Forum spécial : Quand je suis haitien
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Forum spécial : Quand je suis haitien
Rappel du premier message :
Pour que nul n’en ignore :
Le tremblement de terre ! Haiti est sous les décombres .Nous avons besoin d’aide .Et pourtant ceux qui profitent de nos malheurs –quelle que soit la couleur de leur peau – sont encore à l’œuvre :
Voici Mamahdi et Pierre, deux ressortissants de la Cote d’Ivoire .Voici Jofhua de Sierra Leone .Ils font tous partie du contingent des occupants dont la présence avilit le pays .Et voici Milord ,le français ,un Gaulois aux yeux bleus ,un homme au cœur d’or et qui vit avec eux dans le meme complexe .Ils sont tous chez nous , disent- ils , pour nous aider à nous comporter en civilisés .L’omniprésence du tremblement de terre et ses conséquences épouvantables !!Tout le monde est aux aguets .On ne sait plus où se terrer pour s’abriter du mauvais temps.
Le gaulois Milord ,l’arrogant, fit dresser une tente dans la grande cour du complexe pour recevoir les sinistres qui ne savent plus où donner la tête .Ils ont faim et ils sont sales et couverts de poussière .Bon nombre d’entre eux sont blessés et réclament des soins d’urgences .Le gaulois Milord se démene comme un beau diable pour leur venir en aide .Il y est arrivé en passant de porte en porte et en demandant du secours aux voisins haïtiens encore tout étonnés de l’ampleur du désastre , de la catastrophe .Paix relative dans un moment de desespoir atroce .Mais pas pour logtemps .
Une lettre arrive de toute urgence à la maison du propriétaire du complexe :
Monsieur,
« Nous n'avions payé nos loyers pour nous retrouver dans cette situation difficile .Je trouve injuste qu’un Français s’arroge le droit de planter dans votre cour une tente pour abriter des sinistres .Ce n’est pas cette mode de vie que nous envisagions quand nous entrâmes dans un contrat de loyer avec vous .Nous vous donnons acte de notre désapprobation de cet acte arrogant du Français qui pense que nous devons baisser notre standard de vie pour venir au secours de ces haïtiens .Nous exigeons que vous preniez immédiatement les mesures nécessaires pour faire déguerpir les sans –abris qui sont bien connus pour etre des voleurs et des bandits.
Recevez Monsieur, nos salutations distinguées.
Mamahdi et Pierre, de la cote d’ivoire.
Jofhua, de Sierra Leone.
-----------------------------------------------------------------
Reponse du propriétaire ,un haïtien Gaulois selon les partisans de la haine :
Messieurs,
J'ai l'honneur d'accuser la reception de votre lettre . Je comprends vos inquietudes . Nous vivons les heures d'une terrible tragédie que le pays n’a jamais vécues dans son histoire .Si vous insistez et s’il faut que j’ordonne le déguerpissement des sinistrés de la cour , je le ferai tantôt quand j’aurai trouvé une place convenable sur l’une de mes propriétés à Pétionville ou ils pourront prendre refuge de la compassion de ceux qui étaient venus pour les aider .Je vous donne-moi aussi acte de ma décision irrévocable :
Votre contrat ne sera pas renouvelé à la date de son expiration le mois prochain.
Recevez messiers mes salutations distinguées.
Le Gaulois des aigris.
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Merde et merde !
Ces gars-là sont chez nous .Imaginez ce qu’ils seraient capables de faire si nous étions chez eux .Trois africains et pas un seul n’avait trouvé dans son cœur un sentiment de pitié pour nos concitoyens face à leurs malheurs. Je ne doute pas qu’ils auraient eu la meme attitude chez eux .Allez messieurs ! Parlez-moi de l’Afrique .Des frères de la race .Allez-y .Et laissez, dans votre générosité panaméricaine, les sinistrés et les sans-abris à la merci des vents et du « goudoukouglou » pour porter secours à l'étranger car leur vie est bien plus précieuse que celle des haïtiens .Venez à leur aide parce que ça les dérange, la présence de tous ces sales haïtiens pauvres et sans-abri.
Mwin ta di nou sa Kassayol te di bef la wi, bann congo. Chita sou internet ap radote pale sa nou pa konen epi kontinye bay manti ak sa nou ranmasse lan liv pwopagann.Se pou ayisyen ke mwin santi'm blesse le yo blesse se pou ayisyen mwin soufri le yap soufri .Mwin pagin okenn kod lonbrit ki mare ak etranje poum paka di se le se fanmi lakay mwin ap soufri ke'm soufri tou . Kelkeswa koule po li ,a l'etranger, je dedie avec force et courage le mot de Cambronne !
Pour que nul n’en ignore :
Le tremblement de terre ! Haiti est sous les décombres .Nous avons besoin d’aide .Et pourtant ceux qui profitent de nos malheurs –quelle que soit la couleur de leur peau – sont encore à l’œuvre :
Voici Mamahdi et Pierre, deux ressortissants de la Cote d’Ivoire .Voici Jofhua de Sierra Leone .Ils font tous partie du contingent des occupants dont la présence avilit le pays .Et voici Milord ,le français ,un Gaulois aux yeux bleus ,un homme au cœur d’or et qui vit avec eux dans le meme complexe .Ils sont tous chez nous , disent- ils , pour nous aider à nous comporter en civilisés .L’omniprésence du tremblement de terre et ses conséquences épouvantables !!Tout le monde est aux aguets .On ne sait plus où se terrer pour s’abriter du mauvais temps.
Le gaulois Milord ,l’arrogant, fit dresser une tente dans la grande cour du complexe pour recevoir les sinistres qui ne savent plus où donner la tête .Ils ont faim et ils sont sales et couverts de poussière .Bon nombre d’entre eux sont blessés et réclament des soins d’urgences .Le gaulois Milord se démene comme un beau diable pour leur venir en aide .Il y est arrivé en passant de porte en porte et en demandant du secours aux voisins haïtiens encore tout étonnés de l’ampleur du désastre , de la catastrophe .Paix relative dans un moment de desespoir atroce .Mais pas pour logtemps .
Une lettre arrive de toute urgence à la maison du propriétaire du complexe :
Monsieur,
« Nous n'avions payé nos loyers pour nous retrouver dans cette situation difficile .Je trouve injuste qu’un Français s’arroge le droit de planter dans votre cour une tente pour abriter des sinistres .Ce n’est pas cette mode de vie que nous envisagions quand nous entrâmes dans un contrat de loyer avec vous .Nous vous donnons acte de notre désapprobation de cet acte arrogant du Français qui pense que nous devons baisser notre standard de vie pour venir au secours de ces haïtiens .Nous exigeons que vous preniez immédiatement les mesures nécessaires pour faire déguerpir les sans –abris qui sont bien connus pour etre des voleurs et des bandits.
Recevez Monsieur, nos salutations distinguées.
Mamahdi et Pierre, de la cote d’ivoire.
Jofhua, de Sierra Leone.
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Reponse du propriétaire ,un haïtien Gaulois selon les partisans de la haine :
Messieurs,
J'ai l'honneur d'accuser la reception de votre lettre . Je comprends vos inquietudes . Nous vivons les heures d'une terrible tragédie que le pays n’a jamais vécues dans son histoire .Si vous insistez et s’il faut que j’ordonne le déguerpissement des sinistrés de la cour , je le ferai tantôt quand j’aurai trouvé une place convenable sur l’une de mes propriétés à Pétionville ou ils pourront prendre refuge de la compassion de ceux qui étaient venus pour les aider .Je vous donne-moi aussi acte de ma décision irrévocable :
Votre contrat ne sera pas renouvelé à la date de son expiration le mois prochain.
Recevez messiers mes salutations distinguées.
Le Gaulois des aigris.
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Merde et merde !
Ces gars-là sont chez nous .Imaginez ce qu’ils seraient capables de faire si nous étions chez eux .Trois africains et pas un seul n’avait trouvé dans son cœur un sentiment de pitié pour nos concitoyens face à leurs malheurs. Je ne doute pas qu’ils auraient eu la meme attitude chez eux .Allez messieurs ! Parlez-moi de l’Afrique .Des frères de la race .Allez-y .Et laissez, dans votre générosité panaméricaine, les sinistrés et les sans-abris à la merci des vents et du « goudoukouglou » pour porter secours à l'étranger car leur vie est bien plus précieuse que celle des haïtiens .Venez à leur aide parce que ça les dérange, la présence de tous ces sales haïtiens pauvres et sans-abri.
Mwin ta di nou sa Kassayol te di bef la wi, bann congo. Chita sou internet ap radote pale sa nou pa konen epi kontinye bay manti ak sa nou ranmasse lan liv pwopagann.Se pou ayisyen ke mwin santi'm blesse le yo blesse se pou ayisyen mwin soufri le yap soufri .Mwin pagin okenn kod lonbrit ki mare ak etranje poum paka di se le se fanmi lakay mwin ap soufri ke'm soufri tou . Kelkeswa koule po li ,a l'etranger, je dedie avec force et courage le mot de Cambronne !
Dernière édition par deza le Mer 16 Fév 2011 - 17:16, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Quelques jours avant la prise d'armes, elle fit appeler Inginac à dix heures du soir. Celui-ci se rendit aussitôt chez elle, et la trouva assise tout en pleurs, sur un canapé(1). Elle le conjura de prendre l'autorité supérieure pour déjouer la conspiration qui allait éclater sous peu de jours au Port Salut, d’après les derniers renseignements qu'elle avait obtenus. Inginac lui répéta qu'il ne pourrait assumer sur lui cette responsabilité, mais qu'il réunirait chez elle les premières autorités, Moreau, Papalier, Etienne Mentor, Bourdet, Wagnac, l'administrateur Almanjor pour les aviser de ce qui se passait et les déterminer à prendre des mesures énergiques contre les factieux. Elle ne voulut pas consentir à cette réunion, en disant que ces hommes étaient des pusillanimes, pour ne pas dire autre chose. Sur les instances d'Inginac, elle se décida à recevoir Almanjor, qui consulté fut d'avis qu'on s'embarquât sur une felouque de l'Etat, commandée par Aoua, et qu'on abandonnât les Cayes. Il dit qu'il prévoyait, d'après tout ce qui lui parvenait, qu'il pourrait être sacrifié ainsi qu'Inginac. Ce dernier lui déclara qu'il n'abandonnerait jamais son poste. On se sépara sans avoir pu s'entendre. Au grand étonnement d'Inginac, il apprit dans la journée qui suivit, qu'Almanjor était un cousin du général Christophe dont le nom était mis en avant par les conjurés. Des lors, il ne communiqua plus avec lui et le fuit même. Il apprit à Papalier ce qu'il avait su de Mlle Euphémie, et ordonna à Aoua de côtoyer sur sa felouque le bas de la cote jusqu'à Jérémie, de s'assurer de l'état des esprits dans chaque localité et de lui faire un rapport. Il se rendit ensuite avec Papalier chez le général Moreau, et lui fit connaitre tout ce qui lui était parvenu. Moreau lui dit que tous ces rapports étaient mensongers. Il ajouta : "Je suis certain qu'il n'y a rien; je tiens en mes mains tous les gens du Port-Salut; j'exerce sur eux beaucoup d'influence; ils m'eussent averti, s'il y avait de l'extraordinaire". Il leur annonça, néanmoins, qu'il irait faire une tournée dans le quartier du Port-Salut pour s'assurer par lui-même de la disposition des esprits, et qu'avant de partir, il donnerait une fête. La masse du peuple détestait tellement le général Moreau que celui-ci n'avait rien appris jusqu'alors, même des agents secrets qu'il soldait. Le 2 octobre, il donna un repas somptueux ou l’on porta avec grandes démonstrations de dévouement plusieurs toasts à la gloire de l'empereur. Le lendemain, il sortit des Cayes pour entreprendre sa tournée. Il était accompagné aides de camp, de son secrétaire et de trente cavaliers, il parvint au Port-Salut le même jour. Le 5, il réunit les habitants du quartier et les exhorta à demeurer toujours fidèles à l'empereur, et le 6, il leur donna un grand festin. Le jour qui suivit, il se prépara à continuer sa promenade Pendant ce temps, ceux des habitants propriétaires qui avaient été dépossédés se déterminaient enfin à prendre les armes contre le gouvernement. Sur l'invitation de Mécerou, ils se réunirent sur son habitation située dans les hauteurs du Port-Salut, pendant la nuit du 6 au 7 octobre. Les plus audacieux d'entre eux exposèrent avec véhémence qu'il était devenu impossible de supporter plus longtemps le joug de Dessalines, que son pouvoir était sans limites et s'appesantissait cruellement sur toutes les tètes, qu’il avait soif du sang des citoyens du Sud, qu'il s'était déjà enivré de ce sang pendant et après la guerre civile(1). Ils ajoutèrent que des terres qu'ils avaient achetées depuis l'ancien régime, dont ils avaient joui même sous les Français, on les leur enlevait; qu'ils avaient chassé les Blancs, leurs oppresseurs, après des luttes longues et sanglantes et que pour récompense de leurs travaux et de leurs exploits ils avaient un gouvernement qui leur rappelait celui; Rochambeau(1); qu'ils avaient pris les armes au nom de la Liberté, et que cependant ils voyaient les cultivateurs traités presque comme dans l'ancien régime. Ils s'écrièrent: "Puisqu'il faut mourir, que ce ne soit pas de la mort des lâches! Jurons tous guerre à mort à Dessalines." Les conjurés se levèrent et en firent le serment par acclamations. Ils se dispersèrent avant la fin de la nuit et allèrent répandre les mêmes paroles sur toutes les habitations voisines. Dans la journée du 7, ils apprirent que Moreau devait se rendre aux Coteaux. Une centaine des plus résolus, armés de fusils et de bâtons, ayant à leur tête Mécerou, allèrent l'attendre au passage appelé le Garata, lieu célèbre par une victoire que le général Férou avait remportée sur les Français en 1803. Le 8, au lever du soleil, le général Moreau partit du Port-Salut. Mécerou s'était embusqué avec les siens derrière de grosses pierres qui bordaient le chemin. Quand Moreau parvint à Garata, un jeune trompette qui précédait son escorte découvrit plusieurs têtes apparaissant de derrière les rochers et disparaissant aussitôt. Il cria à l'embuscade ! L'officier qui était à la tête des cavaliers commanda résolument au trompette de sonner la charge, et a ses dragons, sabre au poing. Il fut aussitôt soutenu par les aides de camp de Moreau. Celui-ci, au lieu d'approuver sa résolution, ordonna de faire halte. Il pouvait, par une charge vigoureuse, disperser le rassemblement; mais il avait l’espoir, en parlant aux insurgés, de leur en imposer. Ce fut en vain que les cavaliers qui étaient à ses cotés l'exhortèrent à forcer le passage. Il invita les conjurés à s'approcher pour lui parler; ils sortirent de l'embuscade et l'entourèrent. Il leur demanda ce qu'ils voulaient; ils lui répondirent: "Nous réclamons nos droits !" S'apercevant qu'il avait une attitude timide, ils s'approchèrent de lui davantage, enveloppèrent son escorte, lui déclarèrent qu'il était prisonnier et lui demandèrent ses armes. Au grand étonnement de ses officiers, Moreau s'écria : "Ah! vous m'arrêtez! Que désirez-vous ? Est-ce mon sabre, parce qu'il est beau ? Et bien! le voici." II le remit à Mécerou. "Ce sont, sans doute, ces petits faquins des Cayes qui ne veulent pas être soldats, que j'ai fait enrôler, qui conspirent contre moi" Mécerou lui ôta son chapeau galonné, le remplaça par une coiffure de paille, et lui arracha ses épaulettes. Moreau descendit de cheval, ôta son habit et le foula à ses pieds avec indignation. II voulut alors se défendre; mais il était trop tard; les cavaliers de son escorte avaient pris la fuite, la plupart, vers les Cayes, dès qu'il avait remis son épée. Il fut aussitôt conduit, prisonnier, sur l'habitation Taverny ou campaient les insurgés. Les échos de la montagne répétèrent le son lugubre du lambi, signal de l’insurrection générale; et la troupe campée à Taverny se grossit considérablement par le bruit du succès qu'elle avait obtenu.
A trois heures de l'après-midi du 8 octobre, la nouvelle de ce qui venait de se passer parvint aux Cayes; Papalier en fut consterné. Néanmoins, sans trop y ajouter foi, il réunit un conseil de guerre ou il fut décidé que Wagnac serait envoyé à Garata, avec son escadron, pour s'assurer du fait, et, s'il était vrai, délivrer le général Moreau et ramener les insurgés par la persuasion. Bourdet, colonel de la 13e, fit battre la générale, sans les ordres de Bauregard, commandant de la place. A cinq heures de l'après-midi, les régiments d'infanterie, d'artillerie et un escadron de dragons étaient réunis sur la place d'armes. Papalier s'y rendit avec Inginac et dit aux soldats: "Mes camarades, le général Moreau qui vous à toujours honorablement commandés, a été arrêté, dit-on, ce matin, dans la commune du Port-Salut, par des gens ennemis de l'ordre public. Cette nouvelle est vague; il ne faut pas croire que les coupables puissent obtenir un véritable succès. Pour délivrer le général Moreau, s'il a été vraiment arrêté, nous ne reculerons devant aucun danger, et je ne cesserai pas un instant d'être à votre tête. Le colonel Wagnac a déjà été chargé d'aller découvrir, avec un escadron, le lieu qui peut lui servir de prison. En attendant son retour, demeurez fidèles a l'empereur; restez en bataille sur cette place, et repoussez vigoureusement les séductions des factieux. Ayez l'œil sur vos chefs ; ils vous conduiront dans les voies de l'honneur. Vive la liberté ! Vive l'empereur !"
(1) Note de Mr Inginac sur cette circonstance, que m'ont communiquée Mr Smith et sa dame, née Inginac, pendant que le 3e volume était sous presse. Il est à regretter que la plupart des notes de Mr Inginac aient été détruites lors de l'entrée de l'armée populaire à Port-au-Prince en 1843.
(1) Nous avons déjà raconté que Dessalines n'avait fait qu'exécuter les ordres de Toussaint; que néanmoins il avait sauvé un nombre considérable de malheureux proscrits, ne redoutant pas d'exciter contre lui les fureurs de son chef.
(2) Exagération dont on ne se rend compte que dans une telle circonstance, alors qu'on veut pousser le peuple a la révolte.
A trois heures de l'après-midi du 8 octobre, la nouvelle de ce qui venait de se passer parvint aux Cayes; Papalier en fut consterné. Néanmoins, sans trop y ajouter foi, il réunit un conseil de guerre ou il fut décidé que Wagnac serait envoyé à Garata, avec son escadron, pour s'assurer du fait, et, s'il était vrai, délivrer le général Moreau et ramener les insurgés par la persuasion. Bourdet, colonel de la 13e, fit battre la générale, sans les ordres de Bauregard, commandant de la place. A cinq heures de l'après-midi, les régiments d'infanterie, d'artillerie et un escadron de dragons étaient réunis sur la place d'armes. Papalier s'y rendit avec Inginac et dit aux soldats: "Mes camarades, le général Moreau qui vous à toujours honorablement commandés, a été arrêté, dit-on, ce matin, dans la commune du Port-Salut, par des gens ennemis de l'ordre public. Cette nouvelle est vague; il ne faut pas croire que les coupables puissent obtenir un véritable succès. Pour délivrer le général Moreau, s'il a été vraiment arrêté, nous ne reculerons devant aucun danger, et je ne cesserai pas un instant d'être à votre tête. Le colonel Wagnac a déjà été chargé d'aller découvrir, avec un escadron, le lieu qui peut lui servir de prison. En attendant son retour, demeurez fidèles a l'empereur; restez en bataille sur cette place, et repoussez vigoureusement les séductions des factieux. Ayez l'œil sur vos chefs ; ils vous conduiront dans les voies de l'honneur. Vive la liberté ! Vive l'empereur !"
(1) Note de Mr Inginac sur cette circonstance, que m'ont communiquée Mr Smith et sa dame, née Inginac, pendant que le 3e volume était sous presse. Il est à regretter que la plupart des notes de Mr Inginac aient été détruites lors de l'entrée de l'armée populaire à Port-au-Prince en 1843.
(1) Nous avons déjà raconté que Dessalines n'avait fait qu'exécuter les ordres de Toussaint; que néanmoins il avait sauvé un nombre considérable de malheureux proscrits, ne redoutant pas d'exciter contre lui les fureurs de son chef.
(2) Exagération dont on ne se rend compte que dans une telle circonstance, alors qu'on veut pousser le peuple a la révolte.
Maximo- Super Star
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Après cette allocution, il alla visiter l'arsenal et les forts de la ville. Aussitôt après son départ, beaucoup d'officiers murmurèrent contre lui; d'autres, au contraire, se montrèrent inquiets du sort de Moreau. Wagnac était déjà sorti de la ville, allant à la recherche de ce général. Les hommes qui avaient été signalés à l'empereur et qui se sentaient compromis, s'étaient réunis dès qu'ils avaient appris la nouvelle de la révolte. Ils décidèrent qu'ils s'efforceraient de gagner, sans perdre un instant, les officiers les plus influents de la province du Sud, se constituèrent en conseil des conjurés pour donner une direction aux mouvements insurrectionnels. Le colonel Francisque, en garnison à l'Anse-à-Veau, se trouvait alors aux Cayes pour des affaires d'intérêt. Le conseil des conjurés dépêcha auprès de lui un de ses membres, Glaisil, chargé de le gagner contre Dessalines. L'envoyé le trouva dans des dispositions tout a fait hostiles à l'insurrection; il déclara même qu'il était prêt à la combattre avec le dernier acharnement. Glaisil retourna auprès des conjurés et leur rendit compte de sa démarche infructueuse; ils en furent un peu consternés.
A sept heures du soir, le colonel Bourdet, à la tête de 50 officiers de la 13e demi-brigade, vint chez Inginac et l'exhorta à prendre l'autorité supérieure, à payer et habiller les troupes avant de les faire sortir contre les insurgés. Inginac lui répondit avec douleur que ses attributions ne lui permettaient pas de prendre de telles mesures. Bourdet s'en montra mécontent et déclara que ce serait le seul moyen d'empêcher la révolte de se propager.
A dix heures du soir, presque toutes les troupes de la garnison avaient été gagnées, artillerie, cavalerie, infanterie. On demandait la tête d'Inginac, et on faisait courir le bruit absurde qu'un bâtiment était arrivé chargé de chaines destinées aux Noirs qui devaient être déportés. Le peuple, qui, dans les effervescences, suit, le plus souvent tous les mouvements, excepté ceux de la raison, accueillait ce bruit favorablement. Le reste de la nuit s'écoula dans une grande agitation. Le lendemain, 9 octobre, à la pointe du jour, le colonel Wagnac n'était point encore rentré aux Cayes; on n'avait pas même reçu de ses nouvelles. Papalier envoya auprès de lui le citoyen Brunet et manda en même temps cet événement, par lettre, au général Guillaume Lafleur qui commandait à Aquin, et à Gérin, ministre de la Guerre qui se tenait sur sa terre de Laval, près de l'Anse-à-Veau. Quelques heures après le départ de Brunet, Bauregard, commandant de la place des Cayes, apprit avec certitude, par un Blanc, secrétaire d'Etienne Mentor, Esmangard, colonel inspecteur de culture, que celui-ci avait été sabré, à huit heures du matin, par les dragons de Wagnac, que ces dragons ainsi que leur chef, électrisés par des paroles de Mécerou, avaient fraternisé avec les révoltés, que les quartiers de Labacou, de Roche-à-Bateau, les plaines de Torbeck et des Cayes étaient soulevés, que les insurgés étaient campés au Carrefour Govin et au camp Gérard, que Moreau était réellement prisonnier, qu'on se disposait à assaillir les Cayes, que Wagnac avait accepté des révoltés le titre de général de brigade, et Racolier, celui de colonel des dragons. Etienne Mentor respirait encore; il avait reçu plus de trente coups de sabre et on l'avait laissé pour mort. D'une autre part, Aoua, sortant de Jérémie, sur la felouque de l'Etat, entra dans le port des Cayes. Il vit la révolte peinte sur tous les visages. Il exprima combien il regrettait d'être revenu aux Cayes et de ne s'être pas rendu aux Gonaïves d'ou il eut pu joindre l’empereur. Il annonça que, le long de la cote, de Jérémie aux Cayes, tout était tranquille. Comme son rapport pouvait contrarier les projets des conjurés de la ville, sa perte fut aussitôt résolue. Mlle Euphémie Daguille dépêcha un courrier à Dessalines pour lui faire connaitre le véritable caractère de la révolte. Mais l’exprès fut arrêté dans le voisinage des Cayes par des cavaliers que le conseil des conjurés lança à sa poursuite.
Bergerac Trichet qui se trouvait aux environs du Port-Salut, apprenant la révolte de Mécerou, se transporta aussitôt à l'Anse-d' Hainault, gagna contre Dessalines Nicolas Régnier, commandant de la 19e demi-brigade, se rendit ensuite à la Source-Chaude, dans les hauteurs de la Grands Rivière de Jérémie, ou se trouvait le général Férou, el l'entraina dans le mouvement, Férou se disposa à rentrer à Jérémie que jusqu'alors Bazile, colonel de la 18e très attache à Dessalines, maintenait dans le devoir.
Le courrier que Papalier avait envoyé auprès de Wagnac rentra aux Cayes. Wagnac qui, comme nous l'avons dit, avait fraternisé avec les révoltés faisait connaitre verbalement à Papalier qu'il éprouvait des difficultés à contenir les insurges qui voulaient se livrer au pillage, qu'il n'avait pu obtenir la mise en liberté de Moreau, mais que les officiers de son escorte avaient été élargis.
A cette nouvelle, Papalier acquit la conviction que Wagnac avait été gagné. Il s'élança sur son cheval et parcourut tous les postes de la ville, en s'efforçant d'exciter les esprits en faveur de Dessalines. Mais les troupes et les citoyens, en apprenant la défection de Wagnac, s'étaient hautement prononcés contre l'empereur. Papalier ne rencontra que des indifférents ou des hommes qui criaient a bas Dessalines! Le conseil des conjures de la ville, que ce succès avait ranimé, expédia, de nouveau, un de ses membres, le citoyen Glaisil, auprès de Francisque. Celui-ci écoutait l'envoyé lorsqu'un vieillard nomme Mathieu Perigny qui demeurait tout près de lui pénétra dans sa chambre et lui souhaita le bonjour, l'expression de la bonhomie peinte sur la figure. "Eh bien ! Voisin, lui dit Francisque; que m’apprendrez-vous de nouveau ? Mathieu lui répondit: "Ce que l'on fait en ce moment, est, ce me semble, une forte imprudence; mais puisque c'est commencé, si vous autres chefs, vous ne vous hâtez pas de vous mettre à la tête des insurgés, avant peu de jours, je vous verrai tous garrottés et conduits à la mort avec bien plus d'atrocités que sous Toussaint Louverture." Ces paroles transportent Francisque; il se rend avec Glaisil chez Bourdet, colonel de la 13e. Ce corps était le seul qui ne se fut pas encore hautement prononcé contre Dessalines. Il dit à Bourdet que quelques paroles qu'il venait d'entendre d'un vieux camarade l'avaient vivement touché, qu'il n'y avait plus à hésiter, qu'il se rendait à l'Anse-à-Veau pour se mettre à la tête de son régiment, qu'il était disposé à combattre Dessalines. S'adressant toujours a Bourdet: "Quant à toi, tu as, sous tes ordres, 900 baïonnettes, prends l'un ou l'autre parti". Bourdet l'invita à se rendre chez Papalier. Ils se dirigèrent vers la demeure de celui-ci qui s'épuisait toujours à travers la ville en de vains efforts en faveur de Dessalines. Ils ne le rencontrèrent pas. Francisque entra chez Mr Mackintosh, négociant étranger, y fit ses préparatifs de départ, et lui emprunta assez d'argent pour payer les cultivateurs de l'habitation Leplicher qu'il occupait à titre de fermier. Un instant après, il aperçut Papalier et lui cria : "Mon ami, c'en est fait de Dessalines; je tire mon épée contre lui; Bourdet s'est aussi prononcé pour l'insurrection; ainsi donc tu as à choisir entre l'empereur et tes compagnons d'armes." Ces paroles ébranlèrent Papalier qui n'avait remarqué même dans les rangs de la 13e que des dispositions hostiles. Il s'approcha de Francisque et lui annonça que son parti était le sien; il lui dit qu'il ne fallait pas perdre un instant, qu'ils connaissaient l'un et l’autre l'étonnante activité de l'empereur, et il se sépara de lui. Francisque partit pour l'Anse-à-Veau. Papalier descendit de cheval, entra dans une des maisons de la rue, écrivit au général Férou, à Jérémie, au colonel Vancol, à Aquin, et à beaucoup d'autres officiers de la province du Sud, les exhortant à s'armer aussitôt contre le gouvernement. Il expédia un guide à Wagnac pour lui annoncer qu'il venait de se rallier au parti de l'insurrection. Dès lors la révolte fut générale dans la ville ou le désordre était à son comble, et les autorités proclamèrent l'insurrection. On n'entendait que les cris d'abas Dessalines ! On demandait toujours la tête d'Inginac avec fureur. Celui-ci, craignant pour ses jours, se tenait renfermé chez Papalier, dont la demeure avait été jusqu'alors respectée, à cause de l'estime générale dont il jouissait.
Pendant que les autorités dirigeaient l'insurrection avec une activité prodigieuse, un piquet de dragons expédié par Wagnac arriva aux Quatre-Chemins, faubourg des Cayes vers la plaine, avec mission de faire connaitre à Papalier, que, pour éviter les plus grands malheurs à la ville, on lui proposait une entrevue, ainsi qu'aux principaux citoyens. Il était quatre heures de l'après-midi. Ce piquet fit rencontre avec un jeune homme de couleur, nommé Henri, secrétaire de Yayou, qui arrivait de Léogane, couvert de poussière, et à bride abattue. Les dragons des Cayes l'arrêtèrent et lui demandèrent ce qu'il y avait de nouveau dans l'Ouest. Il répondit qu'il venait annoncer à Papalier, de la part du général Yayou, que les troupes de l'Ouest allaient marcher contre le Sud. Aussitôt on le traina violemment chez Papalier. Comme celui-ci n'était pas en sa demeure, on coupa la tête au jeune Henri et on la porta à la pointe d'un sabre à travers la rue. Les assassins, découvrant Inginac sur la galerie haute de la maison, lui montrèrent la tête de l'envoyé de Yayou, et lui dirent: "Ton tour viendra bientôt". Papalier rentra chez lui un instant après, eut horreur de la scène sanglante qui venait de se passer, et renvoya le piquet de dragons en faisant dire à Wagnac qu'il acceptait l'entrevue pour le lendemain, aux Quatre-Chemins. Comme Wagnac avait fait savoir qu'il désirait, avant d'entrer en négociations, s'entretenir avec le colonel Bourdet, celui-ci se rendit auprès de lui accompagné de la plupart des officiers de la garnison des Cayes, lui annonça, lui-même, qu'il avait accepte l'insurrection; c'était ce que désirait entendre Wagnac, car il savait que Bourdet exerçait une puissante influence sur la 13e.
Le lendemain, 10 octobre, Wagnac et les insurgés du Port-Salut, d'une part, Papalier, Bourdet et les principaux habitants des Cayes, d'autre part, se réunirent aux Quatre-Chemins et fraternisèrent. Bourdet proposa à l'assemblée de se transporter en ville sur-le-champ. Mais les principaux insurgés de la campagne, craignant un piège de Papalier, dont ils n'étaient pas surs, ne voulurent pas y consentir. Bourdet leur offrit de demeurer en otage, aux Quatre-Chemins, sous la garde de leurs bandes armées. La franchise qui brillait sur son front dissipa toutes les défiances, et Wagnac accueillit la proposition d'entrer en ville, en disant qu'on n'avait pas besoin d'otage, que pendant quatorze ans, on avait fait la guerre pour la liberté, et que c'était encore pour elle qu'on venait de s'armer. L'assemblée décida que Wagnac prendrait le commandement de la première division du Sud, et que Papalier conserverait celui de l'arrondissement. Papalier annonça qu'il accueillait toutes les mesures qui pourraient faire le bonheur du pays. "Entrons aux Cayes !" s'écria Wagnac.— "Eh quoi! dit le chef d'escadron Racolier, nous oublions Inginac et Almanjor, ces deux sicaires de Dessalines". Papalier fit observer qu'on ne devrait pas songer à verser le sang de qui que ce soit; qu'on avait besoin de rallier les hommes de tous les partis, et que le plus sur moyen de nuire a la réussite de l'insurrection serait d'exercer des réactions. II fut applaudi par l'assemblée, et les gens du Port-Salut et de la plaine des Cayes ayant a leur tête Wagnac et Racolier, entrèrent en ville a deux heures de l'après-midi.
A sept heures du soir, le colonel Bourdet, à la tête de 50 officiers de la 13e demi-brigade, vint chez Inginac et l'exhorta à prendre l'autorité supérieure, à payer et habiller les troupes avant de les faire sortir contre les insurgés. Inginac lui répondit avec douleur que ses attributions ne lui permettaient pas de prendre de telles mesures. Bourdet s'en montra mécontent et déclara que ce serait le seul moyen d'empêcher la révolte de se propager.
A dix heures du soir, presque toutes les troupes de la garnison avaient été gagnées, artillerie, cavalerie, infanterie. On demandait la tête d'Inginac, et on faisait courir le bruit absurde qu'un bâtiment était arrivé chargé de chaines destinées aux Noirs qui devaient être déportés. Le peuple, qui, dans les effervescences, suit, le plus souvent tous les mouvements, excepté ceux de la raison, accueillait ce bruit favorablement. Le reste de la nuit s'écoula dans une grande agitation. Le lendemain, 9 octobre, à la pointe du jour, le colonel Wagnac n'était point encore rentré aux Cayes; on n'avait pas même reçu de ses nouvelles. Papalier envoya auprès de lui le citoyen Brunet et manda en même temps cet événement, par lettre, au général Guillaume Lafleur qui commandait à Aquin, et à Gérin, ministre de la Guerre qui se tenait sur sa terre de Laval, près de l'Anse-à-Veau. Quelques heures après le départ de Brunet, Bauregard, commandant de la place des Cayes, apprit avec certitude, par un Blanc, secrétaire d'Etienne Mentor, Esmangard, colonel inspecteur de culture, que celui-ci avait été sabré, à huit heures du matin, par les dragons de Wagnac, que ces dragons ainsi que leur chef, électrisés par des paroles de Mécerou, avaient fraternisé avec les révoltés, que les quartiers de Labacou, de Roche-à-Bateau, les plaines de Torbeck et des Cayes étaient soulevés, que les insurgés étaient campés au Carrefour Govin et au camp Gérard, que Moreau était réellement prisonnier, qu'on se disposait à assaillir les Cayes, que Wagnac avait accepté des révoltés le titre de général de brigade, et Racolier, celui de colonel des dragons. Etienne Mentor respirait encore; il avait reçu plus de trente coups de sabre et on l'avait laissé pour mort. D'une autre part, Aoua, sortant de Jérémie, sur la felouque de l'Etat, entra dans le port des Cayes. Il vit la révolte peinte sur tous les visages. Il exprima combien il regrettait d'être revenu aux Cayes et de ne s'être pas rendu aux Gonaïves d'ou il eut pu joindre l’empereur. Il annonça que, le long de la cote, de Jérémie aux Cayes, tout était tranquille. Comme son rapport pouvait contrarier les projets des conjurés de la ville, sa perte fut aussitôt résolue. Mlle Euphémie Daguille dépêcha un courrier à Dessalines pour lui faire connaitre le véritable caractère de la révolte. Mais l’exprès fut arrêté dans le voisinage des Cayes par des cavaliers que le conseil des conjurés lança à sa poursuite.
Bergerac Trichet qui se trouvait aux environs du Port-Salut, apprenant la révolte de Mécerou, se transporta aussitôt à l'Anse-d' Hainault, gagna contre Dessalines Nicolas Régnier, commandant de la 19e demi-brigade, se rendit ensuite à la Source-Chaude, dans les hauteurs de la Grands Rivière de Jérémie, ou se trouvait le général Férou, el l'entraina dans le mouvement, Férou se disposa à rentrer à Jérémie que jusqu'alors Bazile, colonel de la 18e très attache à Dessalines, maintenait dans le devoir.
Le courrier que Papalier avait envoyé auprès de Wagnac rentra aux Cayes. Wagnac qui, comme nous l'avons dit, avait fraternisé avec les révoltés faisait connaitre verbalement à Papalier qu'il éprouvait des difficultés à contenir les insurges qui voulaient se livrer au pillage, qu'il n'avait pu obtenir la mise en liberté de Moreau, mais que les officiers de son escorte avaient été élargis.
A cette nouvelle, Papalier acquit la conviction que Wagnac avait été gagné. Il s'élança sur son cheval et parcourut tous les postes de la ville, en s'efforçant d'exciter les esprits en faveur de Dessalines. Mais les troupes et les citoyens, en apprenant la défection de Wagnac, s'étaient hautement prononcés contre l'empereur. Papalier ne rencontra que des indifférents ou des hommes qui criaient a bas Dessalines! Le conseil des conjures de la ville, que ce succès avait ranimé, expédia, de nouveau, un de ses membres, le citoyen Glaisil, auprès de Francisque. Celui-ci écoutait l'envoyé lorsqu'un vieillard nomme Mathieu Perigny qui demeurait tout près de lui pénétra dans sa chambre et lui souhaita le bonjour, l'expression de la bonhomie peinte sur la figure. "Eh bien ! Voisin, lui dit Francisque; que m’apprendrez-vous de nouveau ? Mathieu lui répondit: "Ce que l'on fait en ce moment, est, ce me semble, une forte imprudence; mais puisque c'est commencé, si vous autres chefs, vous ne vous hâtez pas de vous mettre à la tête des insurgés, avant peu de jours, je vous verrai tous garrottés et conduits à la mort avec bien plus d'atrocités que sous Toussaint Louverture." Ces paroles transportent Francisque; il se rend avec Glaisil chez Bourdet, colonel de la 13e. Ce corps était le seul qui ne se fut pas encore hautement prononcé contre Dessalines. Il dit à Bourdet que quelques paroles qu'il venait d'entendre d'un vieux camarade l'avaient vivement touché, qu'il n'y avait plus à hésiter, qu'il se rendait à l'Anse-à-Veau pour se mettre à la tête de son régiment, qu'il était disposé à combattre Dessalines. S'adressant toujours a Bourdet: "Quant à toi, tu as, sous tes ordres, 900 baïonnettes, prends l'un ou l'autre parti". Bourdet l'invita à se rendre chez Papalier. Ils se dirigèrent vers la demeure de celui-ci qui s'épuisait toujours à travers la ville en de vains efforts en faveur de Dessalines. Ils ne le rencontrèrent pas. Francisque entra chez Mr Mackintosh, négociant étranger, y fit ses préparatifs de départ, et lui emprunta assez d'argent pour payer les cultivateurs de l'habitation Leplicher qu'il occupait à titre de fermier. Un instant après, il aperçut Papalier et lui cria : "Mon ami, c'en est fait de Dessalines; je tire mon épée contre lui; Bourdet s'est aussi prononcé pour l'insurrection; ainsi donc tu as à choisir entre l'empereur et tes compagnons d'armes." Ces paroles ébranlèrent Papalier qui n'avait remarqué même dans les rangs de la 13e que des dispositions hostiles. Il s'approcha de Francisque et lui annonça que son parti était le sien; il lui dit qu'il ne fallait pas perdre un instant, qu'ils connaissaient l'un et l’autre l'étonnante activité de l'empereur, et il se sépara de lui. Francisque partit pour l'Anse-à-Veau. Papalier descendit de cheval, entra dans une des maisons de la rue, écrivit au général Férou, à Jérémie, au colonel Vancol, à Aquin, et à beaucoup d'autres officiers de la province du Sud, les exhortant à s'armer aussitôt contre le gouvernement. Il expédia un guide à Wagnac pour lui annoncer qu'il venait de se rallier au parti de l'insurrection. Dès lors la révolte fut générale dans la ville ou le désordre était à son comble, et les autorités proclamèrent l'insurrection. On n'entendait que les cris d'abas Dessalines ! On demandait toujours la tête d'Inginac avec fureur. Celui-ci, craignant pour ses jours, se tenait renfermé chez Papalier, dont la demeure avait été jusqu'alors respectée, à cause de l'estime générale dont il jouissait.
Pendant que les autorités dirigeaient l'insurrection avec une activité prodigieuse, un piquet de dragons expédié par Wagnac arriva aux Quatre-Chemins, faubourg des Cayes vers la plaine, avec mission de faire connaitre à Papalier, que, pour éviter les plus grands malheurs à la ville, on lui proposait une entrevue, ainsi qu'aux principaux citoyens. Il était quatre heures de l'après-midi. Ce piquet fit rencontre avec un jeune homme de couleur, nommé Henri, secrétaire de Yayou, qui arrivait de Léogane, couvert de poussière, et à bride abattue. Les dragons des Cayes l'arrêtèrent et lui demandèrent ce qu'il y avait de nouveau dans l'Ouest. Il répondit qu'il venait annoncer à Papalier, de la part du général Yayou, que les troupes de l'Ouest allaient marcher contre le Sud. Aussitôt on le traina violemment chez Papalier. Comme celui-ci n'était pas en sa demeure, on coupa la tête au jeune Henri et on la porta à la pointe d'un sabre à travers la rue. Les assassins, découvrant Inginac sur la galerie haute de la maison, lui montrèrent la tête de l'envoyé de Yayou, et lui dirent: "Ton tour viendra bientôt". Papalier rentra chez lui un instant après, eut horreur de la scène sanglante qui venait de se passer, et renvoya le piquet de dragons en faisant dire à Wagnac qu'il acceptait l'entrevue pour le lendemain, aux Quatre-Chemins. Comme Wagnac avait fait savoir qu'il désirait, avant d'entrer en négociations, s'entretenir avec le colonel Bourdet, celui-ci se rendit auprès de lui accompagné de la plupart des officiers de la garnison des Cayes, lui annonça, lui-même, qu'il avait accepte l'insurrection; c'était ce que désirait entendre Wagnac, car il savait que Bourdet exerçait une puissante influence sur la 13e.
Le lendemain, 10 octobre, Wagnac et les insurgés du Port-Salut, d'une part, Papalier, Bourdet et les principaux habitants des Cayes, d'autre part, se réunirent aux Quatre-Chemins et fraternisèrent. Bourdet proposa à l'assemblée de se transporter en ville sur-le-champ. Mais les principaux insurgés de la campagne, craignant un piège de Papalier, dont ils n'étaient pas surs, ne voulurent pas y consentir. Bourdet leur offrit de demeurer en otage, aux Quatre-Chemins, sous la garde de leurs bandes armées. La franchise qui brillait sur son front dissipa toutes les défiances, et Wagnac accueillit la proposition d'entrer en ville, en disant qu'on n'avait pas besoin d'otage, que pendant quatorze ans, on avait fait la guerre pour la liberté, et que c'était encore pour elle qu'on venait de s'armer. L'assemblée décida que Wagnac prendrait le commandement de la première division du Sud, et que Papalier conserverait celui de l'arrondissement. Papalier annonça qu'il accueillait toutes les mesures qui pourraient faire le bonheur du pays. "Entrons aux Cayes !" s'écria Wagnac.— "Eh quoi! dit le chef d'escadron Racolier, nous oublions Inginac et Almanjor, ces deux sicaires de Dessalines". Papalier fit observer qu'on ne devrait pas songer à verser le sang de qui que ce soit; qu'on avait besoin de rallier les hommes de tous les partis, et que le plus sur moyen de nuire a la réussite de l'insurrection serait d'exercer des réactions. II fut applaudi par l'assemblée, et les gens du Port-Salut et de la plaine des Cayes ayant a leur tête Wagnac et Racolier, entrèrent en ville a deux heures de l'après-midi.
Maximo- Super Star
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Pendant l’entrevue des Quatre-Chemins, un des chefs de bataillon de la 13e, Pérou, vint chez Inginac et lui ordonna de le suivre pour qu'il le mette en lieu de sûreté. Inginac redoutant un assassinat se refusa à lui obéir, malgré plusieurs sommations, lui reprochant énergiquement de s'être chargé d'une mission criminelle. Pérou lui déclara qu'il n'était pas venu, de son propre mouvement, et lui exhiba l'ordre qui suit, qu'on lui avait remis au bureau de la place :
"Ordre au chef de bataillon Pérou de se rendre au logement du nommé Inginac, à la tête d'un détachement de grenadiers, de le prendre, de le conduire vers la Tourterelle et de le baïonnetter."
Inginac demeura consterné; Pérou, attendri, versa des larmes et lui donna l'assurance qu'il ne serait pas son assassin. Il lui laissa pour le garder cinq grenadiers sur lesquels il comptait, et se retira. Vingt minutes après, trente soldats, conduits par le citoyen Chinon, envahirent la maison. Malgré les efforts des cinq grenadiers qui étaient demeurés autour d'Inginac, il allait être saisi et baionnetté; il se disposait à s'ôter la vie d'un coup de pistolet, lorsque Papalier, qui avait appris les dangers qu'il courait, parvint dans l'appartement, écarta les soldats et déclara qu'il faudrait, pour qu'on fit mourir Inginac, qu'on le sacrifiât d'abord. Les soldats se retirèrent. Papalier se rendit dans le sein du conseil des insurgés et obtint qu'on ne fit aucune tentative pour arracher la vie à Inginac. Cependant celui-ci qui avait perdu l'espoir d'être épargné, se fut donné la mort, si l'administrateur Frémont, son ami, n'était venu le rassurer contre tout nouveau péril.
En même temps, la maison de Mlle Euphémie Daguille était envahie par une foule de forcenés qui voulaient la maltraiter et la livrer à toutes sortes de brutalités. En femme d'esprit, elle sut se soustraire à leurs fureurs en leur servant un magnifique dessert, et en les égayant par ses chants.
Wagnac chargea le capitaine Rousseau de la 17e et le citoyen Glaisil de se rendre a Aquin auprès du colonel Vancol pour hâter son adhésion à la révolution. Vancol était parti d'Aquin avec l'ordre du général Lafleur de combattre les insurgés. En arrivant à St-Louis, il avait confié les troupes qu'il commandait au chef de bataillon Gosse, et avait accéléré sa marche sur les Cayes. Rousseau et Glaisil le rencontrèrent sur l'habitation Bergeaud et retournèrent avec lui auprès de Wagnac. Vancol, un des officiers les plus influents du Sud, avait déjà gagné les troupes d'Aquin qui le suivaient de près.
Wagnac réunit sur la place d'armes la garnison des Cayes, et dit aux soldats que cette insurrection ne provenait pas de l'ambition, que la tyrannie seule de Dessalines l'avait fait naitre. Apres leur avoir exposé qu'ils n'avaient jamais été payés, depuis la nomination de Dessalines à la dignité d'empereur, il ajouta que celui-ci couvrait d'or et de pierreries de nombreuses maîtresses, dans chacune des villes du pays. "Eh bien ! Désormais vous serez payés, s'écria-t-il; demain vous recevrez tout ce qui vous est du. C'est le général Christophe qui est aujourd’hui à la tête du gouvernement; il ne dissipera pas l'argent qui vous appartient en le prodiguant à ses femmes et à ses favoris. Vive le général Christophe !". Les troupes répétèrent ce cri, et ajoutèrent; Vive Wagnac ! Vive Papalier! Wagnac mettait en avant le nom de Christophe, parce qu'il avait été initié, des 1805, à la conspiration de Geffrard.
Le même jour, 10 octobre, la 17e, en marche d'Aquin sur les Cayes, se prononçait pour le mouvement. Lorsque le général Guillaume Lafleur, commandant de l'arrondissement d'Aquin, avait appris l'insurrection, le 9 octobre, par la lettre que lui avait adressée Papalier, il avait mis toutes les troupes sous les armes et avait écrit à Dessalines, tout en lui envoyant la lettre de Papalier, qu'il allait marcher contre les insurgés. Nous venons de voir qu'il avait expédié le colonel Vancol et le chef de bataillon Fossé contre les insurgés avec les compagnies d'élite de la 17e, et que Vancol était déjà entré aux Cayes pour se rallier à Wagnac.
Le 10, dans la matinée, Lafleur atteignit la 17e qui déjà était gagnée contre l'empereur. Il blâma sévèrement le chef de bataillon Fossé de n'avoir pas plus accéléré sa marche dans une circonstance si grave. Fossé lui répondit avec humeur qu'il n'avait pu se hâter davantage. Une vive altercation s'établit entre le général et le commandant. Lafleur, indigné, dit aux officiers: "II parait que vous êtes aussi des conspirateurs; c'est sans doute pour cela que vous ne m'avez pas rendu les honneurs militaires quand je suis arrivé. Puisqu'il en est ainsi, je vais joindre Dessalines." Alors un ancien officier de cavalerie nommé Joute Bardet lui dit: "Ah ! Ton Dessalines; il doit avoir la tête coupée en ce moment; quant à toi, tu es notre prisonnier." — "Vous aussi, s'écria Lafleur ! Qu'on me donne mon cheval!" On s'opposa à ce qu'il s'en retournât. Il s'élança sur sa monture avec fureur et traversa la rivière, prenant le chemin des Cayes. Les jeunes gens de Cavaillon, craignant qu'il ne se rendit à Aquin, par des chemins de traverse, s'élancèrent à sa poursuite, ayant à leur tête un nomme Guerrier Haya, le joignirent et le contraignirent à cheminer avec eux. Il arriva aux Cayes avec la 17e, escorté par cette jeunesse. Il descendit chez Quenez qui occupait une des maisons bâties sur le rivage de la mer. Tous les chefs de l'insurrection s'y trouvaient réunis. Ils l'accueillirent avec distinction et lui proposèrent aussitôt de se ranger du parti de la révolte. Il leur répondit avec colère : "Pourquoi a-t-on commencé par méconnaitre l'autorité des chefs ? Je veux, avant de prendre une détermination, me battre avec le chef de bataillon Fossé qui m'a insulté" — Puis s'adressant à Wagnac : " Je désire, colonel, avoir une entrevue avec vous; venez me voir ce soir". Le général Lafleur, n'ayant pu vaincre sa colère, fit naitre des soupçons sur ses intentions ultérieures. Les insurgés pensèrent qu'ils voulaient ramener Wagnac à la cause de Dessalines. Il sortit de la maison de Quenez et alla librement se choisir une demeure. Il demanda, de nouveau, à s'entretenir avec Wagnac; celui-ci refusa de le voir. Dans la journée, une compagnie de grenadiers fut envoyée sous sa galerie, à poste fixe. Il crut que ces soldats étaient venus monter la garde pour lui rendre les honneurs dus à son grade; mais l'officier qui commandait le détachement avait reçu l'ordre de le retenir prisonnier. Comme Lafleur était un officier très estimé aux Cayes et qu'il avait de l'influence sur les troupes, les conjurés, ignorant ses intentions, voulaient l'empêcher de communiquer avec les citoyens. Ses aides de camp et ses guides furent arrêtés et envoyés au camp Gérard ou avait été conduit le général Moreau. Lafleur demanda encore, mais en vain, à s'entretenir avec Wagnac.
Le 10 octobre, on savait à l'Anse-à-Veau toutes les circonstances de l'insurrection des Cayes. Le général Gérin, ministre de la Guerre, retiré sur l'habitation Laval, en convalescence, avait ordonné au général Vaval, commandant de l'arrondissement, de marcher contre les insurgés avec une forte division. Il avait en même temps écrit à l'empereur qu'une révolte de quelques petits propriétaires venait d'éclater dans la plaine et les mornes des Cayes, que le général Moreau, se rendant à Tiburon, avait été arrêté, et qu'il allait personnellement combattre le mouvement, à la tête des grenadiers et des chasseurs de la 15e et de la 16e.
Le même jour, à une heure de relevée, le colonel Francisque, sortant des Cayes, entra à l'Anse-à-Veau. Il donna aussitôt une direction contraire à tous les esprits. Il réunit chez lui les sous-officiers de la 15e qu'il commandait. Il leur dépeignit, avec chaleur, leur misérable condition, leurs privations, leur éloignement de leurs foyers1). Il leur représenta qu'ils ne recevaient ni solde, ni rations, ni habillements, et qu'ils étaient obligés de vivre de rapines, comme s'ils fussent en pays ennemi. "Ne seriez-vous pas satisfaits de retourner dans vos familles ? Ne voudriez-vous pas être au terme de vos privations ?". S'apercevant que ses paroles produisaient sur eux une impression favorable, il continua : "Le général Christophe a levé au Cap l'étendard de la révolte; Aquin, Cavaillon les Cayes, Tiburon, Jérémie sont en pleine insurrection'2). L'Anse-a-Veau est la seule ville qui soit en retard. Hâtons-nous d'imiter nos frères! Bientôt Dessalines sera enseveli dans la plaine de l'Artibonite." Ces mots électrisèrent les soldats; ils jurèrent tous de mourir pour la liberté. Le colonel réunit ensuite les officiers et son langage produisit sur eux le même effet. Il se présenta ensuite au front de la 15e qui avait pris les armes, et le corps en entier cria: Mort au tyran ! La 16e, suivant l'impulsion donnée par la 15e, jeta le même cri. Aussitôt après ce succès, Francisque partit, accompagné de quelques officiers, pour l’habitation Laval, située à une lieue de la ville. Il y parvint à trois heures de l'après-midi. II y trouva le ministre de la Guerre et de la Marine, à table, au milieu de sa famille. "Général, lui dit-il, vous savez que la ville des Cayes est en insurrection. La 15e et la 16e viennent de jurer guerre à mort à Dessalines. Partons, et venez vous mettre à leur tête." Gérin lui répondit avec calme : "Vraiment, colonel, je ne conçois pas votre imprudence; vous ne calculez donc pas les suites de cette entreprise ? Avez-vous oublié les malheurs de la guerre civile sous Rigaud et Toussaint ?" Madame Abelle, sœur de Geffrard, et compagne de Gérin, l'écoutait avec des yeux de feu. Depuis la mort de son frère, qu'elle croyait, sans raison, avoir été empoisonnée, elle nourrissait contre Dessalines une haine implacable. Indignée de la réponse de Gérin, elle se leva de table et lui dit avec énergie : "Général, si vous ne vous sentez pas le courage de prendre les armes contre le tyran, donnez-moi votre habit, vos épaulettes et votre épée, je me mettrai à la tête de vos troupes." Gérin, ébranlé par ces paroles, s'écria : "Eh bien ! je verrai si l’on saura mourir avec moi dans la terrible résolution que nous prenons aujourd'hui", Il sortit de la salle, monta à cheval, se rendit en ville, passa les troupes en revue et leur ordonna de se tenir prêtes à marcher sur le Port-au-Prince.
(1) La 15e était une demi-brigade d'Aquin alors en garnison a l’Anse-à-Veau.
(2) Le Cap ne s'était pas soulevé. Jérémie était encore dans le devoir.
"Ordre au chef de bataillon Pérou de se rendre au logement du nommé Inginac, à la tête d'un détachement de grenadiers, de le prendre, de le conduire vers la Tourterelle et de le baïonnetter."
Inginac demeura consterné; Pérou, attendri, versa des larmes et lui donna l'assurance qu'il ne serait pas son assassin. Il lui laissa pour le garder cinq grenadiers sur lesquels il comptait, et se retira. Vingt minutes après, trente soldats, conduits par le citoyen Chinon, envahirent la maison. Malgré les efforts des cinq grenadiers qui étaient demeurés autour d'Inginac, il allait être saisi et baionnetté; il se disposait à s'ôter la vie d'un coup de pistolet, lorsque Papalier, qui avait appris les dangers qu'il courait, parvint dans l'appartement, écarta les soldats et déclara qu'il faudrait, pour qu'on fit mourir Inginac, qu'on le sacrifiât d'abord. Les soldats se retirèrent. Papalier se rendit dans le sein du conseil des insurgés et obtint qu'on ne fit aucune tentative pour arracher la vie à Inginac. Cependant celui-ci qui avait perdu l'espoir d'être épargné, se fut donné la mort, si l'administrateur Frémont, son ami, n'était venu le rassurer contre tout nouveau péril.
En même temps, la maison de Mlle Euphémie Daguille était envahie par une foule de forcenés qui voulaient la maltraiter et la livrer à toutes sortes de brutalités. En femme d'esprit, elle sut se soustraire à leurs fureurs en leur servant un magnifique dessert, et en les égayant par ses chants.
Wagnac chargea le capitaine Rousseau de la 17e et le citoyen Glaisil de se rendre a Aquin auprès du colonel Vancol pour hâter son adhésion à la révolution. Vancol était parti d'Aquin avec l'ordre du général Lafleur de combattre les insurgés. En arrivant à St-Louis, il avait confié les troupes qu'il commandait au chef de bataillon Gosse, et avait accéléré sa marche sur les Cayes. Rousseau et Glaisil le rencontrèrent sur l'habitation Bergeaud et retournèrent avec lui auprès de Wagnac. Vancol, un des officiers les plus influents du Sud, avait déjà gagné les troupes d'Aquin qui le suivaient de près.
Wagnac réunit sur la place d'armes la garnison des Cayes, et dit aux soldats que cette insurrection ne provenait pas de l'ambition, que la tyrannie seule de Dessalines l'avait fait naitre. Apres leur avoir exposé qu'ils n'avaient jamais été payés, depuis la nomination de Dessalines à la dignité d'empereur, il ajouta que celui-ci couvrait d'or et de pierreries de nombreuses maîtresses, dans chacune des villes du pays. "Eh bien ! Désormais vous serez payés, s'écria-t-il; demain vous recevrez tout ce qui vous est du. C'est le général Christophe qui est aujourd’hui à la tête du gouvernement; il ne dissipera pas l'argent qui vous appartient en le prodiguant à ses femmes et à ses favoris. Vive le général Christophe !". Les troupes répétèrent ce cri, et ajoutèrent; Vive Wagnac ! Vive Papalier! Wagnac mettait en avant le nom de Christophe, parce qu'il avait été initié, des 1805, à la conspiration de Geffrard.
