votre appartenance vous appelez certains d'entre eux :"moun de bien,d'autres chimères"
Rodlam Sans Malice- Super Star
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Nombre de messages : 11114
Localisation : USA
Loisirs : Lecture et Internet
Date d'inscription : 21/08/2006
Feuille de personnage
Jeu de rôle: Stock market
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