Le même jour, 10 octobre, la 17e, en marche d'Aquin sur les Cayes, se prononçait pour le mouvement. Lorsque le général Guillaume Lafleur, commandant de l'arrondissement d'Aquin, avait appris l'insurrection, le 9 octobre, par la lettre que lui avait adressée Papalier, il avait mis toutes les troupes sous les armes et avait écrit à Dessalines, tout en lui envoyant la lettre de Papalier, qu'il allait marcher contre les insurgés. Nous venons de voir qu'il avait expédié le colonel Vancol et le chef de bataillon Fossé contre les insurgés avec les compagnies d'élite de la 17e, et que Vancol était déjà entré aux Cayes pour se rallier à Wagnac.
Le 10, dans la matinée, Lafleur atteignit la 17e qui déjà était gagnée contre l'empereur. Il blâma sévèrement le chef de bataillon Fossé de n'avoir pas plus accéléré sa marche dans une circonstance si grave. Fossé lui répondit avec humeur qu'il n'avait pu se hâter davantage. Une vive altercation s'établit entre le général et le commandant. Lafleur, indigné, dit aux officiers: "II parait que vous êtes aussi des conspirateurs; c'est sans doute pour cela que vous ne m'avez pas rendu les honneurs militaires quand je suis arrivé. Puisqu'il en est ainsi, je vais joindre Dessalines." Alors un ancien officier de cavalerie nommé Joute Bardet lui dit: "Ah ! Ton Dessalines; il doit avoir la tête coupée en ce moment; quant à toi, tu es notre prisonnier." — "Vous aussi, s'écria Lafleur ! Qu'on me donne mon cheval!" On s'opposa à ce qu'il s'en retournât. Il s'élança sur sa monture avec fureur et traversa la rivière, prenant le chemin des Cayes. Les jeunes gens de Cavaillon, craignant qu'il ne se rendit à Aquin, par des chemins de traverse, s'élancèrent à sa poursuite, ayant à leur tête un nomme Guerrier Haya, le joignirent et le contraignirent à cheminer avec eux. Il arriva aux Cayes avec la 17e, escorté par cette jeunesse. Il descendit chez Quenez qui occupait une des maisons bâties sur le rivage de la mer. Tous les chefs de l'insurrection s'y trouvaient réunis. Ils l'accueillirent avec distinction et lui proposèrent aussitôt de se ranger du parti de la révolte. Il leur répondit avec colère : "Pourquoi a-t-on commencé par méconnaitre l'autorité des chefs ? Je veux, avant de prendre une détermination, me battre avec le chef de bataillon Fossé qui m'a insulté" — Puis s'adressant à Wagnac : " Je désire, colonel, avoir une entrevue avec vous; venez me voir ce soir". Le général Lafleur, n'ayant pu vaincre sa colère, fit naitre des soupçons sur ses intentions ultérieures. Les insurgés pensèrent qu'ils voulaient ramener Wagnac à la cause de Dessalines. Il sortit de la maison de Quenez et alla librement se choisir une demeure. Il demanda, de nouveau, à s'entretenir avec Wagnac; celui-ci refusa de le voir. Dans la journée, une compagnie de grenadiers fut envoyée sous sa galerie, à poste fixe. Il crut que ces soldats étaient venus monter la garde pour lui rendre les honneurs dus à son grade; mais l'officier qui commandait le détachement avait reçu l'ordre de le retenir prisonnier. Comme Lafleur était un officier très estimé aux Cayes et qu'il avait de l'influence sur les troupes, les conjurés, ignorant ses intentions, voulaient l'empêcher de communiquer avec les citoyens. Ses aides de camp et ses guides furent arrêtés et envoyés au camp Gérard ou avait été conduit le général Moreau. Lafleur demanda encore, mais en vain, à s'entretenir avec Wagnac.
Le 10 octobre, on savait à l'Anse-à-Veau toutes les circonstances de l'insurrection des Cayes. Le général Gérin, ministre de la Guerre, retiré sur l'habitation Laval, en convalescence, avait ordonné au général Vaval, commandant de l'arrondissement, de marcher contre les insurgés avec une forte division. Il avait en même temps écrit à l'empereur qu'une révolte de quelques petits propriétaires venait d'éclater dans la plaine et les mornes des Cayes, que le général Moreau, se rendant à Tiburon, avait été arrêté, et qu'il allait personnellement combattre le mouvement, à la tête des grenadiers et des chasseurs de la 15e et de la 16e.
Le même jour, à une heure de relevée, le colonel Francisque, sortant des Cayes, entra à l'Anse-à-Veau. Il donna aussitôt une direction contraire à tous les esprits. Il réunit chez lui les sous-officiers de la 15e qu'il commandait. Il leur dépeignit, avec chaleur, leur misérable condition, leurs privations, leur éloignement de leurs foyers1). Il leur représenta qu'ils ne recevaient ni solde, ni rations, ni habillements, et qu'ils étaient obligés de vivre de rapines, comme s'ils fussent en pays ennemi. "Ne seriez-vous pas satisfaits de retourner dans vos familles ? Ne voudriez-vous pas être au terme de vos privations ?". S'apercevant que ses paroles produisaient sur eux une impression favorable, il continua : "Le général Christophe a levé au Cap l'étendard de la révolte; Aquin, Cavaillon les Cayes, Tiburon, Jérémie sont en pleine insurrection'2). L'Anse-a-Veau est la seule ville qui soit en retard. Hâtons-nous d'imiter nos frères! Bientôt Dessalines sera enseveli dans la plaine de l'Artibonite." Ces mots électrisèrent les soldats; ils jurèrent tous de mourir pour la liberté. Le colonel réunit ensuite les officiers et son langage produisit sur eux le même effet. Il se présenta ensuite au front de la 15e qui avait pris les armes, et le corps en entier cria: Mort au tyran ! La 16e, suivant l'impulsion donnée par la 15e, jeta le même cri. Aussitôt après ce succès, Francisque partit, accompagné de quelques officiers, pour l’habitation Laval, située à une lieue de la ville. Il y parvint à trois heures de l'après-midi. II y trouva le ministre de la Guerre et de la Marine, à table, au milieu de sa famille. "Général, lui dit-il, vous savez que la ville des Cayes est en insurrection. La 15e et la 16e viennent de jurer guerre à mort à Dessalines. Partons, et venez vous mettre à leur tête." Gérin lui répondit avec calme : "Vraiment, colonel, je ne conçois pas votre imprudence; vous ne calculez donc pas les suites de cette entreprise ? Avez-vous oublié les malheurs de la guerre civile sous Rigaud et Toussaint ?" Madame Abelle, sœur de Geffrard, et compagne de Gérin, l'écoutait avec des yeux de feu. Depuis la mort de son frère, qu'elle croyait, sans raison, avoir été empoisonnée, elle nourrissait contre Dessalines une haine implacable. Indignée de la réponse de Gérin, elle se leva de table et lui dit avec énergie : "Général, si vous ne vous sentez pas le courage de prendre les armes contre le tyran, donnez-moi votre habit, vos épaulettes et votre épée, je me mettrai à la tête de vos troupes." Gérin, ébranlé par ces paroles, s'écria : "Eh bien ! je verrai si l’on saura mourir avec moi dans la terrible résolution que nous prenons aujourd'hui", Il sortit de la salle, monta à cheval, se rendit en ville, passa les troupes en revue et leur ordonna de se tenir prêtes à marcher sur le Port-au-Prince.
(1) La 15e était une demi-brigade d'Aquin alors en garnison a l’Anse-à-Veau.
(2) Le Cap ne s'était pas soulevé. Jérémie était encore dans le devoir.
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Wagnac, sentant que son nom n'était pas assez influent pour qu'il put se déclarer le chef de l'armée, songea à mettre à la tête de l'insurrection un général capable d'inspirer de la confiance au peuple et aux troupes. Il porta les yeux sur Gérin, ancien divisionnaire, ministre de la Guerre et de la Marine. Il députa auprès de lui le citoyen Castaing. Celui-ci, en arrivant à l'Anse-à-Veau, annonça à Gérin qu'il avait été proclamé chef de l'armée insurrectionnelle du Sud. Gérin accepta cette haute et périlleuse position et expédia aux Cayes, le 12, dans la matinée, Faubert et David Troy avec mission de faire juger les généraux Moreau et Lafleur et d'acheminer toutes les troupes sur le pont de Miragoane. Le général Vaval et Bruni Leblanc, colonel de la 16e, acceptèrent l'insurrection avec ardeur.
Gérin adressa la lettre suivante au général Christophe:
A l'Anse-à-Veau, le 12 octobre 1806
Le général de division, ministre de la Guerre et de la Marine au général en chef de l'armée d'Haïti.
Man cher général,
Tous les militaires et le peuple vous regardent depuis longtemps comme le successeur au gouvernement d'Haïti. La tyrannie qu'exerce sur l'armée et le peuple d'Haïti le génie destructeur de l'empereur actuel a fait rompre le frein an peuple de la partie des Cayes. Le 10, dans la plaine, l'inspecteur, le colonel Etienne Mentor, y a eu la tête tranchée(1), pour avoir voulu exécuter les ordres qu'il avait de tuer tous les hommes vieux libres, surtout de couleur. Cet ordre donne par l'empereur, d'abord au général Moreau et a cet inspecteur, ainsi qu'à d'autres, a été déjoué par le colonel de la cavalerie Wagnac, un des bons et braves frères de tout le département. Le général Moreau a été arrêté par le peuple, et les troupes ont demandé leur paie. Je crois que je serai oblige d'en faire de même ici pour éviter la défection des troupes, et les habiller. Leur état fait pitié; je vous ai vu gémir sur leur sort.
Comme ministre de la Guerre, par la Constitution, je dois faire payer les troupes; mais Sa Majesté ne m'a jamais témoigné le moindre désir de les faire solder. Alors, honorable général, ne serait-il point de votre dignité de prendre à cœur la cause des troupes et du peuple, et me donner votre ordre; car si les chefs ne montrent pas de l'énergie, le pays sera bouleversé de fond en comble, par les suites des démarches inconsidérées du chef du gouvernement: le renversement de la culture, la destruction du commerce étranger, les familles dépouillées de leurs propriétés, jetées dans les rues et les grands chemins, d'autres ruinées par des amendes, des confiscations les plus absurdes. Vingt mille gourdes par an suffisaient à peine, pour entretenir chacune de ses concubines dont on compte au moins une vingtaine. Les munitions de guerre prodiguées dans des saluts insignifiants, dans un pays ou l'on doit s'attendre à se voir envahir par l'ennemi étranger; des fortifications sans un baril de maïs, qui est une production qu'on peut se procurer sans la moindre dépense, et cela, par une défiance mal placée et hors d'œuvre, dans un temps ou tout le monde n'avait d'autre but que de s'ensevelir sous les ruines de son pays ou de le défendre en homme libre. Mais la liberté, grand Dieu ! est un vain nom dans ce pays, qu'on n'ose plus prononcer ouvertement, quoiqu'il soit placé à la tête des actes; mais elle n'existe que la. On a usurpé les vœux des généraux pour me Constitution dont ils ignoraient le premier mot, et qui ne leur a été connue que lorsqu'elle fut publiée, quand on l'a reçue, et qu'il foule aux pieds chaque jour. Si le despote de Constantinople l'eut faite, elle n'aurait pas été plus cruelle. Il existe des lois, et l'on fusille, baïonnette des hommes de nuit, sans jugement.
Enfin, si l'on voulait analyser les maux dont le peuple est opprimé, les bourreaux de France même en rougiraient Le peuple est lassé, et nul homme de sentiment ne peut plus exister sous un pareil gouvernement. On ne meurt qu'une fois, et quiconque se laisse avilir est digne de l'être; je n’y ai jamais consenti, mais bien de vous reconnaitre pour le premier chef de cet empire, jusqu'à ce que le moment heureux de vous le prouver, de vive voix, soit arrivé.
J'ai l'honneur d'être, de Votre Excellence, le très humble serviteur et ami.
Signé: ET. GERIN
Gérin confia cette lettre à un capitaine de large, qui appareilla de l'Anse-à-Veau.
Pendant cet intervalle, les troupes de la garnison des Cayes se montraient impatientes d'être payées. Les feuilles de solde n'étaient pas encore faites. Mais le dimanche 12, les quartier-maitres les présentèrent. Comme elles n'avaient point été dressées d'après les instructions qui avaient été données, on décida qu'elles seraient refaites et que la garnison serait payée le lendemain. Le même jour, 12, les chefs des insurgés se réunirent chez Papalier pour s'entendre sur les dernières mesures à prendre. L'anarchie était à son comble; Papalier ne commandait l'arrondissement que de nom, les chefs des premiers insurgés exerçaient toute l'autorité. Il y avait à la réunion Bauregard, Vancol, Gousquenez, Racolier, Wagnac, Voltaire, Sully et beaucoup d'autres. Le chef d'escadron Racolier fit observer qu'on ne devait prendre aucune décision, sans avoir entendu Mécerou qui avait donné le signal de la révolte. On l'envoya chercher, et il arriva aux Cayes, le même jour, dans l'après-midi. Il entra presque ivre dans la salle du conseil. Il voulut faire une distribution de toutes les fonctions; il parla de nommer, ministre des Finances, son cousin Sully que Dessalines avait appelé à la charge de directeur de douane. On lui proposa le grade de colonel qu'il refusa; il sortit de l'assemblée disant qu'il voulait être général de division et annonçant qu'il se rendrait en plaine et viendrait saccager la ville, à la tête des cultivateurs. Il se livra à tant d’extravagances dans les rues, que les conjurés décidèrent qu'il serait arrêté. Par ses cris, il avait déjà donne l'alarme dans toute la ville. L'adjudant de place Lacoule le chercha d'abord vainement; enfin on le trouva renfermé dans une grande malle chez son cousin Sully ou il s'était refugié à l'approche de la garde. Les soldats pillèrent la maison de Sully, et Mécerou fut conduit en prison. Ainsi disparut de la scène le chef de la révolte du Port-Salut.
La pluie, tombant avec abondance, avait transformé les rues en torrents. La ville était devenue presque impraticable, et le 13 dans la matinée, David Troy et Faubert, sortant de l'Anse-à-Veau, arrivèrent aux Cayes, porteurs des ordres de Gérin. Comme Inginac avait fait verser au trésor beaucoup d'argent, on put employer la journée à payer toutes les troupes. Le lendemain, le colonel Bourdet reçut l'ordre de Wagnac de partir pour le pont de Miragoane, le chef du département du Sud et le colonel Vancol, pour Jérémie. Vancol devait combattre Bazile, colonel de la 18e s'il refusait de se déclarer contre Dessalines. Le colonel Bourdet fit observer à Wagnac, mais sans succès, que si Bazile résistait, un seul régiment ne pourrait le vaincre, qu'il serait plus prudent de l'envoyer avec Vancol. D'après les conseils de David Troy et de Faubert, les autorités adressèrent au général Christophe la pièce suivante :
Aux Cayes, 13 octobre 1806. Les Chefs de l'armée du Sud au général en Chef.
Ils sont donc connus, ces secrets pleins d'horreurs.
Le général de brigade Moreau et ses adhérents, dignes satellites du tyran, étaient les porteurs de ces ordres écrits pour exterminer la malheureuse classe des anciens libres de toutes couleurs. Dessalines, qui leur doit beaucoup, veut maintenant briser l'instrument dont il s'est en partie servi pour parvenir au faite de sa grandeur; il a réuni aux domaines les propriétés les plus authentiques; il a fait des levées de troupes: il fait faire des levées d'argent. Tous les cœurs étaient ulcérés, l'indignation était à son comble. Le peuple en masse s'est levé; nous avons tire l'épée, et nous ne la remettrons dans le fourreau que lorsque vous nous l'ordonnerez. Nous ne vous cachons pas, digne général en chef, que nous croyons votre indignation au moins égale à la notre ; et nous vous proclamons avec joie et à I’ unanimité, le chef suprême de cette île, sous quelque dénomination qu'il vous plaise de choisir; tous les cœurs sont à vous; nous jurons devant Dieu, de vous être toujours fidèles, de mourir pour la liberté et pour vous.
Nous ignorons quel est votre sort et votre position; mais nous espérons que vous combattez en ce moment Dessalines Nous avons appris indirectement que vous vous étiez emparé du trésor du Cap et que vous aviez payé vos troupes; nous venons d'en faire autant; notre trésor des Cayes s'est trouvé grossi par les exactions et les confiscations ordonnées.
Nous ferons marcher demain des troupes pour le Pont de Miragoane en attendant que nous soyons surs des intentions du colonel Lamarre, à qui nous avons écrit au Petit-Goave, et qui certainement ne se fera pas prier pour partager notre indignation.
Nous avons aussi écrit au général de division Gérin en ce moment au Petit-Trou, pour lui offrir provisoirement les deux divisions du Sud.
Aquin, l'Anse-à-Veau et Jacmel sont pour nous et pour vous; nous ne sommes pas encore surs de Jérémie, parce qu'il y a là deux partisans du tyran qui out du pouvoir et qui pourraient en abuser; cependant nous devons espérer le contraire. Au reste le colonel Vancol marchera demain pour les soumettre, ou les persuadera au besoin.
Le général de brigade Moreau, marchant vers le Tiburon, pour exécuter une nouvelle St-Barthelemy, a été arrêté dans la plaine par notre parti. Le général Guillaume Lafleur a été aussi arrêté en ville.
Nous attendons, général en chef, vos ordres pour l'ensemble de nos opérations; soyez notre protecteur et celui d'Haïti ; nous espérons que Dieu bénira la bonne cause.
Nous vous prions, brave général, de ne point mettre retard dans votre réponse, et d'avoir avec nous une correspondance très active, soit par mer, soit par terre, s’il est possible.
Nous avons l'honneur d'être avec un profond respect,
général, vos très humbles et très obéissants subordonnés.
Pour le colonel WAGNAC, commandant l'armée de première division du Sud, VOLTAIRE, BAUREGARD, PAPALIER, VANCOL, RACOLIER, L. BOURDET, J. ROCHER, LACOUR.
Comme les pluies continuaient à tomber avec abondance, les troupes ne purent se mettre en marche que le quinze, la I3e demi-brigade pour le pont de Miragoane, et la 17e pour Jérémie. Inginac partit des Cayes avec Papalier, Celui-ci l'avait placé dans son escorte et le protégeait. Il suivit la route de Miragoane se tenant toujours à coté de Papalier pour n'être pas assassiné. Quant à Almanjor, des les premiers moments de la révolte, il s'était embarqué sur un caboteur et s'était rendu aux Gonaïves.
Pendant cet intervalle, les troupes de Léogane et du Port-au-Prince, qui ne se montraient pas acharnées contre Dessalines, se disposaient à se mettre en marche pour le Sud, sous les ordres du général Pétion.
Le général Gérin, de son coté, après avoir expédié, le 13, le chef d'escadron Borgella, commandant de la place d'Aquin, aux Cayes, avec ordre de hâter le départ des troupes de cette ville, sortit de l'Anse-à-Veau avec les 15e et 16e demi-brigades, ainsi qu'un escadron de dragons commandé par Jean Langevin et parvint au pont de Miragoane, le même jour, marchant contre les troupes de l'Ouest dont les sentiments ne lui étaient par parfaitement connus.
II s'établit au pont de Miragoane qui traverse l'étang de ce nom, limite, au nord de la presqu'ile, des provinces de l'Ouest et du Sud. Il envoya aussitôt au Petit-Goave auprès du colonel Lamarre, pour le gagner à l'insurrection, les citoyens Calice Brouard et Nicolas Brouard, Lamarre, colonel de la 24e, était à la tête de 1800 hommes qui lui obéissaient aveuglement. Quand les deux envoyés parvinrent au Petit-Goave, ils annoncèrent, en public, qu'ils s'étaient refugiés auprès de leurs familles pour ne pas prendre part à ce qui se passait a l’Anse-à-Veau. Mais, d'un autre coté, ils obtinrent de Lamarre un entretien particulier et lui exposèrent le but de leur arrivée. Lamarre repoussa leur proposition et ordonna qu'on fortifiât le pont Chabanne, à l'entrée du Petit-Goave, vers le pont de Miragoane. Il écrivit au général Yayou, commandant de l'arrondissement, qui se tenait à Léogane, que les troupes du Sud voulaient envahir la province de l'Ouest. Yayou fit aussitôt connaitre à Pétion, commandant de la 2e division militaire de l'Ouest, ce qu'il venait d'apprendre. Dans ces entrefaites, un vieillard nomme Jérôme se présenta au pont Chabanne et remit à Lamarre une lettre que Borgella lui avait adressée à son départ d'Aquin pour l'Anse-à-Veau, lorsqu'il se rendait auprès de Gérin. Les effets en furent prodigieux. Elle commençait par ces mots : "Aux armes! Aux armes cher Lamarre! la voix de tes frères t'appelle au secours de la patrie!" Lamarre se montra tout à coup ébranlé. Cette lettre lui rappelait ses anciens compagnons d'armes les plus chers qu'il allait combattre, ceux auxquels il avait maintes fois dit qu'il n'avait qu'à se louer de l'empereur, mais que s'il continuait à se livrer à toutes sortes d'excès, leur parti serait le sien. Il se résolut à se prononcer pour l'insurrection. La nuit était très avancée. Vers la pointe du jour du 14, le général Yayou entra au Petit-Goave à la tête des troupes de Léogane, et presque en même temps Gérin faisait prisonnier Eveillard, officier de la 24e, commandant du poste du pont de Miragoane, et pénétrait au Petit-Goave après avoir franchi, au pas de course, un espace de six lieues. Lamarre exhorta Yayou à obtenir une entrevue de Gérin et conseilla à celui-ci de faire occuper le fort Liberté, à une petite distance de la ville, ou il n'y avait qu'une faible garnison. Gérin s'empara aussitôt de cette position, y établit le deuxième bataillon de la 15e, commandé par Leveillé et accepta de Yayou l'entrevue que celui-ci lui fit proposer Bien qu'il exposât avec chaleur à ce général les causes qui l'avaient déterminé à prendre les armes contre Dessalines, il ne put l'entrainer. Yayou lui répondit: "Je serais des vôtres, si dans votre parti, les inferieurs avaient su respecter les supérieurs. N'a-t-on pas déjà fait mourir le général Vaval ?" Gérin ordonna qu'on introduisit Vaval dans la salle. A la vue de celui-ci, Yayou étonné, se montra irrésolu. Néanmoins il fit encore quelques objections, qui furent combattues avec succès, sur la témérité de l'entreprise, il abandonna le lieu de l'entrevue en déclarant qu'il ne prendrait une résolution qu'après avoir entendu le général Pétion. Au même instant entra au Petit-Goave, un aide de camp de l'empereur, le commandant Delpêche. Il était chargé de pénétrer dans le Sud, de s'assurer de l'importance de la révolte et d'en faire un rapport à Sa Majesté. Comme l'insurrection avait atteint le Petit-Goave, il ne put franchir cette ville pour parvenir au pont de Miragoane; il reprit la route de Marchand, en toute hâte.
1) Nous avons déjà dit qu'Etienne Mentor, ayant reçu plus de trente coups de sabre, avait été laissé pour mort. Il vécut bien des années après.
Gérin adressa la lettre suivante au général Christophe:
A l'Anse-à-Veau, le 12 octobre 1806
Le général de division, ministre de la Guerre et de la Marine au général en chef de l'armée d'Haïti.
Man cher général,
Tous les militaires et le peuple vous regardent depuis longtemps comme le successeur au gouvernement d'Haïti. La tyrannie qu'exerce sur l'armée et le peuple d'Haïti le génie destructeur de l'empereur actuel a fait rompre le frein an peuple de la partie des Cayes. Le 10, dans la plaine, l'inspecteur, le colonel Etienne Mentor, y a eu la tête tranchée(1), pour avoir voulu exécuter les ordres qu'il avait de tuer tous les hommes vieux libres, surtout de couleur. Cet ordre donne par l'empereur, d'abord au général Moreau et a cet inspecteur, ainsi qu'à d'autres, a été déjoué par le colonel de la cavalerie Wagnac, un des bons et braves frères de tout le département. Le général Moreau a été arrêté par le peuple, et les troupes ont demandé leur paie. Je crois que je serai oblige d'en faire de même ici pour éviter la défection des troupes, et les habiller. Leur état fait pitié; je vous ai vu gémir sur leur sort.
Comme ministre de la Guerre, par la Constitution, je dois faire payer les troupes; mais Sa Majesté ne m'a jamais témoigné le moindre désir de les faire solder. Alors, honorable général, ne serait-il point de votre dignité de prendre à cœur la cause des troupes et du peuple, et me donner votre ordre; car si les chefs ne montrent pas de l'énergie, le pays sera bouleversé de fond en comble, par les suites des démarches inconsidérées du chef du gouvernement: le renversement de la culture, la destruction du commerce étranger, les familles dépouillées de leurs propriétés, jetées dans les rues et les grands chemins, d'autres ruinées par des amendes, des confiscations les plus absurdes. Vingt mille gourdes par an suffisaient à peine, pour entretenir chacune de ses concubines dont on compte au moins une vingtaine. Les munitions de guerre prodiguées dans des saluts insignifiants, dans un pays ou l'on doit s'attendre à se voir envahir par l'ennemi étranger; des fortifications sans un baril de maïs, qui est une production qu'on peut se procurer sans la moindre dépense, et cela, par une défiance mal placée et hors d'œuvre, dans un temps ou tout le monde n'avait d'autre but que de s'ensevelir sous les ruines de son pays ou de le défendre en homme libre. Mais la liberté, grand Dieu ! est un vain nom dans ce pays, qu'on n'ose plus prononcer ouvertement, quoiqu'il soit placé à la tête des actes; mais elle n'existe que la. On a usurpé les vœux des généraux pour me Constitution dont ils ignoraient le premier mot, et qui ne leur a été connue que lorsqu'elle fut publiée, quand on l'a reçue, et qu'il foule aux pieds chaque jour. Si le despote de Constantinople l'eut faite, elle n'aurait pas été plus cruelle. Il existe des lois, et l'on fusille, baïonnette des hommes de nuit, sans jugement.
Enfin, si l'on voulait analyser les maux dont le peuple est opprimé, les bourreaux de France même en rougiraient Le peuple est lassé, et nul homme de sentiment ne peut plus exister sous un pareil gouvernement. On ne meurt qu'une fois, et quiconque se laisse avilir est digne de l'être; je n’y ai jamais consenti, mais bien de vous reconnaitre pour le premier chef de cet empire, jusqu'à ce que le moment heureux de vous le prouver, de vive voix, soit arrivé.
J'ai l'honneur d'être, de Votre Excellence, le très humble serviteur et ami.
Signé: ET. GERIN
Gérin confia cette lettre à un capitaine de large, qui appareilla de l'Anse-à-Veau.
Pendant cet intervalle, les troupes de la garnison des Cayes se montraient impatientes d'être payées. Les feuilles de solde n'étaient pas encore faites. Mais le dimanche 12, les quartier-maitres les présentèrent. Comme elles n'avaient point été dressées d'après les instructions qui avaient été données, on décida qu'elles seraient refaites et que la garnison serait payée le lendemain. Le même jour, 12, les chefs des insurgés se réunirent chez Papalier pour s'entendre sur les dernières mesures à prendre. L'anarchie était à son comble; Papalier ne commandait l'arrondissement que de nom, les chefs des premiers insurgés exerçaient toute l'autorité. Il y avait à la réunion Bauregard, Vancol, Gousquenez, Racolier, Wagnac, Voltaire, Sully et beaucoup d'autres. Le chef d'escadron Racolier fit observer qu'on ne devait prendre aucune décision, sans avoir entendu Mécerou qui avait donné le signal de la révolte. On l'envoya chercher, et il arriva aux Cayes, le même jour, dans l'après-midi. Il entra presque ivre dans la salle du conseil. Il voulut faire une distribution de toutes les fonctions; il parla de nommer, ministre des Finances, son cousin Sully que Dessalines avait appelé à la charge de directeur de douane. On lui proposa le grade de colonel qu'il refusa; il sortit de l'assemblée disant qu'il voulait être général de division et annonçant qu'il se rendrait en plaine et viendrait saccager la ville, à la tête des cultivateurs. Il se livra à tant d’extravagances dans les rues, que les conjurés décidèrent qu'il serait arrêté. Par ses cris, il avait déjà donne l'alarme dans toute la ville. L'adjudant de place Lacoule le chercha d'abord vainement; enfin on le trouva renfermé dans une grande malle chez son cousin Sully ou il s'était refugié à l'approche de la garde. Les soldats pillèrent la maison de Sully, et Mécerou fut conduit en prison. Ainsi disparut de la scène le chef de la révolte du Port-Salut.
La pluie, tombant avec abondance, avait transformé les rues en torrents. La ville était devenue presque impraticable, et le 13 dans la matinée, David Troy et Faubert, sortant de l'Anse-à-Veau, arrivèrent aux Cayes, porteurs des ordres de Gérin. Comme Inginac avait fait verser au trésor beaucoup d'argent, on put employer la journée à payer toutes les troupes. Le lendemain, le colonel Bourdet reçut l'ordre de Wagnac de partir pour le pont de Miragoane, le chef du département du Sud et le colonel Vancol, pour Jérémie. Vancol devait combattre Bazile, colonel de la 18e s'il refusait de se déclarer contre Dessalines. Le colonel Bourdet fit observer à Wagnac, mais sans succès, que si Bazile résistait, un seul régiment ne pourrait le vaincre, qu'il serait plus prudent de l'envoyer avec Vancol. D'après les conseils de David Troy et de Faubert, les autorités adressèrent au général Christophe la pièce suivante :
Aux Cayes, 13 octobre 1806. Les Chefs de l'armée du Sud au général en Chef.
Ils sont donc connus, ces secrets pleins d'horreurs.
Le général de brigade Moreau et ses adhérents, dignes satellites du tyran, étaient les porteurs de ces ordres écrits pour exterminer la malheureuse classe des anciens libres de toutes couleurs. Dessalines, qui leur doit beaucoup, veut maintenant briser l'instrument dont il s'est en partie servi pour parvenir au faite de sa grandeur; il a réuni aux domaines les propriétés les plus authentiques; il a fait des levées de troupes: il fait faire des levées d'argent. Tous les cœurs étaient ulcérés, l'indignation était à son comble. Le peuple en masse s'est levé; nous avons tire l'épée, et nous ne la remettrons dans le fourreau que lorsque vous nous l'ordonnerez. Nous ne vous cachons pas, digne général en chef, que nous croyons votre indignation au moins égale à la notre ; et nous vous proclamons avec joie et à I’ unanimité, le chef suprême de cette île, sous quelque dénomination qu'il vous plaise de choisir; tous les cœurs sont à vous; nous jurons devant Dieu, de vous être toujours fidèles, de mourir pour la liberté et pour vous.
Nous ignorons quel est votre sort et votre position; mais nous espérons que vous combattez en ce moment Dessalines Nous avons appris indirectement que vous vous étiez emparé du trésor du Cap et que vous aviez payé vos troupes; nous venons d'en faire autant; notre trésor des Cayes s'est trouvé grossi par les exactions et les confiscations ordonnées.
Nous ferons marcher demain des troupes pour le Pont de Miragoane en attendant que nous soyons surs des intentions du colonel Lamarre, à qui nous avons écrit au Petit-Goave, et qui certainement ne se fera pas prier pour partager notre indignation.
Nous avons aussi écrit au général de division Gérin en ce moment au Petit-Trou, pour lui offrir provisoirement les deux divisions du Sud.
Aquin, l'Anse-à-Veau et Jacmel sont pour nous et pour vous; nous ne sommes pas encore surs de Jérémie, parce qu'il y a là deux partisans du tyran qui out du pouvoir et qui pourraient en abuser; cependant nous devons espérer le contraire. Au reste le colonel Vancol marchera demain pour les soumettre, ou les persuadera au besoin.
Le général de brigade Moreau, marchant vers le Tiburon, pour exécuter une nouvelle St-Barthelemy, a été arrêté dans la plaine par notre parti. Le général Guillaume Lafleur a été aussi arrêté en ville.
Nous attendons, général en chef, vos ordres pour l'ensemble de nos opérations; soyez notre protecteur et celui d'Haïti ; nous espérons que Dieu bénira la bonne cause.
Nous vous prions, brave général, de ne point mettre retard dans votre réponse, et d'avoir avec nous une correspondance très active, soit par mer, soit par terre, s’il est possible.
Nous avons l'honneur d'être avec un profond respect,
général, vos très humbles et très obéissants subordonnés.
Pour le colonel WAGNAC, commandant l'armée de première division du Sud, VOLTAIRE, BAUREGARD, PAPALIER, VANCOL, RACOLIER, L. BOURDET, J. ROCHER, LACOUR.
Comme les pluies continuaient à tomber avec abondance, les troupes ne purent se mettre en marche que le quinze, la I3e demi-brigade pour le pont de Miragoane, et la 17e pour Jérémie. Inginac partit des Cayes avec Papalier, Celui-ci l'avait placé dans son escorte et le protégeait. Il suivit la route de Miragoane se tenant toujours à coté de Papalier pour n'être pas assassiné. Quant à Almanjor, des les premiers moments de la révolte, il s'était embarqué sur un caboteur et s'était rendu aux Gonaïves.
Pendant cet intervalle, les troupes de Léogane et du Port-au-Prince, qui ne se montraient pas acharnées contre Dessalines, se disposaient à se mettre en marche pour le Sud, sous les ordres du général Pétion.
Le général Gérin, de son coté, après avoir expédié, le 13, le chef d'escadron Borgella, commandant de la place d'Aquin, aux Cayes, avec ordre de hâter le départ des troupes de cette ville, sortit de l'Anse-à-Veau avec les 15e et 16e demi-brigades, ainsi qu'un escadron de dragons commandé par Jean Langevin et parvint au pont de Miragoane, le même jour, marchant contre les troupes de l'Ouest dont les sentiments ne lui étaient par parfaitement connus.
II s'établit au pont de Miragoane qui traverse l'étang de ce nom, limite, au nord de la presqu'ile, des provinces de l'Ouest et du Sud. Il envoya aussitôt au Petit-Goave auprès du colonel Lamarre, pour le gagner à l'insurrection, les citoyens Calice Brouard et Nicolas Brouard, Lamarre, colonel de la 24e, était à la tête de 1800 hommes qui lui obéissaient aveuglement. Quand les deux envoyés parvinrent au Petit-Goave, ils annoncèrent, en public, qu'ils s'étaient refugiés auprès de leurs familles pour ne pas prendre part à ce qui se passait a l’Anse-à-Veau. Mais, d'un autre coté, ils obtinrent de Lamarre un entretien particulier et lui exposèrent le but de leur arrivée. Lamarre repoussa leur proposition et ordonna qu'on fortifiât le pont Chabanne, à l'entrée du Petit-Goave, vers le pont de Miragoane. Il écrivit au général Yayou, commandant de l'arrondissement, qui se tenait à Léogane, que les troupes du Sud voulaient envahir la province de l'Ouest. Yayou fit aussitôt connaitre à Pétion, commandant de la 2e division militaire de l'Ouest, ce qu'il venait d'apprendre. Dans ces entrefaites, un vieillard nomme Jérôme se présenta au pont Chabanne et remit à Lamarre une lettre que Borgella lui avait adressée à son départ d'Aquin pour l'Anse-à-Veau, lorsqu'il se rendait auprès de Gérin. Les effets en furent prodigieux. Elle commençait par ces mots : "Aux armes! Aux armes cher Lamarre! la voix de tes frères t'appelle au secours de la patrie!" Lamarre se montra tout à coup ébranlé. Cette lettre lui rappelait ses anciens compagnons d'armes les plus chers qu'il allait combattre, ceux auxquels il avait maintes fois dit qu'il n'avait qu'à se louer de l'empereur, mais que s'il continuait à se livrer à toutes sortes d'excès, leur parti serait le sien. Il se résolut à se prononcer pour l'insurrection. La nuit était très avancée. Vers la pointe du jour du 14, le général Yayou entra au Petit-Goave à la tête des troupes de Léogane, et presque en même temps Gérin faisait prisonnier Eveillard, officier de la 24e, commandant du poste du pont de Miragoane, et pénétrait au Petit-Goave après avoir franchi, au pas de course, un espace de six lieues. Lamarre exhorta Yayou à obtenir une entrevue de Gérin et conseilla à celui-ci de faire occuper le fort Liberté, à une petite distance de la ville, ou il n'y avait qu'une faible garnison. Gérin s'empara aussitôt de cette position, y établit le deuxième bataillon de la 15e, commandé par Leveillé et accepta de Yayou l'entrevue que celui-ci lui fit proposer Bien qu'il exposât avec chaleur à ce général les causes qui l'avaient déterminé à prendre les armes contre Dessalines, il ne put l'entrainer. Yayou lui répondit: "Je serais des vôtres, si dans votre parti, les inferieurs avaient su respecter les supérieurs. N'a-t-on pas déjà fait mourir le général Vaval ?" Gérin ordonna qu'on introduisit Vaval dans la salle. A la vue de celui-ci, Yayou étonné, se montra irrésolu. Néanmoins il fit encore quelques objections, qui furent combattues avec succès, sur la témérité de l'entreprise, il abandonna le lieu de l'entrevue en déclarant qu'il ne prendrait une résolution qu'après avoir entendu le général Pétion. Au même instant entra au Petit-Goave, un aide de camp de l'empereur, le commandant Delpêche. Il était chargé de pénétrer dans le Sud, de s'assurer de l'importance de la révolte et d'en faire un rapport à Sa Majesté. Comme l'insurrection avait atteint le Petit-Goave, il ne put franchir cette ville pour parvenir au pont de Miragoane; il reprit la route de Marchand, en toute hâte.
1) Nous avons déjà dit qu'Etienne Mentor, ayant reçu plus de trente coups de sabre, avait été laissé pour mort. Il vécut bien des années après.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Pétion était parti du Port-au-Prince avec les onzième et douzième demi-brigades, marchant contre le département du Sud. Germain Frère, emporté par son zèle, avait abandonné son poste de commandant d'arrondissement pour le suivre. En apprenant le caractère formidable de la révolte, Pétion avait pris la détermination de se joindre a l'armée du Sud; il se fut bien garde de laisser derrière lui un homme entreprenant tel que Germain Frère qui se fut opposé à sa rentrée au Port-au-Prince et eut défendu cette ville avec rigueur contre les insurgés jusqu'a l'arrivée de Dessalines. Quand il parvint à Léogane, il rencontra le général Magloire Ambroise qui, quoique malade, s'y était fait transporter pour s'aboucher avec lui. Il s'entretint une heure avec ce général, lui confia qu'il allait se rallier aux insurgés et lui ordonna de se rendre à Jacmel pour se prononcer contre Dessalines. Continuant sa marche rapide, il prit le devant sur ses troupes, laissa le général Germain Frère au Grand-Goave pour y attendre les 11e et 12e, traversa le Tapion, le 15 octobre, à dix heures du matin, et fut reçu avec distinction par le lieutenant Solage qui était à la tête de la première compagnie des grenadiers de l'avant-garde de l'armée insurrectionnelle. Il découvrit le général Yayou qui accourait seul au-devant de lui. Yayou l'aborda et lui raconta la conversation qu'il avait eue la veille avec Gérin. Pétion lui dit: "C'est bien; ne perdons pas un instant; acceptons l'insurrection, car Dessalines sera sur nous, peut-être demain." Il entra au Petit-Goave à midi, fraternisa avec les insurgés et consentit à laisser le commandement en chef de l'armée au général Gérin'1'. Les troupes insurgées défilèrent aussitôt pour le Port-au-Prince, au pas de course; elles avaient encore dix-sept lieues à parcourir. Arrivé au Grand-Goâve, Gérin fut frappé de l'attitude froide des deux demi-brigades de l'Ouest. Germain Frère, enveloppé par les corps du Sud, feignit d'accepter la révolution. Il temporisait pour se prononcer au Port-au-Prince en faveur de Dessalines. Gérin fit prendre la droite par les 15e et 16e, plaça au centre les 11e et 12e dont il se défiait, et la 24e, à l'arrière-garde. Beaucoup de citoyens armés, des femmes des enfants suivaient l'armée en chantant, en créole, à travers les mornes et la plaine: "Le diable a brisé ses chaînes, qu'on prenne Dessalines"(1). Mais partout, sur leur passage, ils respectaient les propriétés. L'insurrection était toute militaire, et les cultivateurs abandonnaient fort peu leurs travaux pour courir aux armes. Les insurgés, parvenus à Leogane au coucher du soleil, y passèrent la nuit. Le lendemain, 16, à la pointe du jour, les 15e, 16e, 11e, 12e, 21e et 24e demi-brigades, et trois escadrons de dragons, dix mille hommes, s'acheminèrent sur le Port-au-Prince et y arrivèrent a quatre heures de l'après-midi. Le général Germain Frère qui avait été arrêté en chemin fut jeté en prison Les troupes du Sud traversèrent aussitôt la ville et ne s'arrêtèrent qu'au portail St-Joseph. Le commandement de l’arrondissement fut confié à un nomme Dieudonné Charlot, aide de camp de Pétion, et le commandant de la place, Bedouet sur lequel on exerça une tentative d'assassinat, s'évada se cacha. Gérin plaça en embuscade au Pont-Rouge la 15 e et 16 e demi-brigade; il établit au portail St-Joseph les 21e et 24e. Les 11e et 12e demeurèrent au centre de la ville, sous les yeux de Pétion,
Les insurgés, ne doutant pas du succès de leur entreprise, et effrayant par leur audace l'esprit timoré des habitants du Port-au-Prince, rédigèrent aussitôt la pièce qui suit intitulé : Resistance a l'Oppression : "Une affreuse tyrannie, exercée depuis trop longtemps sur le peuple de l'armée, vient enfin d'exaspérer tous les esprits et les porter, par un mouvement digne du motif qui le fit naître, à se lever en masse pour former une digue puissante contre le torrent dévastateur qui le menace.
"Un complot, ourdi dans le calme et la réflexion, allait bientôt éclater; les hommes susceptibles de penser, ceux capables enfin de faire triompher les sublimes principes de la vraie liberté, dont ils sont les défenseurs, devaient disparaitre pour toujours; une marche rapide vers la subversion totale effrayait déjà même l'homme le plus indifférent; tout semblait annoncer que nous touchions au moment de voir se renouveler ces scènes d'horreurs et de proscriptions, ces cachots, ces gibets, ces buchers, ces noyades, dont nous étions les tristes et malheureuses victimes sous le gouvernement inique des Rochambeau, des Darbois, des Ferrand, des Berger, etc.
"Mains touché du bonheur de ses peuples qu'avide à ramasser, le chef du gouvernement fit dépouiller injustement de leurs biens, des milliers de familles qui sont, en ce moment, réduites à la plus affreuse misère, sous le prétexte apparent qu'elles ne pouvaient justifier de leurs titres de propriété, mais dans le fait pour augmenter ses domaines. N'est-il pas constant qu'après avoir joui depuis 10, 20 et 30 ans d'un bien on devait en être supposé le véritable propriétaire ? Dessalines ne l'ignorait pas; il était persuadé même que ces citoyens avaient perdu leurs titres, dans les derniers événements; il en profita pour satisfaire sa cupidité. D'autres petits propriétaires furent arrachés inhumainement de leurs foyers et renvoyés sur les habitations d'ou ils dépendaient, sans avoir égard ni a leur âge ni a leur sexe. Si des considérations particulières ou d'intérêt général pouvaient autoriser cette mesure qui parait avoir été adoptée par les gouvernements précédents, au moins était-il juste d'accorder une indemnité à ceux sur lesquels on l'exerçait.
"Le commerce, source de l’abondance et de la prospérité des Etats, languissait, sous cet homme stupide, dans une apathie, dont les vexations et les horreurs exercées sur les étrangers, ont été les seules causes. Des cargaisons enlevées par la violence, des marchés aussitôt violés que contractés repoussaient déjà de nos ports tous les bâtiments; l'assassinat de Thomas Thuat, négociant anglais, connu avantageusement dans le pays par une longue résidence, par une conduite irréprochable et par des bienfaits, a exalté l'indignation; et pourquoi ce meurtre ? Thomas Thuat était riche voila son crime! Les négociants haïtiens ne furent pas mieux traités; les avantages même qu'on avait l’air de vouloir leur accorder, n'avaient été calculés que sur le profit qu'on pourrait en tirer: c'étaient des fermiers que pressuraient des commis avides.
"Toujours entraînés vers ce penchant qui le porte au mal, le chef du gouvernement, dans la dernière tournée qu'il fit, désorganisa l'armée; sa cruelle avarice suggéra l'idée de faire passer les militaires d'un corps dans un autre, afin de les rapprocher de leur lieu natal, pour ne point s'occuper de leur subsistance, quoiqu'il exigeât d'eux un service très assidu. Le soldat était privé de sa paie, de sa subsistance et montrait partout sa nudité, tandis que le trésor public fournissait, avec profusion, des sommes de 20.000 gourdes par an, à chacune de ses concubines, dont on en peut compter au moins une vingtaine, pour soutenir un luxe effréné qui faisait en même temps la honte du gouvernement et insultait à la misère publique.
"L'empire des lois ne fut pas non plus respecté; une constitution faite par ordre de l'empereur, uniquement pour satisfaire à ses vues dictées par le caprice et l'ignorance, rédigée par ses secrétaires et publiée au nom des généraux de l'armée qui n'ont, non seulement, jamais approuvé ni signé cet acte informe et ridicule, mais encore n'en eurent connaissance que lorsqu'elle fut rendue publique et promulguée(1). Les lois réglementaires formées sans plan et sans combinaison et toujours pour satisfaire plutôt à une passion que pour régler les intérêts des citoyens, furent toujours violées et foulées aux pieds par le monarque lui-même. Aucune loi protectrice ne garantissait le peuple contre la barbarie du souverain; sa volonté suprême entrainait un citoyen au supplice, sans que ses amis et ses parents n'en pussent connaitre les causes. Aucun frein enfin n'arrêtait la férocité de ce tigre altéré du sang de ses semblables; aucune représentation ne pouvait rien sur ce cœur barbare, pas même les sollicitations de sa vertueuse Epouse, dont nous admirons tous les rares qualités.
Les ministres dont la constitution (si cet acte peut être qualifie de ce nom) avait déterminé les fonctions, ne purent jamais les exercer pour le bonheur du peuple(1); leurs plans et leurs représentations furent ridiculisés et rejetés avec mépris; leur zèle pour le bien public en général, et pour celui de l'armée en particulier, fut par conséquent paralysé.
La culture, cette première branche de la fortune publique et particulière, n'était point encouragée, et les ordres du chef ne tendaient qu’à faire mutiler les malheureux cultivateurs. Était il sage, enfin, d'arracher à cette culture des bras qui la fructifiaient pour grossir, sans besoin, le nombre des troupes qu'on ne voulait ni payer, ni nourrir, lorsque déjà l'armée était sur un pied respectable ?
"Tant de crimes, tant de forfaits, tant de vexations ne pouvaient rester plus longtemps impunis; le peuple, ainsi que l'armée, lassé du joug odieux qu'on lui imposait, rappelant son courage et son énergie, vient enfin, par un mouvement spontané, de le briser. Oui, nous avons rompu nos fers ! Soldats, vous serez payés et habillés; cultivateurs, vous serez protégés; propriétaires, vous serez maintenus dans la possession de vos biens; une Constitution sage va bientôt fixer les droits et les devoirs de tous.
"En attendant ce moment ou il sera possible de l'établir, nous déclarons que l'union, la fraternité et la bonne amitié, étant la base de notre réunion, nous ne déposerons les armes qu'après avoir abattu l'arbre de notre servitude et de notre avilissement, et placé a la tête du gouvernement un homme dont nous admirons depuis longtemps le courage et les vertus, et qui, comme nous, était l'objet des humiliations du tyran. Le peuple et l'armée, dont nous sommes les organes, proclament le général Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement haïtien, en attendant que la Constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste. en ait désigné la qualification.
"Donne en conseil, à notre quartier général de Port-au-Prince, le 16 octobre 1806, an 3 de l'indépendance, et de la vraie liberté le premier.
"Signe: Le ministre de la Guerre et de la Marine, Et Gérin; le général commandant la 2e division de l'Ouest Pétion; Yayou, Vaval, généraux de brigade; l'adjudant général, chef d'état-major, Bonnet; Marion, Verret, adjudant généraux; Francisque, Lamarre, Sanglaou, colonels; Boiblanc, Mason, Derenoncourt, chefs de divisions/"; Desmaratte, Hilaire, Marechal, J. B. Franc, Clermont, Quique, Isidor, Romain, Alexis Lemau, Metellus, Adam, J. Ch. Cadet, Mentor, Léveillé, Levêque, Lespérance, chefs de bataillon; Lys. chef d'artillerie; Dieudonné, commandant provisoire du Port-au-Prince; Bastien, Baude, Delaunay, Janvier, Chevalier, Jean Langevin, chefs d'escadron; Pitre aîné, administrateur ; Chervain, commissaire des guerres; Noel, président du tribunal de commerce; Morau, président du tribunal civil; Fresnel, commissaire du gouvernement; Perdriel, Jeanton, Linard, Médor, Séac, Jeanton aîné, juges.
Suivent un grand nombre de signatures(2).
Presque tous les signataires de cette pièce publiée à l'époque, en proclamant le général Christophe chef provisoire du gouvernement haïtien, avaient déjà l'arrière-pensée de l'abattre à la première occasion favorable. Ils violentaient leurs sentiments en déclarant solennellement, que depuis longtemps ils admiraient ses vertus ; ils éprouvaient plus d'inquiétude à l'idée de Christophe, chef du gouvernement, qu'à celle de Dessalines contre lequel ils venaient de prendre les armes. Mais ils voulaient réduire l'empereur aux forces de l'Artibonite seulement, et le faire assaillir, en même temps, d'une part, par les troupes du Sud et de l'Ouest, et de l'autre par celles du Nord.
(1) Marins intrépides, chefs des divisions de nos bâtiments de guerre.
(2) La vérité historique me commande de faire connaitre qu'on avait porté, avec leur consentement, les noms de plusieurs officiers ne sachant pas signer.
(1) Cette disposition était en faveur de Gérin, ministre de la Guerre et de la Marine, à présent chef de l'armée insurrectionnelle. Cependant le 12 octobre 1806, annonçant à Christophe sa prise d'armes, il lui parle, comme ministre de la Guerre et de la Marine, par la Constitution. Ce même Gérin qui fournissait des plans à Dessalines voulait en 1803, que St-Domingue, après avoir pris son ancien nom d'Haïti, fut divise en quatre Caciquats unis seulement par un lien fédéral, qu'il y eut à la tête de chacune de ces quatre parties, un cacique jouissant des prérogatives des chefs aborigènes de l'époque de la découverte de l'île par Christophe Colomb.
(1) II est vrai que plusieurs généraux n'avaient pas approuvé la Constitution; mais la plupart y avaient apposé leurs signatures. Insérée à la gazette officielle de 1805, elle porte les noms de tous nos généraux de division et de brigade qui l'ont fait publier avec solennité dans leurs quartiers respectifs. Nous avons rapporté qu'elle fut faite d'une manière très irrégulière. Feu le général Bonnet qui, à cette époque, était un de nos militaires distingués et l'un des plus instruits, au grade d'adjudant-général, m'a dit que quelques généraux seulement n'avaient pas signé la Constitution.
(1) Boisrond Canal et Tapiau étaient arrivés au Petit-Goave le 15, envoyés par le conseil des conjurés des Cayes, pour s'enquérir des nouvelles de l'armée. Gérin leur remit à l'adresse du colonel Faubert la lettre suivante :
Petit-Goave, le 15 octobre 1806
Mon cher Colonel,
Vous saurez qu'après de légères difficultés je suis entré en cette ville sans bruler une amorce.
J'ai eu le bonheur de joindre le général Pétion, nous nous sommes parfaitement entendus, et nous défilons, sans perdre de temps, pour le Port-au-Prince. Jusqu'à présent le Souverain-Arbitre a dirigé nos pas. Je vous engage a vous rendre à l'armée ou vos conseils me seront utiles.
(1) Diable la casse chaine, quimbé Dessalines.
Les insurgés, ne doutant pas du succès de leur entreprise, et effrayant par leur audace l'esprit timoré des habitants du Port-au-Prince, rédigèrent aussitôt la pièce qui suit intitulé : Resistance a l'Oppression : "Une affreuse tyrannie, exercée depuis trop longtemps sur le peuple de l'armée, vient enfin d'exaspérer tous les esprits et les porter, par un mouvement digne du motif qui le fit naître, à se lever en masse pour former une digue puissante contre le torrent dévastateur qui le menace.
"Un complot, ourdi dans le calme et la réflexion, allait bientôt éclater; les hommes susceptibles de penser, ceux capables enfin de faire triompher les sublimes principes de la vraie liberté, dont ils sont les défenseurs, devaient disparaitre pour toujours; une marche rapide vers la subversion totale effrayait déjà même l'homme le plus indifférent; tout semblait annoncer que nous touchions au moment de voir se renouveler ces scènes d'horreurs et de proscriptions, ces cachots, ces gibets, ces buchers, ces noyades, dont nous étions les tristes et malheureuses victimes sous le gouvernement inique des Rochambeau, des Darbois, des Ferrand, des Berger, etc.
"Mains touché du bonheur de ses peuples qu'avide à ramasser, le chef du gouvernement fit dépouiller injustement de leurs biens, des milliers de familles qui sont, en ce moment, réduites à la plus affreuse misère, sous le prétexte apparent qu'elles ne pouvaient justifier de leurs titres de propriété, mais dans le fait pour augmenter ses domaines. N'est-il pas constant qu'après avoir joui depuis 10, 20 et 30 ans d'un bien on devait en être supposé le véritable propriétaire ? Dessalines ne l'ignorait pas; il était persuadé même que ces citoyens avaient perdu leurs titres, dans les derniers événements; il en profita pour satisfaire sa cupidité. D'autres petits propriétaires furent arrachés inhumainement de leurs foyers et renvoyés sur les habitations d'ou ils dépendaient, sans avoir égard ni a leur âge ni a leur sexe. Si des considérations particulières ou d'intérêt général pouvaient autoriser cette mesure qui parait avoir été adoptée par les gouvernements précédents, au moins était-il juste d'accorder une indemnité à ceux sur lesquels on l'exerçait.
"Le commerce, source de l’abondance et de la prospérité des Etats, languissait, sous cet homme stupide, dans une apathie, dont les vexations et les horreurs exercées sur les étrangers, ont été les seules causes. Des cargaisons enlevées par la violence, des marchés aussitôt violés que contractés repoussaient déjà de nos ports tous les bâtiments; l'assassinat de Thomas Thuat, négociant anglais, connu avantageusement dans le pays par une longue résidence, par une conduite irréprochable et par des bienfaits, a exalté l'indignation; et pourquoi ce meurtre ? Thomas Thuat était riche voila son crime! Les négociants haïtiens ne furent pas mieux traités; les avantages même qu'on avait l’air de vouloir leur accorder, n'avaient été calculés que sur le profit qu'on pourrait en tirer: c'étaient des fermiers que pressuraient des commis avides.
"Toujours entraînés vers ce penchant qui le porte au mal, le chef du gouvernement, dans la dernière tournée qu'il fit, désorganisa l'armée; sa cruelle avarice suggéra l'idée de faire passer les militaires d'un corps dans un autre, afin de les rapprocher de leur lieu natal, pour ne point s'occuper de leur subsistance, quoiqu'il exigeât d'eux un service très assidu. Le soldat était privé de sa paie, de sa subsistance et montrait partout sa nudité, tandis que le trésor public fournissait, avec profusion, des sommes de 20.000 gourdes par an, à chacune de ses concubines, dont on en peut compter au moins une vingtaine, pour soutenir un luxe effréné qui faisait en même temps la honte du gouvernement et insultait à la misère publique.
"L'empire des lois ne fut pas non plus respecté; une constitution faite par ordre de l'empereur, uniquement pour satisfaire à ses vues dictées par le caprice et l'ignorance, rédigée par ses secrétaires et publiée au nom des généraux de l'armée qui n'ont, non seulement, jamais approuvé ni signé cet acte informe et ridicule, mais encore n'en eurent connaissance que lorsqu'elle fut rendue publique et promulguée(1). Les lois réglementaires formées sans plan et sans combinaison et toujours pour satisfaire plutôt à une passion que pour régler les intérêts des citoyens, furent toujours violées et foulées aux pieds par le monarque lui-même. Aucune loi protectrice ne garantissait le peuple contre la barbarie du souverain; sa volonté suprême entrainait un citoyen au supplice, sans que ses amis et ses parents n'en pussent connaitre les causes. Aucun frein enfin n'arrêtait la férocité de ce tigre altéré du sang de ses semblables; aucune représentation ne pouvait rien sur ce cœur barbare, pas même les sollicitations de sa vertueuse Epouse, dont nous admirons tous les rares qualités.
Les ministres dont la constitution (si cet acte peut être qualifie de ce nom) avait déterminé les fonctions, ne purent jamais les exercer pour le bonheur du peuple(1); leurs plans et leurs représentations furent ridiculisés et rejetés avec mépris; leur zèle pour le bien public en général, et pour celui de l'armée en particulier, fut par conséquent paralysé.
La culture, cette première branche de la fortune publique et particulière, n'était point encouragée, et les ordres du chef ne tendaient qu’à faire mutiler les malheureux cultivateurs. Était il sage, enfin, d'arracher à cette culture des bras qui la fructifiaient pour grossir, sans besoin, le nombre des troupes qu'on ne voulait ni payer, ni nourrir, lorsque déjà l'armée était sur un pied respectable ?
"Tant de crimes, tant de forfaits, tant de vexations ne pouvaient rester plus longtemps impunis; le peuple, ainsi que l'armée, lassé du joug odieux qu'on lui imposait, rappelant son courage et son énergie, vient enfin, par un mouvement spontané, de le briser. Oui, nous avons rompu nos fers ! Soldats, vous serez payés et habillés; cultivateurs, vous serez protégés; propriétaires, vous serez maintenus dans la possession de vos biens; une Constitution sage va bientôt fixer les droits et les devoirs de tous.
"En attendant ce moment ou il sera possible de l'établir, nous déclarons que l'union, la fraternité et la bonne amitié, étant la base de notre réunion, nous ne déposerons les armes qu'après avoir abattu l'arbre de notre servitude et de notre avilissement, et placé a la tête du gouvernement un homme dont nous admirons depuis longtemps le courage et les vertus, et qui, comme nous, était l'objet des humiliations du tyran. Le peuple et l'armée, dont nous sommes les organes, proclament le général Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement haïtien, en attendant que la Constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste. en ait désigné la qualification.
"Donne en conseil, à notre quartier général de Port-au-Prince, le 16 octobre 1806, an 3 de l'indépendance, et de la vraie liberté le premier.
"Signe: Le ministre de la Guerre et de la Marine, Et Gérin; le général commandant la 2e division de l'Ouest Pétion; Yayou, Vaval, généraux de brigade; l'adjudant général, chef d'état-major, Bonnet; Marion, Verret, adjudant généraux; Francisque, Lamarre, Sanglaou, colonels; Boiblanc, Mason, Derenoncourt, chefs de divisions/"; Desmaratte, Hilaire, Marechal, J. B. Franc, Clermont, Quique, Isidor, Romain, Alexis Lemau, Metellus, Adam, J. Ch. Cadet, Mentor, Léveillé, Levêque, Lespérance, chefs de bataillon; Lys. chef d'artillerie; Dieudonné, commandant provisoire du Port-au-Prince; Bastien, Baude, Delaunay, Janvier, Chevalier, Jean Langevin, chefs d'escadron; Pitre aîné, administrateur ; Chervain, commissaire des guerres; Noel, président du tribunal de commerce; Morau, président du tribunal civil; Fresnel, commissaire du gouvernement; Perdriel, Jeanton, Linard, Médor, Séac, Jeanton aîné, juges.
Suivent un grand nombre de signatures(2).
Presque tous les signataires de cette pièce publiée à l'époque, en proclamant le général Christophe chef provisoire du gouvernement haïtien, avaient déjà l'arrière-pensée de l'abattre à la première occasion favorable. Ils violentaient leurs sentiments en déclarant solennellement, que depuis longtemps ils admiraient ses vertus ; ils éprouvaient plus d'inquiétude à l'idée de Christophe, chef du gouvernement, qu'à celle de Dessalines contre lequel ils venaient de prendre les armes. Mais ils voulaient réduire l'empereur aux forces de l'Artibonite seulement, et le faire assaillir, en même temps, d'une part, par les troupes du Sud et de l'Ouest, et de l'autre par celles du Nord.
(1) Marins intrépides, chefs des divisions de nos bâtiments de guerre.
(2) La vérité historique me commande de faire connaitre qu'on avait porté, avec leur consentement, les noms de plusieurs officiers ne sachant pas signer.
(1) Cette disposition était en faveur de Gérin, ministre de la Guerre et de la Marine, à présent chef de l'armée insurrectionnelle. Cependant le 12 octobre 1806, annonçant à Christophe sa prise d'armes, il lui parle, comme ministre de la Guerre et de la Marine, par la Constitution. Ce même Gérin qui fournissait des plans à Dessalines voulait en 1803, que St-Domingue, après avoir pris son ancien nom d'Haïti, fut divise en quatre Caciquats unis seulement par un lien fédéral, qu'il y eut à la tête de chacune de ces quatre parties, un cacique jouissant des prérogatives des chefs aborigènes de l'époque de la découverte de l'île par Christophe Colomb.
(1) II est vrai que plusieurs généraux n'avaient pas approuvé la Constitution; mais la plupart y avaient apposé leurs signatures. Insérée à la gazette officielle de 1805, elle porte les noms de tous nos généraux de division et de brigade qui l'ont fait publier avec solennité dans leurs quartiers respectifs. Nous avons rapporté qu'elle fut faite d'une manière très irrégulière. Feu le général Bonnet qui, à cette époque, était un de nos militaires distingués et l'un des plus instruits, au grade d'adjudant-général, m'a dit que quelques généraux seulement n'avaient pas signé la Constitution.
(1) Boisrond Canal et Tapiau étaient arrivés au Petit-Goave le 15, envoyés par le conseil des conjurés des Cayes, pour s'enquérir des nouvelles de l'armée. Gérin leur remit à l'adresse du colonel Faubert la lettre suivante :
Petit-Goave, le 15 octobre 1806
Mon cher Colonel,
Vous saurez qu'après de légères difficultés je suis entré en cette ville sans bruler une amorce.
J'ai eu le bonheur de joindre le général Pétion, nous nous sommes parfaitement entendus, et nous défilons, sans perdre de temps, pour le Port-au-Prince. Jusqu'à présent le Souverain-Arbitre a dirigé nos pas. Je vous engage a vous rendre à l'armée ou vos conseils me seront utiles.
(1) Diable la casse chaine, quimbé Dessalines.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Christophe, dès les premiers jours d'octobre, avait su qu'une révolte dut éclater contre Dessalines, dans l'arrondissement des Cayes; il s'était résolu à faire assassiner, dans le Nord, le seul général qui put, par son caractère et son influence, contrebalancer sa puissance, après la chute de Dessalines, devenue à ses yeux inévitable. Il ordonna à Capoix de se transporter du Fort-Liberté au Cap. Le moment était arrivé pour lui de tout oser pour se défaire de ce général, et Dessalines succombant, faire tourner les événements à son profit. Il envoya le général Romain, l'adjudant-général Gérard et le général Dartiguenave s'établir en embuscade, avec un bataillon d'infanterie, aux fossés de Limonade. Des que le général Capoix, sortant du Fort-Liberté, apparut dans le grand chemin, Romain et Gérard accoururent au-devant de lui et l'invitèrent avec respect et soumission à s'arrêter pour se rafraichir. Capoix, sans défiance, descendit de voiture et tendit la main à Romain; et au même instant, Gérard, aidé de quelques grenadiers qui étaient sortis de l'embuscade, se saisit de son épée et lui déclara qu'il était prisonnier. Il ne fit aucune résistance et dit a Romain : "Ton maître Christophe est bien heureux de m'avoir pris dans ce piège; car, sous peu, je lui aurais fait sentir la vigueur de mon bras; finissons-en vite". Il se plaça à cinq pas d'un peloton et reçut la mort, atteint de plusieurs balles. C'était le 8 octobre, jour de la prise d'armes de Mécerou, à Garata. Concordance de faits dévoilant les rapports qui existaient entre Christophe et les gens du Sud.
Ainsi finit Capoix, un des généraux haïtiens les plus brillants. Christophe fit aussitôt répandre au Port-de-Paix qu'il était tombé sous les coups de Dessalines. La 9e demi-brigade de cette ville, toute dévouée à Capoix, se disposa à prendre les armes contre l'empereur. Christophe obtint, par ce crime, le double succès de s'être défait d'un rival fameux et d'avoir indigné contre Dessalines la ville qui renfermait les guerriers les plus intrépides du Nord. Cette perfidie qui se dévoilera l'entrainera jusqu'au bord d'un abime. Neuf jours après, Christophe reçut une lettre de l'empereur du 15 octobre par laquelle celui-ci lui faisait connaitre qu'une révolte venait d'éclater dans le Sud. Christophe, ne voulant pas se prononcer avant d'avoir obtenu de plus amples renseignements sur cet événement, lui répondit:
Du 16 octobre 1806
A Sa Majesté l'empereur.
Sire,
Je viens de recevoir l'honneur de votre lettre du jour d'hier, par laquelle vous m'informez de l'insurrection qui vient d'avoir lieu dans le Sud. J'ai appris cet événement avec peine, en ce qu'il obligera votre Majesté à déployer la sévérité de la loi contre les auteurs de cette catastrophe, qui ne peuvent être que des ambitieux. Je vous réponds de la tranquillité dans le Nord; mon but et mes efforts ne tendent qu'a faire jouir mes concitoyens de la paix et de la tranquillité, Vous pouvez vous reposer avec confiance sur moi Je plains Votre Majesté pour les grandes fatigues qu'elle va éprouver. Ce ne peuvent être que des ennemis de la chose qui cherchent le trouble et la discorde pour vous détourner de vos importantes occupations de faire activer les travaux des fortifications. J'espère que cela n'aura pas de suite. J'ai l'honneur de vous désirer une parfaite santé, et de vous prier, Sire, d'agréer l'assurance de mon profond respect.
Presque tous ceux qui se trouvaient à la tète de l'insurrection avaient écrit des lettres semblables à Dessalines, à la nouvelle de la prise d'armes de Garata.
Pendant cet intervalle, il se commettait aux Cayes plusieurs assassinats. Les autorités se réunirent le 16 pour délibérer sur le sort des généraux Moreau et Lafleur retenus prisonniers. Borgella, David Troy et Faubert furent invités à assister à la délibération. Borgella dit qu'il n'était point venu aux Cayes pour prendre part à des assassinats, que Gérin l'y avait envoyé pour conduire les troupes au pont de Miragoane, mais qu'il voyait qu'au lieu de voler au-devant de l'ennemi, on se livrait à des vengeances particulières. David Troy et Faubert, ne pouvant faire dominer la voix de la raison, sortirent de la salle. Le conseil des conjurés, sans avoir entendu les deux généraux, décida qu'ils subiraient la peine capitale. Racolier se transports auprès de Lafleur et lui annonça qu'il allait être conduit au camp Gérard ou se trouvait Moreau. Lafleur, convaincu qu'on allait lui ôter la vie, monta à cheval et partit suivi d'une compagnie de dragons. Des qu'il parvint au carrefour Fonfrède, les dragons lui crièrent: halte ! Général, halte! Lafleur voyant la mort derrière lui, éperonne son cheval et prend la fuite. Les dragons s'élancent à sa poursuite, Racolier à leur tête, l'atteignent devant l'habitation Labarère, le sabrent, le renversent et lui fendent la tête. Ils abandonnent le cadavre et se dirigent au galop vers le camp Gérard. Un instant après, une femme, accablée par les ans, à laquelle la douleur avait donne la force de suivre de près Lafleur, arrive au lieu de l'assassinat, embrasse le cadavre, creuse une fosse de ses mains tremblantes à l'endroit ou était tombé cet infortuné et lui donne la sépulture, aidée de quelques âmes charitables de l'habitation, Cette vieille femme était la mère du général Guillaume Lafleur.
Racolier était arrivé au camp Gérard avec son escadron. Le général Moreau déjeunait quand il entendit le son de la trompette. Il demanda à ceux qui l'entouraient quel était ce bruit — "Ce sont les dragons des Cayes", lui répondit-on. Il se leva de table et dit: "Mes amis, c'en est fait." Il prit à la hâte son habit et son chapeau et attendit le moment fatal avec une profonde résignation. Racolier apparut dans la salle, la figure ardente et les yeux pleins de sang. Il lui dit: "Général, j'ai reçu l'ordre de vous conduire aux Cayes". — "Allons, mon camarade, je suis prêt". Après cette réponse qui exprime que son âme avait déjà abandonné la terre, Moreau monte à cheval. Quand il arrive au carrefour Touya, à un quart de lieue de Gérard, il dit: "Quoi! Ne sommes-nous pas bien ici ?". — "Non, général, un peu plus loin", lui répondit-on. Ils parvinrent sur l'habitation Pémerlé, et s'arrêtèrent en un endroit boise, sombre et très isolé, nommé la Ravine. Moreau descendit de cheval et demanda un crayon qu'on lui donna. Il tira de sa poche du papier, écrivit quelques lignes concernant ses affaires privées et dit au capitaine Moulite Tuffet: "Mon camarade, vous êtes homme d'honneur, remettez ce papier à ma femme". Il s'accusa ensuite d'avoir exécuté trop rigoureusement les ordres de Dessalines, Comme les cavaliers se préparaient à faire feu sur lui, il les pria d'attendre encore. Il confia quelques paroles pour sa femme à ce même capitaine Tuffet. Il s'écria ensuite avec le plus grand sang-froid: "Mes amis, tirez maintenant(1). Les officiers de l’escadron aucun d'eux n'étant attendri, déchargèrent sur lui leurs pistolets presqu'à bout portant. II reçut la mort avec tout le courage qu'il eut du montrer à Garata, quand le 8 octobre il fut arrêté par la bande Mécerou. Les cavaliers se retirèrent sans même l'avoir enterré. Madame veuve Geffrard, oubliant les torts qu'il avait envers son mari, lui
fit donner la sépulture.
Moreau, des le commencement de sa carrière militaire, ne s'était jamais fait aimer de ses compagnons. Après la chute de Rigaud, sous Toussaint Louverture, quand il devint chef de bataillon, il prit envers ses frères une attitude qui les éloigna de son cercle. Promu au grade de général sous Dessalines, son ambition n'eut plus de bornes, et pour satisfaire ses passions immodérées d'honneurs, il se constitua, dans le département du Sud, l'exécuteur des ordre-secrets du souverain. La population des Cayes l'avait pris en horreur; et son caractère, bien plus que son dévouement au chef de l'Etat, l'entraina au dernier supplice, car une foule d'officiers loyalement attachés à l'empereur, furent épargnés lors de la réaction.
Quant au général Guillaume Lafleur, il avait toujours donné des preuves éclatantes de son grand cœur. Sous Toussaint, après la guerre civile, il rendit aux proscrits des services sans nombre. Il n'aurait pas été sacrifié, quoiqu'il se fut montré résolu à défendre la cause de Dessalines, si les événements n'avaient pas enchainé sa destinée à celle de Moreau que personne ne voulait sauver. Lorsqu'on reconnait qu'on ne peut frapper un coupable sans immoler avec lui un innocent, on absout le coupable pour sauver l’innocent. Dans tous les cas, Moreau n'avait pas un noble cœur, mais il ne méritait pas la mort.
Combien ne doit-on pas déplorer ces affreuses réactions qui laissent dans les familles des germes profonds de discorde, et font que le fils est quelquefois victime, un demi siècle après, des fureurs que le père à déployées.
David Troy et la plupart des officiers supérieurs des Cayes partirent pour le Port-au-Prince. Des la veille, la 13e demi-brigade s'était acheminée sur Miragoane, et la 17e sur Jérémie. La ville des Cayes se trouva livrée à l’anarchie. Aoua, ce marin intrépide, commandant de l’escadre du Sud, qui avait été arrêté des les premiers jours de la révolte, fut arraché de son cachot par ses matelots qui le trainèrent, à huit heures du soir, dans les fossés de la ville et l'égorgèrent.
J'ai eu sous les yeux une note manuscrite de cet assassinat, par un des membres du conseil des conjurés. Plusieurs vieillards des Cayes m'ont raconté le fait de la même manière.
Ainsi finit Capoix, un des généraux haïtiens les plus brillants. Christophe fit aussitôt répandre au Port-de-Paix qu'il était tombé sous les coups de Dessalines. La 9e demi-brigade de cette ville, toute dévouée à Capoix, se disposa à prendre les armes contre l'empereur. Christophe obtint, par ce crime, le double succès de s'être défait d'un rival fameux et d'avoir indigné contre Dessalines la ville qui renfermait les guerriers les plus intrépides du Nord. Cette perfidie qui se dévoilera l'entrainera jusqu'au bord d'un abime. Neuf jours après, Christophe reçut une lettre de l'empereur du 15 octobre par laquelle celui-ci lui faisait connaitre qu'une révolte venait d'éclater dans le Sud. Christophe, ne voulant pas se prononcer avant d'avoir obtenu de plus amples renseignements sur cet événement, lui répondit:
Du 16 octobre 1806
A Sa Majesté l'empereur.
Sire,
Je viens de recevoir l'honneur de votre lettre du jour d'hier, par laquelle vous m'informez de l'insurrection qui vient d'avoir lieu dans le Sud. J'ai appris cet événement avec peine, en ce qu'il obligera votre Majesté à déployer la sévérité de la loi contre les auteurs de cette catastrophe, qui ne peuvent être que des ambitieux. Je vous réponds de la tranquillité dans le Nord; mon but et mes efforts ne tendent qu'a faire jouir mes concitoyens de la paix et de la tranquillité, Vous pouvez vous reposer avec confiance sur moi Je plains Votre Majesté pour les grandes fatigues qu'elle va éprouver. Ce ne peuvent être que des ennemis de la chose qui cherchent le trouble et la discorde pour vous détourner de vos importantes occupations de faire activer les travaux des fortifications. J'espère que cela n'aura pas de suite. J'ai l'honneur de vous désirer une parfaite santé, et de vous prier, Sire, d'agréer l'assurance de mon profond respect.
Presque tous ceux qui se trouvaient à la tète de l'insurrection avaient écrit des lettres semblables à Dessalines, à la nouvelle de la prise d'armes de Garata.
Pendant cet intervalle, il se commettait aux Cayes plusieurs assassinats. Les autorités se réunirent le 16 pour délibérer sur le sort des généraux Moreau et Lafleur retenus prisonniers. Borgella, David Troy et Faubert furent invités à assister à la délibération. Borgella dit qu'il n'était point venu aux Cayes pour prendre part à des assassinats, que Gérin l'y avait envoyé pour conduire les troupes au pont de Miragoane, mais qu'il voyait qu'au lieu de voler au-devant de l'ennemi, on se livrait à des vengeances particulières. David Troy et Faubert, ne pouvant faire dominer la voix de la raison, sortirent de la salle. Le conseil des conjurés, sans avoir entendu les deux généraux, décida qu'ils subiraient la peine capitale. Racolier se transports auprès de Lafleur et lui annonça qu'il allait être conduit au camp Gérard ou se trouvait Moreau. Lafleur, convaincu qu'on allait lui ôter la vie, monta à cheval et partit suivi d'une compagnie de dragons. Des qu'il parvint au carrefour Fonfrède, les dragons lui crièrent: halte ! Général, halte! Lafleur voyant la mort derrière lui, éperonne son cheval et prend la fuite. Les dragons s'élancent à sa poursuite, Racolier à leur tête, l'atteignent devant l'habitation Labarère, le sabrent, le renversent et lui fendent la tête. Ils abandonnent le cadavre et se dirigent au galop vers le camp Gérard. Un instant après, une femme, accablée par les ans, à laquelle la douleur avait donne la force de suivre de près Lafleur, arrive au lieu de l'assassinat, embrasse le cadavre, creuse une fosse de ses mains tremblantes à l'endroit ou était tombé cet infortuné et lui donne la sépulture, aidée de quelques âmes charitables de l'habitation, Cette vieille femme était la mère du général Guillaume Lafleur.
Racolier était arrivé au camp Gérard avec son escadron. Le général Moreau déjeunait quand il entendit le son de la trompette. Il demanda à ceux qui l'entouraient quel était ce bruit — "Ce sont les dragons des Cayes", lui répondit-on. Il se leva de table et dit: "Mes amis, c'en est fait." Il prit à la hâte son habit et son chapeau et attendit le moment fatal avec une profonde résignation. Racolier apparut dans la salle, la figure ardente et les yeux pleins de sang. Il lui dit: "Général, j'ai reçu l'ordre de vous conduire aux Cayes". — "Allons, mon camarade, je suis prêt". Après cette réponse qui exprime que son âme avait déjà abandonné la terre, Moreau monte à cheval. Quand il arrive au carrefour Touya, à un quart de lieue de Gérard, il dit: "Quoi! Ne sommes-nous pas bien ici ?". — "Non, général, un peu plus loin", lui répondit-on. Ils parvinrent sur l'habitation Pémerlé, et s'arrêtèrent en un endroit boise, sombre et très isolé, nommé la Ravine. Moreau descendit de cheval et demanda un crayon qu'on lui donna. Il tira de sa poche du papier, écrivit quelques lignes concernant ses affaires privées et dit au capitaine Moulite Tuffet: "Mon camarade, vous êtes homme d'honneur, remettez ce papier à ma femme". Il s'accusa ensuite d'avoir exécuté trop rigoureusement les ordres de Dessalines, Comme les cavaliers se préparaient à faire feu sur lui, il les pria d'attendre encore. Il confia quelques paroles pour sa femme à ce même capitaine Tuffet. Il s'écria ensuite avec le plus grand sang-froid: "Mes amis, tirez maintenant(1). Les officiers de l’escadron aucun d'eux n'étant attendri, déchargèrent sur lui leurs pistolets presqu'à bout portant. II reçut la mort avec tout le courage qu'il eut du montrer à Garata, quand le 8 octobre il fut arrêté par la bande Mécerou. Les cavaliers se retirèrent sans même l'avoir enterré. Madame veuve Geffrard, oubliant les torts qu'il avait envers son mari, lui
fit donner la sépulture.
Moreau, des le commencement de sa carrière militaire, ne s'était jamais fait aimer de ses compagnons. Après la chute de Rigaud, sous Toussaint Louverture, quand il devint chef de bataillon, il prit envers ses frères une attitude qui les éloigna de son cercle. Promu au grade de général sous Dessalines, son ambition n'eut plus de bornes, et pour satisfaire ses passions immodérées d'honneurs, il se constitua, dans le département du Sud, l'exécuteur des ordre-secrets du souverain. La population des Cayes l'avait pris en horreur; et son caractère, bien plus que son dévouement au chef de l'Etat, l'entraina au dernier supplice, car une foule d'officiers loyalement attachés à l'empereur, furent épargnés lors de la réaction.
Quant au général Guillaume Lafleur, il avait toujours donné des preuves éclatantes de son grand cœur. Sous Toussaint, après la guerre civile, il rendit aux proscrits des services sans nombre. Il n'aurait pas été sacrifié, quoiqu'il se fut montré résolu à défendre la cause de Dessalines, si les événements n'avaient pas enchainé sa destinée à celle de Moreau que personne ne voulait sauver. Lorsqu'on reconnait qu'on ne peut frapper un coupable sans immoler avec lui un innocent, on absout le coupable pour sauver l’innocent. Dans tous les cas, Moreau n'avait pas un noble cœur, mais il ne méritait pas la mort.
Combien ne doit-on pas déplorer ces affreuses réactions qui laissent dans les familles des germes profonds de discorde, et font que le fils est quelquefois victime, un demi siècle après, des fureurs que le père à déployées.
David Troy et la plupart des officiers supérieurs des Cayes partirent pour le Port-au-Prince. Des la veille, la 13e demi-brigade s'était acheminée sur Miragoane, et la 17e sur Jérémie. La ville des Cayes se trouva livrée à l’anarchie. Aoua, ce marin intrépide, commandant de l’escadre du Sud, qui avait été arrêté des les premiers jours de la révolte, fut arraché de son cachot par ses matelots qui le trainèrent, à huit heures du soir, dans les fossés de la ville et l'égorgèrent.
J'ai eu sous les yeux une note manuscrite de cet assassinat, par un des membres du conseil des conjurés. Plusieurs vieillards des Cayes m'ont raconté le fait de la même manière.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Pendant que la 17e, sous les ordres du colonel Vancol, s'acheminait sur Jérémie, la révolution contre Dessalines s'y opérait. Des que le général Férou qui prenait les eaux à la Source Chaude, dans les hauteurs de la Grande-Rivière, avait appris, par une lettre de Papalier, que les autorités des Cayes s'étaient prononcées contre Dessalines et que Gérin, à l'Anse-à-Veau, s'était aussi soulevé, il était rentre à Jérémie. Il en prit immédiatement le commandement et chargea le chef de bataillon Bergerac Trichet et le capitaine Henri de la 18e, qui avaient toute sa confiance, de surveiller les démarches de Bazile. Celui-ci, tout dévoué à l'empereur, exerçait une grande influence sur la 18e et maintenait, depuis plusieurs jours, la ville dans le devoir, la menaçant sans cesse de ses 1.900 baïonnettes. Henri tenta plusieurs fois, sans succès, de le gagner au parti des insurgés. D'après les ordres qu'avait donnés le général Férou, la 18e se rangea en bataille, le lendemain, sur la place d'armes pour recevoir un mois de solde, des chemises et des pantalons. Férou n'avait fait distribuer des cartouches qu'a deux compagnies d'élite, celle du capitaine Déhay et celle du capitaine Piart, sur lesquelles il pouvait compter. On commença la distribution des pantalons, des chemises et de la solde. La plupart des soldats de la 18e refusèrent de recevoir la solde et l'habillement. Les uns jetaient loin d'eux les chemises et les pantalons, d'autres les faisaient flotter au bout de leurs baïonnettes en signe de dérision. Le colonel Bazile était absent pendant ce désordre qui eut pris un caractère des plus graves si le capitaine Henri n'était accouru auprès du général Férou et ne lui eut dit: "Général, tout est perdu, si vous ne vous rendez tout de suite sur la place; la 18e refuse de prendre la solde et l’habillement." Férou, quoique malade, se transporta résolument au Champ de Mars et monta sur l'autel de la patrie. Il ne pouvait compter que sur 125 hommes, et 1700 baïonnettes hostiles l'entouraient. En même temps, ceux des officiers qui étaient contre Dessalines, enhardis par sa présence, administraient aux soldats de grands coups de bâton et les contraignaient à reprendre les rangs. Le colonel Bazile arriva sur la place, se mit à la tête de son corps et prit une attitude pleine de calme. Férou dit aux troupes et à toute la population réunie: « Sur tous les points d'Haïti, la nation fatiguée de la tyrannie de Dessalines s'est soulevée contre lui; Jérémie seule ne s'est pas encore prononcée contre le barbare. Que ceux qui sont pour Dessalines sortent des rangs et que ceux qui sont contre lui restent à leur place. » Le régiment auquel Férou imposait demeura immobile. Bazile, son frère Poignon, lieutenant, et le capitaine Bonhomme sortirent des rangs. Mais ce dernier revint sur sa détermination, et se remit à la tête de sa compagnie, prétextant qu'il avait mal compris les paroles du général. Férou ordonna aussitôt à la demi-brigade de se rendre à ses quartiers. Elle défila sous ses yeux. Les compagnies sur lesquelles il comptait firent le service des postes conjointement avec les citoyens. Le colonel Bazile, le commandant de la place, René, et le capitaine Figaro, commandant du poste militaire de l'Anse-du-Clerc, qui se trouvait a Jérémie, furent arrêtés et retenus prisonniers chez le général Férou. On leur annonça ensuite qu'ils seraient envoyés aux Cayes. Bazile fit venir un notaire et lui dicta son testament. Il fut acheminé sur Tiburon avec ses compagnons d'infortune, par la Grande Rivière. Il fut assassiné en route vers l'Anse-d'Hainault, par des soldats de la 17e des Cayes. René fut tué vers le fort Mafranc, et Figaro, au Cocotier du bac de Jérémie. Férou confia a Bergerac Trichet le commandement de la 18e et l’insurrection contre Dessalines fut proclamée, Lhérisson, qui avait été chargé de vérifier le titres des propriétés dans la Grand’ Anse, avait soulevé contre lui, à Jérémie, autant de passions qu'Inginac aux Cayes. Thomas Durocher, inspecteur de culture, l'arracha à la mort, l'embarqua à Testas, habitation près de la ville, et l'envoya à Pestel dans un canot. Lhérisson traversa les Etroits, petit isthme près de Pestel, et atteignit le bourg du Petit-Trou ou il put se cacher. Ainsi le pays était soulevé de Tiburon au Port-au-Prince. Christophe dans le Nord avait une attitude calme et pleine de réserve, et une grande insubordination régnait dans les troupes de l'Artibonite. Ceux des soldats de la 4e cantonnée à Marchand, qui étaient natifs de l'Arcahaie et du Port-au-Prince, songeaient déjà à déserter.
Dessalines était à Marchand quand il avait appris par les lettres de Papalier, de Lafleur, de Gérin, de Lamarre, de Yayou et de Pétion, la nouvelle de la révolte de Mécerou, à Garata. Il s'était écrié : "Je veux que mon cheval marche dans le sang jusqu'à Tiburon (1). Ignorant que Christophe eut été proclamé le chef de l'insurrection, il lui avait écrit de se tenir prêt à entrer en campagne. Il avait aussi envoyé l'ordre au général Pétion de marcher contre les Cayes à la tête des troupes de la seconde division de l’Ouest. Pour la première fois, un frémissement de grave inquiétude s'était saisi de son entourage. Chacun avait le pressentiment qu'il était parvenu au terme de sa carrière. Il confia le commandement de Marchand au ministre des Finances, Vernet, et en partit, le 15 octobre, avec une faible escorte, après avoir ordonné aux 1er et 2e bataillons de la 4e demi-brigade de le suivre de près. Il se rendait au Port-au-Prince ou il devait établir son quartier général, en y attendant la réunion des troupes de l'Artibonite et du Nord. Lui-même, quoiqu'il fut dans une violente agitation, paraissait encore plein de confiance en son étoile. Il était accompagné des généraux Mentor, Bazelais, de Dupuy, de Boisrond Tonnerre, des colonels Roux, Charlotin Marcadieux et de plusieurs autres officiers supérieurs. Quand il arriva à St-Marc, il ordonna au 3e bataillon de la 4e de prendre la route de Port-au-Prince. Au sortir de St-Marc, il rencontra au milieu de la route Delpêche, un de ses aides de camp, qui était parti du Petit-Goave, pour venir le rejoindre, fuyant l'insurrection comme nous l'avons vu. Celui-ci l'exhorta à n'entrer au Port-au-Prince qu'à la tête d'une armée. Sans lui demander aucun renseignement sur ce qu'il avait laissé derrière lui, il lui dit avec fureur qu'il était un traitre, et lui commanda de sortir de sa présence, lui déclarant qu'il ne voulait plus le voir. Il continua sa route, conduit par une inexorable fatalité. Delpêche, consterné, s'achemina sur St-Marc, y entra, changea de monture, et guidé par une aveugle fidélité, s'élança à la suite de l'empereur: mais avant qu'il l'eut atteint, il fut baïonnetté vers Lanzac, par des soldats de la 4e qui suivaient la grande route, sous les ordres du colonel Jean-Louis Longuevalle. En entrant à l'Arcahaie, Dessalines découvrit vers le Sud une épaisse fumée. "En ce moment, dit-il, mon compère Pétion donne du feu aux révoltés." Tant était grande sa confiance en ce général qui déjà avait passé aux insurgés. Il ordonna au colonel Thomas et au chef de bataillon Gédéon de partir pour le Port-au-Prince et de l’attendre au Pont-Rouge à un demi -mille de cette ville, avec les six compagnies d'élite de la 3e demi-brigade qui tenait garnison à l'Arcahaie. En expédiant ces deux officiers, il leur demanda. ainsi qu'au capitaine Nazerre, s'ils se sentaient le cœur de marcher dans le sang jusqu'aux Cayes. Ils lui repondirent qu'ils s'efforceraient de ne pas faillir dans ces mares de sang. Il ajouta que bientot le département du Sud serait une telle solitude qu'on n'y entendrait même plus le chant du coq. Thomas et Gédéon prirent la route du Port-au-Prince, distant de douze lieues de l'Arcahaie, à trois heures de l'après-midi du 16. Vers dix heures du soir, ils étaient parvenus à un mille du Pont-Rouge. Un voyageur, qui les précédait, entra au Port-au-Prince, et annonça qu'un bataillon de la 3e demi-brigade, formant l'avant-garde de Dessalines, s'avançait pour entrer en ville. Les generaux Gérin, Vaval et Yayou se transportèrent aussitot à la rencontre de la 3e qui marchait à la débandade, par petits peloton à des distances irregulières les uns des autres. Le soldat de la 3e, dont Pétion etait la boussole, causant le long la route avec les cultivateurs, savait ce qu'ignoraient -chefs; mais il hatait sa marche pour avoir le temps de se rendre aux insurgés avant l'arrivée de l'empereur. Gérin, Yayou et Vaval firent entrer en ville successivement, les divers détachements que formaient le bataillon d'elite, au fur et à mesure qu'ils se présentaient au pont. Quand le colonel Thomas et le chef de bataillon Gédéon y parvinrent à leur tour, ils furent faits prisonniers. Ils declarèrent énergiquement à Gérin qu'ils ne prendraient une détermination qu'après avoir vu le général Pétion et s'être abouchés avec lui. Gérin leur dit: "II n'y a pas à balancer; choisissez entre la mort ou votre adhesion à la révolution." On les conduisit auprès de Pétion, au bureau de la division militaire. Le colonel Thomas qui montra de l'hésitation à se prononcer contre Dessalines fut consigné au bureau de la place, et le chef de bataillon Gédéon qui accueillit franchement l'insurrection fut aussitot placé à la tête de la 3e que Pétion avait rangée en bataille sur la place Valliere, lui donnant un témoignage de sa confiance en ne la desarmant pas.
Gédéon fit savoir à Gérin que l'empereur lui avait ordonné de l'attendre au Pont-Rouge; il ajouta qu'il lui avait dit, qu'avant d'entrer au Port-au-Prince, il voulait le decouvrir debout à ce poste.
Sur les instances de Gérin, il se deshabilla et donna son uniforme à un officier adjudant-major de la 21e de Léogane, de la même corpulence que lui. Pour mieux attirer Dessalines dans le piège, Gérin plaça cet officier au Pont Rouge, à la tête d'un bataillon de la 15e. II était minuit.
Au même instant, une députation des cultivateurs de la plaine du Cul-de-Sac, entra au Port-au-Prince, et demanda au général Pétion la mort de Dessalines et de Germain Frère. Elle annonça que les cultivateurs surveilleraient la plaine et laisseraient l'empereur ignorer totalement les mesures qui avaient été prises contre lui au Port-au-Prince. Elle se retira comblée de felicitations. Les troupes demeurèrent échelonnées le long de la grande route, du portail St-Joseph au Pont.
(1) Le point le plus eloigne du département du Sud.
Dessalines était à Marchand quand il avait appris par les lettres de Papalier, de Lafleur, de Gérin, de Lamarre, de Yayou et de Pétion, la nouvelle de la révolte de Mécerou, à Garata. Il s'était écrié : "Je veux que mon cheval marche dans le sang jusqu'à Tiburon (1). Ignorant que Christophe eut été proclamé le chef de l'insurrection, il lui avait écrit de se tenir prêt à entrer en campagne. Il avait aussi envoyé l'ordre au général Pétion de marcher contre les Cayes à la tête des troupes de la seconde division de l’Ouest. Pour la première fois, un frémissement de grave inquiétude s'était saisi de son entourage. Chacun avait le pressentiment qu'il était parvenu au terme de sa carrière. Il confia le commandement de Marchand au ministre des Finances, Vernet, et en partit, le 15 octobre, avec une faible escorte, après avoir ordonné aux 1er et 2e bataillons de la 4e demi-brigade de le suivre de près. Il se rendait au Port-au-Prince ou il devait établir son quartier général, en y attendant la réunion des troupes de l'Artibonite et du Nord. Lui-même, quoiqu'il fut dans une violente agitation, paraissait encore plein de confiance en son étoile. Il était accompagné des généraux Mentor, Bazelais, de Dupuy, de Boisrond Tonnerre, des colonels Roux, Charlotin Marcadieux et de plusieurs autres officiers supérieurs. Quand il arriva à St-Marc, il ordonna au 3e bataillon de la 4e de prendre la route de Port-au-Prince. Au sortir de St-Marc, il rencontra au milieu de la route Delpêche, un de ses aides de camp, qui était parti du Petit-Goave, pour venir le rejoindre, fuyant l'insurrection comme nous l'avons vu. Celui-ci l'exhorta à n'entrer au Port-au-Prince qu'à la tête d'une armée. Sans lui demander aucun renseignement sur ce qu'il avait laissé derrière lui, il lui dit avec fureur qu'il était un traitre, et lui commanda de sortir de sa présence, lui déclarant qu'il ne voulait plus le voir. Il continua sa route, conduit par une inexorable fatalité. Delpêche, consterné, s'achemina sur St-Marc, y entra, changea de monture, et guidé par une aveugle fidélité, s'élança à la suite de l'empereur: mais avant qu'il l'eut atteint, il fut baïonnetté vers Lanzac, par des soldats de la 4e qui suivaient la grande route, sous les ordres du colonel Jean-Louis Longuevalle. En entrant à l'Arcahaie, Dessalines découvrit vers le Sud une épaisse fumée. "En ce moment, dit-il, mon compère Pétion donne du feu aux révoltés." Tant était grande sa confiance en ce général qui déjà avait passé aux insurgés. Il ordonna au colonel Thomas et au chef de bataillon Gédéon de partir pour le Port-au-Prince et de l’attendre au Pont-Rouge à un demi -mille de cette ville, avec les six compagnies d'élite de la 3e demi-brigade qui tenait garnison à l'Arcahaie. En expédiant ces deux officiers, il leur demanda. ainsi qu'au capitaine Nazerre, s'ils se sentaient le cœur de marcher dans le sang jusqu'aux Cayes. Ils lui repondirent qu'ils s'efforceraient de ne pas faillir dans ces mares de sang. Il ajouta que bientot le département du Sud serait une telle solitude qu'on n'y entendrait même plus le chant du coq. Thomas et Gédéon prirent la route du Port-au-Prince, distant de douze lieues de l'Arcahaie, à trois heures de l'après-midi du 16. Vers dix heures du soir, ils étaient parvenus à un mille du Pont-Rouge. Un voyageur, qui les précédait, entra au Port-au-Prince, et annonça qu'un bataillon de la 3e demi-brigade, formant l'avant-garde de Dessalines, s'avançait pour entrer en ville. Les generaux Gérin, Vaval et Yayou se transportèrent aussitot à la rencontre de la 3e qui marchait à la débandade, par petits peloton à des distances irregulières les uns des autres. Le soldat de la 3e, dont Pétion etait la boussole, causant le long la route avec les cultivateurs, savait ce qu'ignoraient -chefs; mais il hatait sa marche pour avoir le temps de se rendre aux insurgés avant l'arrivée de l'empereur. Gérin, Yayou et Vaval firent entrer en ville successivement, les divers détachements que formaient le bataillon d'elite, au fur et à mesure qu'ils se présentaient au pont. Quand le colonel Thomas et le chef de bataillon Gédéon y parvinrent à leur tour, ils furent faits prisonniers. Ils declarèrent énergiquement à Gérin qu'ils ne prendraient une détermination qu'après avoir vu le général Pétion et s'être abouchés avec lui. Gérin leur dit: "II n'y a pas à balancer; choisissez entre la mort ou votre adhesion à la révolution." On les conduisit auprès de Pétion, au bureau de la division militaire. Le colonel Thomas qui montra de l'hésitation à se prononcer contre Dessalines fut consigné au bureau de la place, et le chef de bataillon Gédéon qui accueillit franchement l'insurrection fut aussitot placé à la tête de la 3e que Pétion avait rangée en bataille sur la place Valliere, lui donnant un témoignage de sa confiance en ne la desarmant pas.
Gédéon fit savoir à Gérin que l'empereur lui avait ordonné de l'attendre au Pont-Rouge; il ajouta qu'il lui avait dit, qu'avant d'entrer au Port-au-Prince, il voulait le decouvrir debout à ce poste.
Sur les instances de Gérin, il se deshabilla et donna son uniforme à un officier adjudant-major de la 21e de Léogane, de la même corpulence que lui. Pour mieux attirer Dessalines dans le piège, Gérin plaça cet officier au Pont Rouge, à la tête d'un bataillon de la 15e. II était minuit.
Au même instant, une députation des cultivateurs de la plaine du Cul-de-Sac, entra au Port-au-Prince, et demanda au général Pétion la mort de Dessalines et de Germain Frère. Elle annonça que les cultivateurs surveilleraient la plaine et laisseraient l'empereur ignorer totalement les mesures qui avaient été prises contre lui au Port-au-Prince. Elle se retira comblée de felicitations. Les troupes demeurèrent échelonnées le long de la grande route, du portail St-Joseph au Pont.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Le 17 octobre, a cinq heures du matin, l'empereur partit de l'Arcahaie avec son état-major seulement, car la 4e qui eut pu l'accompagner avait reçu l'ordre de rétrograder jusqu'à Montrouis, pour y être habillée. Il rencontra, dans le grand chemin, de nombreux cultivateurs qui sortaient du Port-au-Prince. Il leur demanda ce qu'il y avait de nouveau en cette ville; ils lui répondirent tous qu'il n'y avait rien d'extraordinaire. Il continua à cheminer, plein de confiance, voyant autour de lui la plaine parfaitement calme. Les arbres qui bordaient la route, les chevaux des laboureurs, les clochers des sucreries, tout paraissait attentif. Quand il parvint à Drouillard, habitation à une lieue de la ville, ou il y avait un atelier considérable, il n'entendit aucun cri qui annonçât la révolte. Bientôt il découvrit le Pont-Rouge. Il était neuf heures du matin. Il dit a Boisrond Tonnerre : "Ne vois-tu pas Gédéon au milieu du Pont? Combien n'est-il pas l'esclave de la discipline! Je le récompenserai." Il était déjà dans l'embuscade qui se prolongeait au-delà du pont, longeant le coté de la route, à une certaine profondeur dans les bois. Le colonel Leger, de son état-major, officier du Sud, lui dit: "Mais, sire, je ne crois pas me tromper; ce sont des troupes du Sud".— "Non, répond l'empereur, que seraient-elles venues chercher ici ?"
Au même instant un roulement général de tambours retentit dans les bois qui bordaient la grande route. Dessalines ! Dessalines ! Ce cri passe de bouche en bouche avec la rapidité de l'éclair. Une sombre inquiétude se saisit du Port-au-Prince. L'effroi serre la plupart des cœurs. Les généraux Gérin, Yayou et Vaval, l'adjudant-général Vernet et plusieurs autres officiers supérieurs, accourent vers le lieu de l'embuscade, les uns à cheval, d'autres à pied. Un profond silence s'établit ensuite; le mouvement de la vie s'était arrêté dans les artères de la cité.
Dessalines se voit trahi; il est au milieu des 15e et 16e demi-brigades du Sud. II entend le commandement d'apprêter les armes, et les cris de : "Halte empereur! Halte empereur!" Il s'élance, à cheval, au milieu des baïonnettes avec cette intrépidité qu'il a montrée dans mille combats. "Soldats, s'écrie-t-il, ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis l'empereur! Que voulez-vous ? Qu'êtes-vous venus chercher ici ?" Il se saisit de sa canne, qui est suspendue à ses cotés, frappe de toutes parts, écarte les baïonnettes dirigées contre lui. Il s'avance toujours à travers les rangs, et les troupes saisies de terreur, à l'aspect de sa face foudroyante, n'osent tirer sur lui. C'est en vain que le commandant Antoine Lespérance, chef du premier bataillon de la 15e, crie : Feu! Feu! Les soldats commencent à se débander. Enfin, un sous-officier, Duverger, ordonne à un jeune soldat de la 15e, nomme Garat, de tirer. Celui-ci lâche son coup de fusil; l'empereur, qui n'est pas atteint, continue sa marche avec ardeur. Au même instant, un autre coup de feu part des rangs de la 16e. Au bruit de cette dernière détonation, les soldats s'arrêtent, et Dessalines tombe sous une décharge générale de mousqueterie. Il s'écrie : "A mon secours, Charlotin!" Le colonel Charlotin Marcadieux se précipite sur lui et le couvre de son corps; mais il expire, la tête fendue d'un coup de sabre du chef d'escadron Delaunay, officier du Sud. Dévouement sublime que l'histoire, dans sa justice toujours infaillible, couronnera éternellement. Dessalines est achevé par trois coups de poignard que lui porte le général Yayou. Les deux pistolets du général Vaval rentrent sur lui; il est dépouillé; on lui coupe les doigts; on lui enlève les pierreries qui ornent sa main; on ne lui laisse que son caleçon. Yayou ordonne à quelques grenadiers d'enlever le cadavre. Les soldats n'obéirent que contraints par la force de la discipline qui, dans cette affreuse circonstance, régnait néanmoins souveraine dans l'armée : ils disaient que Dessalines avait été un sorcier. Yayou en le plaçant sur les fusils disposés en brancard, s'écria : "Qui dirait que ce petit misérable, il n'y a qu'un quart d'heure, faisait trembler tout Haïti.'"
La plupart des officiers de l'état-major de l'empereur avaient fui lorsqu'il était tombé. Dessalines mort, aucune arme n'avait été dirigée contre eux. Mentor, un de ses favoris, s'écria : "Le tyran est abattu, vive la Liberté ! vive l’Egalité!" On transporte le corps en ville; maintes fois on le laisse tomber, et chaque fois, la foule se ruant sur le cadavre, le lapide et le hache à coups de sabre; enfin il est jeté au milieu de la place du gouvernement. La figure n'était plus reconnaissable; le crane était brise, les pieds, les mains étaient coupés. Des marchands américains, étrangers aux violentes passions du moment, se hâtèrent d'acheter, au poids de l’or, plusieurs de ses doigts. Ils attachaient aux reliques du fondateur de notre Indépendance une importance que l’Haïtien ne sentait pas alors, transporté d'horribles fureurs. Les circonstances de cet événement qui rappellent les septembrisades de la ville de Paris, les Théroigne de Méricourt, ne méritent qu'une profonde réprobation. La chute de Dessalines était devenue inévitable à cause des excès auxquels il se livrait, à cause de la violation des droits les plus sacrés et des citoyens, et des soldats, ses vieux compagnons d'armes, qui l'avaient porté au faite des grandeurs. Mais après l'avoir abattu, tolérer qu'on se livrât sur son cadavre à de telles horreurs!... L'histoire flétrira toujours ces scènes infâmes qui ne doivent être souffertes en aucune circonstance. La morale condamne déjà bien assez l'assassinat politique exercé sur les êtres, même les plus criminels, pour qu'on ne l'accompagne pas de circonstance qui font frémir l'humanité.
Pendant que de nombreux enfants, au milieu de grands cris de joie, criblaient de coups de pierre les restes informes de Dessalines, sur la place du gouvernement, une vieille femme folle, nommée Défilée, vint à passer. Elle s'approcha de l'attroupement que formaient les enfants, êtres innocents qui se livrent au bien comme au mal, selon l'impulsion qu'on leur donne, et demanda ce que c'était. On lui dit que c'était Dessalines. Ses yeux égarés devinrent calmes tout à coup; une lueur de raison brilla sur ses traits, Elle alla à la course chercher un sac, revint sur la place, y mit ces restes ensanglantés et les transporta au cimetière intérieur de la ville, Le général Pétion y envoya quelques militaires qui, pour une modique somme, les enterrèrent. Plusieurs années après, par les soins pieux de Madame Inginac, une tombe fut élevée sur la fosse. On lit aujourd'hui sur cette tombe : "Ci-git Dessalines, mort a 48 ans." Pendant bien des années, à la fête de la Toussaint, une main inconnue alluma une bougie au pied de la tombe,
Le général Germain Frère fut horriblement assassiné dans la prison; et une pièce intitulée Relation de la campagne haïtienne contre la tyrannie fut publiée. Elle était signée de E. Gérin, de Pétion, de Yayou, de Vaval, de Bonnet Il y était dit: "II y a eu de la part de l'ennemi quelques blessés, et de notre coté un seul homme de tué." Gérin, malgré la protestation des révolutionnaires contre la Constitution de 1805, continuait à porter le titre de ministre de la Guerre et de la Marine. C'est à cause de ce titre, qu'après sa prise d'armes contre cette Constitution, il avait pris le commandement en chef de l'armée, à son arrivée au Port-au-Prince, le 16 octobre. Le dévouement de Charlotin Marcadieux avait excité une admiration générale. Le peuple et l'armée assistèrent à ses funérailles qui furent magnifiques. Pendant la cérémonie funèbre, le général Pétion, jetant un regard courroucé sur Mentor et Boisrond Tonnerre, dit que Charlotin avait été le seul des favoris de Dessalines qui n'eut pas cherché à l'égarer.
La joie fut presque universelle; les soldats et les citoyens qui remplissaient les rues, chantaient, dansaient, buvaient; on s'y pressait; on se serrait cordialement la main; on s'appelait frères. Cependant quelques hommes, quoique heureux de l'événement qui venait de s'accomplir, éprouvaient de grandes inquiétudes. On avait proclamé le général Christophe chef du gouvernement, et beaucoup de citoyens craignaient que son système ne fut tout aussi sanglant. L'avenir sombre présageait de longues guerres intestines, car chacun allait donner de l’essor à son ambition. Pétion, quoiqu'il n'eut pas pris le commandement de l'armée révolutionnaire, était l'objet de l'attention générale. En parcourant le front de la 12e demi-brigade, il entendit les soldats s'écrier : Vive le général Pétion ! Il s'arrêta et dit aux troupes : "Ce n'est pas vive le général Pétion que vous devez crier, mais bien, vive le général Christophe".
Jean-Jacques Dessalines naquit à la Grande-Rivière, département du Nord d'Haïti, en 1758. Le système colonial, qu'a détruit notre révolution, si sainte par ses principes, le maintint en servitude jusqu'en 1791. Alors âgé de trente-trois ans, il conquit sa liberté, au travers des torrents de sang et d'immenses embrasements, confondu dans les rangs d'une des bandes qui formaient les gros bataillons de Bouckman et de Jeannot. Il servit ensuite, sous les ordres de Jean-François et de Biassou, et combattit les planteurs qui luttèrent sans succès pendant deux ans, contre le torrent des bandes héroïques et dévastatrices de la province du Nord. Il avait connu Ogé et Chavannes en 1790; il avait été témoin de la formation de leur attroupement, il les avait entendus proclamer les droits de l'homme, les avait vus lancer le premier coup au colosse colonial et avait admiré leur généreux dévouement. Il pleura sur leur triste sort, comme il eut l'occasion de le dire, plusieurs fois, quand il devint chef d'Etat; et après leur horrible exécution, il fut maintes fois l'agent des contumaces de ce sanglant épisode de notre histoire, qui, refugiés dans les bois les plus retirés, communiquaient, par des émissaires, avec les ateliers qu'ils poussaient à la révolte. Plusieurs d'entre eux, retirés au sommet des montagnes, lui donnèrent souvent des instructions, à cette époque.
Ses instincts le portèrent à abandonner la cause de Sa Majesté Catholique, et a suivre Toussaint Louverture pour se rallier à la République française, dont les commissaires avaient proclamé la liberté générale. Au grade de capitaine, il se fit dès lors invariablement remarquer par une haine implacable contre le parti colonial. Quand les troupes franches, composées de Noirs et d'hommes de couleur, furent organisées, il fut promu au grade de chef de bataillon, en octobre 1794, par le gouverneur Laveaux, sur la demande de Toussaint Louverture, le même jour que Clervaux et Maurepas. En 1795, il devint colonel de la 4e coloniale, et en 1797, général de brigade. Il combattit les Anglais avec une rare activité, sous les ordres de Toussaint, et contribua puissamment à leur expulsion de l'Artibonite, pendant que Villate les contenait dans le Nord, Bauvais dans l'Ouest et que Rigaud les chassait du Sud.
Aussitôt après l'évacuation des Anglais, il vit avec douleur Toussaint Louverture se placer sous l'influence des colons.
Aussi, pendant la guerre civile et après la chute de Rigaud, arracha-t-il à la mort une foule de braves appartenant au parti qui avait été terrassé. Le colon, nourrissant l'espoir de réasservir le Noir, l'affaiblissait, en le poussant à des immolations d'hommes de couleur.
Les pertes qu'avait éprouvées le pays par la guerre civile, les divisions, les haines qu'elle avait fait naitre favorisèrent le triomphe des armes liberticides de la Métropole. Dessalines reconnut que les Français n'avaient obtenu leurs succès qu’à la faveur des divisions qui avaient, pour ainsi dire, séparé en deux camps, les Noirs et les hommes de couleur. Il conçut la généreuse et salutaire pensée, après la déportation de Toussaint Louverture, de réunir les deux castes dont les intérêts étaient les mêmes, et de les opposer, en un seul corps, à nos oppresseurs. Ce fut l'idée fixe et persévérante de toute sa vie. Et de même que Toussaint, sous l’influence du colon qui abhorrait le Mulâtre, personnifia le principe de la suprématie noire à St-Domingue, Dessalines personnifia l'alliance du Noir avec le Jaune en Haïti. Ecoutons le fondateur de notre Independence : "Noirs et jaunes que la duplicité raffinée des européens à chercher si longtemps à diviser, vous ne faites aujourd'hui qu'un seul tout, qu'une seule famille; n'en doutez pas, votre parfaite réconciliation avait besoin d'être scellée du sang de nos bourreaux. Maintenez votre précieuse concorde, cette heureuse harmonie parmi vous; c'est le gage de votre bonheur, de votre salut, de vos succès : c'est le secret d'être invincibles."
Dessalines avait compris, mieux que Toussaint, ce qu'il y a de dévouement natif de la part de l'homme de couleur envers le Noir.
Au même instant un roulement général de tambours retentit dans les bois qui bordaient la grande route. Dessalines ! Dessalines ! Ce cri passe de bouche en bouche avec la rapidité de l'éclair. Une sombre inquiétude se saisit du Port-au-Prince. L'effroi serre la plupart des cœurs. Les généraux Gérin, Yayou et Vaval, l'adjudant-général Vernet et plusieurs autres officiers supérieurs, accourent vers le lieu de l'embuscade, les uns à cheval, d'autres à pied. Un profond silence s'établit ensuite; le mouvement de la vie s'était arrêté dans les artères de la cité.
Dessalines se voit trahi; il est au milieu des 15e et 16e demi-brigades du Sud. II entend le commandement d'apprêter les armes, et les cris de : "Halte empereur! Halte empereur!" Il s'élance, à cheval, au milieu des baïonnettes avec cette intrépidité qu'il a montrée dans mille combats. "Soldats, s'écrie-t-il, ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis l'empereur! Que voulez-vous ? Qu'êtes-vous venus chercher ici ?" Il se saisit de sa canne, qui est suspendue à ses cotés, frappe de toutes parts, écarte les baïonnettes dirigées contre lui. Il s'avance toujours à travers les rangs, et les troupes saisies de terreur, à l'aspect de sa face foudroyante, n'osent tirer sur lui. C'est en vain que le commandant Antoine Lespérance, chef du premier bataillon de la 15e, crie : Feu! Feu! Les soldats commencent à se débander. Enfin, un sous-officier, Duverger, ordonne à un jeune soldat de la 15e, nomme Garat, de tirer. Celui-ci lâche son coup de fusil; l'empereur, qui n'est pas atteint, continue sa marche avec ardeur. Au même instant, un autre coup de feu part des rangs de la 16e. Au bruit de cette dernière détonation, les soldats s'arrêtent, et Dessalines tombe sous une décharge générale de mousqueterie. Il s'écrie : "A mon secours, Charlotin!" Le colonel Charlotin Marcadieux se précipite sur lui et le couvre de son corps; mais il expire, la tête fendue d'un coup de sabre du chef d'escadron Delaunay, officier du Sud. Dévouement sublime que l'histoire, dans sa justice toujours infaillible, couronnera éternellement. Dessalines est achevé par trois coups de poignard que lui porte le général Yayou. Les deux pistolets du général Vaval rentrent sur lui; il est dépouillé; on lui coupe les doigts; on lui enlève les pierreries qui ornent sa main; on ne lui laisse que son caleçon. Yayou ordonne à quelques grenadiers d'enlever le cadavre. Les soldats n'obéirent que contraints par la force de la discipline qui, dans cette affreuse circonstance, régnait néanmoins souveraine dans l'armée : ils disaient que Dessalines avait été un sorcier. Yayou en le plaçant sur les fusils disposés en brancard, s'écria : "Qui dirait que ce petit misérable, il n'y a qu'un quart d'heure, faisait trembler tout Haïti.'"
La plupart des officiers de l'état-major de l'empereur avaient fui lorsqu'il était tombé. Dessalines mort, aucune arme n'avait été dirigée contre eux. Mentor, un de ses favoris, s'écria : "Le tyran est abattu, vive la Liberté ! vive l’Egalité!" On transporte le corps en ville; maintes fois on le laisse tomber, et chaque fois, la foule se ruant sur le cadavre, le lapide et le hache à coups de sabre; enfin il est jeté au milieu de la place du gouvernement. La figure n'était plus reconnaissable; le crane était brise, les pieds, les mains étaient coupés. Des marchands américains, étrangers aux violentes passions du moment, se hâtèrent d'acheter, au poids de l’or, plusieurs de ses doigts. Ils attachaient aux reliques du fondateur de notre Indépendance une importance que l’Haïtien ne sentait pas alors, transporté d'horribles fureurs. Les circonstances de cet événement qui rappellent les septembrisades de la ville de Paris, les Théroigne de Méricourt, ne méritent qu'une profonde réprobation. La chute de Dessalines était devenue inévitable à cause des excès auxquels il se livrait, à cause de la violation des droits les plus sacrés et des citoyens, et des soldats, ses vieux compagnons d'armes, qui l'avaient porté au faite des grandeurs. Mais après l'avoir abattu, tolérer qu'on se livrât sur son cadavre à de telles horreurs!... L'histoire flétrira toujours ces scènes infâmes qui ne doivent être souffertes en aucune circonstance. La morale condamne déjà bien assez l'assassinat politique exercé sur les êtres, même les plus criminels, pour qu'on ne l'accompagne pas de circonstance qui font frémir l'humanité.
Pendant que de nombreux enfants, au milieu de grands cris de joie, criblaient de coups de pierre les restes informes de Dessalines, sur la place du gouvernement, une vieille femme folle, nommée Défilée, vint à passer. Elle s'approcha de l'attroupement que formaient les enfants, êtres innocents qui se livrent au bien comme au mal, selon l'impulsion qu'on leur donne, et demanda ce que c'était. On lui dit que c'était Dessalines. Ses yeux égarés devinrent calmes tout à coup; une lueur de raison brilla sur ses traits, Elle alla à la course chercher un sac, revint sur la place, y mit ces restes ensanglantés et les transporta au cimetière intérieur de la ville, Le général Pétion y envoya quelques militaires qui, pour une modique somme, les enterrèrent. Plusieurs années après, par les soins pieux de Madame Inginac, une tombe fut élevée sur la fosse. On lit aujourd'hui sur cette tombe : "Ci-git Dessalines, mort a 48 ans." Pendant bien des années, à la fête de la Toussaint, une main inconnue alluma une bougie au pied de la tombe,
Le général Germain Frère fut horriblement assassiné dans la prison; et une pièce intitulée Relation de la campagne haïtienne contre la tyrannie fut publiée. Elle était signée de E. Gérin, de Pétion, de Yayou, de Vaval, de Bonnet Il y était dit: "II y a eu de la part de l'ennemi quelques blessés, et de notre coté un seul homme de tué." Gérin, malgré la protestation des révolutionnaires contre la Constitution de 1805, continuait à porter le titre de ministre de la Guerre et de la Marine. C'est à cause de ce titre, qu'après sa prise d'armes contre cette Constitution, il avait pris le commandement en chef de l'armée, à son arrivée au Port-au-Prince, le 16 octobre. Le dévouement de Charlotin Marcadieux avait excité une admiration générale. Le peuple et l'armée assistèrent à ses funérailles qui furent magnifiques. Pendant la cérémonie funèbre, le général Pétion, jetant un regard courroucé sur Mentor et Boisrond Tonnerre, dit que Charlotin avait été le seul des favoris de Dessalines qui n'eut pas cherché à l'égarer.
La joie fut presque universelle; les soldats et les citoyens qui remplissaient les rues, chantaient, dansaient, buvaient; on s'y pressait; on se serrait cordialement la main; on s'appelait frères. Cependant quelques hommes, quoique heureux de l'événement qui venait de s'accomplir, éprouvaient de grandes inquiétudes. On avait proclamé le général Christophe chef du gouvernement, et beaucoup de citoyens craignaient que son système ne fut tout aussi sanglant. L'avenir sombre présageait de longues guerres intestines, car chacun allait donner de l’essor à son ambition. Pétion, quoiqu'il n'eut pas pris le commandement de l'armée révolutionnaire, était l'objet de l'attention générale. En parcourant le front de la 12e demi-brigade, il entendit les soldats s'écrier : Vive le général Pétion ! Il s'arrêta et dit aux troupes : "Ce n'est pas vive le général Pétion que vous devez crier, mais bien, vive le général Christophe".
Jean-Jacques Dessalines naquit à la Grande-Rivière, département du Nord d'Haïti, en 1758. Le système colonial, qu'a détruit notre révolution, si sainte par ses principes, le maintint en servitude jusqu'en 1791. Alors âgé de trente-trois ans, il conquit sa liberté, au travers des torrents de sang et d'immenses embrasements, confondu dans les rangs d'une des bandes qui formaient les gros bataillons de Bouckman et de Jeannot. Il servit ensuite, sous les ordres de Jean-François et de Biassou, et combattit les planteurs qui luttèrent sans succès pendant deux ans, contre le torrent des bandes héroïques et dévastatrices de la province du Nord. Il avait connu Ogé et Chavannes en 1790; il avait été témoin de la formation de leur attroupement, il les avait entendus proclamer les droits de l'homme, les avait vus lancer le premier coup au colosse colonial et avait admiré leur généreux dévouement. Il pleura sur leur triste sort, comme il eut l'occasion de le dire, plusieurs fois, quand il devint chef d'Etat; et après leur horrible exécution, il fut maintes fois l'agent des contumaces de ce sanglant épisode de notre histoire, qui, refugiés dans les bois les plus retirés, communiquaient, par des émissaires, avec les ateliers qu'ils poussaient à la révolte. Plusieurs d'entre eux, retirés au sommet des montagnes, lui donnèrent souvent des instructions, à cette époque.
Ses instincts le portèrent à abandonner la cause de Sa Majesté Catholique, et a suivre Toussaint Louverture pour se rallier à la République française, dont les commissaires avaient proclamé la liberté générale. Au grade de capitaine, il se fit dès lors invariablement remarquer par une haine implacable contre le parti colonial. Quand les troupes franches, composées de Noirs et d'hommes de couleur, furent organisées, il fut promu au grade de chef de bataillon, en octobre 1794, par le gouverneur Laveaux, sur la demande de Toussaint Louverture, le même jour que Clervaux et Maurepas. En 1795, il devint colonel de la 4e coloniale, et en 1797, général de brigade. Il combattit les Anglais avec une rare activité, sous les ordres de Toussaint, et contribua puissamment à leur expulsion de l'Artibonite, pendant que Villate les contenait dans le Nord, Bauvais dans l'Ouest et que Rigaud les chassait du Sud.
Aussitôt après l'évacuation des Anglais, il vit avec douleur Toussaint Louverture se placer sous l'influence des colons.
Aussi, pendant la guerre civile et après la chute de Rigaud, arracha-t-il à la mort une foule de braves appartenant au parti qui avait été terrassé. Le colon, nourrissant l'espoir de réasservir le Noir, l'affaiblissait, en le poussant à des immolations d'hommes de couleur.
Les pertes qu'avait éprouvées le pays par la guerre civile, les divisions, les haines qu'elle avait fait naitre favorisèrent le triomphe des armes liberticides de la Métropole. Dessalines reconnut que les Français n'avaient obtenu leurs succès qu’à la faveur des divisions qui avaient, pour ainsi dire, séparé en deux camps, les Noirs et les hommes de couleur. Il conçut la généreuse et salutaire pensée, après la déportation de Toussaint Louverture, de réunir les deux castes dont les intérêts étaient les mêmes, et de les opposer, en un seul corps, à nos oppresseurs. Ce fut l'idée fixe et persévérante de toute sa vie. Et de même que Toussaint, sous l’influence du colon qui abhorrait le Mulâtre, personnifia le principe de la suprématie noire à St-Domingue, Dessalines personnifia l'alliance du Noir avec le Jaune en Haïti. Ecoutons le fondateur de notre Independence : "Noirs et jaunes que la duplicité raffinée des européens à chercher si longtemps à diviser, vous ne faites aujourd'hui qu'un seul tout, qu'une seule famille; n'en doutez pas, votre parfaite réconciliation avait besoin d'être scellée du sang de nos bourreaux. Maintenez votre précieuse concorde, cette heureuse harmonie parmi vous; c'est le gage de votre bonheur, de votre salut, de vos succès : c'est le secret d'être invincibles."
Dessalines avait compris, mieux que Toussaint, ce qu'il y a de dévouement natif de la part de l'homme de couleur envers le Noir.
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Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
On va raconter maintenant notre guerre de l'indépendance
1803
Pendant que l'insurrection s'organisait de toutes parts et se concentrait sous une seule autorité, la domination française s'anéantissait rapidement. Les maladies avaient considérablement affaibli les équipages des bâtiments de guerre; le moral des matelots était abattu, et les marins qu'animaient des sentiments d'honneur étaient indignés d'être devenus geôliers, et d'être sans cesse témoins de scènes de carnage. L'amiral Latouche-Tréville, homme mou et efféminé dans nos climats, commandait les forces navales de St-Domingue. Se livrant à toutes sortes de voluptés au Mole St-Nicolas, il ne pouvait même pas se résoudre à donner la chasse aux pirogues indigènes qui, sortant des anses de la cote, attaquaient hardiment les navires marchands et les capturaient. Cependant il demandait sans cesse des grades pour les enseignes de vaisseaux et une foule d'autres officiers qui ne se livraient qu'à l'assassinat et a l'orgie. Le vaisseau amiral était encombré de captifs condamnés à être noyés. La plupart des officiers de marine spéculaient sur la position de ces infortunés auxquels ils prétendaient porter toutes sortes de sollicitudes. Ils invitaient leurs parents à leur envoyer, à bord, de l'argent, pour leur nourriture et leur habillement. Souvent en quelques jours, ils recevaient des sommes considérables qu'ils s'appropriaient; car ceux auxquels cet argent était envoyé, avaient été noyés, le plus souvent, des le jour de leur arrivée sur l'escadre. Dans sa correspondance avec le ministre de la Marine, Décrès, Latouche-Tréville disait que la flotte rivalisait de zèle et de dévouement avec l'armée de terre. Cependant il terminait toujours ses lettres en demandant du repos au gouvernement. Décrès, lui répondait que le Premier Consul, prenant en considérations les services qu'il avait rendus, pensait qu'il serait injuste de le remplacer pendant que St-Domingue était encore en insurrection. Ces réponses quoique flatteuses ne contentaient pas Latouche-Tréville qui, devenu riche, craignait qu'un long séjour à St-Domingue ne compromit sa fortune.
Rochambeau, de son coté, s'efforçait de relever le courage des troupes de terre. Il publia que le Premier Consul avait envoyé des félicitations au général Clausel pour la reprise du Fort-Liberté, au général Brunet pour sa conduite au Mole contre les brigands, et au colonel Néraud pour l’énergie qu'il avait déployée dans la plaine du Cul-de-sac. Néraud, devenu adjudant-commandant, fut attaché à l’état-major du capitaine-général.
Les 11e et 15e demi-brigades d'infanterie légère, les 7e, 31e et 86e d'infanterie de bataille furent réduites à deux bataillons chacune. Rochambeau avait reçu un Arrêté des Consuls de la République, en date du 27 Frimaire an II, (18 décembre 1802), par lequel la formation d'un troisième bataillon de chacun de ces corps avait été ordonnée en France.
Les troupes européennes avaient été tellement moissonnées par le fer et la peste que Rochambeau se vit contraint de réunir plusieurs demi-brigades en une seule. Sept bataillons ne purent fournir qu'une force effective de mille hommes. Les débris des 14e, 19e, 15e, 3e, 7e, 28e, 30e, 74e, 77e, 83e, 60e, 20e, 23e, 90e, 71e, 79e, 68e, 2e, furent incorporés dans neuf demi-brigades: les 5e, 11e, 7e, 31e, 86e, 90e, la légion de St-Domingue, ci-devant expéditionnaire, la légion du Cap, ci-devant légion de la Loire, et la 114e. Les drapeaux des corps dont les numéros n'existaient plus furent expédiés au chef de l'état-major général qui les envoya en France au ministre de la Guerre.
Les neuf demi-brigades qui formaient à présent l'armée française étaient dispersées sur différents points de l’île. La 5e légère était cantonnée au Port-Républicain et à la Croix-des-Bouquets. Le colonel Pesquidou commandait à St-Marc la légion expéditionnaire; la 86e commandée par Lacroix et la demi-brigade polonaise étaient cantonnées dans le département du Sud; la 11e légère, sous les ordres de Dubreton, les 7e, et 11e, de ligne, sous les ordres du colonel Anhouil formaient la garnison du Cap dont l'arrondissement était commandé par le général Clausel; la 31e était cantonnée au Mole, et la légion du Cap fut envoyée à Sto-Domingo sous les ordres du général Kerverseau.
A mesure qu'un bataillon arrivait de France, il était incorporé dans la demi-brigade la plus faible. Le bataillon helvétique avait été incorporé dans la 5e légère. La 3e et la 4e légion de gendarmerie étaient entrées dans la garde d'honneur du capitaine-général.
Comme les campagnes étaient presque de toutes parts en insurrection, les Français ne recevaient plus, pour ainsi dire, aucun produit de l'intérieur; le commerce était presque nul; les habitants des villes ne faisaient plus d'échanges de denrées avec la Métropole; ils payaient en argent les objets qu'apportaient les navires français et étrangers, consommaient leurs épargnes et se ruinaient. La famine se faisait déjà cruellement sentir dans les villes. Toutes les dépenses faites pour l'entretien de l'armée et de l'administration étaient soldées par le gouvernement de la Métropole pour lequel St-Domingue était une lourde charge. Quand les communications entre la France et la colonie deviendront plus difficiles, Rochambeau aura recours aux contributions forcées, et sévira rigoureusement contre les négociants blancs qu'il traitera alors d'anglomen.
Le capitaine-général faisait publier comme de grandes victoires de faibles avantages qu'obtenaient les Français dans le Nord.
Le général Quentin, qui commandait la division gauche du Nord, sortit du Fort-Liberté, en mars, à la tête de deux bataillons européens, et alla attaquer le fort de la Matellière et le bourg de Jacquezy qu'occupaient les indigènes, sous les ordres de Toussaint Brave. Le fort de la Matellière fut enlevé d'assaut, et soixante hommes qui y étaient enfermés furent passés au fil de l'épée. En même temps, Lecourte, adjudant attaché à la place du Fort-Liberté, trouvait une vive résistance à Jacquezy. Apres deux heures de combat, les indigènes lui cédèrent le terrain et se retirèrent à Caracolle, abandonnant une pièce de 8 au pouvoir des Français.
Depuis la descente de Jacques Louis à la Tortue, les indigènes de cette île entretenaient de continuelles relations avec Capoix. Ils recevaient des munitions par des embarcations qu'ils cachaient dans les bois du littoral pour les dérober à la vigilance des chaloupes canonnières qui visitaient fréquemment les anses de la petite île. Dans les premiers jours de mars, ils se soulevèrent de nouveau, égorgèrent les malades des hôpitaux et refoulèrent les Français dans les forts du rivage. Ils livrèrent aux flammes la plupart des habitations. Des que Rochambeau reçut la nouvelle de cette révolte, il envoya à la Tortue, sur une frégate, le chef d'escadron Lallemand, à la tête de 200 chasseurs de la 11e légère. L'expédition débarqua à la Basse Terre. Lallemand divisa sa troupe en deux colonnes; il en confia une au capitaine Baury qui marcha contre le Coquillage; lui-même à la tête de l'autre, pénétra dans le centre de l'île. Il tua aux indigènes, en deux rencontres, cinquante hommes, leur enleva vingt-cinq fusils et deux tambours. De son coté, le capitaine Baury les chassa du Coquillage et livra aux flammes leurs barges qui étaient cachées dans les bois. La tranquillité fut rétablie, et les Français conservèrent encore le seul asile qui restât à leurs malades.
Pendant cet intervalle, Cangé apprit que Geffrard, retiré dans les montagnes du Petit-Goave, depuis la défaite qu'il avait essuyée à l'Anse-a-Veau, était dans un état extrême de détresse, sans munitions, abandonné d'un grand nombre de ses gens et dans l'impuissance de reprendre l'offensive, s'il ne recevait pas de renforts. Il vola à son secours avec un escadron et un bataillon. Aussitôt après l’arrivée de ces renforts, Geffrard pénétra de nouveau dans le Sud, après avoir forcé le cordon de Miragoane que commandait le colonel Hyrto, et marcha sur Aquin. Presque toutes les troupes françaises étaient concentrées aux Cayes et à Jérémie. Quand il parvint près d'Aquin, il divisa son armée en trois colonnes. A midi, pendant que les Français se livraient au repos, Jean-Louis François, à la tête de la première colonne, attaqua un poste avancé qui couvrait la ville, et l'enleva. L'ennemi sortit d'Aquin et marcha à la rencontre des indigènes. Assaillis avec vigueur, les Français furent rompus et poursuivis jusqu'à l'entrée de la place. En même temps, le colonel Nérette qui sortait des Cayes entrait en ville. Il fit une vigoureuse sortie contre les dragons indigènes, et les repoussa, après leur avoir enlevé un drapeau. Mais dès qu'il aperçut Jean-Louis François qui s'avançait, au pas de charge, à la tête de l'infanterie, il abandonna le champ de bataille, et se retira sur le rivage de la mer ou il se retrancha. Geffrard négligeant d'assaillir sa position qui était formidable se résolut à opérer sa jonction avec Férou. Il se proposait ensuite d'aller assiéger les Cayes dont la chute devait entrainer celle des autres villes du Sud. Il se dirigea vers le quartier du Citronnier ou il y avait une forte garnison française. Le terrain lui fut disputé pied à pied, et il n'y arriva qu'après avoir traversé pendant une journée plusieurs embuscades. Les Français, étonnés de l'audace de sa marche, abandonnèrent leur position et rentrèrent aux Cayes. Geffrard campa au Citronnier et fit aussitôt annoncer à Férou son arrivée. En moins de quarante-huit heures, il vit se présenter devant lui plusieurs envoyés de Férou et de Vancol, les deux principaux chefs des indépendants du Sud. Ils lui annoncèrent qu'ils étaient chargés de lui offrir le commandement en chef de l'insurrection. Geffrard leur répondit: «Allez dire au commandant Férou que j'obéis aux ordres de Dessalines, et que je déploierai toute mon énergie pour faire respecter son autorité dans ce département. J'accepte son offre, s'il consent à reconnaitre Dessalines général en chef des armées indigènes.— "Votre parti est celui du commandant Férou, répliquèrent les députés; vous avez été, sous le général Rigaud, notre compagnon d'armes, et nous savons que vous ne pourriez servir une mauvaise cause." Les députés se retirèrent au milieu des applaudissements de toute l'armée et apportèrent à Férou des dépêches par lesquelles Geffrard l'engageait à venir se joindre à lui aux Quatre-Chemins à l'entrée des Cayes. Geffrard continua sa marche, et atteignit l'avant-garde de Férou sur l'habitation Bergeaud, près de la rivière de l'Ilet. Les deux armées indépendantes se confondirent sur l'habitation Charpentier, en poussant avec ivresse des cris d'enthousiasme. Tous ces guerriers étaient de vieux compagnons qui avaient combattu ensemble sous Rigaud; ils avaient été dispersés après le triomphe de Toussaint Louverture; c'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis la chute de Rigaud. Ils versèrent d'abondantes larmes et s'embrassèrent avec effusion. Férou reconnut solennellement l'autorité de Dessalines dont le nom cependant était en exécration dans le Sud. En cette circonstance, il sacrifia ses sentiments personnels à la cause de la liberté"; car en demeurant divisés, les indigènes n'auraient pu triompher de l'ennemi commun. Le général Geffrard avait obtenu le but auquel voulait parvenir Dessalines en l'envoyant dans le Sud. En représentant le général en chef à ses concitoyens sous des couleurs favorables, il calma les grandes animosités qui existaient contre lui. Pétion, de son coté, se soumettant à la prépondérance de Dessalines, avait dissipé les défiances de la population de l'Ouest, tant est puissante sur les masses l'influence des noms. Ainsi les départements du Sud, de l'Artibonite, du Nord et une partie de l'Ouest, étaient soumis a Dessalines; et les plaines du Cul-de-sac et de Léogane, quoique en apparence sous le commandement de Lamour Dérance, obéissaient à ses ordres. Les mornes de Jacmel et du Petit-Goave seuls étaient en réalité encore soumis a Lamour Dérance. Geffrard campa dans la plaine des Cayes et poussa ses avant-postes presque jusqu'aux portes de cette ville. La 86e de ligne, de 600 hommes, dans laquelle on avait fait entrer les débris de la 20e, une compagnie de 120 Polonais, les gardes nationales d'Aquin, de St-Louis, de Cavaillon, celle de la ville menacée, composaient la garnison des Cayes. Ces troupes fournissaient une force de 3000 hommes environ. L'inquiétude des Français était grande. Depuis que Geffrard avait pénétré dans le Sud, beaucoup d'indigènes s'étaient enfuis de la ville. Des murmures même se faisaient entendre contre les autorités. Le général Laplume excité par la municipalité" composée de colons se résolut à chasser les indigènes de la plaine. Le 6 mars, dans la matinée, il commanda à la compagnie polonaise de faire une sortie. Les Polonais atteignirent l'ennemi à la barrière de Charpentier. Férou qui y commandait fut culbuté. Geffrard qui occupait Bergeaud lui envoya un renfort de 200 hommes sous les ordres de Moreau ou Coco Herne. Les Européens assaillis vigoureusement furent refoulés dans la place, chargés par la cavalerie indigène. Dans cette action, les indépendants perdirent un officier de couleur, Raymond Benne, qui reçut la mort à la tête de la cavalerie.
1803
Pendant que l'insurrection s'organisait de toutes parts et se concentrait sous une seule autorité, la domination française s'anéantissait rapidement. Les maladies avaient considérablement affaibli les équipages des bâtiments de guerre; le moral des matelots était abattu, et les marins qu'animaient des sentiments d'honneur étaient indignés d'être devenus geôliers, et d'être sans cesse témoins de scènes de carnage. L'amiral Latouche-Tréville, homme mou et efféminé dans nos climats, commandait les forces navales de St-Domingue. Se livrant à toutes sortes de voluptés au Mole St-Nicolas, il ne pouvait même pas se résoudre à donner la chasse aux pirogues indigènes qui, sortant des anses de la cote, attaquaient hardiment les navires marchands et les capturaient. Cependant il demandait sans cesse des grades pour les enseignes de vaisseaux et une foule d'autres officiers qui ne se livraient qu'à l'assassinat et a l'orgie. Le vaisseau amiral était encombré de captifs condamnés à être noyés. La plupart des officiers de marine spéculaient sur la position de ces infortunés auxquels ils prétendaient porter toutes sortes de sollicitudes. Ils invitaient leurs parents à leur envoyer, à bord, de l'argent, pour leur nourriture et leur habillement. Souvent en quelques jours, ils recevaient des sommes considérables qu'ils s'appropriaient; car ceux auxquels cet argent était envoyé, avaient été noyés, le plus souvent, des le jour de leur arrivée sur l'escadre. Dans sa correspondance avec le ministre de la Marine, Décrès, Latouche-Tréville disait que la flotte rivalisait de zèle et de dévouement avec l'armée de terre. Cependant il terminait toujours ses lettres en demandant du repos au gouvernement. Décrès, lui répondait que le Premier Consul, prenant en considérations les services qu'il avait rendus, pensait qu'il serait injuste de le remplacer pendant que St-Domingue était encore en insurrection. Ces réponses quoique flatteuses ne contentaient pas Latouche-Tréville qui, devenu riche, craignait qu'un long séjour à St-Domingue ne compromit sa fortune.
Rochambeau, de son coté, s'efforçait de relever le courage des troupes de terre. Il publia que le Premier Consul avait envoyé des félicitations au général Clausel pour la reprise du Fort-Liberté, au général Brunet pour sa conduite au Mole contre les brigands, et au colonel Néraud pour l’énergie qu'il avait déployée dans la plaine du Cul-de-sac. Néraud, devenu adjudant-commandant, fut attaché à l’état-major du capitaine-général.
Les 11e et 15e demi-brigades d'infanterie légère, les 7e, 31e et 86e d'infanterie de bataille furent réduites à deux bataillons chacune. Rochambeau avait reçu un Arrêté des Consuls de la République, en date du 27 Frimaire an II, (18 décembre 1802), par lequel la formation d'un troisième bataillon de chacun de ces corps avait été ordonnée en France.
Les troupes européennes avaient été tellement moissonnées par le fer et la peste que Rochambeau se vit contraint de réunir plusieurs demi-brigades en une seule. Sept bataillons ne purent fournir qu'une force effective de mille hommes. Les débris des 14e, 19e, 15e, 3e, 7e, 28e, 30e, 74e, 77e, 83e, 60e, 20e, 23e, 90e, 71e, 79e, 68e, 2e, furent incorporés dans neuf demi-brigades: les 5e, 11e, 7e, 31e, 86e, 90e, la légion de St-Domingue, ci-devant expéditionnaire, la légion du Cap, ci-devant légion de la Loire, et la 114e. Les drapeaux des corps dont les numéros n'existaient plus furent expédiés au chef de l'état-major général qui les envoya en France au ministre de la Guerre.
Les neuf demi-brigades qui formaient à présent l'armée française étaient dispersées sur différents points de l’île. La 5e légère était cantonnée au Port-Républicain et à la Croix-des-Bouquets. Le colonel Pesquidou commandait à St-Marc la légion expéditionnaire; la 86e commandée par Lacroix et la demi-brigade polonaise étaient cantonnées dans le département du Sud; la 11e légère, sous les ordres de Dubreton, les 7e, et 11e, de ligne, sous les ordres du colonel Anhouil formaient la garnison du Cap dont l'arrondissement était commandé par le général Clausel; la 31e était cantonnée au Mole, et la légion du Cap fut envoyée à Sto-Domingo sous les ordres du général Kerverseau.
A mesure qu'un bataillon arrivait de France, il était incorporé dans la demi-brigade la plus faible. Le bataillon helvétique avait été incorporé dans la 5e légère. La 3e et la 4e légion de gendarmerie étaient entrées dans la garde d'honneur du capitaine-général.
Comme les campagnes étaient presque de toutes parts en insurrection, les Français ne recevaient plus, pour ainsi dire, aucun produit de l'intérieur; le commerce était presque nul; les habitants des villes ne faisaient plus d'échanges de denrées avec la Métropole; ils payaient en argent les objets qu'apportaient les navires français et étrangers, consommaient leurs épargnes et se ruinaient. La famine se faisait déjà cruellement sentir dans les villes. Toutes les dépenses faites pour l'entretien de l'armée et de l'administration étaient soldées par le gouvernement de la Métropole pour lequel St-Domingue était une lourde charge. Quand les communications entre la France et la colonie deviendront plus difficiles, Rochambeau aura recours aux contributions forcées, et sévira rigoureusement contre les négociants blancs qu'il traitera alors d'anglomen.
Le capitaine-général faisait publier comme de grandes victoires de faibles avantages qu'obtenaient les Français dans le Nord.
Le général Quentin, qui commandait la division gauche du Nord, sortit du Fort-Liberté, en mars, à la tête de deux bataillons européens, et alla attaquer le fort de la Matellière et le bourg de Jacquezy qu'occupaient les indigènes, sous les ordres de Toussaint Brave. Le fort de la Matellière fut enlevé d'assaut, et soixante hommes qui y étaient enfermés furent passés au fil de l'épée. En même temps, Lecourte, adjudant attaché à la place du Fort-Liberté, trouvait une vive résistance à Jacquezy. Apres deux heures de combat, les indigènes lui cédèrent le terrain et se retirèrent à Caracolle, abandonnant une pièce de 8 au pouvoir des Français.
Depuis la descente de Jacques Louis à la Tortue, les indigènes de cette île entretenaient de continuelles relations avec Capoix. Ils recevaient des munitions par des embarcations qu'ils cachaient dans les bois du littoral pour les dérober à la vigilance des chaloupes canonnières qui visitaient fréquemment les anses de la petite île. Dans les premiers jours de mars, ils se soulevèrent de nouveau, égorgèrent les malades des hôpitaux et refoulèrent les Français dans les forts du rivage. Ils livrèrent aux flammes la plupart des habitations. Des que Rochambeau reçut la nouvelle de cette révolte, il envoya à la Tortue, sur une frégate, le chef d'escadron Lallemand, à la tête de 200 chasseurs de la 11e légère. L'expédition débarqua à la Basse Terre. Lallemand divisa sa troupe en deux colonnes; il en confia une au capitaine Baury qui marcha contre le Coquillage; lui-même à la tête de l'autre, pénétra dans le centre de l'île. Il tua aux indigènes, en deux rencontres, cinquante hommes, leur enleva vingt-cinq fusils et deux tambours. De son coté, le capitaine Baury les chassa du Coquillage et livra aux flammes leurs barges qui étaient cachées dans les bois. La tranquillité fut rétablie, et les Français conservèrent encore le seul asile qui restât à leurs malades.
Pendant cet intervalle, Cangé apprit que Geffrard, retiré dans les montagnes du Petit-Goave, depuis la défaite qu'il avait essuyée à l'Anse-a-Veau, était dans un état extrême de détresse, sans munitions, abandonné d'un grand nombre de ses gens et dans l'impuissance de reprendre l'offensive, s'il ne recevait pas de renforts. Il vola à son secours avec un escadron et un bataillon. Aussitôt après l’arrivée de ces renforts, Geffrard pénétra de nouveau dans le Sud, après avoir forcé le cordon de Miragoane que commandait le colonel Hyrto, et marcha sur Aquin. Presque toutes les troupes françaises étaient concentrées aux Cayes et à Jérémie. Quand il parvint près d'Aquin, il divisa son armée en trois colonnes. A midi, pendant que les Français se livraient au repos, Jean-Louis François, à la tête de la première colonne, attaqua un poste avancé qui couvrait la ville, et l'enleva. L'ennemi sortit d'Aquin et marcha à la rencontre des indigènes. Assaillis avec vigueur, les Français furent rompus et poursuivis jusqu'à l'entrée de la place. En même temps, le colonel Nérette qui sortait des Cayes entrait en ville. Il fit une vigoureuse sortie contre les dragons indigènes, et les repoussa, après leur avoir enlevé un drapeau. Mais dès qu'il aperçut Jean-Louis François qui s'avançait, au pas de charge, à la tête de l'infanterie, il abandonna le champ de bataille, et se retira sur le rivage de la mer ou il se retrancha. Geffrard négligeant d'assaillir sa position qui était formidable se résolut à opérer sa jonction avec Férou. Il se proposait ensuite d'aller assiéger les Cayes dont la chute devait entrainer celle des autres villes du Sud. Il se dirigea vers le quartier du Citronnier ou il y avait une forte garnison française. Le terrain lui fut disputé pied à pied, et il n'y arriva qu'après avoir traversé pendant une journée plusieurs embuscades. Les Français, étonnés de l'audace de sa marche, abandonnèrent leur position et rentrèrent aux Cayes. Geffrard campa au Citronnier et fit aussitôt annoncer à Férou son arrivée. En moins de quarante-huit heures, il vit se présenter devant lui plusieurs envoyés de Férou et de Vancol, les deux principaux chefs des indépendants du Sud. Ils lui annoncèrent qu'ils étaient chargés de lui offrir le commandement en chef de l'insurrection. Geffrard leur répondit: «Allez dire au commandant Férou que j'obéis aux ordres de Dessalines, et que je déploierai toute mon énergie pour faire respecter son autorité dans ce département. J'accepte son offre, s'il consent à reconnaitre Dessalines général en chef des armées indigènes.— "Votre parti est celui du commandant Férou, répliquèrent les députés; vous avez été, sous le général Rigaud, notre compagnon d'armes, et nous savons que vous ne pourriez servir une mauvaise cause." Les députés se retirèrent au milieu des applaudissements de toute l'armée et apportèrent à Férou des dépêches par lesquelles Geffrard l'engageait à venir se joindre à lui aux Quatre-Chemins à l'entrée des Cayes. Geffrard continua sa marche, et atteignit l'avant-garde de Férou sur l'habitation Bergeaud, près de la rivière de l'Ilet. Les deux armées indépendantes se confondirent sur l'habitation Charpentier, en poussant avec ivresse des cris d'enthousiasme. Tous ces guerriers étaient de vieux compagnons qui avaient combattu ensemble sous Rigaud; ils avaient été dispersés après le triomphe de Toussaint Louverture; c'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis la chute de Rigaud. Ils versèrent d'abondantes larmes et s'embrassèrent avec effusion. Férou reconnut solennellement l'autorité de Dessalines dont le nom cependant était en exécration dans le Sud. En cette circonstance, il sacrifia ses sentiments personnels à la cause de la liberté"; car en demeurant divisés, les indigènes n'auraient pu triompher de l'ennemi commun. Le général Geffrard avait obtenu le but auquel voulait parvenir Dessalines en l'envoyant dans le Sud. En représentant le général en chef à ses concitoyens sous des couleurs favorables, il calma les grandes animosités qui existaient contre lui. Pétion, de son coté, se soumettant à la prépondérance de Dessalines, avait dissipé les défiances de la population de l'Ouest, tant est puissante sur les masses l'influence des noms. Ainsi les départements du Sud, de l'Artibonite, du Nord et une partie de l'Ouest, étaient soumis a Dessalines; et les plaines du Cul-de-sac et de Léogane, quoique en apparence sous le commandement de Lamour Dérance, obéissaient à ses ordres. Les mornes de Jacmel et du Petit-Goave seuls étaient en réalité encore soumis a Lamour Dérance. Geffrard campa dans la plaine des Cayes et poussa ses avant-postes presque jusqu'aux portes de cette ville. La 86e de ligne, de 600 hommes, dans laquelle on avait fait entrer les débris de la 20e, une compagnie de 120 Polonais, les gardes nationales d'Aquin, de St-Louis, de Cavaillon, celle de la ville menacée, composaient la garnison des Cayes. Ces troupes fournissaient une force de 3000 hommes environ. L'inquiétude des Français était grande. Depuis que Geffrard avait pénétré dans le Sud, beaucoup d'indigènes s'étaient enfuis de la ville. Des murmures même se faisaient entendre contre les autorités. Le général Laplume excité par la municipalité" composée de colons se résolut à chasser les indigènes de la plaine. Le 6 mars, dans la matinée, il commanda à la compagnie polonaise de faire une sortie. Les Polonais atteignirent l'ennemi à la barrière de Charpentier. Férou qui y commandait fut culbuté. Geffrard qui occupait Bergeaud lui envoya un renfort de 200 hommes sous les ordres de Moreau ou Coco Herne. Les Européens assaillis vigoureusement furent refoulés dans la place, chargés par la cavalerie indigène. Dans cette action, les indépendants perdirent un officier de couleur, Raymond Benne, qui reçut la mort à la tête de la cavalerie.
Maximo- Super Star
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Berger avait remarqué que les gardes nationaux indigènes donnaient mollement depuis quelque temps. Il sentit qu'il ne pouvait plus guère compter sur la milice qui n'applaudissait plus aux rigueurs du gouvernement. Cependant le nom de Dessalines était en horreur parmi les citoyens, et ils ne faisaient des vœux pour le triomphe des armés indigènes que parce qu'ils croyaient que Geffrard était indépendant de son autorité. Ils n'avaient aucun renseignement sur ce qui s'était passé à Charpentier. Ils convinrent en grand nombre de passer à l'ennemi à la première attaque que dirigerait le général Geffrard contre la place.
Les indépendants enhardis par le succès qu'ils avaient obtenu le 6, ignorant les dispositions des citoyens en leur faveur, ne comptant que sur leur propre valeur, s'approchèrent de la ville dans la nuit du 8 mars et l'attaquèrent sur tous les points, à cinq heures du matin. Le général Geffrard avait formé quatre colonnes de son armée. Cangé et Moreau, à la tête de la 1ere, s'efforçaient d'enlever le portail du grand chemin; Gérin et Jean-Louis François, à la tête de la deuxième, attaquaient les fosses du coté du fort Filet; Vancol, à la tête de la troisième, tentait de traverser la rivière Renaud; et Férou donnait assaut vers le poste Trousse-Cote. Berger et Laplume, excitant l'ardeur de la 86e et des Polonais, faisaient de toutes parts face à l'ennemi. Une partie de la garde nationale demandait, à grands cris, à faire une sortie par le grand chemin de la plaine; beaucoup de citoyens devaient se rendre à l’ennemi. Tout à coup l’on entendit s'élever des rangs des indigènes les cris mille fois répétés de Vive Dessalines! Les sympathies qu'on éprouvait pour les indépendants se changèrent en fureur. On crut que Dessalines en personne dirigeait l’attaque. En même temps, la colonne que commandaient Cangé et Moreau culbuta les Polonais qui gardaient le pont, pénétra dans la ville et se mit aussitôt à piller la première boutique qu'elle rencontra. Mais assaillie tout à coup, elle ne put résister au choc impétueux de la cavalerie et fut rejetée au delà du pont. Gerin, de son coté, faisait de prodigieux efforts pour franchir les fossés qui couvraient le poste l’Ilet; mais de vives décharges de mousqueterie et d'artillerie le contraignirent à abandonner le terrain. Il rallia les indigènes qui revinrent au combat avec tant d'audace que rien ne put arrêter leur élan; et le chef de bataillon Francisque planta un drapeau sur les remparts près du palais du gouvernement. Mais une batterie de six pièces de canon, tout à coup démasquée, vomit un feu si meurtrier sur les grenadiers indépendants, qu'ils furent obligés d'abandonner le poste dont ils s'étaient emparés. Francisque fut emporté par ses soldats, atteint d'un coup de mitraille à la cuisse. L'on se battait avec acharnement depuis cinq heures du matin; les indigènes n'avaient pas d'artillerie, et de toutes parts les boulets leur enlevaient des lignes entières. Vancol fut repoussé, après avoir tenté, plusieurs fois, de traverser la rivière Renaud. Geffrard voyant tomber ses meilleurs soldats commanda la retraite a 7 heures du matin. Il se retira en bon ordre au camp Gérard et se disposa à cerner la ville. Férou reçut l'ordre d'aller s'établir aux Coteaux pour intercepter les communications par terre que pourrait entretenir la garnison des Cayes avec celle de Tiburon.
Comme les munitions de guerre commençaient à manquer aux Cayes, le colonel Berger en envoya chercher à Jérémie par une goélette que montait le commandant Kerpoisson. Celui-ci parvenu à Jérémie chargea de poudre le navire et appareilla pour les Cayes. Après qu'il eut doublé le cap Tiburon, il vit la mer devenir calme et la goélette demeurer immobile. Bégon, homme de couleur, et Aoua, Noir, chefs de barges indigènes du Sud, se tenaient cachés dans les anses de la baie des Anglais. Des qu'ils aperçurent le bâtiment français, ils sortirent de la baie, à force de rames, avec quatre barges montées chacune de trente hommes. Malgré le feu des canons de la goélette, les indigènes l’abordèrent à la fusillade. Bégon et Aoua, armés chacun d'une hache, s'élancèrent dans le navire suivis de leurs matelots. L'on se battit corps à corps sur le pont. Les Français furent la plupart égorgés, et Kerpoisson fut fait prisonnier. Bégon l'envoya à Armand Berrault, commandant du poste établi aux Anglais. En voyant arriver, fortement garrotté, le Blanc le plus cruel de la province, les indigènes laissèrent éclater une vive joie. Kerpoisson, depuis longtemps, ne se livrait qu'au pillage et à l'assassinat. Il noyait impitoyablement les prisonniers indigènes qui étaient à bord des bâtiments de guerre en station dans le Sud, ou les vendait à des Espagnols qui les conduisaient comme esclaves à Cuba, a Porto-Rico ou à la Cote-Ferme. Armand Berrault lui dit qu'il supporterait toutes les tortures qu'il avait fait endurer à ceux des indigènes qui étaient tombés en son pouvoir. Avant de lui ôter la vie, les indépendants le plongèrent dans la mer, le fouettèrent, le percèrent de coups de baïonnettes et lui brisèrent tous les membres à coups de fusil. Ils le transportèrent, pendant qu'il lui restait un souffle d'existence, aux Quatre-Chemins, à l'entrée des Cayes, et le pendirent, au milieu de la nuit, avec cet écriteau sur le dos : "Le crime ne reste jamais impuni". La prise de sa goélette procura aux indépendants des munitions en abondance.
Ce fut à cette époque que les Français pénétrèrent, pour la première fois, au sommet des hautes montagnes du Maniel. Le général Kerverseau, commandant de l'ancienne colonie espagnole, apprenant que des indépendants qui reconnaissaient, assurait-on, l'autorité de Lamour Dérance, avaient dans les mornes de Maniel un dépôt considérable de vivres, résolut de leur enlever ce point important. Il divisa ses troupes dont le chiffre montait à 2000 hommes en trois colonnes. Celle du centre fut confiée au chef de bataillon Camberlin, celle de droite à Mirdonday, et celle de gauche à Wives. Pour atteindre le sommet de ces mornes presque inaccessibles, il employa huit jours. Au milieu des plus grandes difficultés, l'armée traversa de profondes ravines, gravit des rochers qui pendaient au-dessus de sombres abimes. Si les Français avaient été attaqués dans leur marche, ils eussent tous péri, écrasés sous d'énormes masses de pierres. Le 15 mars, Kerverseau parvint au camp de Maniel; il y rencontra une belle population cultivant d'immenses champs de bananiers, d'ignames et de patates. A la première décharge que firent les Français, les indépendants prirent la fuite et disparurent dans les forets. Kerverseau trouva dans une des cases du plateau 600 livres de poudre, 200 fusils et quelques pistolets. Peu de jours après, il descendit de la montagne, après en avoir ravagé toutes les plantations. Cette course du général Kerverseau demeura infructueuse. Les indépendants du Maniel avaient des camps en cent lieux divers.
Les indépendants enhardis par le succès qu'ils avaient obtenu le 6, ignorant les dispositions des citoyens en leur faveur, ne comptant que sur leur propre valeur, s'approchèrent de la ville dans la nuit du 8 mars et l'attaquèrent sur tous les points, à cinq heures du matin. Le général Geffrard avait formé quatre colonnes de son armée. Cangé et Moreau, à la tête de la 1ere, s'efforçaient d'enlever le portail du grand chemin; Gérin et Jean-Louis François, à la tête de la deuxième, attaquaient les fosses du coté du fort Filet; Vancol, à la tête de la troisième, tentait de traverser la rivière Renaud; et Férou donnait assaut vers le poste Trousse-Cote. Berger et Laplume, excitant l'ardeur de la 86e et des Polonais, faisaient de toutes parts face à l'ennemi. Une partie de la garde nationale demandait, à grands cris, à faire une sortie par le grand chemin de la plaine; beaucoup de citoyens devaient se rendre à l’ennemi. Tout à coup l’on entendit s'élever des rangs des indigènes les cris mille fois répétés de Vive Dessalines! Les sympathies qu'on éprouvait pour les indépendants se changèrent en fureur. On crut que Dessalines en personne dirigeait l’attaque. En même temps, la colonne que commandaient Cangé et Moreau culbuta les Polonais qui gardaient le pont, pénétra dans la ville et se mit aussitôt à piller la première boutique qu'elle rencontra. Mais assaillie tout à coup, elle ne put résister au choc impétueux de la cavalerie et fut rejetée au delà du pont. Gerin, de son coté, faisait de prodigieux efforts pour franchir les fossés qui couvraient le poste l’Ilet; mais de vives décharges de mousqueterie et d'artillerie le contraignirent à abandonner le terrain. Il rallia les indigènes qui revinrent au combat avec tant d'audace que rien ne put arrêter leur élan; et le chef de bataillon Francisque planta un drapeau sur les remparts près du palais du gouvernement. Mais une batterie de six pièces de canon, tout à coup démasquée, vomit un feu si meurtrier sur les grenadiers indépendants, qu'ils furent obligés d'abandonner le poste dont ils s'étaient emparés. Francisque fut emporté par ses soldats, atteint d'un coup de mitraille à la cuisse. L'on se battait avec acharnement depuis cinq heures du matin; les indigènes n'avaient pas d'artillerie, et de toutes parts les boulets leur enlevaient des lignes entières. Vancol fut repoussé, après avoir tenté, plusieurs fois, de traverser la rivière Renaud. Geffrard voyant tomber ses meilleurs soldats commanda la retraite a 7 heures du matin. Il se retira en bon ordre au camp Gérard et se disposa à cerner la ville. Férou reçut l'ordre d'aller s'établir aux Coteaux pour intercepter les communications par terre que pourrait entretenir la garnison des Cayes avec celle de Tiburon.
Comme les munitions de guerre commençaient à manquer aux Cayes, le colonel Berger en envoya chercher à Jérémie par une goélette que montait le commandant Kerpoisson. Celui-ci parvenu à Jérémie chargea de poudre le navire et appareilla pour les Cayes. Après qu'il eut doublé le cap Tiburon, il vit la mer devenir calme et la goélette demeurer immobile. Bégon, homme de couleur, et Aoua, Noir, chefs de barges indigènes du Sud, se tenaient cachés dans les anses de la baie des Anglais. Des qu'ils aperçurent le bâtiment français, ils sortirent de la baie, à force de rames, avec quatre barges montées chacune de trente hommes. Malgré le feu des canons de la goélette, les indigènes l’abordèrent à la fusillade. Bégon et Aoua, armés chacun d'une hache, s'élancèrent dans le navire suivis de leurs matelots. L'on se battit corps à corps sur le pont. Les Français furent la plupart égorgés, et Kerpoisson fut fait prisonnier. Bégon l'envoya à Armand Berrault, commandant du poste établi aux Anglais. En voyant arriver, fortement garrotté, le Blanc le plus cruel de la province, les indigènes laissèrent éclater une vive joie. Kerpoisson, depuis longtemps, ne se livrait qu'au pillage et à l'assassinat. Il noyait impitoyablement les prisonniers indigènes qui étaient à bord des bâtiments de guerre en station dans le Sud, ou les vendait à des Espagnols qui les conduisaient comme esclaves à Cuba, a Porto-Rico ou à la Cote-Ferme. Armand Berrault lui dit qu'il supporterait toutes les tortures qu'il avait fait endurer à ceux des indigènes qui étaient tombés en son pouvoir. Avant de lui ôter la vie, les indépendants le plongèrent dans la mer, le fouettèrent, le percèrent de coups de baïonnettes et lui brisèrent tous les membres à coups de fusil. Ils le transportèrent, pendant qu'il lui restait un souffle d'existence, aux Quatre-Chemins, à l'entrée des Cayes, et le pendirent, au milieu de la nuit, avec cet écriteau sur le dos : "Le crime ne reste jamais impuni". La prise de sa goélette procura aux indépendants des munitions en abondance.
Ce fut à cette époque que les Français pénétrèrent, pour la première fois, au sommet des hautes montagnes du Maniel. Le général Kerverseau, commandant de l'ancienne colonie espagnole, apprenant que des indépendants qui reconnaissaient, assurait-on, l'autorité de Lamour Dérance, avaient dans les mornes de Maniel un dépôt considérable de vivres, résolut de leur enlever ce point important. Il divisa ses troupes dont le chiffre montait à 2000 hommes en trois colonnes. Celle du centre fut confiée au chef de bataillon Camberlin, celle de droite à Mirdonday, et celle de gauche à Wives. Pour atteindre le sommet de ces mornes presque inaccessibles, il employa huit jours. Au milieu des plus grandes difficultés, l'armée traversa de profondes ravines, gravit des rochers qui pendaient au-dessus de sombres abimes. Si les Français avaient été attaqués dans leur marche, ils eussent tous péri, écrasés sous d'énormes masses de pierres. Le 15 mars, Kerverseau parvint au camp de Maniel; il y rencontra une belle population cultivant d'immenses champs de bananiers, d'ignames et de patates. A la première décharge que firent les Français, les indépendants prirent la fuite et disparurent dans les forets. Kerverseau trouva dans une des cases du plateau 600 livres de poudre, 200 fusils et quelques pistolets. Peu de jours après, il descendit de la montagne, après en avoir ravagé toutes les plantations. Cette course du général Kerverseau demeura infructueuse. Les indépendants du Maniel avaient des camps en cent lieux divers.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Rochambeau qui avait appris les progrès de l'insurrection du Sud, se détermina à envoyer des renforts aux Cayes. Il ordonna au général Sarrasin qui venait d'arriver au Cap avec quelques forces, de partir pour le Sud, à la tête de la 14e légère. Sarrasin s'embarqua sur le vaisseau l'Atalante", et fit voile pour les Cayes. C'était un officier général de réputation. Sous le Directoire Exécutif, il avait eu le commandement d'une division de 6000 hommes de l'armée expéditionnaire d'Irlande. Le 9 mars, il se trouva en vue de Tiburon. Quoiqu'il eut reçu l'ordre, pour épargner aux troupes de rudes fatigues, d'atteindre les Cayes directement, par mer, il entra dans le port de Tiburon et se résolut à se rendre à sa destination, par terre. Les officiers indigènes encore fideles aux Français lui firent en vain observer que les chemins étaient presque impraticables à cause des pluies et du débordement des rivières. Plein de confiance en la valeur de ses troupes, il ferma l'oreille à tous les sages avis qu'on lui donna, et se détermina à traverser un espace de 24 lieues, couvert d'embuscades, de Tiburon aux Cayes. Après avoir écrit au général Laplume de s'avancer à sa rencontre avec une partie de la garnison des Cayes, il confia le commandement de son avant-garde au chef de bataillon Lespos, celui de son arrière-garde au capitaine Verime, et sortit de Tiburon, précédé de guides indigènes, le 10 mars. La 14e suivit la route qui longe le rivage de la mer. Quand elle arriva a la Cohanne, elle rencontra un poste indigène qu'occupaient quelques troupes sous les ordres de Férou. Le combat s'engagea; il fut opiniâtre et meurtrier. Le chef de bataillon Lespos enleva la position à la baïonnette. Les indigènes, s'échelonnant en tirailleurs des deux cotés du chemin, commencèrent sur les Français une fusillade qui peu soutenue n'arrêta pas leur marche. Néanmoins la colonne européenne fut obligée d'abandonner ses blessés qui furent égorgés. Le 14 mars, Sarrasin aperçût le village des Anglais, situe à cinq lieues de Tiburon. II avait déjà perdu 50 hommes. II y avait au pied d'un morne que traverse le grand chemin trois mille cultivateurs armés la plupart de bâtons et de pierres. II n'y avait pas cent fusiliers parmi eux. Ils étaient retranchés derrière de grands arbres renversés; ils n'avaient pas une seule pièce de canon. Le général Sarrasin, en les découvrant, se tourna vers ses grenadiers et leur dit: "Ces brigands pourraient-ils vous arrêter ? En avant!" La charge se fit entendre, et la 14e s'avança audacieusement contre le retranchement exécutant des feux de pelotons. Les indigènes firent pleuvoir une grêle de pierres sur les Blancs qui les abordèrent à la baïonnette. Le capitaine Monvoisin, à la tête des grenadiers, s'empara des retranchements. Les indigènes prirent la fuite et allèrent attendre l'ennemi un peu plus loin. A sept heures du matin, Sarrasin était maitre des Anglais. II s'y reposa le reste de la journée. Ses troupes étaient harassées de fatigues; elles avaient traverse plusieurs torrents, marchant tantôt dans des chemins boueux, tantôt dans des sentiers rocailleux, la nuit, la pluie sur le dos, et dans la journée, brulés par les ardeurs du soleil. Elles reprirent leur marche dans la nuit du 12. Avant le lever du soleil, elles tombèrent dans une embuscade qu'elles levèrent après avoir perdu une vingtaine d'hommes. Pendant cet intervalle, le général Laplume sortait des Cayes, et marchait à la rencontre de Sarrasin avec 800 hommes de troupes et deux pièces de campagne. Il arriva à Welche Taverny et y attendit inutilement pendant 24 heures le général Sarrasin. Craignant d'être enveloppé par les insurgés, il rentra aux Cayes. Le 13 mars, le général Sarrasin atteignit la Grande-Crête du Port-Salut dont le sommet était occupé par un millier d'indépendants sous les ordres de Bazile. Les indigènes étaient dans une position formidable. Le général Sarrasin, voulant traverser ce morne avant la nuit, les attaqua avec vigueur. Le combat dura trois heures. Les Français après une perte de 200 hommes s'emparèrent de la position. Sarrasin s'était battu comme le plus intrépide de ses grenadiers. Il était parti de Tiburon à la tête de 1.200 hommes, et la 14e était renduite à 900 hommes. Il ne donna cependant pas à ses troupes le temps de reprendre haleine. Le même jour, il continue sa marche s'ouvrant de distance en distance. Il arriva à Welche Taverny, non loin de Torbeck. II vit les troupes indigènes encore rangées en bataille devant lui. Il leur envoya un parlementaire qui leur demanda à s'entretenir avec leur chef. Bazile se présenta avec Jean-Jacques Sully, son secrétaire. Celui-ci avait abandonné la cause française après les combats du morne Pendu et de Maraudhuc. Le parlementaire, s'adressant à Jean-Jacques Sully, proposa aux indigènes une trêve de quatre heures pendant laquelle on donnerait des soins aux blessés de part et d'autre. Bazile l'accepta. Sarrasin réunit les cabrouets de l'habitation Welche-Taverny, auxquels il attela des chevaux, y plaça ses blessés, et laissa ses troupes se reposer. Après leur repas, les Français reprirent leurs armes et se mirent en bataille. Leur général fit annoncer à Bazile qu'il eut à se préparer à recevoir son feu. Les indigènes se saisirent de leurs armes, et les Français s'ébranlèrent. La 14e fut harcelée avec acharnement jusqu'a Houc, ou le combat fut des plus sanglants. Sarrasin se présenta à son arrière-garde et fit signe aux indigènes de suspendre le feu. Bazile fit cesser la mousqueterie et s'avança jusqu'à lui. Le général français lui demanda, avec instances, de prendre soin de ses blessés, s'il était battu, et lui promit de son coté de donner toutes sortes de secours aux indigènes, s'il était vainqueur. Bazile lui accorda sa demande, et le combat recommença. Les indépendants talonnèrent les Français jusqu'a Torbeck. Pendant cet intervalle, le général Geffrard avait appris, par un envoyé de Férou, la marche de Sarrasin. Il était sorti du camp Gérard avec son armée se dirigeant sur Torbeck ou il devait attendre l'ennemi. Il s'établit au carrefour de Torbeck et dans les environs. A la pointe du jour, Sarrasin voyant de fortes colonnes se déployer pour l'envelopper, pénétra aussitôt dans l'église du bourg et s'y barricada. Si Geffrard, cherchant l'ennemi, avait passé par l'habitation Bagatelle, il eut joint les Français avant leur arrivée à Torbeck et les eut exterminés. Sarrasin manquant de munitions envoya au rivage de la mer, la nuit qui suivit, cent chasseurs qui réunirent des bois secs, firent trois énormes buchers auxquels ils mirent le feu successivement. Deux frégates qui étaient mouillées dans la rade des Cayes aperçurent ces feux. Laplume et Berger pensant qu'ils ne pouvaient être qu'un signe de la détresse de Sarrasin, envoyèrent aussitôt le long des rivages de Torbeck, plusieurs chaloupes chargées d'armes et de munitions. Les matelots débarquèrent les munitions qui furent distribuées à la 14e. Dans la même nuit, le général Laplume envoya des Cayes à la rencontre de Sarrasin une division de 700 hommes et 2 pièces de campagne. Au jour, les troupes de Geffrard commencèrent à échanger des coups de fusils avec les Français qui occupaient l'église de Torbeck. En même temps les troupes des Cayes parvenaient sur l'habitation Derodière que traverse la rivière de Torbeck. Elles y rencontrèrent un rempart dans le grand chemin qu'occupaient les indépendants. Ceux-ci craignant d'être placés entre deux feux, l'abandonnèrent après avoir essuyé deux coups de canon. La colonne sortie des Cayes continue sa marche. Elle rencontra le général Sarrasin qui avait abandonne l'église du bourg et tournait le carrefour de Torbeck. Elle ouvrit ses rangs, laissa passer la 14e qui prit la droite. Elle même forma l'arrière-garde. Jusqu'aux Quatre-Chemins, à l'entrée des Cayes, les Français ne firent qu'échanger des coups de fusils avec les indépendants. Sarrasin entra aux Cayes avec 700 hommes de la 14e sans avoir perdu un seul drapeau. Les troupes françaises s'étaient battues avec un rare courage. Doit-on s'étonner des prodiges qu'elles ont faits en Europe, courant de victoire en victoire, chantant des hymnes de liberté, quand on les a vues, combattant pour l'esclavage, au delà de l'Atlantique, déployer tant d'intrépidité ? Gloire et honneur à nos pères qui par leur courage, leur héroïque persévérance ont chassé du sol d'Haïti ces intrépides guerriers qui avaient déjà dompté une partie de l'Europe. Geffrard fit recueillir, sur le champ de bataille, tous les blessés français. Ils furent transporter à une ambulance ou des femmes indigènes leur prodiguèrent toutes sortes de soins. Le lieutenant-colonel de la 14e légère, demeure grièvement blessé à Welche Taverny, fut ému des attentions qu'on lui portait. Il s'écria : "Je ne vois autour de moi que des âmes compatissantes! Ou sont ces cannibales que nous devions rencontrer en cette île ? Combien n'avons-nous pas été trompés par les colons ?". Après l'entrée de Sarrasin aux Cayes, le général Cangé partit pour la plaine de Léogane, résolu à enlever cette ville. Sarrasin, admirant le courage des indépendants et la loyauté avec laquelle ils avaient tenu à leurs engagements à l'égard des blessés français, défendit de les appeler brigands.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Le capitaine-général Rochambeau qui, des le mois de février, avait annoncé son départ pour le département de l'Ouest, s'embarqua au milieu de mars pour le Port-Républicain. Il était plein de fureur contre les hommes de couleur qu'il accusait d'être les auteurs de la révolte du département du Sud. Le 19 mars, dans la soirée, il se trouva en vue du Port-Républicain. Les principaux fonctionnaires qui l'accompagnaient étaient à bord des vaisseaux le "Duquène" et le "Duguay-Trouin". Il débarqua en ville le lendemain, au lever du soleil. Son arrivée répandit une profonde terreur dans la population noire et de couleur. Mais dans la soirée, la joie des colons se manifesta par des illuminations et de magnifiques fêtes. Peu de jours après, le capitaine-général donna, au palais national, un magnifique bal auquel furent invitées la plupart des dames noires et de couleur. Les salles étaient splendidement décorées; la musique de la garde d'honneur était harmonieuse, et la soirée très animée. Rochambeau se montrait d'une politesse exquise. A minuit, il pria les dames noires et de couleur de traverser dans une des salles ou elles devaient trouver d'autres plaisirs. Elles furent tout à coup saisies d'effroi et d'horreur, en entrant dans un appartement tendu de noir, éclairé de la lueur sombre d'une lampe, et dont les angles étaient occupés par de longs cercueils couverts de têtes de morts. La terreur de ces infortunées redoubla quand subitement le chant des morts sortit de ces cercueils. Beaucoup s'évanouirent. Rochambeau dit à celles qui prenaient la fuite : "Vous avez assisté aux funérailles de vos époux et de vos frères". Le lendemain commencèrent de nombreuses exécutions d'hommes noirs et de couleur. Rochambeau ordonna aux officiers de la police du Port-Républicain, parmi lesquels l’on remarquait quelques indigènes noirs et de couleur très acharnés centre leurs frères, de faire dévorer par des dogues dans la cour de la prison, tous les captifs indépendants. Mais on ne put parvenir a lancer ces animaux sur ces infortunés. Les officiers de police allaient de nuit frapper à la porte des indigènes dont ils suspectaient le dévouement à la France, les arrachaient de leurs demeures, les conduisaient dans la rade ou ils étaient noyés. Rochambeau était sous l'influence du délire de la cruauté. Il n'a pas existé un barbare qui l'ait surpassé en férocité. Aucune époque de l'histoire ne fournit un tel monstre. Ses crimes ont été plus horribles que ceux de Bladus Dracula, prince chrétien, hospodar de Valachie et de Moldavie, que Mahomet II vainquit en 1462 : Dracula avait fait empaler, dans la plaine de Praylab, vingt mille personnes, des enfants à la mamelle, des femmes, des vieillards, des jeunes gens.
A cette époque, les insurgés des mornes du Petit-Goave, sous les ordres de Giles Bambara, faisaient peu de progrès. Ils étaient poursuivis avec acharnement par les volontaires nationaux noirs et jaunes de cette ville, ayant à leur tête, le capitaine Lamarre, jeune officier de couleur du plus grand courage. Mais les cruautés que commandait Rochambeau ébranlèrent la fidélité de cette jeunesse jusqu'alors si dévouée à la France. Une potence avait été dressée sur la place d'armes près de l'arbre de la Liberté. Un Noir nomme Brital Cavanach que Delpêche, commandant de la place, soupçonnait d'être en relations avec les insurgés, fut condamné à être pendu. Quand il arriva au lieu du supplice, il prit la fuite et atteignit la campagne au milieu d'une grêle de balles, favorise par la foule qui, loin de l’arrêter, lui donna passage. Le lendemain, à la tête d'une bande de cultivateurs, il s'approcha de la ville et incendia quelques cases du voisinage. Il alla ensuite camper au Fond Arraby. Les Français avaient formé au Petit-Goave quatre compagnies de troupes coloniales composées des indigènes les plus dévoués à leur cause. Le plus intrépide des officiers de ces troupes était Lamarre. Pendant cet intervalle, un bateau sortant de Jérémie entra dans le port du Petit-Goave et annonça la pendaison d'un jeune indigène, aide de camp du général Darbois. Cet officier était l'ami intime de Lamarre. Celui-ci se rendit sur la place d'armes, et déversa, au milieu de la foule, des plaintes amères contre le gouvernement qui ne récompensait ses serviteurs que par l'assassinat. "Pourquoi cette potence s'écria-t-il ? Ne devrait-elle pas être abattue ?". Le maire de la ville, entendant ces paroles, s'approcha de lui, couvert de ses décorations tricolores, et s'efforça en vain de le calmer. La foule s'écoula en murmurant. Delpêche n'osa faire arrêter Lamarre qui exerçait sur la jeunesse une puissante influence.
La nuit qui suivit, la potence fut abattue et jetée à la mer. Cette circonstance avait lieu quelques jours après la défaite de Geffrard à l’Anse-à-Veau, lors de sa première entrée dans le Sud. Le général Darbois qui se trouvait alors à Miragoane, en avait été aussitôt avisé. Il était venu au Petit-Goave, à la tête de 800 hommes. Mais le lendemain de son arrivée, il avait appris l'insurrection de Férou, comme nous l'avons vu, s'était hâté de retourner à Jérémie et avait laissé Delpêche livré à ses propres ressources. Les volontaires nationaux passèrent ensuite près de deux mois dans les plus vives inquiétudes. Lamarre était devenu odieux aux Français qui le faisaient surveiller activement. Certain d'être tôt ou tard arrêté et exécuté, il résolut de se soulever. Il réunit chez lui au milieu d'une nuit ses principaux amis, entre autres les Eveillard, les Romain, les Brouard, les Frémont. Il leur dit qu'ils n'avaient de salut que dans la révolte; que les Français les égorgeraient indubitablement à la première occasion favorable. Ils firent le serment de tout oser pour chasser les Blancs de leur ville. "Si les Français, continua Lamarre, envoient des forces au Petit-Goave, nous serons arrêtés; s'ils n'en envoient pas, c'est le moment de nous soulever". Il expédia un émissaire, Jouari, homme de couleur, auprès de Cangé, dans la plaine de Léogane, pour lui faire part de son projet, et l'exhorter à s'approcher de la ville ou il pénétrerait dès que la conspiration éclaterait. Une femme noire, nommée Joute César, qui appartenait a une famille libre de nombreuses années avant la révolution, avait entendu le serment des conjurés. Elle les dénonça le lendemain au commandant Delpêche. C'était vers le milieu de mars. Delpêche ordonna aux volontaires nationaux de se réunir au fort du rivage, poste qu'ils occupaient habituellement. Le lendemain, dans la matinée, il annonça qu'une grande revue serait passée sur la place d'armes. Lamarre apprit que les troupes européennes devaient cerner les volontaires nationaux et s'efforcer de les passer au fil de l'épée. Il se résolut à se soulever avant l'arrivée de Cangé. A trois heures de l'après-midi, les troupes blanches, au nombre de trois cents hommes, étaient rangées sur la place d'armes que dominait le fort armé de plusieurs pièces de canon. Delpêche envoya l'ordre aux volontaires nationaux de venir prendre leur ligne de bataille. Alors Lamarre dit à ses compagnons : "Nègres et Mulâtres, que préférez-vous, mourir en hommes libres, ou redevenir esclaves des Français ?" — "Vive la liberté !" s'écrièrent les indigènes. Lamarre ordonna aussitôt de commencer le feu. La mitraille du fort répandit la mort dans les rangs des Français qui gagnèrent le rivage avec le commandant Delpêche. Le capitaine Jurien qui était en station dans la rade sur la frégate la "Franchise", mit aussitôt ses chaloupes à la mer et recueillit les fuyards à son bord. Au coucher du soleil, il tira sur le fort plusieurs coups de canon. Lamarre fit pointer centre la frégate une pièce de 24 dont le feu incommoda tellement les Français qu'ils furent obligés de prendre le large. Lamarre demeura maître de la place. Il tomba en son pouvoir sept milliers de poudre en cartouches et en gargousses, une pièce de 4, un obusier en bronze, et diverses pièces de 8, de 18 et de 24. Dans la nuit qui suivit cette journée, les insurgés de la montagne, attirés par le son du canon, pénétrèrent en ville, sous les ordres de Giles Bambara; et le lendemain le général Cangé y arriva. Celui-ci confia à Lamarre le commandement du quartier du Petit-Goave, et lui ordonna de faire transporter au fort Liberté, position sur une éminence hors de la ville, toutes les munitions de guerre. Il était certain que les Français tenteraient de reprendre le Petit-Goave dont la superbe baie offrait aux bâtiments de guerre un mouillage sur en cas de guerre avec l'Angleterre. C'était le seul point qui put donner un asile prompt et facile aux bâtiments marchands, dans la baie de la Gonâve. Cangé retourna à Narbonne, résolu à s'emparer de Léogane. Il assaillit la place, refoula les Français dans l'arsenal et s'empara du fort Ca-Ira sur le rivage. Mais deux jours après, 27 mars, la frégate la "Poursuivante" commandée par Willaumez, venant du Port-Républicain, débarqua sur le rivage, à onze heures du matin, trois cents hommes de troupes européennes et 600 gardes nationaux noirs et jaunes. Le chef de bataillon Lacombe pénétra dans la grande route malgré le feu des indigènes, et marcha sur une pièce de 4 que Cangé avait dressée près du portail de la ville. Un jeune officier, nommé Drouville, suivi de quelques grenadiers, s'élança sur le canon et s'en empara. Pendant que les Français, entrant dans la place, dégageaient le commandant Laucoste, les marins de la "Poursuivante" enlevaient le fort Ca-Ira.
A cette époque, les insurgés des mornes du Petit-Goave, sous les ordres de Giles Bambara, faisaient peu de progrès. Ils étaient poursuivis avec acharnement par les volontaires nationaux noirs et jaunes de cette ville, ayant à leur tête, le capitaine Lamarre, jeune officier de couleur du plus grand courage. Mais les cruautés que commandait Rochambeau ébranlèrent la fidélité de cette jeunesse jusqu'alors si dévouée à la France. Une potence avait été dressée sur la place d'armes près de l'arbre de la Liberté. Un Noir nomme Brital Cavanach que Delpêche, commandant de la place, soupçonnait d'être en relations avec les insurgés, fut condamné à être pendu. Quand il arriva au lieu du supplice, il prit la fuite et atteignit la campagne au milieu d'une grêle de balles, favorise par la foule qui, loin de l’arrêter, lui donna passage. Le lendemain, à la tête d'une bande de cultivateurs, il s'approcha de la ville et incendia quelques cases du voisinage. Il alla ensuite camper au Fond Arraby. Les Français avaient formé au Petit-Goave quatre compagnies de troupes coloniales composées des indigènes les plus dévoués à leur cause. Le plus intrépide des officiers de ces troupes était Lamarre. Pendant cet intervalle, un bateau sortant de Jérémie entra dans le port du Petit-Goave et annonça la pendaison d'un jeune indigène, aide de camp du général Darbois. Cet officier était l'ami intime de Lamarre. Celui-ci se rendit sur la place d'armes, et déversa, au milieu de la foule, des plaintes amères contre le gouvernement qui ne récompensait ses serviteurs que par l'assassinat. "Pourquoi cette potence s'écria-t-il ? Ne devrait-elle pas être abattue ?". Le maire de la ville, entendant ces paroles, s'approcha de lui, couvert de ses décorations tricolores, et s'efforça en vain de le calmer. La foule s'écoula en murmurant. Delpêche n'osa faire arrêter Lamarre qui exerçait sur la jeunesse une puissante influence.
La nuit qui suivit, la potence fut abattue et jetée à la mer. Cette circonstance avait lieu quelques jours après la défaite de Geffrard à l’Anse-à-Veau, lors de sa première entrée dans le Sud. Le général Darbois qui se trouvait alors à Miragoane, en avait été aussitôt avisé. Il était venu au Petit-Goave, à la tête de 800 hommes. Mais le lendemain de son arrivée, il avait appris l'insurrection de Férou, comme nous l'avons vu, s'était hâté de retourner à Jérémie et avait laissé Delpêche livré à ses propres ressources. Les volontaires nationaux passèrent ensuite près de deux mois dans les plus vives inquiétudes. Lamarre était devenu odieux aux Français qui le faisaient surveiller activement. Certain d'être tôt ou tard arrêté et exécuté, il résolut de se soulever. Il réunit chez lui au milieu d'une nuit ses principaux amis, entre autres les Eveillard, les Romain, les Brouard, les Frémont. Il leur dit qu'ils n'avaient de salut que dans la révolte; que les Français les égorgeraient indubitablement à la première occasion favorable. Ils firent le serment de tout oser pour chasser les Blancs de leur ville. "Si les Français, continua Lamarre, envoient des forces au Petit-Goave, nous serons arrêtés; s'ils n'en envoient pas, c'est le moment de nous soulever". Il expédia un émissaire, Jouari, homme de couleur, auprès de Cangé, dans la plaine de Léogane, pour lui faire part de son projet, et l'exhorter à s'approcher de la ville ou il pénétrerait dès que la conspiration éclaterait. Une femme noire, nommée Joute César, qui appartenait a une famille libre de nombreuses années avant la révolution, avait entendu le serment des conjurés. Elle les dénonça le lendemain au commandant Delpêche. C'était vers le milieu de mars. Delpêche ordonna aux volontaires nationaux de se réunir au fort du rivage, poste qu'ils occupaient habituellement. Le lendemain, dans la matinée, il annonça qu'une grande revue serait passée sur la place d'armes. Lamarre apprit que les troupes européennes devaient cerner les volontaires nationaux et s'efforcer de les passer au fil de l'épée. Il se résolut à se soulever avant l'arrivée de Cangé. A trois heures de l'après-midi, les troupes blanches, au nombre de trois cents hommes, étaient rangées sur la place d'armes que dominait le fort armé de plusieurs pièces de canon. Delpêche envoya l'ordre aux volontaires nationaux de venir prendre leur ligne de bataille. Alors Lamarre dit à ses compagnons : "Nègres et Mulâtres, que préférez-vous, mourir en hommes libres, ou redevenir esclaves des Français ?" — "Vive la liberté !" s'écrièrent les indigènes. Lamarre ordonna aussitôt de commencer le feu. La mitraille du fort répandit la mort dans les rangs des Français qui gagnèrent le rivage avec le commandant Delpêche. Le capitaine Jurien qui était en station dans la rade sur la frégate la "Franchise", mit aussitôt ses chaloupes à la mer et recueillit les fuyards à son bord. Au coucher du soleil, il tira sur le fort plusieurs coups de canon. Lamarre fit pointer centre la frégate une pièce de 24 dont le feu incommoda tellement les Français qu'ils furent obligés de prendre le large. Lamarre demeura maître de la place. Il tomba en son pouvoir sept milliers de poudre en cartouches et en gargousses, une pièce de 4, un obusier en bronze, et diverses pièces de 8, de 18 et de 24. Dans la nuit qui suivit cette journée, les insurgés de la montagne, attirés par le son du canon, pénétrèrent en ville, sous les ordres de Giles Bambara; et le lendemain le général Cangé y arriva. Celui-ci confia à Lamarre le commandement du quartier du Petit-Goave, et lui ordonna de faire transporter au fort Liberté, position sur une éminence hors de la ville, toutes les munitions de guerre. Il était certain que les Français tenteraient de reprendre le Petit-Goave dont la superbe baie offrait aux bâtiments de guerre un mouillage sur en cas de guerre avec l'Angleterre. C'était le seul point qui put donner un asile prompt et facile aux bâtiments marchands, dans la baie de la Gonâve. Cangé retourna à Narbonne, résolu à s'emparer de Léogane. Il assaillit la place, refoula les Français dans l'arsenal et s'empara du fort Ca-Ira sur le rivage. Mais deux jours après, 27 mars, la frégate la "Poursuivante" commandée par Willaumez, venant du Port-Républicain, débarqua sur le rivage, à onze heures du matin, trois cents hommes de troupes européennes et 600 gardes nationaux noirs et jaunes. Le chef de bataillon Lacombe pénétra dans la grande route malgré le feu des indigènes, et marcha sur une pièce de 4 que Cangé avait dressée près du portail de la ville. Un jeune officier, nommé Drouville, suivi de quelques grenadiers, s'élança sur le canon et s'en empara. Pendant que les Français, entrant dans la place, dégageaient le commandant Laucoste, les marins de la "Poursuivante" enlevaient le fort Ca-Ira.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Le 29 mars, les indigènes de la Grande-Ravine vinrent avertir Lamarre qu'ils avaient aperçu sur les flots, plusieurs voiles qui se dirigeaient vers l'Ouest. Le jeune capitaine ne douta pas que ce ne fut une expédition envoyée par Rochambeau contre le Petit-Goave. Il fit incendier la ville dont la population se retira dans la montagne au delà du fort Liberté. Le capitaine-général avait vu avec indignation Jurien et Delpêche débarquer au Port-Républicain. Il leur avait reproché d'avoir manqué d'énergie. "Les Mulâtres et les Nègres du Petit-Goave se croient des héros, s'était-il écrié ! Je veux qu'ils fuient à l'aspect des bonnets des grenadiers de ma garde". Le corps presque entier de la garde d'honneur commande par le chef de brigade Neterwood, ainsi qu'un bataillon de la garde nationale, avait été embarqué sur une escadre composée du vaisseau le "Duguay-Trouin", de la frégate "l'Union", d'un cotter, de deux goélettes, d'un pilote-boat et de neuf chaloupes armées. Les Blancs fêtèrent le triomphe prochain de Neterwood. Quels brigands, disaient-ils avec orgueil, pourraient résister à l’impétuosité de la garde du capitaine-général ? Les troupes françaises débarquèrent à midi, sans obstacle, au Petit-Goave; elles étaient au nombre de 800 hommes. La ville n'était que mines fumantes. C'était le 30 mars. De hauts bonnets à poils, surmontés d'aigrettes rouges, chargeaient la tête de ces beaux grenadiers aux longues moustaches et aux armes éclatantes. Ils étaient accompagnés de 50 dogues à la voracité desquels les prisonniers devaient être livrés. Neterwood, ne trouvant aucun abri contre les ardeurs du soleil, résolut d'atteindre aussitôt l'ennemi. Ayant plusieurs fois vaincu les indépendants du Nord de l'ile, plus disciplines et mieux armés que ceux de l'Ouest, il se croyait sur de la victoire. Il forma deux colonnes de son armée. L'une qu'il commandait en personne suivit la route qui conduit directement au fort Liberté; l'autre, guidée par un indigène nomme Sanon-Loup, passant près de Chabanne, pénétra dans le chemin de la Roche-à-Zombi. Giles Bambara qui était dans le fort, effrayé de l'audace des Français, conseilla à Lamarre d'abandonner la position et de se retirer dans la montagne. Lamarre lui répondit avec fureur : "Si vous craignez la mort, retirez-vous; c'est ici qu'il faut vaincre ou mourir". Giles Bambara prit la fuite avec sa bande; il ne resta dans le fort qu'une centaine de jeunes gens noirs et jaunes du Petit-Goave, et un vieillard sexagénaire nommé Brouard. La colonne françaises que commandait Neterwood attaqua le fort avec impétuosité. La garde d'honneur fut plusieurs fois repoussée sans être rompue. Des lignes entières tombaient sous le plomb des indigènes, adroits tireurs. Brouard, Romain, Eveillard déployaient une rare intrépidité. Lamarre, commandant des indépendants, bravait la mort, debout sur les remparts. Les Français, malgré leur position désavantageuse, revenaient sans cesse à la charge; Neterwood, au premier rang, soutenait leur courage. Il était sur le point de pénétrer dans le fort, quand il fut atteint d'une balle à la tête. Le découragement se répandit dans les rangs européens, et le capitaine Clermont, sortant du fort, les assaillit vigoureusement et les mit en pleine déroute. La colonne, qui avait passe par la Roche-a-Zombi, se présenta à son tour; elle fut presque anéantie. Les chiens que les Français avaient lancés sur les indigènes, accueillis par la fusillade, se retournèrent furieux contre leurs maitres. Les Blancs, poursuivis à outrance, furent égorgés la plupart. Ceux qui s'égarèrent dans les bois furent arrêtés par des femmes, et conduits, garrottés, à Lamarre qui les fit fusilier. Neterwood qui avait été placé presque sans vie sur un cheval parvint au rivage, et fut embarqué dans une chaloupe qui atteignit la frégate l'Union", au milieu d'une grêle de balles. La flottille, après avoir canonné la ville et avoir brulé les barges des indigènes, demeura encore une semaine dans le port, et appareilla ensuite pour le Port-Républicain. Rochambeau apprit avec douleur la défaite de sa garde d'honneur. Craignant d'abattre le moral de ses soldats, il fit débarquer les blessés pendant la nuit. Neterwood mourut des suites de sa blessure. Il devait, à son retour du Petit-Goave, épouser une jeune et belle créole blanche qui avait été promise à sa valeur.
La consternation des colons fut profonde. Le capitaine-général, indigné de la satisfaction qui se manifestait sur les traits des Noirs et des hommes de couleur, voulait faire rentrer au Port-Républicain, pour les exterminer, la 5e légère cantonnée à la Croix-des-Bouquets. Mais le commandant de la garde nationale, Lespinasse, citoyen blanc, calma sa fureur en lui exposant énergiquement que la garnison française pourrait elle-même être anéantie. Ceux des indigènes de la famille de Lamarre qui se trouvaient au Port-Républicain auraient été sacrifiés, s'ils n'avaient été protégés par un vieillard blanc nommé None, qui habitait la rue des Fronts-Forts. Ce vieillard fournit même des secours de tous genres aux parents de Lamarre. La garde d'honneur fut réorganisée, et l’adjudant-général Néraud en prit le commandement. Lamour Dérance, apprenant par une lettre de Lamarre le succès qui avait été obtenu au Petit-Goave, y vint avec plusieurs de ses lieutenants. Il portait une ceinture d'osselets qui, croyait-il, le garantissait des balles. Il nomma Lamarre colonel de la milice du Petit-Goave. Il retourna devant Jacmel qui était cerné par Magloire Ambroise, Lacroix et Macaque.
Pendant cet intervalle, Toussaint Brave, dans le Nord, cernait étroitement le Fort-Liberté. Il entretenait des intelligences avec les indigènes qui composaient, sous les ordres des Français, la milice de cette ville. La plupart des Noirs et des hommes de couleur de la place formèrent une conspiration en faveur des indépendants qui durent assaillir les Français le jour qu'elle éclaterait. Le 2 avril 1803, les indigènes de la ville se précipitèrent à l'improviste sur tous les postes qu'occupait la 110e demi-brigade de ligne. Le général Quentin, par son énergie, déjoua tous les projets des conspirateurs. Mais en même temps, Toussaint Brave, a la tête de 1400 indépendants, attaquait vigoureusement la place et y pénétrait. Il se retrancha dans les rues qui furent barricadées. Les bourgeois blancs, saisis de terreur, se retirèrent vers le rivage et s'embarquèrent sur la corvette la "Sagesse". La 110e de ligne se refugia dans le fort. La moitie de l'équipage de cette corvette, commandée par le lieutenant de vaisseau Barnesche, vint au secours de la garnison. Le général Quentin fit contre les indépendants une vigoureuse sortie; il fut refoulé dans le fort. L'adjudant-général Dumont fit une nouvelle sortie et livra bataille, au centre de la ville, à Toussaint Brave. On se battit avec acharnement, de part et d'autre. Un chef de bataillon d'artillerie, Orange, détermina la victoire en faveur des Français, en faisant dresser contre les indigènes une batterie de trois pièces de canon. Toussaint abandonna le champ de bataille, et sortit de la ville avec la plupart des familles indigènes qui l'habitaient. Quentin fit noyer tous ses prisonniers. Le Fort-Liberté demeura bloqué par les indépendants.
La consternation des colons fut profonde. Le capitaine-général, indigné de la satisfaction qui se manifestait sur les traits des Noirs et des hommes de couleur, voulait faire rentrer au Port-Républicain, pour les exterminer, la 5e légère cantonnée à la Croix-des-Bouquets. Mais le commandant de la garde nationale, Lespinasse, citoyen blanc, calma sa fureur en lui exposant énergiquement que la garnison française pourrait elle-même être anéantie. Ceux des indigènes de la famille de Lamarre qui se trouvaient au Port-Républicain auraient été sacrifiés, s'ils n'avaient été protégés par un vieillard blanc nommé None, qui habitait la rue des Fronts-Forts. Ce vieillard fournit même des secours de tous genres aux parents de Lamarre. La garde d'honneur fut réorganisée, et l’adjudant-général Néraud en prit le commandement. Lamour Dérance, apprenant par une lettre de Lamarre le succès qui avait été obtenu au Petit-Goave, y vint avec plusieurs de ses lieutenants. Il portait une ceinture d'osselets qui, croyait-il, le garantissait des balles. Il nomma Lamarre colonel de la milice du Petit-Goave. Il retourna devant Jacmel qui était cerné par Magloire Ambroise, Lacroix et Macaque.
Pendant cet intervalle, Toussaint Brave, dans le Nord, cernait étroitement le Fort-Liberté. Il entretenait des intelligences avec les indigènes qui composaient, sous les ordres des Français, la milice de cette ville. La plupart des Noirs et des hommes de couleur de la place formèrent une conspiration en faveur des indépendants qui durent assaillir les Français le jour qu'elle éclaterait. Le 2 avril 1803, les indigènes de la ville se précipitèrent à l'improviste sur tous les postes qu'occupait la 110e demi-brigade de ligne. Le général Quentin, par son énergie, déjoua tous les projets des conspirateurs. Mais en même temps, Toussaint Brave, a la tête de 1400 indépendants, attaquait vigoureusement la place et y pénétrait. Il se retrancha dans les rues qui furent barricadées. Les bourgeois blancs, saisis de terreur, se retirèrent vers le rivage et s'embarquèrent sur la corvette la "Sagesse". La 110e de ligne se refugia dans le fort. La moitie de l'équipage de cette corvette, commandée par le lieutenant de vaisseau Barnesche, vint au secours de la garnison. Le général Quentin fit contre les indépendants une vigoureuse sortie; il fut refoulé dans le fort. L'adjudant-général Dumont fit une nouvelle sortie et livra bataille, au centre de la ville, à Toussaint Brave. On se battit avec acharnement, de part et d'autre. Un chef de bataillon d'artillerie, Orange, détermina la victoire en faveur des Français, en faisant dresser contre les indigènes une batterie de trois pièces de canon. Toussaint abandonna le champ de bataille, et sortit de la ville avec la plupart des familles indigènes qui l'habitaient. Quentin fit noyer tous ses prisonniers. Le Fort-Liberté demeura bloqué par les indépendants.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Le 8 avril, Toussaint Brave assaillit de nouveau la place, a 5 heures du matin; mais il ne put en escalader les remparts. Le général Quentin qui, depuis l'affaire du 2, s'attendait chaque jour à une nouvelle attaque, l'accueillit par un feu des plus meurtriers. L'adjudant-général Dumont le poursuivit jusqu'à une demi-lieue de la place. Les troupes européennes étaient si faibles qu'elles ne pouvaient que se tenir sur la défensive.
Le capitaine-général Rochambeau ayant appris les pertes considérables que le général Sarrasin avaient éprouvées dans sa marche de Tiburon aux Cayes, fut contraint d'embarquer pour le Sud 2000 hommes de troupes fraiches, polonaises et françaises, qui venaient d'arriver de France au Port-Républicain sur une escadre commandée par l'amiral Bedout. Ces troupes qui furent confiées au général Brunet partirent pour leur destination le 16 Germinal an 11 (6 avril 1803) et arrivèrent à Jérémie le 20 Germinal (10 avril). Elles devaient exécuter les opérations dont avait été chargé le général Sarrasin. Darbois reçut l'ordre de pénétrer dans la plaine des Cayes; et en même temps les troupes de cette ville et celles de l'Anse-à-Veau devaient sortir de leurs cantonnements pour assaillir le général Geffrard. L'armée indépendante occupait toute l'étendue qui s'étend entre St-Louis et le Port-Salut. Chaque nuit, des jeunes gens des Cayes venaient grossir le parti des indépendants. Tous les postes que les Français avaient établis autour des Cayes étaient tombés au pouvoir du général Geffrard qui avait des intelligences dans la place. La plupart des cultivatrices, qui entraient dans la ville, chargées de vivres, en sortaient avec de la poudre sous leurs robes. Comme la famine commençait à se faire sentir, le colonel Berger était contraint d'ouvrir les portes des Cayes à ceux des laboureurs qui apportaient des vivres, des fruits, des légumes. Beaucoup de soldats indépendants déguisés en paysans pénétraient ainsi dans la place, y achetaient clandestinement des munitions qu'ils apportaient au camp Gérard, quartier général de Geffrard. Ce fut à cette époque que Boisrond-Tonnerre, homme de couleur instruit, qui devint plus tard un des secrétaires particuliers de Dessalines, sortit des Cayes, à la faveur d'un déguisement, et se rendit auprès de Geffrard qui l'accueillit avec distinction et l'attacha à sa personne. Boisrond-Tonnerre était créole d'Aquin, et sa famille habitait alors le bourg de St-Louis du Sud. Si les indépendants avaient eu de l'artillerie, ils eussent réduit en peu de jours la ville des Cayes. Le général Geffrard, ne voulant pas perdre un temps précieux, en de vains efforts, devant cette place garnie de canons, résolut d'aller attaquer l'Anse-à-Veau, à la tête d'une des divisions de son armée. Mais il apprit que les Français s'avançaient sur plusieurs colonnes pour l'envelopper de toutes parts. Au lieu d'attendre l'ennemi, il marcha a sa rencontre, après avoir divisé ses troupes en plusieurs corps.
Le général Darbois, parti de Jérémie, était arrivé aux Baradères avec 1000 hommes de troupes d'élite dont 200 cavaliers. Il s'achemina sur la plaine des Cayes. Quand il atteignit les hauteurs de Cavaillon, il rencontra le colonel Gérin à la tête de 900 hommes (qui formèrent plus tard la 16e), que Geffrard avait détachés du gros de l'armée. Les indépendants l'attaquèrent sur l'habitation Bérette; mais ils furent repoussés. Dans la même journée, deux bataillons, sortis de la plaine du Fond, vinrent les renforcer. Dans la nuit qui suivit, Gérin enleva un convoi de poudre qu'un détachement européen, sorti des Baradères, conduisait à Darbois. Ce général n'était demeuré immobile à Bérette que parce qu'il attendait ces munitions. A la pointe du jour, le colonel Gérin distribua des cartouches à ses soldats, qui en étaient dépourvus la plupart, et assaillit Darbois qui fut battu et poursuivi jusque sur l'habitation Lacombe, près des montagnes de Cavaillon, et couvrit, de ce coté, la plaine des Cayes ou Geffrard avait son quartier général.
En même temps, une autre colonne française, sortie de Jérémie, sous les ordres du commandant Mafrant, avait traversé les montagnes de Plymouth, pour pénétrer dans la plaine des Cayes. Geffrard lança contre elle la 13e, commandée par Moreau ou Coco Herne, et Thomas Durocher, guerrier intrépide, qui était à la tête d'un millier de cultivateurs volontaires. Les Français, battus à Thomas-Quinis, furent poursuivis par Thomas Durocher jusque sur l'habitation Lacombe, ou ils se rallièrent au général Darbois. Moreau et Durocher couvrirent la plaine des Cayes du coté de Plymouth.
Geffrard apprit qu'une nouvelle division française, sous les ordres du général Brunet, venait de débarquer à Tiburon. Il envoya au-devant d'elle le colonel Férou. Celui-ci alla se retrancher à Garata, forte position naturelle, dans un chemin rocailleux le long du rivage, entre les Cayes et Tiburon. Férou avait sous ses ordres Bazile, Jean-Louis François, et les troupes qui formèrent depuis les 15e et 18e. Le général Brunet confia le commandement de la division débarquée à Tiburon à un général polonais avec ordre de suivre la route des Coteaux et de pénétrer dans la plaine des Cayes, pendant que le commandant Mafrant, dont il ignorait la défaite, y arriverait en passant par les mornes de Plymouth. Il partit lui-même pour les Cayes sur un vaisseau. Dès qu'il y arriva, il apprit la mort du général polonais. Il envoya aussitôt à Tiburon l'adjudant-général Cercley, pour le remplacer. Les officiers indigènes qui servaient encore dans les rangs français conseillèrent au général Cercley de ne pas entreprendre la marche, et de se rendre aux Cayes par mer, sur l'avis d'un conseil de guerre. Le chef d'escadron Borgella lui fit observer que toute la campagne était en insurrection, qu'il pourrait succomber au milieu des embuscades qui devaient être dressées le long du chemin. Cercley lui répondit que rien ne l'arrêterait puisque le général Sarrasin avait pu atteindre les Cayes. Il partit de Tiburon, à la tête de 1500 hommes, traversa les Anglais et arriva à Garata ou il rencontra l'ennemi. Férou qui occupait cette position était retranché derrière des remparts de pierre recouverts de terre. Le chef d'escadron Borgella qui commandait l'avant-garde de la division française reconnut que les indépendants pourraient être avantageusement attaqués en flanc. Il conseilla à Cercley de faire occuper par un bataillon une ravine qui s'ouvrait derrière les retranchements, que le colonel Férou n'avait pas fait garder. Cercley, officier plein de fougue, lui demanda s'il avait peur. Borgella, indigné, ordonna aussitôt aux grenadiers de l'avant-garde de commencer le feu. Les Français attaquèrent les retranchements a la baïonnette; mais ils rencontrèrent une résistance si opiniâtre qu'ils furent contraints de battre en retraite, laissant le champ de bataille couvert de leurs morts. Férou se tenait debout sur les remparts, soutenant le courage de ses soldats. Les Français revinrent à la charge avec fureur; mais leur rage excita celle des indépendants; après une demi-heure de combat, ils furent de nouveau repoussés avec perte. Le général Cercley se souvint alors de l'avis que lui avait donné Borgella avant l’action. Il ordonna à l'adjudant-général Bernard d'aller occuper la ravine qui longeait les retranchements. Mais on lui annonça que les indépendants venaient de s'y établir. "Attaquez, néanmoins", dit-il à Bernard. Celui-ci pénétra dans le ravin, et en même temps Cercley assaillait le retranchement. Bernard fut accueilli par le feu le plus vif. Les Polonais qui étaient sous ses ordres, accablés par le soleil des tropiques, jetèrent leurs armes et prirent la fuite. Cercley, de son coté, fit en vain des prodiges de valeur. La déroute devint complète.
L'adjudant-général Bernard avait été renversé dans la ravine, atteint d'une balle. Les Français ne s'arrêtèrent qu'aux Coteaux ou ils s'embarquèrent pour les Cayes. Cercley mourut de maladie peu de jours après sa défaite. La victoire de Garata eut de grands résultats : elle fit tomber Tiburon au pouvoir des indépendants, et sauva le département du Sud. Si Cercley avait atteint les Cayes avec sa division, la garnison de cette ville renforcée de 1500 hommes eut fait contre Geffrard une vigoureuse sortie dans la plaine, et eut peut-être complètement dispersé l'armée indigène.
Le général Geffrard, apprenant que le bourg de Corail était toujours occupé par Darbois, partit du camp Gérard et marcha contre l'ennemi. Des que Darbois sut qu'il s'approchait avec des forces supérieures, il abandonna ses troupes au milieu de la nuit, et se rendit à Jérémie dans un canot de pécheur. Les Français, cernés de toutes parts, mirent bas les armes. Pendant cet intervalle, les troupes sous les ordres de Férou s'efforçaient de cerner l'habitation Welche Grande Place qu'occupait avec 600 hommes le général Sarrasin. Celui-ci était sorti des Cayes pour aller au-devant de la colonne de Cercley dont nous avons rapporté la défaite. Le général Brunet, commandant du département du Sud, fit une sortie et dégagea les troupes françaises. Geffrard, revenu du Corail, s'établit au port Dutruche. Le général Brunet voulant le chasser de sa position confia une division au général Sarrasin et lui ordonna de faire contre lui une sortie. Les Français atteignirent les indépendants et leur livrèrent une bataille rangée.
Férou commandait l'aile droite des indigènes, Gérin l'aile gauche et Geffrard le centre. Après deux heures d'un combat opiniâtre, les Français abandonnèrent en bon ordre le champ de bataille. Ils ne purent néanmoins se maintenir dans la plaine. Ils rentrèrent aux Cayes. Ce fut leur dernier effort. Les indépendants demeurèrent finalement paisibles possesseurs de la magnifique plaine de Jacob, de 20 lieues carrées. Loin de l’incendier, Geffrard ordonna à une partie de ses soldats de se livrer aux travaux agricoles. Gérin partit avec 1000 hommes pour aller faire le siège de l’Anse-à-Veau. Il traversa Aquin, d'ou il se rendit au Petit-Trou que les Français avaient abandonné. Il marcha sur l'Anse-à-Veau qu'occupait un bataillon européen. Le général Sarrasin était venu par mer au secours de cette place. Il était parti des Cayes aussitôt après la bataille de Dutruche. Après avoir supporté un siège de moins de quinze jours, il fit une honorable capitulation et transporta à Jérémie toute la garnison blanche. Gérin prit possession de la place; il y trouva des munitions de tous genres. Les Français ne possédaient plus dans le Sud que les Cayes, Jérémie et Pestel.
Le général Geffrard déployait une prodigieuse intrépidité et de rares talents militaires. Le plan de campagne du général Brunet avait été combiné de manière à écraser l’insurrection d'un seul coup. Les indigènes devaient être enveloppés de toutes parts par quatre colonnes. Geffrard, au lieu d'attendre l'ennemi dans la plaine des Cayes ou les Français l'eussent anéanti par leurs forces réunies, lança au-devant de leurs corps d'armée qui s'avançaient par des routes différentes, les Gérin, les Moreau, les Férou, les Jean-Louis François, les Bazile, et les battit successivement. Par ses manœuvres habiles, il sauva la cause indépendante dans le département du Sud.
Le capitaine-général Rochambeau ayant appris les pertes considérables que le général Sarrasin avaient éprouvées dans sa marche de Tiburon aux Cayes, fut contraint d'embarquer pour le Sud 2000 hommes de troupes fraiches, polonaises et françaises, qui venaient d'arriver de France au Port-Républicain sur une escadre commandée par l'amiral Bedout. Ces troupes qui furent confiées au général Brunet partirent pour leur destination le 16 Germinal an 11 (6 avril 1803) et arrivèrent à Jérémie le 20 Germinal (10 avril). Elles devaient exécuter les opérations dont avait été chargé le général Sarrasin. Darbois reçut l'ordre de pénétrer dans la plaine des Cayes; et en même temps les troupes de cette ville et celles de l'Anse-à-Veau devaient sortir de leurs cantonnements pour assaillir le général Geffrard. L'armée indépendante occupait toute l'étendue qui s'étend entre St-Louis et le Port-Salut. Chaque nuit, des jeunes gens des Cayes venaient grossir le parti des indépendants. Tous les postes que les Français avaient établis autour des Cayes étaient tombés au pouvoir du général Geffrard qui avait des intelligences dans la place. La plupart des cultivatrices, qui entraient dans la ville, chargées de vivres, en sortaient avec de la poudre sous leurs robes. Comme la famine commençait à se faire sentir, le colonel Berger était contraint d'ouvrir les portes des Cayes à ceux des laboureurs qui apportaient des vivres, des fruits, des légumes. Beaucoup de soldats indépendants déguisés en paysans pénétraient ainsi dans la place, y achetaient clandestinement des munitions qu'ils apportaient au camp Gérard, quartier général de Geffrard. Ce fut à cette époque que Boisrond-Tonnerre, homme de couleur instruit, qui devint plus tard un des secrétaires particuliers de Dessalines, sortit des Cayes, à la faveur d'un déguisement, et se rendit auprès de Geffrard qui l'accueillit avec distinction et l'attacha à sa personne. Boisrond-Tonnerre était créole d'Aquin, et sa famille habitait alors le bourg de St-Louis du Sud. Si les indépendants avaient eu de l'artillerie, ils eussent réduit en peu de jours la ville des Cayes. Le général Geffrard, ne voulant pas perdre un temps précieux, en de vains efforts, devant cette place garnie de canons, résolut d'aller attaquer l'Anse-à-Veau, à la tête d'une des divisions de son armée. Mais il apprit que les Français s'avançaient sur plusieurs colonnes pour l'envelopper de toutes parts. Au lieu d'attendre l'ennemi, il marcha a sa rencontre, après avoir divisé ses troupes en plusieurs corps.
Le général Darbois, parti de Jérémie, était arrivé aux Baradères avec 1000 hommes de troupes d'élite dont 200 cavaliers. Il s'achemina sur la plaine des Cayes. Quand il atteignit les hauteurs de Cavaillon, il rencontra le colonel Gérin à la tête de 900 hommes (qui formèrent plus tard la 16e), que Geffrard avait détachés du gros de l'armée. Les indépendants l'attaquèrent sur l'habitation Bérette; mais ils furent repoussés. Dans la même journée, deux bataillons, sortis de la plaine du Fond, vinrent les renforcer. Dans la nuit qui suivit, Gérin enleva un convoi de poudre qu'un détachement européen, sorti des Baradères, conduisait à Darbois. Ce général n'était demeuré immobile à Bérette que parce qu'il attendait ces munitions. A la pointe du jour, le colonel Gérin distribua des cartouches à ses soldats, qui en étaient dépourvus la plupart, et assaillit Darbois qui fut battu et poursuivi jusque sur l'habitation Lacombe, près des montagnes de Cavaillon, et couvrit, de ce coté, la plaine des Cayes ou Geffrard avait son quartier général.
En même temps, une autre colonne française, sortie de Jérémie, sous les ordres du commandant Mafrant, avait traversé les montagnes de Plymouth, pour pénétrer dans la plaine des Cayes. Geffrard lança contre elle la 13e, commandée par Moreau ou Coco Herne, et Thomas Durocher, guerrier intrépide, qui était à la tête d'un millier de cultivateurs volontaires. Les Français, battus à Thomas-Quinis, furent poursuivis par Thomas Durocher jusque sur l'habitation Lacombe, ou ils se rallièrent au général Darbois. Moreau et Durocher couvrirent la plaine des Cayes du coté de Plymouth.
Geffrard apprit qu'une nouvelle division française, sous les ordres du général Brunet, venait de débarquer à Tiburon. Il envoya au-devant d'elle le colonel Férou. Celui-ci alla se retrancher à Garata, forte position naturelle, dans un chemin rocailleux le long du rivage, entre les Cayes et Tiburon. Férou avait sous ses ordres Bazile, Jean-Louis François, et les troupes qui formèrent depuis les 15e et 18e. Le général Brunet confia le commandement de la division débarquée à Tiburon à un général polonais avec ordre de suivre la route des Coteaux et de pénétrer dans la plaine des Cayes, pendant que le commandant Mafrant, dont il ignorait la défaite, y arriverait en passant par les mornes de Plymouth. Il partit lui-même pour les Cayes sur un vaisseau. Dès qu'il y arriva, il apprit la mort du général polonais. Il envoya aussitôt à Tiburon l'adjudant-général Cercley, pour le remplacer. Les officiers indigènes qui servaient encore dans les rangs français conseillèrent au général Cercley de ne pas entreprendre la marche, et de se rendre aux Cayes par mer, sur l'avis d'un conseil de guerre. Le chef d'escadron Borgella lui fit observer que toute la campagne était en insurrection, qu'il pourrait succomber au milieu des embuscades qui devaient être dressées le long du chemin. Cercley lui répondit que rien ne l'arrêterait puisque le général Sarrasin avait pu atteindre les Cayes. Il partit de Tiburon, à la tête de 1500 hommes, traversa les Anglais et arriva à Garata ou il rencontra l'ennemi. Férou qui occupait cette position était retranché derrière des remparts de pierre recouverts de terre. Le chef d'escadron Borgella qui commandait l'avant-garde de la division française reconnut que les indépendants pourraient être avantageusement attaqués en flanc. Il conseilla à Cercley de faire occuper par un bataillon une ravine qui s'ouvrait derrière les retranchements, que le colonel Férou n'avait pas fait garder. Cercley, officier plein de fougue, lui demanda s'il avait peur. Borgella, indigné, ordonna aussitôt aux grenadiers de l'avant-garde de commencer le feu. Les Français attaquèrent les retranchements a la baïonnette; mais ils rencontrèrent une résistance si opiniâtre qu'ils furent contraints de battre en retraite, laissant le champ de bataille couvert de leurs morts. Férou se tenait debout sur les remparts, soutenant le courage de ses soldats. Les Français revinrent à la charge avec fureur; mais leur rage excita celle des indépendants; après une demi-heure de combat, ils furent de nouveau repoussés avec perte. Le général Cercley se souvint alors de l'avis que lui avait donné Borgella avant l’action. Il ordonna à l'adjudant-général Bernard d'aller occuper la ravine qui longeait les retranchements. Mais on lui annonça que les indépendants venaient de s'y établir. "Attaquez, néanmoins", dit-il à Bernard. Celui-ci pénétra dans le ravin, et en même temps Cercley assaillait le retranchement. Bernard fut accueilli par le feu le plus vif. Les Polonais qui étaient sous ses ordres, accablés par le soleil des tropiques, jetèrent leurs armes et prirent la fuite. Cercley, de son coté, fit en vain des prodiges de valeur. La déroute devint complète.
L'adjudant-général Bernard avait été renversé dans la ravine, atteint d'une balle. Les Français ne s'arrêtèrent qu'aux Coteaux ou ils s'embarquèrent pour les Cayes. Cercley mourut de maladie peu de jours après sa défaite. La victoire de Garata eut de grands résultats : elle fit tomber Tiburon au pouvoir des indépendants, et sauva le département du Sud. Si Cercley avait atteint les Cayes avec sa division, la garnison de cette ville renforcée de 1500 hommes eut fait contre Geffrard une vigoureuse sortie dans la plaine, et eut peut-être complètement dispersé l'armée indigène.
Le général Geffrard, apprenant que le bourg de Corail était toujours occupé par Darbois, partit du camp Gérard et marcha contre l'ennemi. Des que Darbois sut qu'il s'approchait avec des forces supérieures, il abandonna ses troupes au milieu de la nuit, et se rendit à Jérémie dans un canot de pécheur. Les Français, cernés de toutes parts, mirent bas les armes. Pendant cet intervalle, les troupes sous les ordres de Férou s'efforçaient de cerner l'habitation Welche Grande Place qu'occupait avec 600 hommes le général Sarrasin. Celui-ci était sorti des Cayes pour aller au-devant de la colonne de Cercley dont nous avons rapporté la défaite. Le général Brunet, commandant du département du Sud, fit une sortie et dégagea les troupes françaises. Geffrard, revenu du Corail, s'établit au port Dutruche. Le général Brunet voulant le chasser de sa position confia une division au général Sarrasin et lui ordonna de faire contre lui une sortie. Les Français atteignirent les indépendants et leur livrèrent une bataille rangée.
Férou commandait l'aile droite des indigènes, Gérin l'aile gauche et Geffrard le centre. Après deux heures d'un combat opiniâtre, les Français abandonnèrent en bon ordre le champ de bataille. Ils ne purent néanmoins se maintenir dans la plaine. Ils rentrèrent aux Cayes. Ce fut leur dernier effort. Les indépendants demeurèrent finalement paisibles possesseurs de la magnifique plaine de Jacob, de 20 lieues carrées. Loin de l’incendier, Geffrard ordonna à une partie de ses soldats de se livrer aux travaux agricoles. Gérin partit avec 1000 hommes pour aller faire le siège de l’Anse-à-Veau. Il traversa Aquin, d'ou il se rendit au Petit-Trou que les Français avaient abandonné. Il marcha sur l'Anse-à-Veau qu'occupait un bataillon européen. Le général Sarrasin était venu par mer au secours de cette place. Il était parti des Cayes aussitôt après la bataille de Dutruche. Après avoir supporté un siège de moins de quinze jours, il fit une honorable capitulation et transporta à Jérémie toute la garnison blanche. Gérin prit possession de la place; il y trouva des munitions de tous genres. Les Français ne possédaient plus dans le Sud que les Cayes, Jérémie et Pestel.
Le général Geffrard déployait une prodigieuse intrépidité et de rares talents militaires. Le plan de campagne du général Brunet avait été combiné de manière à écraser l’insurrection d'un seul coup. Les indigènes devaient être enveloppés de toutes parts par quatre colonnes. Geffrard, au lieu d'attendre l'ennemi dans la plaine des Cayes ou les Français l'eussent anéanti par leurs forces réunies, lança au-devant de leurs corps d'armée qui s'avançaient par des routes différentes, les Gérin, les Moreau, les Férou, les Jean-Louis François, les Bazile, et les battit successivement. Par ses manœuvres habiles, il sauva la cause indépendante dans le département du Sud.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Ces échecs qu'essuyaient les Français rendirent le général Rochambeau plus sombre, plus soupçonneux. Sa défiance se porta sur les officiers noirs et de couleur qui, jusqu'à présent, donnaient les plus grandes preuves de dévouement à la Métropole. Il envoya l'ordre au général Brunet d'embarquer pour France Laplume, tout en l'entourant de considération. Depuis quelque temps, Laplume témoignait le désir d'aller en France, pensant que sa présence était devenue inutile dans la colonie. "La couleur de Laplume, comme nègre, dit Laujon, jetait la plus grande timidité sur toutes ses actions et faisait céder l'autorité dont il était revêtu aux égards qu'il avait pour les officiers de notre armée, quoique placés sous son commandement. Cette pernicieuse considération nous fit perdre les avantages inappréciables que procurent souvent les mesures les plus sévères dans le moment ou elles doivent l'être". Le 17 Floréal (7 mai), Laplume s'embarqua pour le Port-Républicain ou il arriva le 11 du même mois. Il partit pour France à bord d'un des vaisseaux de l'escadre de l'amiral Bedout. II fut débarqué à Cadix ou il mourut d'une maladie de langueur, plongé dans la misère la plus hideuse. Le gouvernement français accorda cependant quelques secours à sa famille. Le colonel Nérette était aussi parti pour France, à la même époque. Il se rendit à Bordeaux ou il ne voulut pas même visiter un grand nombre de ses compatriotes, que Leclerc avait fait déporter. Il se rendit à Paris pour saluer Bonaparte; mais celui-ci ne daigna pas lui accorder une audience. Darbois fut appelé provisoirement au commandement de l'arrondissement des Cayes; il fut remplacé, à la Grand’Anse, par Monfalcon. Berger reçut l'ordre d'aller prendre provisoirement le commandement de la place de Jérémie.
Quoique la guerre ne fut pas encore déclarée entre la France et l'Angleterre, les bâtiments de Sa Majesté Britannique fréquentaient les ports qu'occupaient les indépendants et leur donnaient, pour du café, des armes et des munitions. Un aide de camp de Rochambeau, le colonel Rosse, qui avait été envoyé en mission à la Cote Ferme sur un navire américain, rencontra à la hauteur de Tiburon, en avril, la corvette anglaise la "Surinam" qui pénétra dans le port de cette ville. L'amiral Latouche-Tréville qui se livrait aux plaisirs, au Mole St-Nicolas, ne faisait aucun effort pour contrarier les communications qui s'établissaient entre les Anglais et les indépendants.
Jusqu'alors, comme nous l'avons vu, les indépendants des environs du Port-Républicain, ne possédaient, dans la plaine du Cul-de-Sac, que le camp Frère. Les cultivateurs de cette plaine faisaient avec le Port-Républicain un commerce assez important de vivres, de volailles, de fruits, de légumes. Chaque dimanche, il y avait à la Croix-des-Bouquets, ainsi qu'au Port-Républicain, un marché ou se réunissaient plus de quatre mille cultivateurs et cultivatrices, avec la permission des gérants ou propriétaires. Les vivres, les légumes et les fruits que cultivaient les laboureurs dans leurs moments de loisirs, car ils étaient maintenus en servitude, étaient payés par les Blancs bien au-dessous de leur valeur. Cependant le commerce de détail se soutenait un peu, par les acquisitions que les gens de la campagne faisaient en ville avec l'argent qu'ils retiraient de la vente de leurs vivres, de leurs légumes et de leurs volailles.
Ceux des Français qui abhorraient le système colonial attribuaient avec raison tous les désastres de St-Domingue au capitaine-général, dont les cruautés avaient excité la population du Sud contre la Métropole. Le Premier Consul avait reçu de St-Domingue des mémoires contre l'administration de Rochambeau, dont le remplacement était demandé avec instances. Mais Bonaparte considérait ces mémoires comme enfantés par les rêves de ceux qu'il appelait utopistes ou républicains, car il était satisfait de Rochambeau qui exécutait sévèrement les instructions qu'il lui envoyait à l'égard des Noirs et des hommes de couleur. Cependant les calamités qui frappaient les Français étaient si grandes que Rochambeau se détermina à envoyer en France un des officiers de son état-major chargé de faire au Premier Consul un tableau exact de la colonie dépourvue entièrement de ressources. Il jeta les yeux sur le général de brigade Pierre Boyer, chef de l'état-major général de l'armée. Boyer, comme nous l'avons vu, s'était identifié à son système d'extermination. C'était peut-être le seul officier qui put représenter au Premier Consul, sous un aspect favorable, le gouvernement de Rochambeau. Le 10 avril, il fut ordonné au préfet colonial, au commissaire ordonnateur en chef, au payeur général, aux commandants du génie et de l'artillerie, d'adresser au général Boyer toutes les demandes qu'ils auraient à faire au gouvernement de la Métropole. Le but de cette mission était de faire connaitre au Premier Consul que l'insurrection était devenue générale, qu'elle avait été suscitée par les Mulâtres, que l'armée, désirant ardemment conserver à la France la plus belle de ses colonies, demandait de nouveaux renforts. Le général Boyer partit pour France, accompagné du commissaire ordonnateur Dintrans et de plusieurs officiers supérieurs d'artillerie, du génie et de marine. Il fut remplacé par le général Thouvenot dans les fonctions de chef d'état-major. La guerre qui ne tarda pas à éclater entre la France et l'Angleterre, ne permit pas à Bonaparte d'envoyer à St-Domingue autant de troupes qu'il l'eut voulu, et cette mission ne produisit aucun résultat avantageux à la colonie. Rochambeau en profita seul, car Bonaparte demeura convaincu qu'il était le seul officier général capable de sauver St-Domingue, qu'il perdait cependant. La France eut elle envoyé, à cette époque, une nouvelle armée de 40.000 hommes, à St-Domingue, qu'elle n'en eut pas fait la conquête. Cette armée eut été tôt ou tard écrasée sous le poids des masses en insurrection. Le gouvernement eut-il alors proclamé l'oubli du passé, la liberté de tous, qu'il n'eut pas réussi. Les indigènes déjà n'ajoutaient plus foi aux paroles des Français, et leur défiance était devenue invincible. Les Français n'auraient pu redevenir les paisibles possesseurs de Saint-Domingue, des avril 1803, que par l'extermination des Noirs et des Jaunes; mais alors l'insurrection, devenue générale, aurait obtenu tant de succès, que probablement une nouvelle armée française eut été dévorée plus vite que la première. Apres son avènement au commandement en chef de la colonie, Rochambeau avait demandé au Premier Consul une armée de 25.000 hommes. Bonaparte avait annoncé à la France les malheurs de St-Domingue, tout en représentant sous de sombres couleurs les excès des insurgés, et avait fait un appel à l'énergie du grand peuple. 60,000 vétérans s'étaient volontairement présentés pour aller à St-Domingue. Bonaparte avait choisi 15,000 de ces braves qui avaient été acheminés sur Brest et Rochefort. Cet élan national avait été annoncé au peuple français le 14 février 1803. Depuis le mois de janvier ces troupes arrivaient successivement dans la colonie. Dans le courant d'avril, la corvette la "Flute" mouilla dans la rade du Cap, chargée d'un régiment de Centenaires; ainsi que la flute la "Nécessité" chargée de 400 conscrits. Ces derniers furent incorporés dans la légion du Cap en garnison à Jacmel. A la fin du même mois, un autre corps de Centenaires arriva au Port-Républicain sur la corvette la "Malicieuse". Ces nouvelles troupes furent incorporées dans la légion de St-Domingue et envoyées à St-Marc, sous les ordres du général d'Henin. A cette époque, la fièvre avait entièrement cessé ses ravages, et ces nouvelles troupes n'en étaient nullement atteintes.
Quoique la guerre ne fut pas encore déclarée entre la France et l'Angleterre, les bâtiments de Sa Majesté Britannique fréquentaient les ports qu'occupaient les indépendants et leur donnaient, pour du café, des armes et des munitions. Un aide de camp de Rochambeau, le colonel Rosse, qui avait été envoyé en mission à la Cote Ferme sur un navire américain, rencontra à la hauteur de Tiburon, en avril, la corvette anglaise la "Surinam" qui pénétra dans le port de cette ville. L'amiral Latouche-Tréville qui se livrait aux plaisirs, au Mole St-Nicolas, ne faisait aucun effort pour contrarier les communications qui s'établissaient entre les Anglais et les indépendants.
Jusqu'alors, comme nous l'avons vu, les indépendants des environs du Port-Républicain, ne possédaient, dans la plaine du Cul-de-Sac, que le camp Frère. Les cultivateurs de cette plaine faisaient avec le Port-Républicain un commerce assez important de vivres, de volailles, de fruits, de légumes. Chaque dimanche, il y avait à la Croix-des-Bouquets, ainsi qu'au Port-Républicain, un marché ou se réunissaient plus de quatre mille cultivateurs et cultivatrices, avec la permission des gérants ou propriétaires. Les vivres, les légumes et les fruits que cultivaient les laboureurs dans leurs moments de loisirs, car ils étaient maintenus en servitude, étaient payés par les Blancs bien au-dessous de leur valeur. Cependant le commerce de détail se soutenait un peu, par les acquisitions que les gens de la campagne faisaient en ville avec l'argent qu'ils retiraient de la vente de leurs vivres, de leurs légumes et de leurs volailles.
Ceux des Français qui abhorraient le système colonial attribuaient avec raison tous les désastres de St-Domingue au capitaine-général, dont les cruautés avaient excité la population du Sud contre la Métropole. Le Premier Consul avait reçu de St-Domingue des mémoires contre l'administration de Rochambeau, dont le remplacement était demandé avec instances. Mais Bonaparte considérait ces mémoires comme enfantés par les rêves de ceux qu'il appelait utopistes ou républicains, car il était satisfait de Rochambeau qui exécutait sévèrement les instructions qu'il lui envoyait à l'égard des Noirs et des hommes de couleur. Cependant les calamités qui frappaient les Français étaient si grandes que Rochambeau se détermina à envoyer en France un des officiers de son état-major chargé de faire au Premier Consul un tableau exact de la colonie dépourvue entièrement de ressources. Il jeta les yeux sur le général de brigade Pierre Boyer, chef de l'état-major général de l'armée. Boyer, comme nous l'avons vu, s'était identifié à son système d'extermination. C'était peut-être le seul officier qui put représenter au Premier Consul, sous un aspect favorable, le gouvernement de Rochambeau. Le 10 avril, il fut ordonné au préfet colonial, au commissaire ordonnateur en chef, au payeur général, aux commandants du génie et de l'artillerie, d'adresser au général Boyer toutes les demandes qu'ils auraient à faire au gouvernement de la Métropole. Le but de cette mission était de faire connaitre au Premier Consul que l'insurrection était devenue générale, qu'elle avait été suscitée par les Mulâtres, que l'armée, désirant ardemment conserver à la France la plus belle de ses colonies, demandait de nouveaux renforts. Le général Boyer partit pour France, accompagné du commissaire ordonnateur Dintrans et de plusieurs officiers supérieurs d'artillerie, du génie et de marine. Il fut remplacé par le général Thouvenot dans les fonctions de chef d'état-major. La guerre qui ne tarda pas à éclater entre la France et l'Angleterre, ne permit pas à Bonaparte d'envoyer à St-Domingue autant de troupes qu'il l'eut voulu, et cette mission ne produisit aucun résultat avantageux à la colonie. Rochambeau en profita seul, car Bonaparte demeura convaincu qu'il était le seul officier général capable de sauver St-Domingue, qu'il perdait cependant. La France eut elle envoyé, à cette époque, une nouvelle armée de 40.000 hommes, à St-Domingue, qu'elle n'en eut pas fait la conquête. Cette armée eut été tôt ou tard écrasée sous le poids des masses en insurrection. Le gouvernement eut-il alors proclamé l'oubli du passé, la liberté de tous, qu'il n'eut pas réussi. Les indigènes déjà n'ajoutaient plus foi aux paroles des Français, et leur défiance était devenue invincible. Les Français n'auraient pu redevenir les paisibles possesseurs de Saint-Domingue, des avril 1803, que par l'extermination des Noirs et des Jaunes; mais alors l'insurrection, devenue générale, aurait obtenu tant de succès, que probablement une nouvelle armée française eut été dévorée plus vite que la première. Apres son avènement au commandement en chef de la colonie, Rochambeau avait demandé au Premier Consul une armée de 25.000 hommes. Bonaparte avait annoncé à la France les malheurs de St-Domingue, tout en représentant sous de sombres couleurs les excès des insurgés, et avait fait un appel à l'énergie du grand peuple. 60,000 vétérans s'étaient volontairement présentés pour aller à St-Domingue. Bonaparte avait choisi 15,000 de ces braves qui avaient été acheminés sur Brest et Rochefort. Cet élan national avait été annoncé au peuple français le 14 février 1803. Depuis le mois de janvier ces troupes arrivaient successivement dans la colonie. Dans le courant d'avril, la corvette la "Flute" mouilla dans la rade du Cap, chargée d'un régiment de Centenaires; ainsi que la flute la "Nécessité" chargée de 400 conscrits. Ces derniers furent incorporés dans la légion du Cap en garnison à Jacmel. A la fin du même mois, un autre corps de Centenaires arriva au Port-Républicain sur la corvette la "Malicieuse". Ces nouvelles troupes furent incorporées dans la légion de St-Domingue et envoyées à St-Marc, sous les ordres du général d'Henin. A cette époque, la fièvre avait entièrement cessé ses ravages, et ces nouvelles troupes n'en étaient nullement atteintes.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Les finances continuaient à être dans un tel état de délabrement que le gouvernement ne subvenait à ses dépenses que par des emprunts. Ce ne fut qu'en avril 1803 que le préfet colonial, ordonnateur en chef, put payer à l'armée la solde arriérée de l'an 10 et d'une partie de l'an 11 jusqu'au 1er Germinal (22 mars.) Presque tous les officiers généraux avaient leur fortune faite, et comme les ressources des indigènes qui étaient encore dans les villes étaient épuisées, ils dépouillaient les négociants blancs. Ceux-ci étaient souvent contraints de supporter les vexations les plus graves dans la crainte d'être déportés ou fusillés. Ceux des Français que distinguait un noble caractère s'efforçaient d'abandonner la colonie. Ce fut alors que le citoyen Monbreton Norvins, secrétaire-général de la préfecture, quitta St-Domingue; il fut remplacé par le citoyen Jean-Baptiste Merceron. Alix, directeur d'un arsenal, venait d'être déporté à cause de son humanité : il avait refusé de livrer dix mille boulets destinés à être attachés aux pieds des infortunés qu'on noyait le long du littoral; il fut remplacé par le chef de bataillon Chapelle. Le commandement du génie fut confié au colonel Huzy, et celui de l'artillerie au colonel Borthou.
Pendant cet intervalle, le général Capoix enlevait sur les Français le Port-de-Paix auquel Rochambeau attachait une haute importance, à cause de la possession de l'ile de la Tortue située à l'opposite, ou il avait un immense hôpital et des magasins de poudre. Les indigènes, maîtres du Port-de-Paix, devaient infailliblement s'emparer de ce dépôt considérable de munitions. Les bâtiments de guerre français qui étaient venus successivement canonner le quartier général de Laveaux-Lapointe, n'avaient jamais pu chasser le général Capoix de sa position. Celui-ci avait fait réunir dans son camp tous les projectiles que les bâtiments avaient lances sur le rivage, et s'était déterminé à assiéger le Port-de-Paix. D'une petite taille, il avait des yeux vifs et perçants; d'une audace prodigieuse, il ne reculait jamais devant le danger. Il faisait mourir impitoyablement ceux de ses soldats qui commettaient quelque lâcheté. Il était cependant aimé de ses troupes qui se croyaient invincibles quand il marchait à leur tête. Il portait habituellement un chapeau à cornes galonné qui avait appartenu au général Moyse. Il avait trouvé ce chapeau dans le Petit-Fort du Port-de-Paix, quand il avait pris possession de cette ville, en 1802, après l'évacuation du général Brunet. Il envoya toutes les femmes de la commune de Port-de-Paix, accompagnées de 100 grenadiers, jusqu'à la baie des Moustiques ou il y avait deux pièces de 8 braquées sur le rivage. Ces femmes qui partageaient les dangers de leurs frères, trainèrent ces deux pièces, à forces de bras, jusqu'aux environs du Port-de-Paix. Elles avaient parcouru un espace de 8 lieues. Capoix qui était parti de Laveaux-Lapointe, à la tête de son armée, s'était arrêté à un demi-mille des portes de la place. Pour que l'ennemi ne découvrit pas ses canons, il les plaça derrière une ligne de branches d'arbres, sur une éminence qui dominait la ville, vis-à-vis d'un fort appelé le Blockhaus que les Français avaient élevé hors de la place. Dans une nuit, les indigènes établirent, pour se protéger centre le feu de l'ennemi, des gabions qui occupèrent une étendue d'un mille. Le capitaine Placide Louis se plaça en embuscade près du blockhaus, derrière une rangée d'arbres longue et épaisse. Le 12 avril, à 5 heures de l'après-midi, le colonel Vincent Louis démasqua la batterie qui tira vigoureusement sur le blockhaus; les Français répondirent au feu des indigènes. Mais à six heures, une violente détonation sortit du blockhaus qui fut aussitôt enveloppé d'une épaisse fumée. Des pierres et des lambeaux de chair humaine tombèrent dans les rangs des indigènes : la poudrière de cette fortification venait de sauter. Les Français coururent tumultueusement vers le fort Pageot. Mais Placide Louis les accueillit par un feu vif, les poursuivit et entra avec eux dans le fort Pageot. La s'engagea un combat dans lequel succomba la garnison française. Le drapeau indigène flotta sur cette fortification. Il ne resta aux Français que l'enceinte de la place ou le désordre était à son comble. Ce ne fut qu'en déployant la plus grande énergie que les adjudants-commandants Boscus et Rippert parvinrent à maintenir les troupes dans les autres forts et sur la place d'armes. Toutes les familles blanches s'embarquèrent dans les chaloupes de la rade et se rendirent soit à la Tortue, soit au Cap. Au milieu de la nuit, le colonel Vincent fit tirer du fort Pageot sur le Grand-Fort. Les boulets qui sans cesse traversaient la ville y répandaient la terreur de toutes parts. A une heure du matin, le général Capoix atteignit, au milieu d'une grêle de balles, le Grand-Fort contre lequel il appliqua trois échelles. Il monta à l'assaut suivi de ses soldats et parvint le premier sur les remparts ou il planta le drapeau indigène. En même temps, le colonel Vincent pénétrait au centre de la ville, et refoulait les Français dans le fort Laveaux et le Petit-Fort. A la pointe du jour, le général Capoix les canonna sans relâche. A dix heures, les adjudants-commandants Rippert et Boscus furent contraints de se diriger vers la plage pour s'embarquer, protégés par le feu de la corvette stationnaire. Le colonel Vincent leur livra combat sur le rivage, et les jeta dans la mer. Ce ne fut pas sans peine que Boscus et Rippert atteignirent la corvette. Trois cents prisonniers demeurèrent au pouvoir des indigènes.
Le général Capoix à l'intrépidité duquel était due cette éclatante victoire ne laissa pas se reposer ses soldats. Il voulut profiter de la terreur que la prise du Port-de-Paix devait avoir répandue parmi les Blancs de la Tortue. Le même jour 13 avril, dans l'après-midi, le colonel Vincent et le commandant Bauvoir s'embarquèrent avec le 3e bataillon de la 9e sur deux radeaux que remorquèrent plusieurs chaloupes. Les indigènes de la Tortue favorisèrent leur débarquement. Les soldats de la 9e parcoururent l'île dans toutes les directions, chassèrent les Français de tous les points qu'ils occupaient et les contraignirent à évacuer la Tortue. Toutes les propriétés furent livrées au pillage, ensuite aux flammes. La ruine de l'hôpital de la Tortue enleva aux Français le seul lieu qui leur restât pour envoyer leurs fiévreux, et leur fit perdre d'immenses magasins de munitions. Désormais leurs malades seront entassés au Fort-Liberté, au Cap et au Mole dans des établissements étroits. Respirant un air infect, prives d'une nourriture saine, ils succomberont la plupart. Rochambeau ne fit plus aucune tentative pour reconquérir la Tortue et le Port-de-Paix. Le canal qui s'étend entre cette ile et la grande terre, fut couvert de barges indigènes, et il devint impossible aux Français de caboter entre le Mole et le Cap.
Rochambeau avait appris avec une profonde douleur la chute du Port-de-Paix et de la Tortue. Il fit néanmoins publier plusieurs promotions faites dans l'armée, par les consuls de la République. C'était une consolation pour les infortunés soldats qui, la plupart, voyaient avec horreur, comme nous l'avons déjà fait observer, les crimes qui se commettaient au nom de la France. Le capitaine de frégate Jurien fut nommé capitaine de vaisseau, pour l'énergie qu'il avait déployée dans diverses attaques contre Léogane. Le citoyen Bauduy, capitaine des dragons du Cap, reçut un sabre d'honneur en récompense de sa valeur dans l'affaire du 23 Vendémiaire, au Haut du Cap; et l'adjudant-commandant Claparède fut fait général de brigade en remplacement du général Desplanques, mort dans la colonie. Le général Rochambeau apprit, à cette époque, que des bâtiments de guerre anglais s'étaient montrés dans les eaux de St-Domingue pour vendre aux indépendants des armes et de la poudre. Tant pour mettre obstacle à ce trafic que pour faciliter les noyades, il fit publier, le 18 avril, une ordonnance par laquelle il fut défendu a tout bâtiment dont le patron serait Nègre ou Mulâtre de caboter ou de naviguer en pleine mer. La même ordonnance portait qu'un bâtiment caboteur ne pourrait être commandé que par un Blanc, que les Nègres ou Mulâtres ne formeraient que la moitie de l'équipage du navire, que toute goélette qui serait rencontrée en mer, en contravention à ces dispositions, serait réputée bonne prise.
En même temps, le général Rochambeau faisait de toutes parts alimenter le Port-Républicain dont la garnison avait considérablement augmenté depuis qu'il y avait transporté son quartier général. Il ordonna au colonel Lux, commandant de la Croix-des-Bouquets, de faire une excursion dans le quartier du Pays-Pourri, à cinq lieues du bourg, couvert de pâturages ou paissaient de nombreux troupeaux. Lux confia cette expédition au chef de bataillon Viet, qui sortit de la Croix-des-Bouquets, le 26 avril, à la tête d'une colonne de troupes. Viet, créole des Grands-Bois, connaissait tous les chemins et les sentiers de ce quartier. Il enleva sur les gens de Lamour Dérance les postes de Robillard et de Bauge, et ravagea les plantations des indigènes. Ses soldats rentrèrent au bourg, chargés de vivres, et conduisant devant eux 24 bœufs qu'ils avaient pris. Viet avait déployé tant d'activité dans cette expédition, que dans la même journée il était rentré à la Croix-des-Bouquets. Dans la nuit du 26 au 27, Lux avisa Rochambeau du succès de l’entreprise. Celui-ci, craignant que le convoi ne fut enlevé par une centaine de gens de Lamour Dérance qui avaient eu l'audace de se montrer dans les environs de l'habitation Drouillard, expédia pour la Croix-des-Bouquets une colonne chargée d'accompagner les bestiaux jusqu'au Port-Républicain. Lavalette sortit de cette ville le 27 avril, à 4 heures du matin, à la tête de deux bataillons, l'un de troupes de ligne, sous les ordres du commandant Bertet, l'autre de la garde nationale, et avec 40 dragons. A cinq heures, il découvrit les gens de Lamour Dérance, près de Drouillard. Il dispersa les indépendants, après leur avoir tué trente hommes, s'avança jusqu'à la Croix-des-Bouquets et rentra au Port-Républicain, dans l'après-midi, avec un convoi considérable de vivres et de bestiaux. Ce fut alors que Rochambeau fit élever les blockhaus sur les habitations Drouillard et Santo pour protéger les convois français qui fréquentaient le chemin de la Croix-des-Bouquets.
Pendant cet intervalle, le général Capoix enlevait sur les Français le Port-de-Paix auquel Rochambeau attachait une haute importance, à cause de la possession de l'ile de la Tortue située à l'opposite, ou il avait un immense hôpital et des magasins de poudre. Les indigènes, maîtres du Port-de-Paix, devaient infailliblement s'emparer de ce dépôt considérable de munitions. Les bâtiments de guerre français qui étaient venus successivement canonner le quartier général de Laveaux-Lapointe, n'avaient jamais pu chasser le général Capoix de sa position. Celui-ci avait fait réunir dans son camp tous les projectiles que les bâtiments avaient lances sur le rivage, et s'était déterminé à assiéger le Port-de-Paix. D'une petite taille, il avait des yeux vifs et perçants; d'une audace prodigieuse, il ne reculait jamais devant le danger. Il faisait mourir impitoyablement ceux de ses soldats qui commettaient quelque lâcheté. Il était cependant aimé de ses troupes qui se croyaient invincibles quand il marchait à leur tête. Il portait habituellement un chapeau à cornes galonné qui avait appartenu au général Moyse. Il avait trouvé ce chapeau dans le Petit-Fort du Port-de-Paix, quand il avait pris possession de cette ville, en 1802, après l'évacuation du général Brunet. Il envoya toutes les femmes de la commune de Port-de-Paix, accompagnées de 100 grenadiers, jusqu'à la baie des Moustiques ou il y avait deux pièces de 8 braquées sur le rivage. Ces femmes qui partageaient les dangers de leurs frères, trainèrent ces deux pièces, à forces de bras, jusqu'aux environs du Port-de-Paix. Elles avaient parcouru un espace de 8 lieues. Capoix qui était parti de Laveaux-Lapointe, à la tête de son armée, s'était arrêté à un demi-mille des portes de la place. Pour que l'ennemi ne découvrit pas ses canons, il les plaça derrière une ligne de branches d'arbres, sur une éminence qui dominait la ville, vis-à-vis d'un fort appelé le Blockhaus que les Français avaient élevé hors de la place. Dans une nuit, les indigènes établirent, pour se protéger centre le feu de l'ennemi, des gabions qui occupèrent une étendue d'un mille. Le capitaine Placide Louis se plaça en embuscade près du blockhaus, derrière une rangée d'arbres longue et épaisse. Le 12 avril, à 5 heures de l'après-midi, le colonel Vincent Louis démasqua la batterie qui tira vigoureusement sur le blockhaus; les Français répondirent au feu des indigènes. Mais à six heures, une violente détonation sortit du blockhaus qui fut aussitôt enveloppé d'une épaisse fumée. Des pierres et des lambeaux de chair humaine tombèrent dans les rangs des indigènes : la poudrière de cette fortification venait de sauter. Les Français coururent tumultueusement vers le fort Pageot. Mais Placide Louis les accueillit par un feu vif, les poursuivit et entra avec eux dans le fort Pageot. La s'engagea un combat dans lequel succomba la garnison française. Le drapeau indigène flotta sur cette fortification. Il ne resta aux Français que l'enceinte de la place ou le désordre était à son comble. Ce ne fut qu'en déployant la plus grande énergie que les adjudants-commandants Boscus et Rippert parvinrent à maintenir les troupes dans les autres forts et sur la place d'armes. Toutes les familles blanches s'embarquèrent dans les chaloupes de la rade et se rendirent soit à la Tortue, soit au Cap. Au milieu de la nuit, le colonel Vincent fit tirer du fort Pageot sur le Grand-Fort. Les boulets qui sans cesse traversaient la ville y répandaient la terreur de toutes parts. A une heure du matin, le général Capoix atteignit, au milieu d'une grêle de balles, le Grand-Fort contre lequel il appliqua trois échelles. Il monta à l'assaut suivi de ses soldats et parvint le premier sur les remparts ou il planta le drapeau indigène. En même temps, le colonel Vincent pénétrait au centre de la ville, et refoulait les Français dans le fort Laveaux et le Petit-Fort. A la pointe du jour, le général Capoix les canonna sans relâche. A dix heures, les adjudants-commandants Rippert et Boscus furent contraints de se diriger vers la plage pour s'embarquer, protégés par le feu de la corvette stationnaire. Le colonel Vincent leur livra combat sur le rivage, et les jeta dans la mer. Ce ne fut pas sans peine que Boscus et Rippert atteignirent la corvette. Trois cents prisonniers demeurèrent au pouvoir des indigènes.
Le général Capoix à l'intrépidité duquel était due cette éclatante victoire ne laissa pas se reposer ses soldats. Il voulut profiter de la terreur que la prise du Port-de-Paix devait avoir répandue parmi les Blancs de la Tortue. Le même jour 13 avril, dans l'après-midi, le colonel Vincent et le commandant Bauvoir s'embarquèrent avec le 3e bataillon de la 9e sur deux radeaux que remorquèrent plusieurs chaloupes. Les indigènes de la Tortue favorisèrent leur débarquement. Les soldats de la 9e parcoururent l'île dans toutes les directions, chassèrent les Français de tous les points qu'ils occupaient et les contraignirent à évacuer la Tortue. Toutes les propriétés furent livrées au pillage, ensuite aux flammes. La ruine de l'hôpital de la Tortue enleva aux Français le seul lieu qui leur restât pour envoyer leurs fiévreux, et leur fit perdre d'immenses magasins de munitions. Désormais leurs malades seront entassés au Fort-Liberté, au Cap et au Mole dans des établissements étroits. Respirant un air infect, prives d'une nourriture saine, ils succomberont la plupart. Rochambeau ne fit plus aucune tentative pour reconquérir la Tortue et le Port-de-Paix. Le canal qui s'étend entre cette ile et la grande terre, fut couvert de barges indigènes, et il devint impossible aux Français de caboter entre le Mole et le Cap.
Rochambeau avait appris avec une profonde douleur la chute du Port-de-Paix et de la Tortue. Il fit néanmoins publier plusieurs promotions faites dans l'armée, par les consuls de la République. C'était une consolation pour les infortunés soldats qui, la plupart, voyaient avec horreur, comme nous l'avons déjà fait observer, les crimes qui se commettaient au nom de la France. Le capitaine de frégate Jurien fut nommé capitaine de vaisseau, pour l'énergie qu'il avait déployée dans diverses attaques contre Léogane. Le citoyen Bauduy, capitaine des dragons du Cap, reçut un sabre d'honneur en récompense de sa valeur dans l'affaire du 23 Vendémiaire, au Haut du Cap; et l'adjudant-commandant Claparède fut fait général de brigade en remplacement du général Desplanques, mort dans la colonie. Le général Rochambeau apprit, à cette époque, que des bâtiments de guerre anglais s'étaient montrés dans les eaux de St-Domingue pour vendre aux indépendants des armes et de la poudre. Tant pour mettre obstacle à ce trafic que pour faciliter les noyades, il fit publier, le 18 avril, une ordonnance par laquelle il fut défendu a tout bâtiment dont le patron serait Nègre ou Mulâtre de caboter ou de naviguer en pleine mer. La même ordonnance portait qu'un bâtiment caboteur ne pourrait être commandé que par un Blanc, que les Nègres ou Mulâtres ne formeraient que la moitie de l'équipage du navire, que toute goélette qui serait rencontrée en mer, en contravention à ces dispositions, serait réputée bonne prise.
En même temps, le général Rochambeau faisait de toutes parts alimenter le Port-Républicain dont la garnison avait considérablement augmenté depuis qu'il y avait transporté son quartier général. Il ordonna au colonel Lux, commandant de la Croix-des-Bouquets, de faire une excursion dans le quartier du Pays-Pourri, à cinq lieues du bourg, couvert de pâturages ou paissaient de nombreux troupeaux. Lux confia cette expédition au chef de bataillon Viet, qui sortit de la Croix-des-Bouquets, le 26 avril, à la tête d'une colonne de troupes. Viet, créole des Grands-Bois, connaissait tous les chemins et les sentiers de ce quartier. Il enleva sur les gens de Lamour Dérance les postes de Robillard et de Bauge, et ravagea les plantations des indigènes. Ses soldats rentrèrent au bourg, chargés de vivres, et conduisant devant eux 24 bœufs qu'ils avaient pris. Viet avait déployé tant d'activité dans cette expédition, que dans la même journée il était rentré à la Croix-des-Bouquets. Dans la nuit du 26 au 27, Lux avisa Rochambeau du succès de l’entreprise. Celui-ci, craignant que le convoi ne fut enlevé par une centaine de gens de Lamour Dérance qui avaient eu l'audace de se montrer dans les environs de l'habitation Drouillard, expédia pour la Croix-des-Bouquets une colonne chargée d'accompagner les bestiaux jusqu'au Port-Républicain. Lavalette sortit de cette ville le 27 avril, à 4 heures du matin, à la tête de deux bataillons, l'un de troupes de ligne, sous les ordres du commandant Bertet, l'autre de la garde nationale, et avec 40 dragons. A cinq heures, il découvrit les gens de Lamour Dérance, près de Drouillard. Il dispersa les indépendants, après leur avoir tué trente hommes, s'avança jusqu'à la Croix-des-Bouquets et rentra au Port-Républicain, dans l'après-midi, avec un convoi considérable de vivres et de bestiaux. Ce fut alors que Rochambeau fit élever les blockhaus sur les habitations Drouillard et Santo pour protéger les convois français qui fréquentaient le chemin de la Croix-des-Bouquets.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Les campagnes de la paroisse de l'Arcahaie étaient admirablement cultivées. L'Arcahaie est située à douze lieues du Port-Républicain par terre, et à quatre lieues par mer. Le général Fressinet, qui commandait en chef la division de l'Ouest, conseilla à Rochambeau d'y envoyer une expédition par mer; il lui persuada que le débarquement en serait facile. Par cette conquête, les Français devaient se procurer un riche butin. Dès le mois de février, ils avaient déjà inutilement tenté de s'emparer de l'Arcahaie. Ils avaient été repoussés par le général Pétion qui y avait son quartier général. Des troupes furent embarquées sur le vaisseau le "Duguay-Trouin", la corvette la "Malicieuse" et sur les goélettes le "Département du Nord" et le "Courrier". Le commandement de l'escadre fut confié au capitaine Lhermite. Le 28 avril, les Français pénétrèrent dans la rade de l'Arcahaie. Mais loin de surprendre les indépendants, ils les trouvèrent prêts à combattre. Le général Pétion qui n'ignorait pas que les Français fussent capables des coups de main les plus hardis, n'avait jamais négligé de fortifier la position qu'il occupait. Les batteries du rivage commencèrent aussitôt un feu vif et soutenu sur l'escadre. Pétion pointait lui-même les pièces d'artillerie. II ne put cependant empêcher les chaloupes françaises d'atteindre le rivage. Il lança contre les troupes européennes la 3e demi-brigade indigène. Les indépendants de l'Arcahaie, qui, les premiers, avaient commencé la guerre nationale, assaillirent les Blancs avec une telle fureur qu'ils les culbutèrent dans la mer. Les chaloupes françaises recueillirent, sous la fusillade, ceux des soldats qui purent les atteindre à la nage. L'escadre n'appareilla pas cependant pour le Port-Républicain; elle canonna encore pendant trois jours consécutifs les retranchements des indigènes.
En même temps, le chef d'escadron Répussard était sorti de St-Marc, à la tête d'un détachement de la garde nationale de cette ville, et avait enlevé aux indépendants plusieurs dépôts de vivres.
Pendant que Rochambeau se livrait, dans l'Ouest, à toutes sortes d'horreurs, le général Clausel, dans le Nord, protégeait les environs du Cap contre les agressions des indépendants, avec une rare intrépidité. Les Français, n'occupant plus aucune position dans l'intérieur de la province, avaient fait cultiver, à l'Acul, village situe a 5 lieues ouest du Cap, sur le rivage, d'immenses champs de bananiers et de maïs qui alimentaient la capitale de la colonie. Le général Daut Brave partit de l'habitation Sicard, après avoir laissé les environs de la ville du Fort-Liberté qu'assiégeait le général Charles, et réunit, au Limbé, ses forces à celles de Romain, pour ravager les établissements des Français A l'Acul. Les indigènes vinrent camper sur l'habitation Jacquinville, au nombre de 3.000 hommes. Ils brulèrent et saccagèrent tout le quartier. Clausel qui commandait au Cap apprit aussitôt cet événement. Le 2 mai, il entra en campagne, à la tête d'une forte division. Avant qu'il eut atteint le village de l'Acul qu'occupait déjà Toussaint Brave, il rencontra le général Romain barricadé au milieu du grand chemin, et l'attaqua. En même temps, une autre division française sortie du Cap, débarqua à l'Acul et en chassa Toussaint Brave qui se replia sur le général Romain. Mais les deux colonnes françaises s'étant réunies, assaillirent les indigènes, dans le grand chemin, avec fureur et les mirent en pleine déroute. Romain et Toussaint Brave ne s'arrêtèrent qu'au Limbé. Clausel entra au Cap, après avoir laisse une garnison à l'Acul. Le Cap eut déjà succombé sous les attaques multiplier des indépendants, si la milice de cette ville, composée en grande partie de Noirs et d'hommes de couleur n'avait déployé jusqu'alors une prodigieuse intrépidité. Cette fidélité au gouvernement français était entretenue par les généraux Clausel et Claparède, qui pour la bienveillance qu'ils témoignaient aux indigènes, s'étaient attiré la haine de Rochambeau. Celui-ci épiait depuis longtemps l'occasion de les envoyer en France, occasion qui ne tardera pas à se présenter. On entendit plusieurs fois le général Claparède dire à de jeunes indigènes qui venaient lui porter des plaintes contre de jeunes Blancs, favoris de Rochambeau : "En quoi, ces Blancs vous sont-ils supérieurs ? Terminez vos différends avec eux par le duel. Nous sommes tous Français, libres, égaux". Claparède exprimait ses nobles sentiments; mais quand ses conseils étaient suivis, Rochambeau faisait pendre ou noyer les indigènes qui répondaient aux insultes des Blancs.
Pendant cet intervalle, les émissaires de Pétion traversaient au sein de la nuit le golfe de la Gonâve et se rendaient aux environs de Léogane et au Petit-Goave, auprès de Cangé et de Lamarre qu'ils étaient parvenus à détacher de l'autorité de Lamour Dérance et à gagner à celle de Dessalines. II fut convenu qu'une réunion solennelle des chefs indépendants de Léogane et du Petit-Goave, aurait lieu à l'Arcahaie. Cangé, Mimi Bode, Marion, Sanglaou, Lamarre, Cadet Baude, Isidore et plusieurs autres, s'embarquèrent pour l'Arcahaie vers le milieu de mai. La flottille sur laquelle ils étaient montés était commandée par Derenoncourt. Elle était de douze barges, marchant à voiles et à rames, portant chacune une pièce de 8 et 30 hommes. Elle formait deux divisions; la première était commandée par Derenoncourt en personne qui montait la barge le "Saint-Georges", la seconde par Masson. Les chefs indigènes de l'Ouest rencontrèrent Dessalines à l'Arcahaie. Ils reconnurent son autorité et lui promirent de seconder ses projets contre Lamour Dérance auquel cependant ils feindraient de se soumettre jusqu'à ce qu'il fut abattu. Il fut convenu que la plaine du Cul-de-Sac serait envahie par les troupes de Léogane et du Petit-Goave, pendant que Dessalines en personne l'envahirait, de son coté, en passant par le Mirebalais. Le lendemain de la conférence, Cangé, Lamarre et leurs compagnons s'embarquèrent pour retourner dans la plaine de Léogane. La croisière française donna la chasse à la flottille. Une barge demeurée en arrière des autres allait être capturée. Laporte, homme de couleur, qui la commandait, prend, dans ce moment suprême, une héroïque résolution. Il exhorte ses compagnons à mourir plutôt que de tomber au pouvoir des Français. On défonce la barge; Laporte se brule la cervelle, et ses matelots s'engloutissent sous les flots aux cris de Vive la Liberté! Vive l'indépendance !
Cangé, ainsi que ses héroïques compagnons, débarqua près de Léogane. Il partit quelques jours après pour la plaine du Cul-de-Sac avec les troupes du Petit-Goave commandées par Lamarre, et celles de Léogane sous les ordres de Marion, de Sanglaou et de Mimi Bode. Il suivit le grand chemin du Port-Républicain jusqu'au Morne-à-Bateau. De la il pénétra dans les montagnes et atteignit la Coupe. Il descendit ensuite au camp Frère, dans la plaine du Cul-de-Sac, dont les habitations les plus importantes étaient occupées par des détachements de troupes. Les ateliers maintenus dans le devoir, étaient forcés au travail. Les propriétaires avaient obtenu de Rochambeau la faculté d'entretenir des soldats à leurs frais, sur leurs terres, afin qu'elles fussent mises à l'abri des incursions des indépendants du camp Frère. Beaucoup de jeunes gens noirs et de couleur du Port-Républicain et de la Croix-des-Bouquets, désoccupés et malheureux, s'étaient aussi engagés, moyennant un salaire que leur payaient les propriétaires, à tenir garnison sur ces habitations. Le général Cangé envoya des émissaires sur chaque propriété pour exciter les ateliers à la révolte; mais ils furent la plupart découverts et pendus. Le colonel Lux, comme nous l'avons vu, avait remplace l’adjudant-général Néraud au commandement de la Croix-des-Bouquets. La 5e légère, composée de soldats braves et intrépides, tenait garnison en ce bourg; elle avait relevé un bataillon de la 86e qui était rentré au Port-Républicain. Cangé crut pouvoir enlever la Croix-des-Bouquets par un coup de main. Il avait l'espoir qu'après cette conquête les ateliers se soulèveraient en masse. Il partit du camp Frère, marchant sur deux colonnes. Il en commandait une en personne; l'autre était confiée à Mimi Bode. Ses troupes atteignirent les habitations Borgella et Jumécourt. La colonne de Cangé fut arrêtée à Borgella par un bataillon de la 5e légère. L'infanterie indigène fut culbutée par les Français en moins d'un quart d'heure et mise en déroute. La colonne de Mimi Bode attaquée en même temps par un autre bataillon de la 5e légère fit bonne contenance et repoussa les Français. Mimi Bode avait été mortellement blessé dans l'action, Ses troupes se rallièrent a celles de Cangé, l'emportant sur des brancards. Il rendit le dernier soupir au camp Frère. On l'enterra au morne Cadet qui domine l'habitation Frère. La 5e légère rentra à la Croix-des-Bouquets, et les indigènes donnèrent des larmes à Mimi Bode en lequel ils perdirent un officier du plus grand courage. Cangé demeura campé à Frère, y attendant Dessalines.
En même temps, le chef d'escadron Répussard était sorti de St-Marc, à la tête d'un détachement de la garde nationale de cette ville, et avait enlevé aux indépendants plusieurs dépôts de vivres.
Pendant que Rochambeau se livrait, dans l'Ouest, à toutes sortes d'horreurs, le général Clausel, dans le Nord, protégeait les environs du Cap contre les agressions des indépendants, avec une rare intrépidité. Les Français, n'occupant plus aucune position dans l'intérieur de la province, avaient fait cultiver, à l'Acul, village situe a 5 lieues ouest du Cap, sur le rivage, d'immenses champs de bananiers et de maïs qui alimentaient la capitale de la colonie. Le général Daut Brave partit de l'habitation Sicard, après avoir laissé les environs de la ville du Fort-Liberté qu'assiégeait le général Charles, et réunit, au Limbé, ses forces à celles de Romain, pour ravager les établissements des Français A l'Acul. Les indigènes vinrent camper sur l'habitation Jacquinville, au nombre de 3.000 hommes. Ils brulèrent et saccagèrent tout le quartier. Clausel qui commandait au Cap apprit aussitôt cet événement. Le 2 mai, il entra en campagne, à la tête d'une forte division. Avant qu'il eut atteint le village de l'Acul qu'occupait déjà Toussaint Brave, il rencontra le général Romain barricadé au milieu du grand chemin, et l'attaqua. En même temps, une autre division française sortie du Cap, débarqua à l'Acul et en chassa Toussaint Brave qui se replia sur le général Romain. Mais les deux colonnes françaises s'étant réunies, assaillirent les indigènes, dans le grand chemin, avec fureur et les mirent en pleine déroute. Romain et Toussaint Brave ne s'arrêtèrent qu'au Limbé. Clausel entra au Cap, après avoir laisse une garnison à l'Acul. Le Cap eut déjà succombé sous les attaques multiplier des indépendants, si la milice de cette ville, composée en grande partie de Noirs et d'hommes de couleur n'avait déployé jusqu'alors une prodigieuse intrépidité. Cette fidélité au gouvernement français était entretenue par les généraux Clausel et Claparède, qui pour la bienveillance qu'ils témoignaient aux indigènes, s'étaient attiré la haine de Rochambeau. Celui-ci épiait depuis longtemps l'occasion de les envoyer en France, occasion qui ne tardera pas à se présenter. On entendit plusieurs fois le général Claparède dire à de jeunes indigènes qui venaient lui porter des plaintes contre de jeunes Blancs, favoris de Rochambeau : "En quoi, ces Blancs vous sont-ils supérieurs ? Terminez vos différends avec eux par le duel. Nous sommes tous Français, libres, égaux". Claparède exprimait ses nobles sentiments; mais quand ses conseils étaient suivis, Rochambeau faisait pendre ou noyer les indigènes qui répondaient aux insultes des Blancs.
Pendant cet intervalle, les émissaires de Pétion traversaient au sein de la nuit le golfe de la Gonâve et se rendaient aux environs de Léogane et au Petit-Goave, auprès de Cangé et de Lamarre qu'ils étaient parvenus à détacher de l'autorité de Lamour Dérance et à gagner à celle de Dessalines. II fut convenu qu'une réunion solennelle des chefs indépendants de Léogane et du Petit-Goave, aurait lieu à l'Arcahaie. Cangé, Mimi Bode, Marion, Sanglaou, Lamarre, Cadet Baude, Isidore et plusieurs autres, s'embarquèrent pour l'Arcahaie vers le milieu de mai. La flottille sur laquelle ils étaient montés était commandée par Derenoncourt. Elle était de douze barges, marchant à voiles et à rames, portant chacune une pièce de 8 et 30 hommes. Elle formait deux divisions; la première était commandée par Derenoncourt en personne qui montait la barge le "Saint-Georges", la seconde par Masson. Les chefs indigènes de l'Ouest rencontrèrent Dessalines à l'Arcahaie. Ils reconnurent son autorité et lui promirent de seconder ses projets contre Lamour Dérance auquel cependant ils feindraient de se soumettre jusqu'à ce qu'il fut abattu. Il fut convenu que la plaine du Cul-de-Sac serait envahie par les troupes de Léogane et du Petit-Goave, pendant que Dessalines en personne l'envahirait, de son coté, en passant par le Mirebalais. Le lendemain de la conférence, Cangé, Lamarre et leurs compagnons s'embarquèrent pour retourner dans la plaine de Léogane. La croisière française donna la chasse à la flottille. Une barge demeurée en arrière des autres allait être capturée. Laporte, homme de couleur, qui la commandait, prend, dans ce moment suprême, une héroïque résolution. Il exhorte ses compagnons à mourir plutôt que de tomber au pouvoir des Français. On défonce la barge; Laporte se brule la cervelle, et ses matelots s'engloutissent sous les flots aux cris de Vive la Liberté! Vive l'indépendance !
Cangé, ainsi que ses héroïques compagnons, débarqua près de Léogane. Il partit quelques jours après pour la plaine du Cul-de-Sac avec les troupes du Petit-Goave commandées par Lamarre, et celles de Léogane sous les ordres de Marion, de Sanglaou et de Mimi Bode. Il suivit le grand chemin du Port-Républicain jusqu'au Morne-à-Bateau. De la il pénétra dans les montagnes et atteignit la Coupe. Il descendit ensuite au camp Frère, dans la plaine du Cul-de-Sac, dont les habitations les plus importantes étaient occupées par des détachements de troupes. Les ateliers maintenus dans le devoir, étaient forcés au travail. Les propriétaires avaient obtenu de Rochambeau la faculté d'entretenir des soldats à leurs frais, sur leurs terres, afin qu'elles fussent mises à l'abri des incursions des indépendants du camp Frère. Beaucoup de jeunes gens noirs et de couleur du Port-Républicain et de la Croix-des-Bouquets, désoccupés et malheureux, s'étaient aussi engagés, moyennant un salaire que leur payaient les propriétaires, à tenir garnison sur ces habitations. Le général Cangé envoya des émissaires sur chaque propriété pour exciter les ateliers à la révolte; mais ils furent la plupart découverts et pendus. Le colonel Lux, comme nous l'avons vu, avait remplace l’adjudant-général Néraud au commandement de la Croix-des-Bouquets. La 5e légère, composée de soldats braves et intrépides, tenait garnison en ce bourg; elle avait relevé un bataillon de la 86e qui était rentré au Port-Républicain. Cangé crut pouvoir enlever la Croix-des-Bouquets par un coup de main. Il avait l'espoir qu'après cette conquête les ateliers se soulèveraient en masse. Il partit du camp Frère, marchant sur deux colonnes. Il en commandait une en personne; l'autre était confiée à Mimi Bode. Ses troupes atteignirent les habitations Borgella et Jumécourt. La colonne de Cangé fut arrêtée à Borgella par un bataillon de la 5e légère. L'infanterie indigène fut culbutée par les Français en moins d'un quart d'heure et mise en déroute. La colonne de Mimi Bode attaquée en même temps par un autre bataillon de la 5e légère fit bonne contenance et repoussa les Français. Mimi Bode avait été mortellement blessé dans l'action, Ses troupes se rallièrent a celles de Cangé, l'emportant sur des brancards. Il rendit le dernier soupir au camp Frère. On l'enterra au morne Cadet qui domine l'habitation Frère. La 5e légère rentra à la Croix-des-Bouquets, et les indigènes donnèrent des larmes à Mimi Bode en lequel ils perdirent un officier du plus grand courage. Cangé demeura campé à Frère, y attendant Dessalines.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La puissance française s'écroulait de toutes parts; la faction de Lamour Dérance, minée par le général Pétion, s'affaiblissait chaque jour, et l'autorité de Dessalines envahissait rapidement le département de l'Ouest. Le général en chef n'ayant plus rien à redouter de Petit-Noel Prière, dont le parti avait été écrasé, réunit l'armée de l'Artibonite à la Petite-Rivière, et lui annonça la détermination qu'il avait prise d'envahir la plaine de Cul-de-Sac. Cette armée était forte de 10.000 hommes. Elle partit de l'Artibonite, sous les ordres du général Gabart, et atteignit le Mirebalais qu'occupaient toujours l'adjudant-général Luthier et David Troy. Dessalines cerna étroitement le bourg et repoussa les Français toutes les fois qu'ils firent des sorties. Après huit jours de siège, il apprit que le général Kerverseau s'était avance jusqu'au Sarrasin pour secourir la place. Il lança contre lui le général Gabart avec la 7e. Les Français furent battus et repousses jusqu'au-delà de Lascahobas. Les indigènes devenus plus audacieux par cette victoire donnèrent plusieurs assauts au Mirebalais. Les Français, se voyant sur le point de succomber, évacuèrent le bourg pendant une nuit obscure. Ils passèrent par le quartier des Grands-Bois qu'occupait le commandant Viet et se retirèrent à la Croix-des-Bouquets. Les indigènes après avoir pris possession du Mirebalais continuèrent leur marche. Quand ils atteignirent le sommet des mornes qui ferment le bassin du Cul-de-Sac, ils virent s'étendre sous leurs yeux la vaste plaine du Port-Républicain couverte d'habitations Dessalines dit a ses soldats que toutes les villes qu'occupaient encore les Français tomberaient en son pouvoir, dés qu'il s'emparerait du Port-Républicain. Il leur annonça qu'ils y trouveraient des munitions de toutes espèces, de l'argent et des vêtements. L'armée indigène descendit de la montagne, pleine d'enthousiasme. C'était en mai. Elle arriva sur l'habitation Lassère ou Dessalines apprit que Lamour Dérance était au Grand-Fond. Voulant éviter une guerre civile en présence des Français, il envoya au chef africain des députés qui reconnurent son autorité. La soumission de Dessalines n'était que simulée et il ne rêvait qu'aux moyens de se défaire de Lamour Dérance. Celui-ci, plongé dans de grossières erreurs, ajoutait foi aux sortilèges, aux prophéties des papas ou prêtres du fétichisme africain qui composaient son conseil. Son système était celui de la barbarie; ses gens divisés par tribus n'étaient pas organisés en troupes régulières. Quand il marchait au combat, il était précédé de bandes de Congos, d'Aradas, d'Ibos, de Nabos, de Mandingues, de Haoussas, qui se précipitaient contre les bataillons français avec une prodigieuse intrépidité, en criant que les boulets n'étaient que poussière. Mais ce courage qu'exaltaient les superstitions venait se briser contre les remparts de fer et de feu des carrés européens. Lamour Dérance ne combattait pas pour fonder un état indépendant; il voulait continuer cette existence nomade qu'il menait depuis le commencement de la révolution. Pour que le triomphe des armes indigènes ne fut pas plus longtemps retardé, il fallait que ses bandes entrassent dans l'insurrection organisée. Elles ne se rallieront aux troupes indépendantes qu'après l'arrestation de leur chef qui sera tué a coups de baïonnette. Ainsi succombent finalement, quelle que soit leur force numérique, ceux qui luttent contre un système plus civilisateur que le leur. Ainsi était tombé Sans-Souci dans le Nord.
II y avait sur l'habitation Lassère un blockhaus français. Dessalines l'attaqua, s'en empara et en passa au fil de l'épée toute la garnison. Il ordonna à ses soldats de faire aux Blancs une guerre d'extermination; mais il leur recommanda de ne jamais sacrifier les indigènes fidèles aux Français, qui seraient faits prisonniers. "Ce sont nos frères, disait-il, on les a égarés; tôt ou tard, ils reconnaitront leur erreur". Le jour suivant, il enleva un autre poste établi sur l'habitation Borgella. Il se rendit ensuite au camp Frère, ou il rencontra le général Cangé qui y était demeuré depuis sa défaite à Borgella.
Pendant cet intervalle, Lamour Dérance se tenait à Guibert, au Grand-Fond. Dessalines l'invita à venir passer une revue solennelle de toute l'armée qui, lui écrivit-il, l'attendait avec impatience pour le saluer. Lamour Dérance descendit dans la plaine. Ses gardes couverts de haillons, montés sur des chevaux à poil, armés de piques, le précédaient. Il était lui-même monté sur un beau cheval richement caparaçonné; il portait un chapeau galonné, des habits couverts d'or et deux larges épaulettes. D'un esprit borné, il croyait à la sincérité de la soumission de l'armée de 1'Artibonite. Quand il se présenta devant Dessalines, il prit une attitude pleine d'arrogance et lui demanda pourquoi il avait pénétré dans la plaine du Cul-de-Sac sans ses ordres. "Songe bien, lui dit-il, qu'il ne t'est pas permis d'entreprendre désormais aucune expédition sans mon autorisation". Dessalines reçut les paroles les plus insultantes, l'écoutant avec une apparence de calme et refoulant dans son cœur son indignation et sa fureur. Il ne se sentait pas encore la puissance de commander son arrestation. Il le pria, après qu'il eut fini de parler, de passer les troupes en revue. L'armée prit les armes, et pendant que Lamour Dérance en parcourait les rangs, les soldats, d'après les ordres qu'ils avaient reçus, firent entendre le cri de Vive le général en chef! Lamour Dérance satisfait de l'accueil qu'il avait reçu partit pour le Grand-Fond, aussitôt après la revue.
Beaucoup d'ateliers jusqu'alors fideles aux Français, voyant tant de forces réunies au camp Frère, vinrent se joindre aux indépendants. Dessalines, connaissant l'amour des laboureurs pour la danse, fit faire un grand nombre de tambours, de bamboulas, et les installa dans trois camps qu'il avait établis à Frère. Ses soldats protégés par des postes avancés dansèrent, nuit et jour, avec les cultivatrices. Par ce moyen, il vit se réunir autour de lui la plupart des ateliers. Son armée se grossit, en quelques jours, de plusieurs milliers de cultivateurs. L'on entendait au milieu des cris d'allégresse les noms de Dessalines et de Pétion. Lamour Dérance, ainsi que son grotesque état-major, devint l'objet du mépris de la population de toute la plaine. Beaucoup de jeunes gens du Port-Républicain qui avaient pleine confiance en l'humanité du général Pétion, s'enfuirent de cette ville et allèrent se jeter dans le parti de l'indépendance.
Apres avoir organisé les cultivateurs qui s'étaient ralliés à ses troupes, Dessalines se résolut a livrer aux flammes toutes les habitations de la plaine. Par cette terrible mesure, il devait terrifier les Français, ne leur laisser aucun abri contre les ardeurs d'un soleil meurtrier, et jeter le désespoir dans l'âme des planteurs. Il divisa son armée en deux colonnes qu'il appela infernales. L'une dite du Nord, fut confiée à Gabart, l'autre dite de l'Ouest, à Cangé. Il ordonna à ces deux généraux de parcourir la plaine dans toutes les directions, de livrer aux flammes les plantations, les cases, les sucreries, les moulins, les maisons de plaisance, de ne laisser derrière eux que l'image de la plus affreuse dévastation. Mais il leur recommanda, comme il avait peu de poudre, de ne pas attaquer les blockhaus ennemis. Il était certain que les Français abandonneraient les postes épars qu'ils occupaient, des qu'ils ne verraient autour d'eux que ruines fumantes. Les deux colonnes sortirent du camp Frère. Elles atteignirent l'habitation O'Gorman, dont la sucrerie était occupée par quarante soldats européens. Les Français firent plusieurs décharges de mousqueterie sur les indigènes. Giles Drouet, colonel de la 3e indépendante, voulait donner assaut au blockhaus; mais le général Gabart lui défendit de répondre au feu de l'ennemi. Les indigènes après avoir pillé et brulé l'habitation, continuèrent leur promenade militaire. L'armée était innombrable. Les troupes régulières, suivies de presque tous les ateliers de la plaine, s'arrêtèrent à Décloche.
II y avait sur l'habitation Lassère un blockhaus français. Dessalines l'attaqua, s'en empara et en passa au fil de l'épée toute la garnison. Il ordonna à ses soldats de faire aux Blancs une guerre d'extermination; mais il leur recommanda de ne jamais sacrifier les indigènes fidèles aux Français, qui seraient faits prisonniers. "Ce sont nos frères, disait-il, on les a égarés; tôt ou tard, ils reconnaitront leur erreur". Le jour suivant, il enleva un autre poste établi sur l'habitation Borgella. Il se rendit ensuite au camp Frère, ou il rencontra le général Cangé qui y était demeuré depuis sa défaite à Borgella.
Pendant cet intervalle, Lamour Dérance se tenait à Guibert, au Grand-Fond. Dessalines l'invita à venir passer une revue solennelle de toute l'armée qui, lui écrivit-il, l'attendait avec impatience pour le saluer. Lamour Dérance descendit dans la plaine. Ses gardes couverts de haillons, montés sur des chevaux à poil, armés de piques, le précédaient. Il était lui-même monté sur un beau cheval richement caparaçonné; il portait un chapeau galonné, des habits couverts d'or et deux larges épaulettes. D'un esprit borné, il croyait à la sincérité de la soumission de l'armée de 1'Artibonite. Quand il se présenta devant Dessalines, il prit une attitude pleine d'arrogance et lui demanda pourquoi il avait pénétré dans la plaine du Cul-de-Sac sans ses ordres. "Songe bien, lui dit-il, qu'il ne t'est pas permis d'entreprendre désormais aucune expédition sans mon autorisation". Dessalines reçut les paroles les plus insultantes, l'écoutant avec une apparence de calme et refoulant dans son cœur son indignation et sa fureur. Il ne se sentait pas encore la puissance de commander son arrestation. Il le pria, après qu'il eut fini de parler, de passer les troupes en revue. L'armée prit les armes, et pendant que Lamour Dérance en parcourait les rangs, les soldats, d'après les ordres qu'ils avaient reçus, firent entendre le cri de Vive le général en chef! Lamour Dérance satisfait de l'accueil qu'il avait reçu partit pour le Grand-Fond, aussitôt après la revue.
Beaucoup d'ateliers jusqu'alors fideles aux Français, voyant tant de forces réunies au camp Frère, vinrent se joindre aux indépendants. Dessalines, connaissant l'amour des laboureurs pour la danse, fit faire un grand nombre de tambours, de bamboulas, et les installa dans trois camps qu'il avait établis à Frère. Ses soldats protégés par des postes avancés dansèrent, nuit et jour, avec les cultivatrices. Par ce moyen, il vit se réunir autour de lui la plupart des ateliers. Son armée se grossit, en quelques jours, de plusieurs milliers de cultivateurs. L'on entendait au milieu des cris d'allégresse les noms de Dessalines et de Pétion. Lamour Dérance, ainsi que son grotesque état-major, devint l'objet du mépris de la population de toute la plaine. Beaucoup de jeunes gens du Port-Républicain qui avaient pleine confiance en l'humanité du général Pétion, s'enfuirent de cette ville et allèrent se jeter dans le parti de l'indépendance.
Apres avoir organisé les cultivateurs qui s'étaient ralliés à ses troupes, Dessalines se résolut a livrer aux flammes toutes les habitations de la plaine. Par cette terrible mesure, il devait terrifier les Français, ne leur laisser aucun abri contre les ardeurs d'un soleil meurtrier, et jeter le désespoir dans l'âme des planteurs. Il divisa son armée en deux colonnes qu'il appela infernales. L'une dite du Nord, fut confiée à Gabart, l'autre dite de l'Ouest, à Cangé. Il ordonna à ces deux généraux de parcourir la plaine dans toutes les directions, de livrer aux flammes les plantations, les cases, les sucreries, les moulins, les maisons de plaisance, de ne laisser derrière eux que l'image de la plus affreuse dévastation. Mais il leur recommanda, comme il avait peu de poudre, de ne pas attaquer les blockhaus ennemis. Il était certain que les Français abandonneraient les postes épars qu'ils occupaient, des qu'ils ne verraient autour d'eux que ruines fumantes. Les deux colonnes sortirent du camp Frère. Elles atteignirent l'habitation O'Gorman, dont la sucrerie était occupée par quarante soldats européens. Les Français firent plusieurs décharges de mousqueterie sur les indigènes. Giles Drouet, colonel de la 3e indépendante, voulait donner assaut au blockhaus; mais le général Gabart lui défendit de répondre au feu de l'ennemi. Les indigènes après avoir pillé et brulé l'habitation, continuèrent leur promenade militaire. L'armée était innombrable. Les troupes régulières, suivies de presque tous les ateliers de la plaine, s'arrêtèrent à Décloche.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La Croix-des-Bouquets était toujours occupée par la 5e demi-brigade légère. Le colonel Lux, apprenant qu'il régnait un grand désordre dans les rangs des indigènes, sortit du bourg a la tête d'un bataillon pour les attaquer à l'improviste. Mais le général Gabart apprit par ses éclaireurs qu'il s'approchait audacieusement. Les Français, assaillis par la 4e, se défendirent avec vaillance; mais enveloppés de toutes parts par les indigènes, dont les rangs se resserraient sans cesse malgré le feu le plus vif, ils furent rompus et mis en pleine déroute. La cavalerie indigène les poursuivit jusqu'au pied du morne de Jumécourt. Le colonel Lux rentra à la Croix-des-Bouquets, après avoir perdu un tiers de ses soldats. Les indépendants, poursuivant leur marche, traversèrent, armés de torches, les habitations Pera, Perroux et Cotard. Ils arrivèrent aux portes de la Croix-des-Bouquets ou ils rencontrèrent un blockhaus qu'occupaient trente soldats européens. Les Français tirèrent sur eux avec acharnement; le général Cangé, qui eut son chapeau perce d'une balle, voulut donner assaut au blockhaus; mais Gabart lui rappela qu'ils avaient reçu l'ordre de ne pas attaquer. Les indigènes incendièrent les environs du bourg. Gabart et Cangé firent expirer sous la verge et le bâton, en face du blockhaus français, tous les Blancs, leurs prisonniers. L'armée traversa ensuite la Grande-Rivière du Cul-de-Sac; elle incendia les habitations Tabac, Château-Blond, et s'arrêta à Moquet. Dessalines transporta son quartier général sur cette dernière propriété. De ce point, il pouvait prolonger ses avant-postes jusque dans le grand chemin du Port-Républicain et intercepter les communications qui existaient entre cette ville et la Croix-des-Bouquets. La plaine du Cul-de-Sac qui avait été préservée de la dévastation depuis 1790, fut alors entièrement ruinée. Lamour Dérance, qui n'avait pas ordonné à Dessalines de la faire incendier vint a Moquet et se montra étonné de ce qu'on eut agi sans ses instructions. Dessalines l'accueillit parfaitement, lui fit comprendre les motifs qui l'avaient déterminé à prendre cette terrible mesure. Lamour Dérance, s'apercevant que l'influence du général des troupes de l'Artibonite était devenue plus puissante que la sienne, lui donna plein pouvoir d'aller combattre l'ennemi commun, au loin, hors de la plaine. Il nourrissait l'espoir de ressaisir son influence en l'absence de Dessalines. Il retourna au Grand-Fond emportant le mépris de toute la plaine. Pendant cet intervalle, les gens de Léogane étaient gagnés contre lui par les émissaires du général Cangé. Le chef d'escadron Pierre Louis parcourait les campagnes de Léogane et disait aux cultivateurs qu'il était temps de se défaire des chefs africains incapables de commander, et de reconnaitre l'autorité de Dessalines, Créole de la section de Cormier, dans la paroisse de la Grande-Rivière du Nord. Lamour Dérance, apprenant par Mathieu Fourmi, un de ses lieutenants, qu'une propagande active se faisait contre lui, vint à Darbonne, fit arrêter Pierre Louis par un détachement commandé par le colonel Quique, et le fit fusiller à Sarbousse avec plusieurs autres officiers partisans de Dessalines. Il rétablit pour un moment son autorité dans la plaine de Léogane et s'en retourna au Grand-Fond.
En même temps, Dessalines, maitre du chemin de la Croix-des-Bouquets, ordonna à Montauban, colonel de la 7e indépendante de l'Artibonite, d'aller attendre, pour s'en emparer, un convoi considérable qui devait partir du bourg pour se rendre au Port-Républicain. Il lui donna pour guide le colonel Germain, Créole de l'habitation Frère, à qui il avait confié la police de ce camp. Quoique Montauban eut hâté sa marche, quand il arriva à Sarthe, il apprit que le convoi avait déjà traversé cette habitation. Il refusa cependant, malgré les instances de Germain Frère, d'attaquer quelques soldats français qui passaient dans la grande route, conduisant des animaux de charge. Comme il pensait que des convois plus importants pourraient se présenter, il dit a Germain qu'ils rétrograderaient des qu'ils entendraient la fusillade; pour quelques chevaux et quelques vivres qu'on enlèverait, qu'on perdrait peut-être un riche butin. Apres avoir vainement attendu pendant plusieurs heures qu'un autre convoi vint a passer, Montauban retourna à Moquet, sans butin. Germain l'accusa auprès de Dessalines de n'avoir pas attaqué le convoi par lâcheté. On a vu qu'a son arrivée à Sarthe, le convoi avait déjà traversé l'habitation et était entré au Port-Républicain. Dessalines nourrissait une profonde animosité contre Montauban qui au commencement de l'insurrection, s'était maintes fois plaint des faveurs qu'il accordait à Gabart. Il réunit aussitôt ses troupes et leur déclara que Montauban était un lâche indigne de porter l'épaulette. Celui-ci fut dégradé, sans avoir été entendu, en présence de toute l'armée. Le général en chef nomma colonel le chef de bataillon Guerrier, lui confia le commandement de la 7e, et plaça Montauban comme simple grenadier dans une demi-brigade. Cette circonstance constate la toute-puissance que Dessalines exerçait sur les masses. L'armée entière était convaincue de la perfidie de Germain Frère et de la bravoure de Montauban; cependant pas une voix ne se fit entendre en faveur de ce dernier. L'on se soumit, sans murmurer, à la volonté du dictateur qu'on s'était donné.
Dessalines se résolut à s'emparer de la Croix-des-Bouquets. Il ordonna aux généraux Gabart et Cangé de marcher contre ce bourg, et demeura au quartier général de Moquet avec le gros de l'armée. Avant d'attaquer la Croix-des-Bouquets, Gabart abandonna la grande route, et pénétra dans des chemins de traverse, a la recherche d'un convoi considérable de vivres dont le départ pour le Port-Républicain lui avait été annoncé par ses émissaires. Il le rencontra dans la savane Oblond; il culbuta une compagnie d'Européens qui l'accompagnait et s'en empara. Au lieu de continuer aussitôt sa marche contre le bourg, il perdit un temps précieux, laissant ses soldats se livrer au pillage. Le colonel Lux, commandant de la 5e demi-brigade légère, avait entendu la fusillade. Il sortit de la Croix-des-Bouquets, et vint protéger la retraite du détachement français. A la tète de deux cents hommes de la 5e, de 60 dragons et de deux compagnies d'artillerie légère, il désirait avec ardeur venger la défaite qu'il avait essuyée à Décloche. Les grenadiers français magnifiquement équipés, portant des chapeaux à cornes surmontés d'aigrettes, s'avançaient au pas de charge; leurs armes brillaient d'un vif éclat aux rayons du soleil. Lux établit ses pièces de campagne à la barrière de l'habitation, et rangea ses troupes en bataille. La savane Oblond était alors entièrement découverte; il n'y existait pas un arbre. Les indigènes attaquèrent les Français avec vigueur en poussant des hurlements affreux. Mais ces cris ne déconcertèrent pas les artilleurs européens qui les repoussèrent. Le général Gabart ouvrit les rangs de la 4e, et laissa s'écouler la foule des fuyards. Il s'élança à la tête de cette demi-brigade contre les canons et s'en empara après avoir égorgé la plupart des artilleurs. Maître de la barrière, il voulut tourner les pièces contre l'ennemi; mais la 5e exécuta aussitôt des feux de pelotons si meurtriers que les indigènes tombaient de toute part. Gabart grièvement blessé ne put maintenir ses soldats sur le champ de bataille. Les Français reprirent leurs canons, et poursuivirent les indépendants jusqu'à Moquet. Par cette victoire, le colonel Lux rétablit ses communications avec le Port-Républicain et prolongea ses avant-postes jusqu'à Château-Blond, habitation contigüe à celle de Moquet. Dessalines transporta son quartier général au camp Frère. Le Port-Républicain commençait à être cerné. Plusieurs chefs de bandes en occupaient les environs. Jean Rouge était établi dans le chemin de la Coupe; Adam Duchemin, à Turgeot; Toby, au-dessus de Piémont; Bossou Langlande, au Canapé Vert, dans la ravine de la Coupe; Coudé, à la ravine Decayette, au morne de Bizoton; Patience et Lubin Hudicourt, à Bizoton; Chavanne, a la Rivière Froide; Métellus, à Trutier; Lamérique, au Morne-à-Bateau.
La plaine du Cul-de-Sac était en entier en insurrection, et les Français n'y occupaient que la Croix-des-Bouquets, et quelques blockhaus isolés. Dessalines réorganisa les 11e et 12e demi-brigades avec les cultivateurs de cette plaine. C'est à cette époque qu'il commença à abandonner dans ses actes la dénomination d'armée des Incas, pour celle d'armée indigène que les Noirs et les Jaunes luttant contre les Français avaient prise dès l'arrivée de l'expédition de Leclerc en 1802.
En même temps, Dessalines, maitre du chemin de la Croix-des-Bouquets, ordonna à Montauban, colonel de la 7e indépendante de l'Artibonite, d'aller attendre, pour s'en emparer, un convoi considérable qui devait partir du bourg pour se rendre au Port-Républicain. Il lui donna pour guide le colonel Germain, Créole de l'habitation Frère, à qui il avait confié la police de ce camp. Quoique Montauban eut hâté sa marche, quand il arriva à Sarthe, il apprit que le convoi avait déjà traversé cette habitation. Il refusa cependant, malgré les instances de Germain Frère, d'attaquer quelques soldats français qui passaient dans la grande route, conduisant des animaux de charge. Comme il pensait que des convois plus importants pourraient se présenter, il dit a Germain qu'ils rétrograderaient des qu'ils entendraient la fusillade; pour quelques chevaux et quelques vivres qu'on enlèverait, qu'on perdrait peut-être un riche butin. Apres avoir vainement attendu pendant plusieurs heures qu'un autre convoi vint a passer, Montauban retourna à Moquet, sans butin. Germain l'accusa auprès de Dessalines de n'avoir pas attaqué le convoi par lâcheté. On a vu qu'a son arrivée à Sarthe, le convoi avait déjà traversé l'habitation et était entré au Port-Républicain. Dessalines nourrissait une profonde animosité contre Montauban qui au commencement de l'insurrection, s'était maintes fois plaint des faveurs qu'il accordait à Gabart. Il réunit aussitôt ses troupes et leur déclara que Montauban était un lâche indigne de porter l'épaulette. Celui-ci fut dégradé, sans avoir été entendu, en présence de toute l'armée. Le général en chef nomma colonel le chef de bataillon Guerrier, lui confia le commandement de la 7e, et plaça Montauban comme simple grenadier dans une demi-brigade. Cette circonstance constate la toute-puissance que Dessalines exerçait sur les masses. L'armée entière était convaincue de la perfidie de Germain Frère et de la bravoure de Montauban; cependant pas une voix ne se fit entendre en faveur de ce dernier. L'on se soumit, sans murmurer, à la volonté du dictateur qu'on s'était donné.
Dessalines se résolut à s'emparer de la Croix-des-Bouquets. Il ordonna aux généraux Gabart et Cangé de marcher contre ce bourg, et demeura au quartier général de Moquet avec le gros de l'armée. Avant d'attaquer la Croix-des-Bouquets, Gabart abandonna la grande route, et pénétra dans des chemins de traverse, a la recherche d'un convoi considérable de vivres dont le départ pour le Port-Républicain lui avait été annoncé par ses émissaires. Il le rencontra dans la savane Oblond; il culbuta une compagnie d'Européens qui l'accompagnait et s'en empara. Au lieu de continuer aussitôt sa marche contre le bourg, il perdit un temps précieux, laissant ses soldats se livrer au pillage. Le colonel Lux, commandant de la 5e demi-brigade légère, avait entendu la fusillade. Il sortit de la Croix-des-Bouquets, et vint protéger la retraite du détachement français. A la tète de deux cents hommes de la 5e, de 60 dragons et de deux compagnies d'artillerie légère, il désirait avec ardeur venger la défaite qu'il avait essuyée à Décloche. Les grenadiers français magnifiquement équipés, portant des chapeaux à cornes surmontés d'aigrettes, s'avançaient au pas de charge; leurs armes brillaient d'un vif éclat aux rayons du soleil. Lux établit ses pièces de campagne à la barrière de l'habitation, et rangea ses troupes en bataille. La savane Oblond était alors entièrement découverte; il n'y existait pas un arbre. Les indigènes attaquèrent les Français avec vigueur en poussant des hurlements affreux. Mais ces cris ne déconcertèrent pas les artilleurs européens qui les repoussèrent. Le général Gabart ouvrit les rangs de la 4e, et laissa s'écouler la foule des fuyards. Il s'élança à la tête de cette demi-brigade contre les canons et s'en empara après avoir égorgé la plupart des artilleurs. Maître de la barrière, il voulut tourner les pièces contre l'ennemi; mais la 5e exécuta aussitôt des feux de pelotons si meurtriers que les indigènes tombaient de toute part. Gabart grièvement blessé ne put maintenir ses soldats sur le champ de bataille. Les Français reprirent leurs canons, et poursuivirent les indépendants jusqu'à Moquet. Par cette victoire, le colonel Lux rétablit ses communications avec le Port-Républicain et prolongea ses avant-postes jusqu'à Château-Blond, habitation contigüe à celle de Moquet. Dessalines transporta son quartier général au camp Frère. Le Port-Républicain commençait à être cerné. Plusieurs chefs de bandes en occupaient les environs. Jean Rouge était établi dans le chemin de la Coupe; Adam Duchemin, à Turgeot; Toby, au-dessus de Piémont; Bossou Langlande, au Canapé Vert, dans la ravine de la Coupe; Coudé, à la ravine Decayette, au morne de Bizoton; Patience et Lubin Hudicourt, à Bizoton; Chavanne, a la Rivière Froide; Métellus, à Trutier; Lamérique, au Morne-à-Bateau.
La plaine du Cul-de-Sac était en entier en insurrection, et les Français n'y occupaient que la Croix-des-Bouquets, et quelques blockhaus isolés. Dessalines réorganisa les 11e et 12e demi-brigades avec les cultivateurs de cette plaine. C'est à cette époque qu'il commença à abandonner dans ses actes la dénomination d'armée des Incas, pour celle d'armée indigène que les Noirs et les Jaunes luttant contre les Français avaient prise dès l'arrivée de l'expédition de Leclerc en 1802.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Les maladies et les combats avaient tellement affaibli les troupes françaises que les succès qu'elles obtenaient, par intervalles, loin d'améliorer leur malheureuse position l'aggravaient davantage. Chaque bataille leur enlevait de braves soldats qui, depuis peu, n'étaient plus remplacés, L'armée indépendante se grossissait au contraire, de jour en jour, d'un grand nombre de citoyens des villes qui fuyaient la tyrannie de Rochambeau. L'on verra bientôt l'Angleterre déclarer la guerre a la France. La position des Français sera alors désespérée. Cependant Rochambeau faisait les efforts les plus héroïques pour se maintenir au Cap. Il conservait l'espoir de reconquérir l’île entière, à la tête d'une nouvelle armée qu'il attendait de la Métropole. Désormais les Français se tiendront sur la défensive dans les places qu'ils occupaient encore; ils ne prendront parfois l'offensive que lorsque la famine les contraindra à sortir de leurs positions pour enlever aux indigènes des vivres et des bestiaux.
Les nouvelles qui arrivaient de la Métropole annonçaient une prochaine rupture entre la France et l'Angleterre; le commerce expédiait peu de navires pour la colonie. Le général Rochambeau fut contraint d'ouvrir le port des Cayes au commerce étranger, 21 mai 1803. Le 28 du même mois, il publia dans la colonie les lois du code civil qui, à cette date, y étaient parvenues officiellement. Dès 1790, une grande perturbation avait commence à s'introduire dans la législation coloniale. Au milieu des luttes des partis, les lois n'étaient mises en pratique que selon les intérêts de ces partis. Au commencement de la révolution, quand les Pompons blancs ou royalistes dominaient dans un quartier, ils foulaient aux pieds les lois promulguées par la Constituante et la Législative et invoquaient les ordonnances royales de l'ancien régime. Quand les petits-blancs ou républicains dominaient, ils mettaient en vigueur les lois de la révolution, tout en rejetant les dispositions favorables aux hommes de couleur et aux Noirs. Lorsque les Noirs et les hommes de couleur l'emportaient sur le parti colonial et les petits-blancs, ils rétablissaient les lois révolutionnaires. Plus tard, sous la Convention, les commissaires civils Polvérel et Sonthonax gouvernèrent ensuite d'après les ordonnances que dictaient des intérêts de castes. Ce ne fut qu'après la chute de Rigaud, et après la soumission de la partie de l'Est, que l'assemblée centrale, convoquée par Toussaint, dota la colonie d'un code uniforme. Apres la chute de Toussaint, Leclerc maintint en vigueur toutes celles des lois de l'ex-gouverneur qui n'étaient pas contraires aux ordonnances provenant des circonstances nouvelles. Les lois du code civil que Rochambeau faisait actuellement publier abrogeaient toutes celles de même nature qui existaient antérieurement.
Le capitaine-général, prévoyant que la guerre ne tarderait pas à éclater entre la France et l'Angleterre, et que les communications avec la Métropole seraient bientôt interceptées, ordonna le 8 juin, de former au Port-Républicain un dépôt général des titres et documents relatifs à St-Domingue, qui devaient être envoyés en France, à la première demande du gouvernement consulaire. Le grand juge nomma le citoyen Bascher archiviste du dépôt, avec un traitement annuel de 8.000 francs. On devait réunir dans l'établissement les titres relatifs aux immeubles situés dans l'île, les actes de concessions faites aux particuliers par le gouvernement, les plans, les cartes du pays et des fortifications, les comptes de recettes et de dépenses, les anciennes ordonnances, les arrêtés et règlements sur la police, les finances, le commerce, la culture et l'administration civile, judiciaire et militaire, les lois envoyées de France, les règlements publics a St-Domingue, les documents sur l'histoire, les sciences et les arts. Ces archives seront expédiées pour France avant l'évacuation de l'île par Rochambeau.
Sur ces entrefaites la frégate "l'lnfatigable", sortant de Brest, vint mouiller au Port-Républicain. Elle avait fait une traversée de 31 jours. Elle apporta a Rochambeau l'ordre du Premier Consul de transporter immédiatement le quartier général au Cap. Cette nouvelle plongea dans la consternation les colons du Port-Républicain. Ils découvrirent clairement que le gouvernement français, reconnaissant la difficulté qu'on éprouverait désormais à communiquer avec St-Domingue, à cause de la guerre qui était inévitable avec l'Angleterre, voulait que le quartier général fut établi dans une ville de l'île plus à proximité des points d'atterrissage que le Port-Républicain. D'un autre coté le départ du capitaine-général devait affaiblir les troupes de l’Ouest de plus de moitié, dans un moment ou ce département était menacé de la plupart des forces des indépendants de l'Artibonite et de l'Arcahaie. Rochambeau s'embarqua pour le Cap vers la fin de juin, après avoir envoyé l'ordre au général Sarrasin de venir prendre le commandement du Port-Républicain, et après avoir expédié le général Fressinet pour Jérémie. En attendant l'arrivée de Sarrasin, Lavalette commanda l'arrondissement, et Panis, adjudant-général, la place du Port-Républicain.
Les indigènes des mornes de Jérémie combattaient les Français avec le plus grand acharnement. Ils attaquèrent avec impétuosité le camp Ivonet qu'occupaient des troupes européennes, et s'en rendirent maitres. Le colonel Berger qui commandait la place de Jérémie sortit contre eux le 23 juin, à la tête de 600 hommes. II se précipita sur l'ennemi à l'improviste, et pénétra dans le camp retranché. Il y eut un grand carnage. Berger fut renversé d'un coup de sabre à la tête. Cependant les indigènes succombèrent et furent passés en grand nombre au fil de l'épée. Ce succès ne fut avantageux aux Français que parce qu'il retarda la chute de Jérémie. Il n'ébranla pas la puissance des insurgés de la Grand'Anse.
Peu de jours après l'arrivée de Rochambeau au Cap, une croisière anglaise de quatre vaisseaux et de plusieurs frégates, vint, le 4 juillet, s'établir devant cette ville. En même temps, les Anglais bloquaient le Port-Républicain et les Cayes. Rochambeau ne douta plus de l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre, car la croisière de Sa Majesté Britannique exerçait des hostilités sur le littoral. Il déclara aussitôt St-Domingue en état de siège, et le lendemain, 5 juillet, il arrêta que la farine, les biscuits, le riz et les salaisons quelconques seraient admis à l'importation francs de tous droits, et que cette franchise existerait pendant toute la durée de la guerre. Il annonça par la proclamation suivante, la guerre entre la France et l'Angleterre, qui avait commencé des le mois de mai 1803:
Au quartier général du Cap, 20 Messidor an onze, (9 juillet 1803)
L'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre ne peut plus être douteuse; la marine anglaise à commis et commet journellement des hostilités sur nos cotes; elle a attaqué et combattu les vaisseaux de la République, et ses escadres bloquent nos ports. Cette circonstance dont le résultat sera sans doute glorieux pour la France semble jeter St-Domingue dans un état de crise; mais l'armée dont le courage et la résignation ont su résister à tant d'épreuves ne s'étonnera pas de ce nouvel obstacle; il ne sera pour elle qu'un moyen de plus d'ajouter à sa gloire, et dut-elle succomber tout entière dans la double lutte qui s'ouvre à ses efforts, elle saura, s'il est nécessaire, s'immoler aux grands intérêts de la mère patrie. Le gouvernement nous promet des secours de tous genres, et quand son intention nous est connue, quelque grandes que soient les difficultés, ne doutons pas de ses effets. Le général en chef a déjà pris les mesures nécessaires pour la défense extérieure du pays, et pour assurer les subsistances de l'armée et des habitants. Pour procurer l'unité d'action indispensable dans les moments difficiles, la colonie a été déclarée en état de siège. Des instructions conformes aux circonstances ont été adressées à tous les généraux divisionnaires. L'importation des comestibles à été affranchie de tous droits, et tous les ports de la colonie ont été ouverts au commerce étranger. Des ordres ont été donnés pour la plantation des vivres du pays dans tous les terrains occupés par nos troupes. Une nouvelle organisation s'opère; la simplicité de sa composition et le choix des sujets garantissent sa droiture, son activité, sa prévoyance et sa sollicitude pour l'armée. Le général en chef sait apprécier les privations déjà essuyées par ses compagnons d'armes; elles peuvent s'accroître encore; mais il ne compte pas moins sur leur constance et sur leur inébranlable fermeté au poste qui nous est assigné par le premier Consul. Il se repose également sur la fidélité et le dévouement des habitants, et il attend d'un intime concert, tout ce qui pourra contribuer à la conservation du territoire et à l'éclat du nom Français
Signé: Dtn. ROCHAMBEAU.
Les nouvelles qui arrivaient de la Métropole annonçaient une prochaine rupture entre la France et l'Angleterre; le commerce expédiait peu de navires pour la colonie. Le général Rochambeau fut contraint d'ouvrir le port des Cayes au commerce étranger, 21 mai 1803. Le 28 du même mois, il publia dans la colonie les lois du code civil qui, à cette date, y étaient parvenues officiellement. Dès 1790, une grande perturbation avait commence à s'introduire dans la législation coloniale. Au milieu des luttes des partis, les lois n'étaient mises en pratique que selon les intérêts de ces partis. Au commencement de la révolution, quand les Pompons blancs ou royalistes dominaient dans un quartier, ils foulaient aux pieds les lois promulguées par la Constituante et la Législative et invoquaient les ordonnances royales de l'ancien régime. Quand les petits-blancs ou républicains dominaient, ils mettaient en vigueur les lois de la révolution, tout en rejetant les dispositions favorables aux hommes de couleur et aux Noirs. Lorsque les Noirs et les hommes de couleur l'emportaient sur le parti colonial et les petits-blancs, ils rétablissaient les lois révolutionnaires. Plus tard, sous la Convention, les commissaires civils Polvérel et Sonthonax gouvernèrent ensuite d'après les ordonnances que dictaient des intérêts de castes. Ce ne fut qu'après la chute de Rigaud, et après la soumission de la partie de l'Est, que l'assemblée centrale, convoquée par Toussaint, dota la colonie d'un code uniforme. Apres la chute de Toussaint, Leclerc maintint en vigueur toutes celles des lois de l'ex-gouverneur qui n'étaient pas contraires aux ordonnances provenant des circonstances nouvelles. Les lois du code civil que Rochambeau faisait actuellement publier abrogeaient toutes celles de même nature qui existaient antérieurement.
Le capitaine-général, prévoyant que la guerre ne tarderait pas à éclater entre la France et l'Angleterre, et que les communications avec la Métropole seraient bientôt interceptées, ordonna le 8 juin, de former au Port-Républicain un dépôt général des titres et documents relatifs à St-Domingue, qui devaient être envoyés en France, à la première demande du gouvernement consulaire. Le grand juge nomma le citoyen Bascher archiviste du dépôt, avec un traitement annuel de 8.000 francs. On devait réunir dans l'établissement les titres relatifs aux immeubles situés dans l'île, les actes de concessions faites aux particuliers par le gouvernement, les plans, les cartes du pays et des fortifications, les comptes de recettes et de dépenses, les anciennes ordonnances, les arrêtés et règlements sur la police, les finances, le commerce, la culture et l'administration civile, judiciaire et militaire, les lois envoyées de France, les règlements publics a St-Domingue, les documents sur l'histoire, les sciences et les arts. Ces archives seront expédiées pour France avant l'évacuation de l'île par Rochambeau.
Sur ces entrefaites la frégate "l'lnfatigable", sortant de Brest, vint mouiller au Port-Républicain. Elle avait fait une traversée de 31 jours. Elle apporta a Rochambeau l'ordre du Premier Consul de transporter immédiatement le quartier général au Cap. Cette nouvelle plongea dans la consternation les colons du Port-Républicain. Ils découvrirent clairement que le gouvernement français, reconnaissant la difficulté qu'on éprouverait désormais à communiquer avec St-Domingue, à cause de la guerre qui était inévitable avec l'Angleterre, voulait que le quartier général fut établi dans une ville de l'île plus à proximité des points d'atterrissage que le Port-Républicain. D'un autre coté le départ du capitaine-général devait affaiblir les troupes de l’Ouest de plus de moitié, dans un moment ou ce département était menacé de la plupart des forces des indépendants de l'Artibonite et de l'Arcahaie. Rochambeau s'embarqua pour le Cap vers la fin de juin, après avoir envoyé l'ordre au général Sarrasin de venir prendre le commandement du Port-Républicain, et après avoir expédié le général Fressinet pour Jérémie. En attendant l'arrivée de Sarrasin, Lavalette commanda l'arrondissement, et Panis, adjudant-général, la place du Port-Républicain.
Les indigènes des mornes de Jérémie combattaient les Français avec le plus grand acharnement. Ils attaquèrent avec impétuosité le camp Ivonet qu'occupaient des troupes européennes, et s'en rendirent maitres. Le colonel Berger qui commandait la place de Jérémie sortit contre eux le 23 juin, à la tête de 600 hommes. II se précipita sur l'ennemi à l'improviste, et pénétra dans le camp retranché. Il y eut un grand carnage. Berger fut renversé d'un coup de sabre à la tête. Cependant les indigènes succombèrent et furent passés en grand nombre au fil de l'épée. Ce succès ne fut avantageux aux Français que parce qu'il retarda la chute de Jérémie. Il n'ébranla pas la puissance des insurgés de la Grand'Anse.
Peu de jours après l'arrivée de Rochambeau au Cap, une croisière anglaise de quatre vaisseaux et de plusieurs frégates, vint, le 4 juillet, s'établir devant cette ville. En même temps, les Anglais bloquaient le Port-Républicain et les Cayes. Rochambeau ne douta plus de l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre, car la croisière de Sa Majesté Britannique exerçait des hostilités sur le littoral. Il déclara aussitôt St-Domingue en état de siège, et le lendemain, 5 juillet, il arrêta que la farine, les biscuits, le riz et les salaisons quelconques seraient admis à l'importation francs de tous droits, et que cette franchise existerait pendant toute la durée de la guerre. Il annonça par la proclamation suivante, la guerre entre la France et l'Angleterre, qui avait commencé des le mois de mai 1803:
Au quartier général du Cap, 20 Messidor an onze, (9 juillet 1803)
L'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre ne peut plus être douteuse; la marine anglaise à commis et commet journellement des hostilités sur nos cotes; elle a attaqué et combattu les vaisseaux de la République, et ses escadres bloquent nos ports. Cette circonstance dont le résultat sera sans doute glorieux pour la France semble jeter St-Domingue dans un état de crise; mais l'armée dont le courage et la résignation ont su résister à tant d'épreuves ne s'étonnera pas de ce nouvel obstacle; il ne sera pour elle qu'un moyen de plus d'ajouter à sa gloire, et dut-elle succomber tout entière dans la double lutte qui s'ouvre à ses efforts, elle saura, s'il est nécessaire, s'immoler aux grands intérêts de la mère patrie. Le gouvernement nous promet des secours de tous genres, et quand son intention nous est connue, quelque grandes que soient les difficultés, ne doutons pas de ses effets. Le général en chef a déjà pris les mesures nécessaires pour la défense extérieure du pays, et pour assurer les subsistances de l'armée et des habitants. Pour procurer l'unité d'action indispensable dans les moments difficiles, la colonie a été déclarée en état de siège. Des instructions conformes aux circonstances ont été adressées à tous les généraux divisionnaires. L'importation des comestibles à été affranchie de tous droits, et tous les ports de la colonie ont été ouverts au commerce étranger. Des ordres ont été donnés pour la plantation des vivres du pays dans tous les terrains occupés par nos troupes. Une nouvelle organisation s'opère; la simplicité de sa composition et le choix des sujets garantissent sa droiture, son activité, sa prévoyance et sa sollicitude pour l'armée. Le général en chef sait apprécier les privations déjà essuyées par ses compagnons d'armes; elles peuvent s'accroître encore; mais il ne compte pas moins sur leur constance et sur leur inébranlable fermeté au poste qui nous est assigné par le premier Consul. Il se repose également sur la fidélité et le dévouement des habitants, et il attend d'un intime concert, tout ce qui pourra contribuer à la conservation du territoire et à l'éclat du nom Français
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La guerre entre la France et l'Angleterre produisit une grande joie parmi les troupes indigènes, et accrut leur audace. Dessalines fut dès lors certain du succès de l'insurrection, et il redoubla d'activité pour précipiter l'évacuation des troupes françaises. Beaucoup de citoyens noirs et jaunes, qui, jusqu'alors avaient été fidèles aux Blancs, parce qu'ils n'avaient pas foi dans le triomphe des armes indigènes, à cause de la puissance de la France, vinrent grossir l'armée indépendante. En effet, les vaisseaux de S.M.B. étant les maîtres de la mer, de nouvelles troupes ne pouvaient venir renforcer l'armée de St-Domingue. Celle-ci placée entre les Anglais et les indépendants devait avant peu capituler. Il ne faut pas croire cependant que les Anglais aient été dans cette guerre véritablement les auxiliaires des indigènes. Ils vendaient à ceux-ci des munitions au poids de l'or; jamais un seul de leurs officiers ne s'est trouvé dans nos rangs, dirigeant nos opérations. Dessalines n'eut jamais reçu d'eux des secours en hommes. Se défiant de tous les Européens, il disait sans cesse que tous les Blancs se ressemblaient. Cette guerre maritime, sans laquelle les indigènes eussent néanmoins triomphé, fut pour nous une heureuse circonstance qui hâta l'évacuation des troupes européennes. Des hauteurs du Cap, les Français découvraient sur la mer, les barges indigènes abordant les frégates anglaises, et leur vendant, pour de la poudre et du plomb, des ananas, des oranges, des légumes, de la volaille, du coton et du café.
Rochambeau délivra des lettres de marque à de nombreux corsaires qui étaient dans l'obligation de conduire dans les ports de la colonie les prises qu'ils feraient, et d'accourir au secours du gouvernement contre les ennemis de l'Etat en cas de besoin. Quoique les Français n'eussent plus en leur pouvoir des habitations en valeur, le capitaine général publia un arrêté du conseil d'Etat de la Métropole établissant à St-Domingue quatre chambres d'agriculture: au Port-Républicain, au Cap, aux Cayes et à Sto-Domingo. Cet arrêté qui ne fut jamais exécuté excitait le rire des indigènes qui voyaient Rochambeau parler en souverain dans un pays ou il n'avait plus, pour ainsi dire, que quelques camps.
On éprouvait, dans les villes, de plus en plus, les horreurs de la disette. Le capitaine-général s'efforçait d'assurer à l'armée des subsistances, par de promptes mesures. Le citoyen Merceron, le général Thouvenot, Richelle, inspecteur général de la trésorerie nationale, l'ordonnateur en chef Perroud, Voisin, inspecteur général de la colonie, Lanchamp, receveur général, et Bizouard, payeur général, réunis dans la salle principale de la Trésorerie-Générale, s'occupèrent des subsistances de l'armée. Rochambeau leur soumit un Arrêté des Consuls de la République, dont le premier article était ainsi conçu : "A dater du premier Germinal prochain, il sera affecte, chaque mois, à la colonie de St-Domingue, une somme de deux millions. Sur cette somme, un million sera envoyé dans la colonie en piastres; sur l'autre million, il sera ouvert un crédit au capitaine-général, au préfet colonial, et au payeur". Il leur donna aussi en communication une lettre du Ministre de la Marine et des Colonies, adressée au préfet colonial. Un des passages de la lettre s'exprimait ainsi: "Le bâtiment porteur de cette dépêche est chargé d'un million qui doit être mis à votre disposition; car cet envoi se renouvellera tous les mois, ainsi qu'il a déjà eu lieu pour le mois de Germinal. Vous êtes autorisé, par le même Arrêté, à tirer des traites pour la somme d'un million, chaque mois; elles seront exactement payées à l'échéance, etc.". Comme la guerre existait entre la France et l'Angleterre, il était probable que le million en numéraire ne pourrait arriver, chaque mois, à St-Domingue. Ces Messieurs arrêtèrent en conséquence que le capitaine-général, le préfet colonial et le payeur-général, mettraient en circulation des lettres de change, en remplacement du million en numéraire, pour la même valeur, pour les dépenses de l'armée de St-Domingue, outre les traites pour la somme d'un million que le préfet colonial était autorisé à tirer chaque mois. Cette décision reçut l'approbation du capitaine-général qui, le 20 juillet, la fit enregistrer à l'inspection-générale de la colonie. Les obligations par lesquelles des particuliers s'étaient engagés à fournir de la farine au gouvernement pour le service des hôpitaux furent annulées par l'état de siège. Rochambeau pourvut à ce service par l’établissement d'une régie. Il nomma le citoyen Dat régisseur-général du service des subsistances militaires. Tous les magasins, fours, établissements et usines du gouvernement furent mis a la disposition du régisseur général, excepté le grand magasin de la marine du Cap et celui du Port-Républicain. La régie n'acceptait le baril de farine qu'au poids de cent quatre-vingts livres; la barrique de vin, de 240 pintes. Les distributions se faisaient à la présentation des bons qui étaient à la charge du régisseur général qui recevait 20 centimes par ration complète. Rochambeau réorganisa ensuite l'administration générale. Il déclara le Cap-Français résidence du quartier général. Idlinger qui, plus tard, fera, dans sa patrie, un tableau fidèle de cet affreux gouvernement, fut nommé commissaire général de la marine, premier chef des bureaux de la préfecture.
Le général Thouvenot, chef de l'état-major, pour favoriser l'entrée de la viande de boucherie dans les villes occupées par l'armée, fit publier le 22 juillet, la cessation des privilèges sur les boucheries et la faculté accordée à chaque citoyen de vendre ou de tuer les animaux, en se conformant aux règles de la police des villes. Il publia aussi que les soldats ne recevraient désormais de rations de vin que tous les quatre jours, attendu que les magasins militaires se trouvaient peu approvisionnés. Cette dernière mesure, que commandait la nécessité, excita dans l'armée un violent mécontentement. "La France, dirent hautement les soldats, nous avait-elle envoyés a St-Domingue pour y rétablir l'esclavage? Sommes-nous les soldats du parti colonial ? N'avons-nous pas combattu, en Europe, pour la liberté de tous les hommes? Pourquoi remet-on en servitude les Noirs et les gens de couleur? Ne sont-ils pas Français comme nous? N'ont-ils pas eux aussi combattu pour la gloire de la patrie? Nous ne serions pas livrés aux horreurs de la famine, si le Premier Consul n'avait pas rétabli l'ancien régime; nous aurions avec nous contre les Anglais les populations des campagnes. Bonaparte nous a envoyés ici à l'extermination; il redoutait le patriotisme des soldats du Rhin. Si nous avions à notre tête Moreau et Bernadotte, notre drapeau serait encore certainement celui de la liberté". Le soldat jetait ses armes, menaçait les favoris de Rochambeau. Si les indigènes n'avaient pas proclamé qu'ils combattaient pour leur indépendance, les troupes européennes leur eussent peut-être ouvert les portes du Cap. Ces paroles faisaient honneur au soldat français. Le général Clausel fut le seul officier qui put rétablir l’ordre dans les casernes. Il exerçait une grande influence sur l’armée. Cette circonstance raviva la jalousie que Rochambeau depuis longtemps nourrissait contre lui.
En même temps, il se passait à la Petite-Anse, près du Cap, des événements de la plus haute importance : des négociations s'établissaient entre plusieurs chefs africains et les Français. Comme nous l'avons vu, le parti de Petit-Noel avait été presque anéanti. Les Congos étaient sans cesse poursuivis par Christophe et Clervaux qui les atteignaient au sommet des plus hautes montagnes. Un de leurs chefs, Cagnet, que les Français avaient gagné depuis longtemps, proposa à Petit-Noel Prière de pactiser avec les Blancs. Celui-ci, quoique ennemi implacable de Dessalines, refuse de combattre contre les Noirs indépendants. Il abandonna Cagnet et se retira presque seul au fond des bois. Mais Cagnet parvint à séduire Jacques Tellier. Ce dernier déclara à ses bandes qu'il était de l'intérêt des Africains de se soumettre plutôt aux Français qu'à Dessalines qui avait juré leur extermination. Les Congos accueillirent sa proposition et envoyèrent au Cap des députés qui furent amenés devant Rochambeau. Le capitaine-général, après avoir entendu l’objet de leur mission, les flatta beaucoup, leur donna des sabres, des fusils magnifiques, et les renvoya en leur disant d'annoncer à leur chef que la République le reconnaissait colonel dans ses armées, et se portait garant de la liberté de tous les guerriers sous ses ordres. Peu de jours après, Jacques Tellier fit proposer à Rochambeau d'ouvrir à la Petite-Anse un marché ou les Congos viendraient vendre leurs vivres et leurs légumes. Les Français accueillirent cette proposition avec empressement. Le drapeau tricolore flotta de nouveau dans les quartiers ou dominaient les Congos. Si Rochambeau avait eu sur les autres points de la colonie assez de troupes pour tenir les indigènes en échec, cet événement qui prolongeait de nouveau au loin dans l’intérieur les avant-postes français eut un peu retarde le triomphe de l’Independence. Car Dessalines, suivi de l'armée de l’Ouest et de l’Artibonite, n'eut pu comme un torrent se précipiter dans le Nord; et Romain et Toussaint Brave eussent été chassés de cette province. Les Français auraient établi un cordon de St-Raphael aux Gonaïves. Rochambeau avait conçue ce plan aussitôt après la soumission des Congos à son autorité. Tels sont les résultats désastreux des divisions intestines en présence des forces étrangères. Le parti vaincu, n'attendant des vainqueurs aucune commisération, aime mieux souvent trahir la patrie, que de se soumettre à la discrétion d'un ennemi implacable. Quand le salut de la patrie est menacé, toutes les querelles intestines doivent cesser, et la minorité vaincue doit se fondre dans le gros de la nation et subir l'autorité de celui à qui la masse a confié le souverain pouvoir pour la sauver. Les partis ne doivent vider leurs querelles qu'après la disparition des baïonnettes étrangères du sol de la patrie.
Rochambeau délivra des lettres de marque à de nombreux corsaires qui étaient dans l'obligation de conduire dans les ports de la colonie les prises qu'ils feraient, et d'accourir au secours du gouvernement contre les ennemis de l'Etat en cas de besoin. Quoique les Français n'eussent plus en leur pouvoir des habitations en valeur, le capitaine général publia un arrêté du conseil d'Etat de la Métropole établissant à St-Domingue quatre chambres d'agriculture: au Port-Républicain, au Cap, aux Cayes et à Sto-Domingo. Cet arrêté qui ne fut jamais exécuté excitait le rire des indigènes qui voyaient Rochambeau parler en souverain dans un pays ou il n'avait plus, pour ainsi dire, que quelques camps.
On éprouvait, dans les villes, de plus en plus, les horreurs de la disette. Le capitaine-général s'efforçait d'assurer à l'armée des subsistances, par de promptes mesures. Le citoyen Merceron, le général Thouvenot, Richelle, inspecteur général de la trésorerie nationale, l'ordonnateur en chef Perroud, Voisin, inspecteur général de la colonie, Lanchamp, receveur général, et Bizouard, payeur général, réunis dans la salle principale de la Trésorerie-Générale, s'occupèrent des subsistances de l'armée. Rochambeau leur soumit un Arrêté des Consuls de la République, dont le premier article était ainsi conçu : "A dater du premier Germinal prochain, il sera affecte, chaque mois, à la colonie de St-Domingue, une somme de deux millions. Sur cette somme, un million sera envoyé dans la colonie en piastres; sur l'autre million, il sera ouvert un crédit au capitaine-général, au préfet colonial, et au payeur". Il leur donna aussi en communication une lettre du Ministre de la Marine et des Colonies, adressée au préfet colonial. Un des passages de la lettre s'exprimait ainsi: "Le bâtiment porteur de cette dépêche est chargé d'un million qui doit être mis à votre disposition; car cet envoi se renouvellera tous les mois, ainsi qu'il a déjà eu lieu pour le mois de Germinal. Vous êtes autorisé, par le même Arrêté, à tirer des traites pour la somme d'un million, chaque mois; elles seront exactement payées à l'échéance, etc.". Comme la guerre existait entre la France et l'Angleterre, il était probable que le million en numéraire ne pourrait arriver, chaque mois, à St-Domingue. Ces Messieurs arrêtèrent en conséquence que le capitaine-général, le préfet colonial et le payeur-général, mettraient en circulation des lettres de change, en remplacement du million en numéraire, pour la même valeur, pour les dépenses de l'armée de St-Domingue, outre les traites pour la somme d'un million que le préfet colonial était autorisé à tirer chaque mois. Cette décision reçut l'approbation du capitaine-général qui, le 20 juillet, la fit enregistrer à l'inspection-générale de la colonie. Les obligations par lesquelles des particuliers s'étaient engagés à fournir de la farine au gouvernement pour le service des hôpitaux furent annulées par l'état de siège. Rochambeau pourvut à ce service par l’établissement d'une régie. Il nomma le citoyen Dat régisseur-général du service des subsistances militaires. Tous les magasins, fours, établissements et usines du gouvernement furent mis a la disposition du régisseur général, excepté le grand magasin de la marine du Cap et celui du Port-Républicain. La régie n'acceptait le baril de farine qu'au poids de cent quatre-vingts livres; la barrique de vin, de 240 pintes. Les distributions se faisaient à la présentation des bons qui étaient à la charge du régisseur général qui recevait 20 centimes par ration complète. Rochambeau réorganisa ensuite l'administration générale. Il déclara le Cap-Français résidence du quartier général. Idlinger qui, plus tard, fera, dans sa patrie, un tableau fidèle de cet affreux gouvernement, fut nommé commissaire général de la marine, premier chef des bureaux de la préfecture.
Le général Thouvenot, chef de l'état-major, pour favoriser l'entrée de la viande de boucherie dans les villes occupées par l'armée, fit publier le 22 juillet, la cessation des privilèges sur les boucheries et la faculté accordée à chaque citoyen de vendre ou de tuer les animaux, en se conformant aux règles de la police des villes. Il publia aussi que les soldats ne recevraient désormais de rations de vin que tous les quatre jours, attendu que les magasins militaires se trouvaient peu approvisionnés. Cette dernière mesure, que commandait la nécessité, excita dans l'armée un violent mécontentement. "La France, dirent hautement les soldats, nous avait-elle envoyés a St-Domingue pour y rétablir l'esclavage? Sommes-nous les soldats du parti colonial ? N'avons-nous pas combattu, en Europe, pour la liberté de tous les hommes? Pourquoi remet-on en servitude les Noirs et les gens de couleur? Ne sont-ils pas Français comme nous? N'ont-ils pas eux aussi combattu pour la gloire de la patrie? Nous ne serions pas livrés aux horreurs de la famine, si le Premier Consul n'avait pas rétabli l'ancien régime; nous aurions avec nous contre les Anglais les populations des campagnes. Bonaparte nous a envoyés ici à l'extermination; il redoutait le patriotisme des soldats du Rhin. Si nous avions à notre tête Moreau et Bernadotte, notre drapeau serait encore certainement celui de la liberté". Le soldat jetait ses armes, menaçait les favoris de Rochambeau. Si les indigènes n'avaient pas proclamé qu'ils combattaient pour leur indépendance, les troupes européennes leur eussent peut-être ouvert les portes du Cap. Ces paroles faisaient honneur au soldat français. Le général Clausel fut le seul officier qui put rétablir l’ordre dans les casernes. Il exerçait une grande influence sur l’armée. Cette circonstance raviva la jalousie que Rochambeau depuis longtemps nourrissait contre lui.
En même temps, il se passait à la Petite-Anse, près du Cap, des événements de la plus haute importance : des négociations s'établissaient entre plusieurs chefs africains et les Français. Comme nous l'avons vu, le parti de Petit-Noel avait été presque anéanti. Les Congos étaient sans cesse poursuivis par Christophe et Clervaux qui les atteignaient au sommet des plus hautes montagnes. Un de leurs chefs, Cagnet, que les Français avaient gagné depuis longtemps, proposa à Petit-Noel Prière de pactiser avec les Blancs. Celui-ci, quoique ennemi implacable de Dessalines, refuse de combattre contre les Noirs indépendants. Il abandonna Cagnet et se retira presque seul au fond des bois. Mais Cagnet parvint à séduire Jacques Tellier. Ce dernier déclara à ses bandes qu'il était de l'intérêt des Africains de se soumettre plutôt aux Français qu'à Dessalines qui avait juré leur extermination. Les Congos accueillirent sa proposition et envoyèrent au Cap des députés qui furent amenés devant Rochambeau. Le capitaine-général, après avoir entendu l’objet de leur mission, les flatta beaucoup, leur donna des sabres, des fusils magnifiques, et les renvoya en leur disant d'annoncer à leur chef que la République le reconnaissait colonel dans ses armées, et se portait garant de la liberté de tous les guerriers sous ses ordres. Peu de jours après, Jacques Tellier fit proposer à Rochambeau d'ouvrir à la Petite-Anse un marché ou les Congos viendraient vendre leurs vivres et leurs légumes. Les Français accueillirent cette proposition avec empressement. Le drapeau tricolore flotta de nouveau dans les quartiers ou dominaient les Congos. Si Rochambeau avait eu sur les autres points de la colonie assez de troupes pour tenir les indigènes en échec, cet événement qui prolongeait de nouveau au loin dans l’intérieur les avant-postes français eut un peu retarde le triomphe de l’Independence. Car Dessalines, suivi de l'armée de l’Ouest et de l’Artibonite, n'eut pu comme un torrent se précipiter dans le Nord; et Romain et Toussaint Brave eussent été chassés de cette province. Les Français auraient établi un cordon de St-Raphael aux Gonaïves. Rochambeau avait conçue ce plan aussitôt après la soumission des Congos à son autorité. Tels sont les résultats désastreux des divisions intestines en présence des forces étrangères. Le parti vaincu, n'attendant des vainqueurs aucune commisération, aime mieux souvent trahir la patrie, que de se soumettre à la discrétion d'un ennemi implacable. Quand le salut de la patrie est menacé, toutes les querelles intestines doivent cesser, et la minorité vaincue doit se fondre dans le gros de la nation et subir l'autorité de celui à qui la masse a confié le souverain pouvoir pour la sauver. Les partis ne doivent vider leurs querelles qu'après la disparition des baïonnettes étrangères du sol de la patrie.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Rochambeau résolut d'attaquer le général Romain qui, établi sur les mornes Pelé et Lecurieux, ravageait les environs du Cap, quoiqu'il fut sans cesse inquiété par les Congos. Le général Clausel prit ses dispositions pour le chasser de sa position. Le 24 juillet, à la pointe du jour, le général Noailles se mit en campagne, à la tête de sa brigade, en suivant la route de la Petite-Anse; le général Claparède passa par les hauteurs du Cap. Le général Clausel lui-même sortit du Cap avec la colonne de réserve. D'après ses ordres, Cagnet et Jacques Tellier s'étaient emparés de la Tannerie pour couper la retraite à l'ennemi. Les trois colonnes françaises attaquèrent les indigènes simultanément. Après un combat sanglant, les généraux Claparède et Noailles enlevèrent les retranchements établis sur les mornes Pelé et Lecurieux. Romain se trouva cerné de toutes parts; il avait à sa droite Noailles, à sa gauche Claparède, en queue les Congos, et en tête le général Clausel qui le foudroyait avec une forte artillerie. Il soutint l'impétuosité des Français pendant deux heures sans être ébranlé. Mais, écrasés sous la mitraille, les indigènes ne purent lutter plus longtemps contre des forces trois fois supérieures aux leurs. Ils battirent en retraite. Romain enleva les embuscades que les Congos avaient établies à la Tannerie, et se retira dans l'intérieur. Il avait laissé sept cents hommes sur le champ de bataille. Peu de prisonniers demeurèrent au pouvoir des Français. L'indigène, quand il éprouvait un échec, trouvait presque toujours, par son agilité et la connaissance qu'il avait des localités, le moyen d'échapper à la cavalerie; et quand la fuite lui devenait impossible, il aimait mieux se donner la mort que de se rendre à un ennemi implacable. Le lendemain de la bataille, 25 juillet, Clausel balaya toute la plaine du Nord et le carrefour du Morne-Rouge. Il rentra au Cap avec un grand nombre de blessés. Cette bataille eut pour résultat d'éloigner les indigènes, pour quelques jours, des environs du Cap.
Le 25 juillet, dans l'après-midi, un grand nombre d'officiers français, se promenant sur la plage du Cap, virent une frégate anglaise rallier, au navire que montait le commodore, un brick qu'ils prirent d'abord pour un américain. Une heure environ après, le brick se détacha du vaisseau amiral, arbora le pavillon français, passa devant le fort Picolet qu'il salua et entra dans le port. Les Français eurent un moment de vrai bonheur; ils crurent que la paix avait été faite entre la France et l'Angleterre. Ils voyaient déjà les communications ouvertes avec la Métropole et la colonie sauvée. Mais leur illusion fut de courte durée; le brick apportait le préfet colonial de Tabago qui avait capitulé avec les Anglais, et qui, d'après les termes de cette capitulation, avait obtenu la faculté de se rendre au Cap. Il fut accueilli avec distinction par le capitaine-général qui lui remit les rênes de la préfecture de la colonie. Il se mit aussitôt à travailler à l'émission de nouvelles lettres de change que le commerce accepta avec assez de confiance malgré les calamités qui frappaient chaque jour les Européens.
Pendant cet intervalle, Dessalines consolidait sa puissance dans l'Ouest. Des qu'il fut certain du retour de Rochambeau au Cap, il se résolut à faire un voyage dans le Sud. La présence, au Port-Républicain, du capitaine-général dont il redoutait l'audace, l’avait jusqu'alors retenu dans la plaine du Cul-de-Sac. Il ordonna à Pétion de s'efforcer d'arrêter Lamour Dérance, pendant son absence, laissa les troupes de l'Artibonite et de l'Arcahaie campées à Roche-Blanche dans la plaine du Cul-de-Sac et partit pour le camp Gérard avec son état-major seulement. Il se rendit à la Coupe, d'ou il pénétra dans le département du Sud en passant par les montagnes. Il arriva vers la fin de juin, au camp Gérard, dans la plaine des Cayes, ou Geffrard avait son quartier général. L'armée du Sud l'accueillit avec respect. Elle était forte de 10.000 hommes, infanterie et cavalerie. Il la trouva parfaitement disciplinée. Il s'aperçut cependant que les préventions des citoyens de ce département contre lui ne s'étaient pas entièrement dissipées, et que Geffrard était dans l'armée l'objet de la plus profonde vénération. Il pensa que ses intérêts ainsi que ceux de la patrie lui commandaient de se justifier des accusations dont il était l'objet. Le lendemain, il réunit toutes les troupes, se plaça au milieu d'elles, et leur dit en créole les paroles suivantes, qui sont demeurées gravées dans l'esprit des témoins de cette scène solennelle : "Mes frères, après la prise de la Petite-Rivière de l'Artibonite, sur les Français, je fus proclamé général en chef de l'armée indépendante par les populations de l'Artibonite. Les généraux du Nord et de l'Ouest, mus par l'amour de la liberté, oubliant les haines politiques qui les animaient les uns contre les autres, vinrent successivement reconnaître mon autorité. En acceptant le commandement en chef de mes frères, j’en ai senti l'importance et la haute responsabilité. Je suis soldat; j'ai toujours combattu pour la liberté; et si j'ai été pendant la guerre civile aveuglement dévoué à Toussaint Louverture, c'est que j'ai cru que sa cause était celle de la liberté. Cependant, après la chute du général Rigaud, n'ai-je pas maintes fois usé de mon influence pour sauver une foule de braves que le sort des armes avait trahis et qui eux aussi avaient vaillamment combattu pour la liberté lorsque tous nos efforts tendaient à écraser le parti colonial ? Beaucoup de ceux qui m'écoutent me doivent la vie; je m'abstiens de les nommer. Mes frères, oublions le passé; oublions ces temps affreux, alors qu'égarés par les Blancs, nous étions armés les uns contre les autres. Aujourd'hui, nous combattons pour l'indépendance de notre pays, et notre drapeau rouge et bleu est le symbole de l'union du Noir et du Jaune". Dessalines fut interrompu par toute l'armée qui s'écria : "Guerre à mort aux Blancs". Il continue : "Les factions qui pouvaient compromettre la cause de la liberté sont presque éteintes: Lamour Dérance abandonné des siens, doit être arrêté à présent; Petit-Noël Prière, dans les hauteurs du Dondon, ne commande plus qu'à quelques bandits. Je vais retourner dans ces quartiers et je ferai rendre le dernier soupir à la faction expirante des Congos. Vive la liberté !". L'armée répondit par des acclamations universelles. Dessalines reçut de tous les officier supérieurs l'accolade patriotique. Il fit bruler les brevets que Lamour Dérance avait envoyés à quelques officiers du Sud, et les remplaça par de nouveaux qu'il délivra lui-même. Il nomma Geffrard, général de division, commandant en chef du département; Gérin, général de brigade, commandant de l'arrondissement de l'Anse-à-Veau; Jean-Louis François, général de brigade, commandant de l'arrondissement d'Aquin; Moreau Coco Herne, général de brigade, commandant de celui des Cayes; Férou, général de brigade, commandant de celui de Jérémie. Moreau Coco Herne et Férou avaient à conquérir les Cayes et Jérémie, les chefs-lieux des arrondissements qu'on leur avait confiés. Dessalines forma ensuite, de toute l'armée du Sud, six demi-brigades d'infanterie et une légion de cavalerie. L'ancienne 13e fut réorganisée. Comme il existait déjà aux Gonaïves une 14e demi-brigade, Dessalines donna aux cinq autres corps du Sud, qu'il venait de former, les numéros : 15e, 16e, 17e, 18e et 19e. La 13e fut confiée au colonel Bourdet, homme de couleur; la 15e au colonel Francisque, homme de couleur; la 16e, au colonel Leblanc, homme de couleur; la 17e, au colonel Vancol, homme de couleur; la 18e, au colonel Bazil, Noir; la 19e, au colonel Giles Benech, Noir. La légion de cavalerie fut confiée au colonel Guillaume Lafleur, Noir.
Geffrard présenta à Dessalines Boisrond Tonnerre, son secrétaire, le lui recommanda comme un homme instruit, du patriotisme le plus ardent. L'attitude et le langage de Boisrond Tonnerre séduisirent Dessalines qui l'attacha à sa personne. Le général en chef partit pour l'Ouest, accompagné de son nouveau secrétaire, après avoir adressé au curé des Cayes une lettre, par laquelle il le chargeait d'annoncer aux citoyens de cette ville que, si la garnison française n'évacuait pas sur le champ, les indigènes, en y pénétrant, détruiraient la place de fond en comble. Le général Brunet eut déjà évacué, s'il n'avait eu la certitude de l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre. Le brick de Sa Majesté Britannique le "Pélican", qui croisait devant le port des Cayes, capturait tous les navires marchands qui en sortaient. Brunet prit la détermination, qu'il ne réalisera pas, de s'ensevelir sous les ruines de la place. Il nomma Lothon, administrateur des douanes, capitaine-général de la garde nationale.
Le 25 juillet, dans l'après-midi, un grand nombre d'officiers français, se promenant sur la plage du Cap, virent une frégate anglaise rallier, au navire que montait le commodore, un brick qu'ils prirent d'abord pour un américain. Une heure environ après, le brick se détacha du vaisseau amiral, arbora le pavillon français, passa devant le fort Picolet qu'il salua et entra dans le port. Les Français eurent un moment de vrai bonheur; ils crurent que la paix avait été faite entre la France et l'Angleterre. Ils voyaient déjà les communications ouvertes avec la Métropole et la colonie sauvée. Mais leur illusion fut de courte durée; le brick apportait le préfet colonial de Tabago qui avait capitulé avec les Anglais, et qui, d'après les termes de cette capitulation, avait obtenu la faculté de se rendre au Cap. Il fut accueilli avec distinction par le capitaine-général qui lui remit les rênes de la préfecture de la colonie. Il se mit aussitôt à travailler à l'émission de nouvelles lettres de change que le commerce accepta avec assez de confiance malgré les calamités qui frappaient chaque jour les Européens.
Pendant cet intervalle, Dessalines consolidait sa puissance dans l'Ouest. Des qu'il fut certain du retour de Rochambeau au Cap, il se résolut à faire un voyage dans le Sud. La présence, au Port-Républicain, du capitaine-général dont il redoutait l'audace, l’avait jusqu'alors retenu dans la plaine du Cul-de-Sac. Il ordonna à Pétion de s'efforcer d'arrêter Lamour Dérance, pendant son absence, laissa les troupes de l'Artibonite et de l'Arcahaie campées à Roche-Blanche dans la plaine du Cul-de-Sac et partit pour le camp Gérard avec son état-major seulement. Il se rendit à la Coupe, d'ou il pénétra dans le département du Sud en passant par les montagnes. Il arriva vers la fin de juin, au camp Gérard, dans la plaine des Cayes, ou Geffrard avait son quartier général. L'armée du Sud l'accueillit avec respect. Elle était forte de 10.000 hommes, infanterie et cavalerie. Il la trouva parfaitement disciplinée. Il s'aperçut cependant que les préventions des citoyens de ce département contre lui ne s'étaient pas entièrement dissipées, et que Geffrard était dans l'armée l'objet de la plus profonde vénération. Il pensa que ses intérêts ainsi que ceux de la patrie lui commandaient de se justifier des accusations dont il était l'objet. Le lendemain, il réunit toutes les troupes, se plaça au milieu d'elles, et leur dit en créole les paroles suivantes, qui sont demeurées gravées dans l'esprit des témoins de cette scène solennelle : "Mes frères, après la prise de la Petite-Rivière de l'Artibonite, sur les Français, je fus proclamé général en chef de l'armée indépendante par les populations de l'Artibonite. Les généraux du Nord et de l'Ouest, mus par l'amour de la liberté, oubliant les haines politiques qui les animaient les uns contre les autres, vinrent successivement reconnaître mon autorité. En acceptant le commandement en chef de mes frères, j’en ai senti l'importance et la haute responsabilité. Je suis soldat; j'ai toujours combattu pour la liberté; et si j'ai été pendant la guerre civile aveuglement dévoué à Toussaint Louverture, c'est que j'ai cru que sa cause était celle de la liberté. Cependant, après la chute du général Rigaud, n'ai-je pas maintes fois usé de mon influence pour sauver une foule de braves que le sort des armes avait trahis et qui eux aussi avaient vaillamment combattu pour la liberté lorsque tous nos efforts tendaient à écraser le parti colonial ? Beaucoup de ceux qui m'écoutent me doivent la vie; je m'abstiens de les nommer. Mes frères, oublions le passé; oublions ces temps affreux, alors qu'égarés par les Blancs, nous étions armés les uns contre les autres. Aujourd'hui, nous combattons pour l'indépendance de notre pays, et notre drapeau rouge et bleu est le symbole de l'union du Noir et du Jaune". Dessalines fut interrompu par toute l'armée qui s'écria : "Guerre à mort aux Blancs". Il continue : "Les factions qui pouvaient compromettre la cause de la liberté sont presque éteintes: Lamour Dérance abandonné des siens, doit être arrêté à présent; Petit-Noël Prière, dans les hauteurs du Dondon, ne commande plus qu'à quelques bandits. Je vais retourner dans ces quartiers et je ferai rendre le dernier soupir à la faction expirante des Congos. Vive la liberté !". L'armée répondit par des acclamations universelles. Dessalines reçut de tous les officier supérieurs l'accolade patriotique. Il fit bruler les brevets que Lamour Dérance avait envoyés à quelques officiers du Sud, et les remplaça par de nouveaux qu'il délivra lui-même. Il nomma Geffrard, général de division, commandant en chef du département; Gérin, général de brigade, commandant de l'arrondissement de l'Anse-à-Veau; Jean-Louis François, général de brigade, commandant de l'arrondissement d'Aquin; Moreau Coco Herne, général de brigade, commandant de celui des Cayes; Férou, général de brigade, commandant de celui de Jérémie. Moreau Coco Herne et Férou avaient à conquérir les Cayes et Jérémie, les chefs-lieux des arrondissements qu'on leur avait confiés. Dessalines forma ensuite, de toute l'armée du Sud, six demi-brigades d'infanterie et une légion de cavalerie. L'ancienne 13e fut réorganisée. Comme il existait déjà aux Gonaïves une 14e demi-brigade, Dessalines donna aux cinq autres corps du Sud, qu'il venait de former, les numéros : 15e, 16e, 17e, 18e et 19e. La 13e fut confiée au colonel Bourdet, homme de couleur; la 15e au colonel Francisque, homme de couleur; la 16e, au colonel Leblanc, homme de couleur; la 17e, au colonel Vancol, homme de couleur; la 18e, au colonel Bazil, Noir; la 19e, au colonel Giles Benech, Noir. La légion de cavalerie fut confiée au colonel Guillaume Lafleur, Noir.
Geffrard présenta à Dessalines Boisrond Tonnerre, son secrétaire, le lui recommanda comme un homme instruit, du patriotisme le plus ardent. L'attitude et le langage de Boisrond Tonnerre séduisirent Dessalines qui l'attacha à sa personne. Le général en chef partit pour l'Ouest, accompagné de son nouveau secrétaire, après avoir adressé au curé des Cayes une lettre, par laquelle il le chargeait d'annoncer aux citoyens de cette ville que, si la garnison française n'évacuait pas sur le champ, les indigènes, en y pénétrant, détruiraient la place de fond en comble. Le général Brunet eut déjà évacué, s'il n'avait eu la certitude de l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre. Le brick de Sa Majesté Britannique le "Pélican", qui croisait devant le port des Cayes, capturait tous les navires marchands qui en sortaient. Brunet prit la détermination, qu'il ne réalisera pas, de s'ensevelir sous les ruines de la place. Il nomma Lothon, administrateur des douanes, capitaine-général de la garde nationale.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Pendant que Dessalines était au camp Gérard, dans le Sud, Lamour Dérance était descendu du Grand-Fond, dans la plaine du Cul-de-Sac, pour gagner à son parti les troupes que le général en chef y avait laissées. Il se transporta sur l'habitation Rocheblanche ou elles avaient leur quartier-général. Guerrier, colonel de la 7e demi-brigade, ainsi que Destrade, chef de bataillon dans la 3e, avait reçu l'ordre de l'arrêter. Guerrier, feignant de reconnaitre en lui le général en chef de l'armée indigène, lui offrit aussitôt de passer les troupes en revue. Lamour Dérance, en parcourant les rangs, flatta beaucoup les soldats qui observaient le plus grand calme. Quand il arriva au centre de la 3e demi-brigade, il fut arrêté par le capitaine Coquia qui le fit aussitôt garrotter. Son état-major, sans avoir fait aucun effort pour le dégager, prit la fuite et se dispersa dans les bois. Il fut conduit à Marchand, dans la plaine de l'Artibonite, et y fut jeté au cachot. Peu de temps après, il succomba de chagrin et de privations. Son arrestation éteignit, dans l'Ouest, une faction dangereuse. On dut ce succès, qui n'exigea aucun sacrifice de sang, à la modération que Dessalines déploya, lorsqu'il envahit la plaine du Cul-de-Sac, en se soumettant aux sages avis du général Pétion. La prudence de celui-ci, jointe a l'audace de Dessalines, à beaucoup contribué au triomphe de la guerre de l'Indépendance.
La 3e demi-brigade se porta de Rocheblanche devant Léogane et renforça les troupes qui cernaient cette ville. Le général Cangé résolut de l'enlever par n'importe quel sacrifice. Les Français, sans cesse assaillis, reconnurent l'impossibilité de se maintenir plus longtemps dans la place. Le commandant Locauste avait succombé dans l'une des attaques que les indigènes avaient précédemment dirigées contre la ville. Le chef de bataillon Dolosié, qui l'avait remplacé, forma de toute la garnison un bataillon carré au centre duquel il plaça les bagages, les femmes et les enfants. , Il sortit de Léogane avec quatre pièces de campagne. Le général Cangé l'attaqua vigoureusement; mais il ne put le rompre. Les Français atteignirent le rivage en bon ordre, s'embarquèrent sur la frégate la "Poursuivante". Les indigènes prirent possession de Léogane dont les Français ne tentèrent plus de s'emparer.
Peu de jours après, Dessalines, sortant du Sud, arriva a Léogane. Il dirigea aussitôt les poursuites contre ceux des habitants de ce quartier qui avaient été dévoués à Lamour Dérance. Il fit arrêter Mathieu Fourmi, partisan chaleureux du chef africain, et le fit acheminer sur Marchand.
De toutes parts, les indigènes ne reconnaissaient qu'une seule autorité, celle de Dessalines.
Le général en chef se mit en rapport avec les bâtiments de guerre de Sa Majesté Britannique qui louvoyaient devant le Port-au-Prince. Il envoya à bord du commodore, chef de l'escadre, un homme de couleur de Léogane, nommé Gourjon, qui parlait un peu l’anglais. Celui-ci acheta du commodore des armes et des munitions; les Anglais furent payés en or et en denrées. Il revint à Léogane sous le feu de plusieurs chaloupes canonnières françaises. Dessalines lui offrit le grade d'adjudant-général qu'il refusa, aimant mieux servir son pays confondu dans la foule des citoyens. Ce fut alors que le capitaine du vaisseau anglais, le "Theseus", fit connaitre officiellement à Dessalines l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre.
Le général en chef forma des gens de Léogane une demi-brigade d'infanterie de 1900 hommes, à laquelle il donna le numéro 21. Il venait d'envoyer l'ordre d'organiser à l'Artibonite une 20e demi-brigade. Il se transporta ensuite avec Cangé, devant Jacmel qu'assiégeait Magloire Ambroise. Il forma deux régiments des gens de ce quartier, les 22e et 23e et confia à Cangé la direction du siège de la place. Il se rendit ensuite au Petit-Goave, en forma un arrondissement dont il confia le commandement a Giles Bambara. Il confirma Lamarre dans le grade de colonel que lui avait donne Lamour Dérance et le maintint a la tête des gens du Petit-Goave dont il forma la 24e demi-brigade.
En même temps, sur la demande du général Brunet, Geffrard consentait à ouvrir un marché aux portes des Cayes, au carrefour Drouet et au Font-Gene. Il y eut une trêve de quinze jours pendant laquelle les Français apportèrent à ce marché une grande quantité d'objets qu'ils échangèrent contre des vivres et de la viande. Comme les droits d'importation et d'exportation étaient devenus nuls par le fait de la guerre que supportaient les Français et contre les Anglais et contre les indigènes, le général Brunet ne pouvait payer les troupes de la garnison des Cayes. Celles-ci murmuraient et commençaient à se livrer a des actes d'une sérieuse indiscipline. Pour subvenir aux pressants besoins de la garnison, Brunet emprunta au commerce une somme de 200,000 francs que vingt-quatre négociants blancs furent obligés de fournir. Il établit ensuite une contribution de vingt-cinq mille piastres ou 131,250 francs sur tous les marchands et propriétaires de la ville au prorata de leurs moyens.
Apres l'expiration de la trêve, les hostilités recommencèrent entre Geffrard et les Français.
Le général Geffrard, aussitôt après l'ouverture du marché dont nous venons de parler, avait ordonné au général Férou d'aller s'emparer de Jérémie, à la tête de sa division. Les troupes sous les ordres de Férou étaient sorties du camp Gérard dans les premiers jours de juillet. Elles traversèrent rapidement le Figuier de la colonie, les Coteaux, et firent halte à Tiburon. Le jour qui suivit, elles s'arrêtèrent aux Irois, sur l'habitation Gauthier, 5 juillet. Le colonel Bazile de la division Férou qui avait suivi une autre route déboucha à l'Anse d'Hainault. Le général Férou vint l'y joindre. Les troupes de Bazile formant l'avant-garde marchèrent sur le camp Bourdon qu'occupaient trois cents Français. Bazile, à la tête de mille huit cents hommes, les assaillit au moment ou ils évacuaient le camp. Il les dispersa et en tua un grand nombre. Il cerna ensuite un détachement qui occupait l'habitation Bayard. Les Blancs mirent bas les armes et furent passés au fil de l'épée, 19 juillet. Le colonel Bazile, continuant rapidement sa marche pendant la nuit du 19 au 20 juillet, atteignit le poste Mafranc, armé d'une pièce de 4, qu'occupaient 500 Français. Dès que les indigènes entrèrent dans la rivière qui coulait non loin du fort, ils reçurent un coup de canon à mitraille. Ils la traversèrent sous le feu de l'ennemi et gagnèrent la rive opposée. Les Français évacuant la position furent vigoureusement attaqués. Ils se défendirent avec un rare courage jusqu'au lever du soleil. Alors ils abandonnèrent la pièce de 4, se dispersèrent par petits pelotons et allèrent se réunir sur l'habitation Gerin d'ou ils prirent la route de Jérémie sans être inquiétés, 20 juillet. En même temps, Voltaire et Thomas Durocher faisaient prisonniers 60 Blancs de Jérémie, commandés par un nommé Ferrare, qu'ils avaient cernés sur l'habitation Durand, au Fond-Bleu, dans les hauteurs du Corail. Les Blancs furent sacrifiés jusqu'au dernier, malgré les efforts que fit Thomas Durocher pour les sauver. Bazile réunit tous les cultivateurs du quartier de la Grande-Rivière, dont le chiffre s'élevait à trois mille hommes. Il s'approcha de Jérémie ou commandait Fressinet. Celui-ci lui demanda, par une lettre, une suspension d'armes de dix jours, lui promettant qu'après l'expiration de la trêve, il évacuerait la place. Bazile envoya sa lettre au général Férou qui avait son quartier général a quelques lieues de Jérémie. Férou consentit à la trêve, et ordonna à Bazile de se tenir à Fouache pendant les dix jours qu'elle durerait. Comme les Français n'avaient pas encore évacué, à la date du 1er aout, Férou envoya l'ordre à Bazile d'assiéger la ville. Le lendemain, il vint à l'armée pour diriger les opérations du siège. Les Français, qui attendaient un brick du Port-Républicain, obtinrent que la trêve fût prolongée jusqu'au 4. Dans la matinée du 4, Fressinet ne voyant pas de navire arriver du Port-au-Prince, embarqua la garnison blanche sur les bâtiments qui étaient en rade, et appareilla, laissant la ville garnie de son matériel de guerre. Dans l'après-midi, le général Férou entra à Jérémie. Le même jour, le général Geffrard y arriva par le chemin du Bac. Il avait laissé au général Gérin le commandement des troupes qui cernaient les Cayes. Il se conduisit à Jérémie avec la plus grande modération, et approuva Férou d'avoir consenti à la capitulation des troupes françaises. Le général Fressinet fut capturé par les bâtiments de guerre anglais, et conduit prisonnier à la Jamaïque. Geffrard envoya le commandant Lafrédinière prendre possession de Pestel que Léveillé, chef des volontaires de la montagne du Petit-Trou, voulait saccager de fond en comble. Quelques semaines après, le chef d'escadron Bonnet arriva de l’île de Cuba à Jérémie. Geffrard l'accueillit avec distinction et l'envoya dans l'Ouest auprès de Dessalines. Celui-ci le nomma adjudant-général dans son état-major. Bonnet, après la chute de Rigaud, s'était refugié à St-Yague de Cube. A l'arrivée de l'expédition de Leclerc, il était revenu dans la colonie, comme nous l'avons vu, avec une foule d'autres officiers du Sud. Après l'embarquement de Toussaint en 1802, lorsque les persécutions commencèrent contre les Noirs et les hommes de couleur, Bonnet vécut au Cap dans l'obscurité pour ne pas être arrêté et noyé. Il était en cette ville quand il apprit que les troupes, sous les ordres de Pétion, se disposaient à se soulever contre les Français. Ne pouvant se réunir à elles, et recherché par la police française, il trouva le moyen de s'aboucher avec un capitaine américain qui le reçut à son bord et le conduisit à St-Yague de Cube.
La 3e demi-brigade se porta de Rocheblanche devant Léogane et renforça les troupes qui cernaient cette ville. Le général Cangé résolut de l'enlever par n'importe quel sacrifice. Les Français, sans cesse assaillis, reconnurent l'impossibilité de se maintenir plus longtemps dans la place. Le commandant Locauste avait succombé dans l'une des attaques que les indigènes avaient précédemment dirigées contre la ville. Le chef de bataillon Dolosié, qui l'avait remplacé, forma de toute la garnison un bataillon carré au centre duquel il plaça les bagages, les femmes et les enfants. , Il sortit de Léogane avec quatre pièces de campagne. Le général Cangé l'attaqua vigoureusement; mais il ne put le rompre. Les Français atteignirent le rivage en bon ordre, s'embarquèrent sur la frégate la "Poursuivante". Les indigènes prirent possession de Léogane dont les Français ne tentèrent plus de s'emparer.
Peu de jours après, Dessalines, sortant du Sud, arriva a Léogane. Il dirigea aussitôt les poursuites contre ceux des habitants de ce quartier qui avaient été dévoués à Lamour Dérance. Il fit arrêter Mathieu Fourmi, partisan chaleureux du chef africain, et le fit acheminer sur Marchand.
De toutes parts, les indigènes ne reconnaissaient qu'une seule autorité, celle de Dessalines.
Le général en chef se mit en rapport avec les bâtiments de guerre de Sa Majesté Britannique qui louvoyaient devant le Port-au-Prince. Il envoya à bord du commodore, chef de l'escadre, un homme de couleur de Léogane, nommé Gourjon, qui parlait un peu l’anglais. Celui-ci acheta du commodore des armes et des munitions; les Anglais furent payés en or et en denrées. Il revint à Léogane sous le feu de plusieurs chaloupes canonnières françaises. Dessalines lui offrit le grade d'adjudant-général qu'il refusa, aimant mieux servir son pays confondu dans la foule des citoyens. Ce fut alors que le capitaine du vaisseau anglais, le "Theseus", fit connaitre officiellement à Dessalines l'existence de la guerre entre la France et l'Angleterre.
Le général en chef forma des gens de Léogane une demi-brigade d'infanterie de 1900 hommes, à laquelle il donna le numéro 21. Il venait d'envoyer l'ordre d'organiser à l'Artibonite une 20e demi-brigade. Il se transporta ensuite avec Cangé, devant Jacmel qu'assiégeait Magloire Ambroise. Il forma deux régiments des gens de ce quartier, les 22e et 23e et confia à Cangé la direction du siège de la place. Il se rendit ensuite au Petit-Goave, en forma un arrondissement dont il confia le commandement a Giles Bambara. Il confirma Lamarre dans le grade de colonel que lui avait donne Lamour Dérance et le maintint a la tête des gens du Petit-Goave dont il forma la 24e demi-brigade.
En même temps, sur la demande du général Brunet, Geffrard consentait à ouvrir un marché aux portes des Cayes, au carrefour Drouet et au Font-Gene. Il y eut une trêve de quinze jours pendant laquelle les Français apportèrent à ce marché une grande quantité d'objets qu'ils échangèrent contre des vivres et de la viande. Comme les droits d'importation et d'exportation étaient devenus nuls par le fait de la guerre que supportaient les Français et contre les Anglais et contre les indigènes, le général Brunet ne pouvait payer les troupes de la garnison des Cayes. Celles-ci murmuraient et commençaient à se livrer a des actes d'une sérieuse indiscipline. Pour subvenir aux pressants besoins de la garnison, Brunet emprunta au commerce une somme de 200,000 francs que vingt-quatre négociants blancs furent obligés de fournir. Il établit ensuite une contribution de vingt-cinq mille piastres ou 131,250 francs sur tous les marchands et propriétaires de la ville au prorata de leurs moyens.
Apres l'expiration de la trêve, les hostilités recommencèrent entre Geffrard et les Français.
Le général Geffrard, aussitôt après l'ouverture du marché dont nous venons de parler, avait ordonné au général Férou d'aller s'emparer de Jérémie, à la tête de sa division. Les troupes sous les ordres de Férou étaient sorties du camp Gérard dans les premiers jours de juillet. Elles traversèrent rapidement le Figuier de la colonie, les Coteaux, et firent halte à Tiburon. Le jour qui suivit, elles s'arrêtèrent aux Irois, sur l'habitation Gauthier, 5 juillet. Le colonel Bazile de la division Férou qui avait suivi une autre route déboucha à l'Anse d'Hainault. Le général Férou vint l'y joindre. Les troupes de Bazile formant l'avant-garde marchèrent sur le camp Bourdon qu'occupaient trois cents Français. Bazile, à la tête de mille huit cents hommes, les assaillit au moment ou ils évacuaient le camp. Il les dispersa et en tua un grand nombre. Il cerna ensuite un détachement qui occupait l'habitation Bayard. Les Blancs mirent bas les armes et furent passés au fil de l'épée, 19 juillet. Le colonel Bazile, continuant rapidement sa marche pendant la nuit du 19 au 20 juillet, atteignit le poste Mafranc, armé d'une pièce de 4, qu'occupaient 500 Français. Dès que les indigènes entrèrent dans la rivière qui coulait non loin du fort, ils reçurent un coup de canon à mitraille. Ils la traversèrent sous le feu de l'ennemi et gagnèrent la rive opposée. Les Français évacuant la position furent vigoureusement attaqués. Ils se défendirent avec un rare courage jusqu'au lever du soleil. Alors ils abandonnèrent la pièce de 4, se dispersèrent par petits pelotons et allèrent se réunir sur l'habitation Gerin d'ou ils prirent la route de Jérémie sans être inquiétés, 20 juillet. En même temps, Voltaire et Thomas Durocher faisaient prisonniers 60 Blancs de Jérémie, commandés par un nommé Ferrare, qu'ils avaient cernés sur l'habitation Durand, au Fond-Bleu, dans les hauteurs du Corail. Les Blancs furent sacrifiés jusqu'au dernier, malgré les efforts que fit Thomas Durocher pour les sauver. Bazile réunit tous les cultivateurs du quartier de la Grande-Rivière, dont le chiffre s'élevait à trois mille hommes. Il s'approcha de Jérémie ou commandait Fressinet. Celui-ci lui demanda, par une lettre, une suspension d'armes de dix jours, lui promettant qu'après l'expiration de la trêve, il évacuerait la place. Bazile envoya sa lettre au général Férou qui avait son quartier général a quelques lieues de Jérémie. Férou consentit à la trêve, et ordonna à Bazile de se tenir à Fouache pendant les dix jours qu'elle durerait. Comme les Français n'avaient pas encore évacué, à la date du 1er aout, Férou envoya l'ordre à Bazile d'assiéger la ville. Le lendemain, il vint à l'armée pour diriger les opérations du siège. Les Français, qui attendaient un brick du Port-Républicain, obtinrent que la trêve fût prolongée jusqu'au 4. Dans la matinée du 4, Fressinet ne voyant pas de navire arriver du Port-au-Prince, embarqua la garnison blanche sur les bâtiments qui étaient en rade, et appareilla, laissant la ville garnie de son matériel de guerre. Dans l'après-midi, le général Férou entra à Jérémie. Le même jour, le général Geffrard y arriva par le chemin du Bac. Il avait laissé au général Gérin le commandement des troupes qui cernaient les Cayes. Il se conduisit à Jérémie avec la plus grande modération, et approuva Férou d'avoir consenti à la capitulation des troupes françaises. Le général Fressinet fut capturé par les bâtiments de guerre anglais, et conduit prisonnier à la Jamaïque. Geffrard envoya le commandant Lafrédinière prendre possession de Pestel que Léveillé, chef des volontaires de la montagne du Petit-Trou, voulait saccager de fond en comble. Quelques semaines après, le chef d'escadron Bonnet arriva de l’île de Cuba à Jérémie. Geffrard l'accueillit avec distinction et l'envoya dans l'Ouest auprès de Dessalines. Celui-ci le nomma adjudant-général dans son état-major. Bonnet, après la chute de Rigaud, s'était refugié à St-Yague de Cube. A l'arrivée de l'expédition de Leclerc, il était revenu dans la colonie, comme nous l'avons vu, avec une foule d'autres officiers du Sud. Après l'embarquement de Toussaint en 1802, lorsque les persécutions commencèrent contre les Noirs et les hommes de couleur, Bonnet vécut au Cap dans l'obscurité pour ne pas être arrêté et noyé. Il était en cette ville quand il apprit que les troupes, sous les ordres de Pétion, se disposaient à se soulever contre les Français. Ne pouvant se réunir à elles, et recherché par la police française, il trouva le moyen de s'aboucher avec un capitaine américain qui le reçut à son bord et le conduisit à St-Yague de Cube.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Pendant que les indigènes entraient à Jérémie, le général Romain envahissait le quartier de l'Acul qu'il brulait et saccageait. Il enleva tous les postes français et s'avança vers le Cap. Il avait beaucoup de munitions que lui avait envoyées le général Capoix. Le 5 aout, le général Clausel sortit du Cap et marcha contre les indigènes. Il les rencontra à huit heures du matin. On se battit toute la journée, et au coucher du soleil, les deux armées demeurèrent sur le champ de bataille. Pendant toute la nuit qui suivit, les indigènes dansèrent dans leur camp. Les Français qui les découvraient distinctement à la clarté de leurs feux, entendirent les cris de Vivent les Anglais ! Guerre à mort aux Français ! Ils comprirent que les Anglais avaient vendu de la poudre aux indigènes qui, contre leur ordinaire, en avaient usé considérablement pendant le combat. Clausel avait remarqué que son artillerie n'était pas assez forte pour écraser l'ennemi. Dans la même nuit, il avait envoyé chercher au Cap plusieurs autres pièces.
Le lendemain, 6 aout, à cinq heures du matin, le général Romain déploya son armée et attaqua vigoureusement les Français. La victoire demeura indécise jusqu'a midi. Mais alors un renfort de troupes européennes, précédé de quatre pièces de campagne, se présenta sur le champ de bataille Les Français chargèrent les indigènes avec une nouvelle fureur et les mirent en fuite. Romain, monté sur un cheval fougueux qu'il appelait Galbeau, était poursuivi par l'adjudant-commandant Maillard. Il allait être pris, quand il se retourna et déchargea son espingole dans l'estomac de Maillard. Pendant que les cavaliers français s'arrêtaient autour du cadavre de leur chef, Romain franchit une haie et disparut à travers les bois. Les indigènes perdirent dans cette sanglante affaire une pièce en bronze, 150 fusils, 4 tambours, deux drapeaux et 600 hommes. Pendant le combat, le commandant de la division navale du Cap avait opéré une descente sur le rivage de l'Anse de l'Acul. Il avait incendie une goélette que les indigènes avaient échouée à son approche. Eloigner les indigènes des environs du Cap fut le seul avantage que retirèrent les Français de ce succès. Comme de nouvelles troupes n'arrivaient pas d'Europe, ces victoires les ruinaient prodigieusement.
Rochambeau, maitre des environs du Cap, put s'occuper sérieusement du marché qu'il avait établi à la Petite Anse, d'après l'arrangement qu'il avait conclu avec les indigenes , dans le mois de juillet. Après avoir supprimé tous les marchés qui existaient au Haut du Cap, il en ouvrit un unique et général, le 13 aout, au bourg de la Petite-Anse, à une lieue de la ville. Des hangars et des échoppes, dressés par le gouvernement, furent loués aux citoyens par des baux de trois mois. Le marché était ouvert le lundi et le samedi de chaque semaine. Pour s'y rendre, il fallait être muni d'un permis du conseil des Notables qui le délivrait moyennant un gourdin. Les vivres, les légumes et autres provisions de bouches, apportés par les indigenes , étaient achetés et payés en numéraire, ou en marchandises sèches, telles que toile, draps, etc. Le café, le coton et les autres denrées coloniales ne trouvant que peu d'acquéreurs, parce qu'ils ne pouvaient être exportés a cause du blocus de l'île par les Anglais, étaient devenus presque de nulle valeur. Ceux qui les achetaient les payaient à vil prix. Après avoir été pesées à la balance du marché, ces denrées étaient déposées dans un entrepôt appartenant à l'Etat. Rochambeau faisait délivrer aux déposants des récépissés par un préposé. A la fin de la guerre avec l'Angleterre, ces denrées devaient être livrées à qui de droit, sur l'exhibition de récépissés. Les cultivateurs qui fréquentaient le marché n'y étaient admis que munis de permis délivrés par Jacques Tellier et par Cagnet. Le gouvernement finit par acheter seul le sucre, le café, le coton et l'indigo. Les habitants du Cap ne pouvaient apporter au marché que des toiles, des chapeaux, des casaques, des houes, des haches, des objets de menue quincaillerie, des harengs, des maquereaux, du saumon, etc. Le préfet colonial était chargé de la haute inspection de ce marché; le citoyen P. Chauveau, négociant au Cap, en était le commissaire général, et la gendarmerie maritime en faisait la police. Il était expressément défendu aux soldats d'y apporter les marchandises; ils n'achetaient que des vivres qu'ils payaient en numéraire. Les indigenes , trouvant de grands profits dans la fréquentation de ce marché, y affluaient. Le magasin général de la Petite-Anse reçut du 2 au 22 Fructidor (du 20 aout au 9 septembre) 310,971 livres du café venant de la Grande-Rivière, de la Montagne Noire, de Ste-Suzanne, de Vallière, du Bois de Lance, du Grand-Boucan, du Bois-Blanc, de la Grande-Rivière des Cotelettes, du Fond-Bleu et de la Petite-Anse. Les cultivateurs de ces quartiers avaient la plupart déposé les armes pour reprendre la houe; et si Lamour Dérance n'avait pas été pris dans le piège que lui avait tendu Dessalines, la guerre civile eut éclaté dans l'Ouest, et les Français eussent probablement reconquis les Gonaïves. Cependant les succès de Capoix, l'audace de Romain, nos conquêtes dans l'Ouest et dans le Sud avaient jeté le plus profond découragement dans les rangs des Européens et parmi ceux des indigènes qui servaient encore le parti de la Métropole. Beaucoup de colons, saisis de terreur, demandaient des passeports pour l'étranger, ou partaient clandestinement sur des navires américains. L'amiral Latouche-Tréville qui, depuis longtemps, sollicitait en vain de son gouvernement l'autorisation de retourner en France, demanda sans succès au commandant des forces navales de Sa Majesté Britannique de lui livrer passage pour qu'il put se retirer aux Etats-Unis. Devenu riche, et dégouté de la guerre, il vint du Mole St-Nicolas au Cap dans une chaloupe canonnière. Il déclara à Rochambeau qu'atteint d'une maladie de langueur, il périrait indubitablement s'il demeurait plus longtemps dans la colonie. Le capitaine-général lui permit de s'embarquer pour France, et le chargea d'exhorter le Premier Consul à lui envoyer au plus tôt de nombreux renforts. Latouche-Tréville arriva en France ou il mourut en 1804 des suites de sa maladie. Le capitaine de vaisseau Barre le remplaça dans le commandement des forces navales de St-Domingue. Le général Rochambeau fut indigné du départ furtif d'un grand nombre de citoyens blancs. Les rangs de la garde nationale s'étaient considérablement éclaircis, et cependant plus que jamais on avait besoin de soldats. Le général de brigade Gilvert Néraud, commandant de la place du Cap, annonça aux habitants, par une publication, que leurs biens seraient confisqués s'ils quittaient la colonie sans passeport. Le même officier, quatre jours avant cette publication, en passant en revue la garde nationale avait déclaré aux poltrons qu'ils pouvaient se retirer ou ils voudraient; et Rochambeau de son cote, avait annonce aux braves qu'il tiendrait dans la colonie plus longtemps qu'il ne l'avait fait a la Martinique.
Comme le vin et la farine devenaient de jour en jour plus rares dans la ville, il contraignit avec une sévérité inflexible toutes les bouches inutiles à s'embarquer pour la Nouvelle Angleterre. Il fortifia davantage les blockhaus établis le long du grand chemin du Haut du cap. Les principaux retranchements étaient construits sur les habitations Champin, Vertières et Bréda, comme nous l'avons déjà vu. Les dépenses qu'avaient nécessités la construction et l'armement de ces blockhaus excédèrent les fonds provenant des impositions de l'an 11. Le conseil des Notables émit des bons de caisse jusqu'à la concurrence de la somme de 120,000 francs, montant du débet arriéré de l'an 11. Ces bons de caisse devaient être remboursés en espèces métalliques par la caisse communale le 1er avril de l'an 12. Mais alors les Français auront disparu du sol d'Haïti.
Pendant cet intervalle, la ville du Fort-Liberté était étroitement bloquée et par les Anglais et par les indigènes. La garnison française souffrait de la plus affreuse famine. Le général Dumont qui commandait la place proposa au général indigène une entrevue sur l'habitation Sicard qui fut acceptée. Le général français se transporta au lieu de l'entrevue, y rencontra le chef des indépendants et lui proposa d'ouvrir un marché aux portes de la ville aux mêmes conditions que celui de la Petite-Anse. Les indigènes, au lieu de lui répondre, l'arrêtèrent, le garrottèrent et le conduisirent dans l'intérieur sur l'habitation Blancourt, dans le quartier de Trou. Le général indigène s'approcha ensuite des remparts, et dit aux Français qu'il leur renverrait leur chef, s'ils évacuaient la place. La garnison était si faible qu'elle n'eut pu soutenir un assaut. Cependant les Français répondirent qu'ils n'accepteraient cette proposition qu'après le retour de Dumont. En même temps, le commandant de la croisière anglaise, John Bligh, se déterminait à capturer la frégate française la "Sagesse", commandée par le lieutenant Baruetche, m’ouillée dans le port de Fort-Liberté. Il avait sous ses ordres trois bâtiments, le "Theseus", l'Hercule", et le "Cumberland". Il avait remarqué qu'il était presque impossible d'empêcher les petits bâtiments de se rendre du Fort-Liberté au Cap avec des provisions, à cause des nombreuses anses qui bordent la cote nord de l'ile. Il sentit la nécessité de contraindre les Français à évacuer cette place. C'était le 8 septembre. Comme la brise ne permettait pas, ce jour, aux bâtiments français de lever l'ancre, John Bligh ordonna à l'Hercule" et au "Cumberland" de garder leur position, et pénétra lui-même, sur le "Theseus", dans la baie de Mancenille. Il s'aperçut que la mer était assez profonde pour qu'il put se placer à portée de fusil du fort Labouque, élevé à l'entrée du port. Il commença son feu, et en moins d'une demi-heure de canonnade, le fort amena son pavillon. John Bligh porta ensuite son attention sur l'autre fort qui protégeait le port, et sur la frégate qui y était mouillée. Le "Theseus" remorqué par les chaloupes entra dans la rade. Il lança sa bordée sur la frégate la "Sagesse" qui amena aussitôt son pavillon. La frégate était de 35 canons, et avait 65 hommes d'équipage. Les Français qui redoutaient les vengeances des indigènes, demandèrent à John Bligh sa protection contre des ennemis implacables et se mirent à la discrétion des Anglais. John Bligh fit enclouer les canons et détruire les munitions de la place. La garnison et les habitants furent embarqués sur l'escadre de Sa Majesté Britannique. L'officier anglais eut la générosité de conduire au Cap tous les prisonniers et de les remettre à Rochambeau. Il avait appris par les officiers français la captivité du général Dumont, et il leur avait promis de s'efforcer d'obtenir sa mise en liberté du général indigène qui commandait l'armée du Fort-Liberté. Les indépendants avaient pris possession de cette ville aussitôt après le départ des Anglais. Le lendemain, 9 septembre, John Bligh était de retour au Fort-Liberté. Il envoya auprès du général indigène un officier chargé de demander la relaxation du général Dumont. L'humanité l'avait porté à faire cette démarche, car il était convaincu que Dumont finirait par être sacrifié par les indigènes. Daut Brave reçut avec distinction l'officier anglais, et exhorta ses compagnons à ne pas livrer le général français au dernier supplice; il leur rappela qu'ils avaient promis de le renvoyer sain et sauf si la place ne résistait pas plus longtemps. Il fut applaudi par la plupart des indigènes, et le chef de bataillon Charles Pierre entra dans une chaloupe, et conduisit le général Dumont à bord du "Theseus". Celui-ci fut envoyé à la Jamaïque comme prisonnier de guerre. Ce trait est d'autant plus remarquable que les indigènes, à cette époque, immolaient presque tous ceux des Français qui tombaient en leur pouvoir. Dumont ne dut la vie qu'à l'influence qu'exerçait sur les siens le général Daut Brave, qui eut le bonheur de traverser cette cruelle époque sans s'être souillé d'un seul crime. Rochambeau déclara que l'arrondissement de Monte-Christ, dans l'ancienne partie espagnole, qui dépendait de l'arrondissement du Fort-Liberté, relèverait de celui de St-Yague.
Le lendemain, 6 aout, à cinq heures du matin, le général Romain déploya son armée et attaqua vigoureusement les Français. La victoire demeura indécise jusqu'a midi. Mais alors un renfort de troupes européennes, précédé de quatre pièces de campagne, se présenta sur le champ de bataille Les Français chargèrent les indigènes avec une nouvelle fureur et les mirent en fuite. Romain, monté sur un cheval fougueux qu'il appelait Galbeau, était poursuivi par l'adjudant-commandant Maillard. Il allait être pris, quand il se retourna et déchargea son espingole dans l'estomac de Maillard. Pendant que les cavaliers français s'arrêtaient autour du cadavre de leur chef, Romain franchit une haie et disparut à travers les bois. Les indigènes perdirent dans cette sanglante affaire une pièce en bronze, 150 fusils, 4 tambours, deux drapeaux et 600 hommes. Pendant le combat, le commandant de la division navale du Cap avait opéré une descente sur le rivage de l'Anse de l'Acul. Il avait incendie une goélette que les indigènes avaient échouée à son approche. Eloigner les indigènes des environs du Cap fut le seul avantage que retirèrent les Français de ce succès. Comme de nouvelles troupes n'arrivaient pas d'Europe, ces victoires les ruinaient prodigieusement.
Rochambeau, maitre des environs du Cap, put s'occuper sérieusement du marché qu'il avait établi à la Petite Anse, d'après l'arrangement qu'il avait conclu avec les indigenes , dans le mois de juillet. Après avoir supprimé tous les marchés qui existaient au Haut du Cap, il en ouvrit un unique et général, le 13 aout, au bourg de la Petite-Anse, à une lieue de la ville. Des hangars et des échoppes, dressés par le gouvernement, furent loués aux citoyens par des baux de trois mois. Le marché était ouvert le lundi et le samedi de chaque semaine. Pour s'y rendre, il fallait être muni d'un permis du conseil des Notables qui le délivrait moyennant un gourdin. Les vivres, les légumes et autres provisions de bouches, apportés par les indigenes , étaient achetés et payés en numéraire, ou en marchandises sèches, telles que toile, draps, etc. Le café, le coton et les autres denrées coloniales ne trouvant que peu d'acquéreurs, parce qu'ils ne pouvaient être exportés a cause du blocus de l'île par les Anglais, étaient devenus presque de nulle valeur. Ceux qui les achetaient les payaient à vil prix. Après avoir été pesées à la balance du marché, ces denrées étaient déposées dans un entrepôt appartenant à l'Etat. Rochambeau faisait délivrer aux déposants des récépissés par un préposé. A la fin de la guerre avec l'Angleterre, ces denrées devaient être livrées à qui de droit, sur l'exhibition de récépissés. Les cultivateurs qui fréquentaient le marché n'y étaient admis que munis de permis délivrés par Jacques Tellier et par Cagnet. Le gouvernement finit par acheter seul le sucre, le café, le coton et l'indigo. Les habitants du Cap ne pouvaient apporter au marché que des toiles, des chapeaux, des casaques, des houes, des haches, des objets de menue quincaillerie, des harengs, des maquereaux, du saumon, etc. Le préfet colonial était chargé de la haute inspection de ce marché; le citoyen P. Chauveau, négociant au Cap, en était le commissaire général, et la gendarmerie maritime en faisait la police. Il était expressément défendu aux soldats d'y apporter les marchandises; ils n'achetaient que des vivres qu'ils payaient en numéraire. Les indigenes , trouvant de grands profits dans la fréquentation de ce marché, y affluaient. Le magasin général de la Petite-Anse reçut du 2 au 22 Fructidor (du 20 aout au 9 septembre) 310,971 livres du café venant de la Grande-Rivière, de la Montagne Noire, de Ste-Suzanne, de Vallière, du Bois de Lance, du Grand-Boucan, du Bois-Blanc, de la Grande-Rivière des Cotelettes, du Fond-Bleu et de la Petite-Anse. Les cultivateurs de ces quartiers avaient la plupart déposé les armes pour reprendre la houe; et si Lamour Dérance n'avait pas été pris dans le piège que lui avait tendu Dessalines, la guerre civile eut éclaté dans l'Ouest, et les Français eussent probablement reconquis les Gonaïves. Cependant les succès de Capoix, l'audace de Romain, nos conquêtes dans l'Ouest et dans le Sud avaient jeté le plus profond découragement dans les rangs des Européens et parmi ceux des indigènes qui servaient encore le parti de la Métropole. Beaucoup de colons, saisis de terreur, demandaient des passeports pour l'étranger, ou partaient clandestinement sur des navires américains. L'amiral Latouche-Tréville qui, depuis longtemps, sollicitait en vain de son gouvernement l'autorisation de retourner en France, demanda sans succès au commandant des forces navales de Sa Majesté Britannique de lui livrer passage pour qu'il put se retirer aux Etats-Unis. Devenu riche, et dégouté de la guerre, il vint du Mole St-Nicolas au Cap dans une chaloupe canonnière. Il déclara à Rochambeau qu'atteint d'une maladie de langueur, il périrait indubitablement s'il demeurait plus longtemps dans la colonie. Le capitaine-général lui permit de s'embarquer pour France, et le chargea d'exhorter le Premier Consul à lui envoyer au plus tôt de nombreux renforts. Latouche-Tréville arriva en France ou il mourut en 1804 des suites de sa maladie. Le capitaine de vaisseau Barre le remplaça dans le commandement des forces navales de St-Domingue. Le général Rochambeau fut indigné du départ furtif d'un grand nombre de citoyens blancs. Les rangs de la garde nationale s'étaient considérablement éclaircis, et cependant plus que jamais on avait besoin de soldats. Le général de brigade Gilvert Néraud, commandant de la place du Cap, annonça aux habitants, par une publication, que leurs biens seraient confisqués s'ils quittaient la colonie sans passeport. Le même officier, quatre jours avant cette publication, en passant en revue la garde nationale avait déclaré aux poltrons qu'ils pouvaient se retirer ou ils voudraient; et Rochambeau de son cote, avait annonce aux braves qu'il tiendrait dans la colonie plus longtemps qu'il ne l'avait fait a la Martinique.
Comme le vin et la farine devenaient de jour en jour plus rares dans la ville, il contraignit avec une sévérité inflexible toutes les bouches inutiles à s'embarquer pour la Nouvelle Angleterre. Il fortifia davantage les blockhaus établis le long du grand chemin du Haut du cap. Les principaux retranchements étaient construits sur les habitations Champin, Vertières et Bréda, comme nous l'avons déjà vu. Les dépenses qu'avaient nécessités la construction et l'armement de ces blockhaus excédèrent les fonds provenant des impositions de l'an 11. Le conseil des Notables émit des bons de caisse jusqu'à la concurrence de la somme de 120,000 francs, montant du débet arriéré de l'an 11. Ces bons de caisse devaient être remboursés en espèces métalliques par la caisse communale le 1er avril de l'an 12. Mais alors les Français auront disparu du sol d'Haïti.
Pendant cet intervalle, la ville du Fort-Liberté était étroitement bloquée et par les Anglais et par les indigènes. La garnison française souffrait de la plus affreuse famine. Le général Dumont qui commandait la place proposa au général indigène une entrevue sur l'habitation Sicard qui fut acceptée. Le général français se transporta au lieu de l'entrevue, y rencontra le chef des indépendants et lui proposa d'ouvrir un marché aux portes de la ville aux mêmes conditions que celui de la Petite-Anse. Les indigènes, au lieu de lui répondre, l'arrêtèrent, le garrottèrent et le conduisirent dans l'intérieur sur l'habitation Blancourt, dans le quartier de Trou. Le général indigène s'approcha ensuite des remparts, et dit aux Français qu'il leur renverrait leur chef, s'ils évacuaient la place. La garnison était si faible qu'elle n'eut pu soutenir un assaut. Cependant les Français répondirent qu'ils n'accepteraient cette proposition qu'après le retour de Dumont. En même temps, le commandant de la croisière anglaise, John Bligh, se déterminait à capturer la frégate française la "Sagesse", commandée par le lieutenant Baruetche, m’ouillée dans le port de Fort-Liberté. Il avait sous ses ordres trois bâtiments, le "Theseus", l'Hercule", et le "Cumberland". Il avait remarqué qu'il était presque impossible d'empêcher les petits bâtiments de se rendre du Fort-Liberté au Cap avec des provisions, à cause des nombreuses anses qui bordent la cote nord de l'ile. Il sentit la nécessité de contraindre les Français à évacuer cette place. C'était le 8 septembre. Comme la brise ne permettait pas, ce jour, aux bâtiments français de lever l'ancre, John Bligh ordonna à l'Hercule" et au "Cumberland" de garder leur position, et pénétra lui-même, sur le "Theseus", dans la baie de Mancenille. Il s'aperçut que la mer était assez profonde pour qu'il put se placer à portée de fusil du fort Labouque, élevé à l'entrée du port. Il commença son feu, et en moins d'une demi-heure de canonnade, le fort amena son pavillon. John Bligh porta ensuite son attention sur l'autre fort qui protégeait le port, et sur la frégate qui y était mouillée. Le "Theseus" remorqué par les chaloupes entra dans la rade. Il lança sa bordée sur la frégate la "Sagesse" qui amena aussitôt son pavillon. La frégate était de 35 canons, et avait 65 hommes d'équipage. Les Français qui redoutaient les vengeances des indigènes, demandèrent à John Bligh sa protection contre des ennemis implacables et se mirent à la discrétion des Anglais. John Bligh fit enclouer les canons et détruire les munitions de la place. La garnison et les habitants furent embarqués sur l'escadre de Sa Majesté Britannique. L'officier anglais eut la générosité de conduire au Cap tous les prisonniers et de les remettre à Rochambeau. Il avait appris par les officiers français la captivité du général Dumont, et il leur avait promis de s'efforcer d'obtenir sa mise en liberté du général indigène qui commandait l'armée du Fort-Liberté. Les indépendants avaient pris possession de cette ville aussitôt après le départ des Anglais. Le lendemain, 9 septembre, John Bligh était de retour au Fort-Liberté. Il envoya auprès du général indigène un officier chargé de demander la relaxation du général Dumont. L'humanité l'avait porté à faire cette démarche, car il était convaincu que Dumont finirait par être sacrifié par les indigènes. Daut Brave reçut avec distinction l'officier anglais, et exhorta ses compagnons à ne pas livrer le général français au dernier supplice; il leur rappela qu'ils avaient promis de le renvoyer sain et sauf si la place ne résistait pas plus longtemps. Il fut applaudi par la plupart des indigènes, et le chef de bataillon Charles Pierre entra dans une chaloupe, et conduisit le général Dumont à bord du "Theseus". Celui-ci fut envoyé à la Jamaïque comme prisonnier de guerre. Ce trait est d'autant plus remarquable que les indigènes, à cette époque, immolaient presque tous ceux des Français qui tombaient en leur pouvoir. Dumont ne dut la vie qu'à l'influence qu'exerçait sur les siens le général Daut Brave, qui eut le bonheur de traverser cette cruelle époque sans s'être souillé d'un seul crime. Rochambeau déclara que l'arrondissement de Monte-Christ, dans l'ancienne partie espagnole, qui dépendait de l'arrondissement du Fort-Liberté, relèverait de celui de St-Yague.
Maximo- Super Star
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Date d'inscription : 01/08/2007
Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Les habitants du Cap voyaient chaque jour s'accroitre la
fureur de Rochambeau. Il était devenu plus sombre, plus
soupçonneux. Les Anglais venaient d'enlever une somme
importante qu'il avait expédiée pour Porto-Rico. Il
contraignit les négociants à payer un emprunt considérable
qu'il avait fait. Tant de tyrannie exaspéra une foule de
citoyens blancs; et il se forma contre lui, au Cap, un parti
considérable, à la tète duquel se mit le préfet colonial
Magnytot. Celui-ci confia son projet de le déporter aux
généraux Clausel et Thouvenot. Le commissaire ordonnateur
Colbert, alors dans l'Ouest, chargé de détruire les abus qui
existaient dans l'administration, fut aussi gagné contre le
capitaine-général. Plusieurs riches négociants, Brassier,
Hardivilliers, Allard et Wantron étaient entrés dans le
complot. Magnytot déclara publiquement qu'il voulait qu'il y
eut une barrière d'airain entre son administration et celle de
son prédécesseur. Celui-ci s'était toujours montré dévoué au
système de Rochambeau. Les négociants, enhardis par l'appui
des premières autorités, suscitèrent toutes sortes d'entraves
au capitaine-général qui était devenu un objet d'horreur pour
chacun d'eux. Pour accroitre la famine et exciter les troupes
contre lui, ils retirèrent du marché la farine et d'autres
comestibles, avec l'intention de les remettre en vente après
sa déportation. Les partisans de Rochambeau ont accusé le
négociant Fédon d'avoir tenu cette conduite. Cependant rien ne
prouve ce fait; au contraire Fédon avait offert 200 barils de
farine pour les besoins des troupes. Clausel et Thouvenot
avaient l'espoir, après s'être emparés de l'autorité, de
ramener les indépendants sous les bannières de la Métropole.
Rochambeau ne tarda pas à découvrir les trames qu'on
ourdissait centre lui. Il dénonça ses ennemis à l'armée, les
lui représenta comme des anglomen qui l'affamaient pour la
réduire à évacuer la place. La garnison, incitée surtout
contre le commerce, demanda, à grands cris, la mort des
traitres. Le capitaine-général reprit, dans cette
circonstance, son influence sur les troupes. Le préfet
colonial, effrayé de la fureur des soldats, n'osa agir contre
Rochambeau. Clausel, victime du manque d'énergie de Magnytot,
fut embarqué sur le "Dermide", ainsi que le général Thouvenot.
Ce dernier se montra faible et s'efforça de calmer
l'indignation de Rochambeau. De la rade du Cap, il écrivit à
Magnytot qu'il avait déclaré au capitaine-général la vérité de
leur entretien; et il fit publier dans la gazette officielle
"que si sur-le-champ il n'avait pas fait connaitre au général
en chef les propositions qui lui avaient été faites de
coopérer à sa déportation, c'est qu'il avait pensé que
l'intérêt de la colonie exigeant alors une parfaite union
entre les premières autorités, il devait garder le silence et
ne le rompre que dans le cas seulement ou on persisterait à
mettre ce projet à exécution". Le 16 septembre, le "Dermide"
appareilla pour France. Rochambeau usa de quelque management
envers le préfet colonial, la première autorité civile de
St-Domingue. Si Magnytot n'avait pas fléchi, la veille du jour
fixe pour l'arrestation de Rochambeau, Clausel et Thouvenot
eussent indubitablement déporté le capitaine-général. Mais
celui-ci, averti du complot, terrifia le préfet colonial par
ses baïonnettes, et déjoua toute la trame.
Apres le départ des généraux Clausel et Thouvenot, la division
du Nord fut confiée au général de division Lapoype qui était
provisoirement au Mole; et le général Noailles alla reprendre
le commandement de cette dernière ville. Les choses
demeurèrent dans le même état qu'auparavant, et Clausel eut-il
déporté Rochambeau qu'il n'eut pas trouvé les indigènes plus
disposés à traiter. La cause française était déjà perdue. Ce
fut à cette époque que le jeune Jean-Pierre Boyer, homme de
couleur, qui avait été arrêté au Port-Républicain, et qui
était prisonnier à bord du vaisseau le "Duguay-Trouin", au
Cap, put se sauver et atteindre Monte-Christ, favorisé dans sa
fuite, par le colonel Moulut, sous-chef du génie de l'armée
française. C'est ce même Boyer qui gouverna la République
d'Haïti de 1818 a 1843.
Pendant cet intervalle, Dessalines apprenait que le général
Geffrard avait, pendant quinze jours, ouvert aux Français un
marché aux portes des Cayes, qu'il avait ensuite accordé au
général Fressinet un délai de dix jours pour évacuer Jérémie,
et qu'il avait permis à la garnison de cette dernière ville de
se retirer avec les honneurs de la guerre. Cette modération
lui déplut considérablement. Du reste l’influence qu'exerçait
Geffrard dans le Sud l'offusquait. Boisrond Tonnerre, son
secrétaire, qu'il avait nommé adjudant-général, flattait ses
passions et l'incitait déjà contre Geffrard. C'est cependant
celui-ci qui avait exhorté Dessalines à le prendre auprès de
lui. Le général en chef conçut l'idée de miner l'influence de
Geffrard, en lui opposant Gérin qu'il se proposait de faire
grandir. Geffrard, en partant pour Jérémie, avait confié à
Gérin, le commandement de l'armée qui assiégeait les Cayes.
Gérin avait constamment refusé de traiter avec les Français
l'évacuation de cette ville qu'il voulait prendre d'assaut.
Dessalines lui adressa la lettre suivante rédigée par Boisrond
Tonnerre :
Quartier-général, à Viet, le 24 Thermidor an XI
(11 septembre 1803.)
LE GENERAL EN CHEF,
Au général de brigade Gerin, commandant, pro tempore, la
division du Sud.
J'ai reçu, mon cher général, votre lettre du 12 avec d'autant
plus de satisfaction qu'elle entre parfaitement dans tous les
détails que je pouvais désirer. Ci-joint un paquet pour le
général Geffrard dont les dernières mesures m'ont
singulièrement étonné, puisqu'elles contrarient les
instructions que je lui ai laissées à mon départ: vous voudrez
bien les lui faire parvenir à Jérémie après en avoir pris
lecture. Lisez mes dernières instructions, et que la sureté de
votre division repose sur elles. Eh quoi! Général, nous
n'aurions combattu, nous ne serions vainqueurs que pour donner
tête baissée dans le piège qui nous est tendu par Brunet ?
Quoi! A la veille de faire disparaitre nos bourreaux de notre
malheureux pays, nous nous estimerions heureux de prendre des
arrangements, et de laisser à nos ennemis leurs armes ? Quelle
honte ! Non.' général, aucune des armées que je commande ne se
déshonorera par une telle lâcheté. Vous fûtes, général, la
victime dévouée à tous les poignards; vous fûtes le premier
qui me fit sentir la nécessité de porter dans votre
département le fer et la liberté. Et je me réjouis de ce que
la prudence du général Geffrard vous ait confié sa division.
Vous saurez préserver votre armée du piège qui lui est tendu,
et vous n'entendrez à aucune proposition qu'au préalable on
n'ait mis bas les armes. Je vous souhaite des succès, de la
fermeté, et la haine éternelle pour les Français (1). Je vous
salue cordialement,
(Signe): DESSALINES.
(1) Dessalines et Boisrond Tonnerre cherchaient déjà à enlever
à Geffrard toute sa gloire. C'est Geffrard qui conseilla à
Dessalines de porter la guerre dans le Sud, en l'y envoyant
avec la 13e, comme nous l'avons vu dans le deuxième volume.
Dessalines lui-même n'a-t-il pas plus tard permis aux Français
d'évacuer le Port-Républicain et le Cap avec les honneurs de
la guerre ?[/
fureur de Rochambeau. Il était devenu plus sombre, plus
soupçonneux. Les Anglais venaient d'enlever une somme
importante qu'il avait expédiée pour Porto-Rico. Il
contraignit les négociants à payer un emprunt considérable
qu'il avait fait. Tant de tyrannie exaspéra une foule de
citoyens blancs; et il se forma contre lui, au Cap, un parti
considérable, à la tète duquel se mit le préfet colonial
Magnytot. Celui-ci confia son projet de le déporter aux
généraux Clausel et Thouvenot. Le commissaire ordonnateur
Colbert, alors dans l'Ouest, chargé de détruire les abus qui
existaient dans l'administration, fut aussi gagné contre le
capitaine-général. Plusieurs riches négociants, Brassier,
Hardivilliers, Allard et Wantron étaient entrés dans le
complot. Magnytot déclara publiquement qu'il voulait qu'il y
eut une barrière d'airain entre son administration et celle de
son prédécesseur. Celui-ci s'était toujours montré dévoué au
système de Rochambeau. Les négociants, enhardis par l'appui
des premières autorités, suscitèrent toutes sortes d'entraves
au capitaine-général qui était devenu un objet d'horreur pour
chacun d'eux. Pour accroitre la famine et exciter les troupes
contre lui, ils retirèrent du marché la farine et d'autres
comestibles, avec l'intention de les remettre en vente après
sa déportation. Les partisans de Rochambeau ont accusé le
négociant Fédon d'avoir tenu cette conduite. Cependant rien ne
prouve ce fait; au contraire Fédon avait offert 200 barils de
farine pour les besoins des troupes. Clausel et Thouvenot
avaient l'espoir, après s'être emparés de l'autorité, de
ramener les indépendants sous les bannières de la Métropole.
Rochambeau ne tarda pas à découvrir les trames qu'on
ourdissait centre lui. Il dénonça ses ennemis à l'armée, les
lui représenta comme des anglomen qui l'affamaient pour la
réduire à évacuer la place. La garnison, incitée surtout
contre le commerce, demanda, à grands cris, la mort des
traitres. Le capitaine-général reprit, dans cette
circonstance, son influence sur les troupes. Le préfet
colonial, effrayé de la fureur des soldats, n'osa agir contre
Rochambeau. Clausel, victime du manque d'énergie de Magnytot,
fut embarqué sur le "Dermide", ainsi que le général Thouvenot.
Ce dernier se montra faible et s'efforça de calmer
l'indignation de Rochambeau. De la rade du Cap, il écrivit à
Magnytot qu'il avait déclaré au capitaine-général la vérité de
leur entretien; et il fit publier dans la gazette officielle
"que si sur-le-champ il n'avait pas fait connaitre au général
en chef les propositions qui lui avaient été faites de
coopérer à sa déportation, c'est qu'il avait pensé que
l'intérêt de la colonie exigeant alors une parfaite union
entre les premières autorités, il devait garder le silence et
ne le rompre que dans le cas seulement ou on persisterait à
mettre ce projet à exécution". Le 16 septembre, le "Dermide"
appareilla pour France. Rochambeau usa de quelque management
envers le préfet colonial, la première autorité civile de
St-Domingue. Si Magnytot n'avait pas fléchi, la veille du jour
fixe pour l'arrestation de Rochambeau, Clausel et Thouvenot
eussent indubitablement déporté le capitaine-général. Mais
celui-ci, averti du complot, terrifia le préfet colonial par
ses baïonnettes, et déjoua toute la trame.
Apres le départ des généraux Clausel et Thouvenot, la division
du Nord fut confiée au général de division Lapoype qui était
provisoirement au Mole; et le général Noailles alla reprendre
le commandement de cette dernière ville. Les choses
demeurèrent dans le même état qu'auparavant, et Clausel eut-il
déporté Rochambeau qu'il n'eut pas trouvé les indigènes plus
disposés à traiter. La cause française était déjà perdue. Ce
fut à cette époque que le jeune Jean-Pierre Boyer, homme de
couleur, qui avait été arrêté au Port-Républicain, et qui
était prisonnier à bord du vaisseau le "Duguay-Trouin", au
Cap, put se sauver et atteindre Monte-Christ, favorisé dans sa
fuite, par le colonel Moulut, sous-chef du génie de l'armée
française. C'est ce même Boyer qui gouverna la République
d'Haïti de 1818 a 1843.
Pendant cet intervalle, Dessalines apprenait que le général
Geffrard avait, pendant quinze jours, ouvert aux Français un
marché aux portes des Cayes, qu'il avait ensuite accordé au
général Fressinet un délai de dix jours pour évacuer Jérémie,
et qu'il avait permis à la garnison de cette dernière ville de
se retirer avec les honneurs de la guerre. Cette modération
lui déplut considérablement. Du reste l’influence qu'exerçait
Geffrard dans le Sud l'offusquait. Boisrond Tonnerre, son
secrétaire, qu'il avait nommé adjudant-général, flattait ses
passions et l'incitait déjà contre Geffrard. C'est cependant
celui-ci qui avait exhorté Dessalines à le prendre auprès de
lui. Le général en chef conçut l'idée de miner l'influence de
Geffrard, en lui opposant Gérin qu'il se proposait de faire
grandir. Geffrard, en partant pour Jérémie, avait confié à
Gérin, le commandement de l'armée qui assiégeait les Cayes.
Gérin avait constamment refusé de traiter avec les Français
l'évacuation de cette ville qu'il voulait prendre d'assaut.
Dessalines lui adressa la lettre suivante rédigée par Boisrond
Tonnerre :
Quartier-général, à Viet, le 24 Thermidor an XI
(11 septembre 1803.)
LE GENERAL EN CHEF,
Au général de brigade Gerin, commandant, pro tempore, la
division du Sud.
J'ai reçu, mon cher général, votre lettre du 12 avec d'autant
plus de satisfaction qu'elle entre parfaitement dans tous les
détails que je pouvais désirer. Ci-joint un paquet pour le
général Geffrard dont les dernières mesures m'ont
singulièrement étonné, puisqu'elles contrarient les
instructions que je lui ai laissées à mon départ: vous voudrez
bien les lui faire parvenir à Jérémie après en avoir pris
lecture. Lisez mes dernières instructions, et que la sureté de
votre division repose sur elles. Eh quoi! Général, nous
n'aurions combattu, nous ne serions vainqueurs que pour donner
tête baissée dans le piège qui nous est tendu par Brunet ?
Quoi! A la veille de faire disparaitre nos bourreaux de notre
malheureux pays, nous nous estimerions heureux de prendre des
arrangements, et de laisser à nos ennemis leurs armes ? Quelle
honte ! Non.' général, aucune des armées que je commande ne se
déshonorera par une telle lâcheté. Vous fûtes, général, la
victime dévouée à tous les poignards; vous fûtes le premier
qui me fit sentir la nécessité de porter dans votre
département le fer et la liberté. Et je me réjouis de ce que
la prudence du général Geffrard vous ait confié sa division.
Vous saurez préserver votre armée du piège qui lui est tendu,
et vous n'entendrez à aucune proposition qu'au préalable on
n'ait mis bas les armes. Je vous souhaite des succès, de la
fermeté, et la haine éternelle pour les Français (1). Je vous
salue cordialement,
(Signe): DESSALINES.
(1) Dessalines et Boisrond Tonnerre cherchaient déjà à enlever
à Geffrard toute sa gloire. C'est Geffrard qui conseilla à
Dessalines de porter la guerre dans le Sud, en l'y envoyant
avec la 13e, comme nous l'avons vu dans le deuxième volume.
Dessalines lui-même n'a-t-il pas plus tard permis aux Français
d'évacuer le Port-Républicain et le Cap avec les honneurs de
la guerre ?[/
Maximo- Super Star
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