Forum spécial : Quand je suis haitien
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Forum spécial : Quand je suis haitien
Rappel du premier message :
Pour que nul n’en ignore :
Le tremblement de terre ! Haiti est sous les décombres .Nous avons besoin d’aide .Et pourtant ceux qui profitent de nos malheurs –quelle que soit la couleur de leur peau – sont encore à l’œuvre :
Voici Mamahdi et Pierre, deux ressortissants de la Cote d’Ivoire .Voici Jofhua de Sierra Leone .Ils font tous partie du contingent des occupants dont la présence avilit le pays .Et voici Milord ,le français ,un Gaulois aux yeux bleus ,un homme au cœur d’or et qui vit avec eux dans le meme complexe .Ils sont tous chez nous , disent- ils , pour nous aider à nous comporter en civilisés .L’omniprésence du tremblement de terre et ses conséquences épouvantables !!Tout le monde est aux aguets .On ne sait plus où se terrer pour s’abriter du mauvais temps.
Le gaulois Milord ,l’arrogant, fit dresser une tente dans la grande cour du complexe pour recevoir les sinistres qui ne savent plus où donner la tête .Ils ont faim et ils sont sales et couverts de poussière .Bon nombre d’entre eux sont blessés et réclament des soins d’urgences .Le gaulois Milord se démene comme un beau diable pour leur venir en aide .Il y est arrivé en passant de porte en porte et en demandant du secours aux voisins haïtiens encore tout étonnés de l’ampleur du désastre , de la catastrophe .Paix relative dans un moment de desespoir atroce .Mais pas pour logtemps .
Une lettre arrive de toute urgence à la maison du propriétaire du complexe :
Monsieur,
« Nous n'avions payé nos loyers pour nous retrouver dans cette situation difficile .Je trouve injuste qu’un Français s’arroge le droit de planter dans votre cour une tente pour abriter des sinistres .Ce n’est pas cette mode de vie que nous envisagions quand nous entrâmes dans un contrat de loyer avec vous .Nous vous donnons acte de notre désapprobation de cet acte arrogant du Français qui pense que nous devons baisser notre standard de vie pour venir au secours de ces haïtiens .Nous exigeons que vous preniez immédiatement les mesures nécessaires pour faire déguerpir les sans –abris qui sont bien connus pour etre des voleurs et des bandits.
Recevez Monsieur, nos salutations distinguées.
Mamahdi et Pierre, de la cote d’ivoire.
Jofhua, de Sierra Leone.
-----------------------------------------------------------------
Reponse du propriétaire ,un haïtien Gaulois selon les partisans de la haine :
Messieurs,
J'ai l'honneur d'accuser la reception de votre lettre . Je comprends vos inquietudes . Nous vivons les heures d'une terrible tragédie que le pays n’a jamais vécues dans son histoire .Si vous insistez et s’il faut que j’ordonne le déguerpissement des sinistrés de la cour , je le ferai tantôt quand j’aurai trouvé une place convenable sur l’une de mes propriétés à Pétionville ou ils pourront prendre refuge de la compassion de ceux qui étaient venus pour les aider .Je vous donne-moi aussi acte de ma décision irrévocable :
Votre contrat ne sera pas renouvelé à la date de son expiration le mois prochain.
Recevez messiers mes salutations distinguées.
Le Gaulois des aigris.
-----------------------------------------------------------------------------------------
Merde et merde !
Ces gars-là sont chez nous .Imaginez ce qu’ils seraient capables de faire si nous étions chez eux .Trois africains et pas un seul n’avait trouvé dans son cœur un sentiment de pitié pour nos concitoyens face à leurs malheurs. Je ne doute pas qu’ils auraient eu la meme attitude chez eux .Allez messieurs ! Parlez-moi de l’Afrique .Des frères de la race .Allez-y .Et laissez, dans votre générosité panaméricaine, les sinistrés et les sans-abris à la merci des vents et du « goudoukouglou » pour porter secours à l'étranger car leur vie est bien plus précieuse que celle des haïtiens .Venez à leur aide parce que ça les dérange, la présence de tous ces sales haïtiens pauvres et sans-abri.
Mwin ta di nou sa Kassayol te di bef la wi, bann congo. Chita sou internet ap radote pale sa nou pa konen epi kontinye bay manti ak sa nou ranmasse lan liv pwopagann.Se pou ayisyen ke mwin santi'm blesse le yo blesse se pou ayisyen mwin soufri le yap soufri .Mwin pagin okenn kod lonbrit ki mare ak etranje poum paka di se le se fanmi lakay mwin ap soufri ke'm soufri tou . Kelkeswa koule po li ,a l'etranger, je dedie avec force et courage le mot de Cambronne !
Pour que nul n’en ignore :
Le tremblement de terre ! Haiti est sous les décombres .Nous avons besoin d’aide .Et pourtant ceux qui profitent de nos malheurs –quelle que soit la couleur de leur peau – sont encore à l’œuvre :
Voici Mamahdi et Pierre, deux ressortissants de la Cote d’Ivoire .Voici Jofhua de Sierra Leone .Ils font tous partie du contingent des occupants dont la présence avilit le pays .Et voici Milord ,le français ,un Gaulois aux yeux bleus ,un homme au cœur d’or et qui vit avec eux dans le meme complexe .Ils sont tous chez nous , disent- ils , pour nous aider à nous comporter en civilisés .L’omniprésence du tremblement de terre et ses conséquences épouvantables !!Tout le monde est aux aguets .On ne sait plus où se terrer pour s’abriter du mauvais temps.
Le gaulois Milord ,l’arrogant, fit dresser une tente dans la grande cour du complexe pour recevoir les sinistres qui ne savent plus où donner la tête .Ils ont faim et ils sont sales et couverts de poussière .Bon nombre d’entre eux sont blessés et réclament des soins d’urgences .Le gaulois Milord se démene comme un beau diable pour leur venir en aide .Il y est arrivé en passant de porte en porte et en demandant du secours aux voisins haïtiens encore tout étonnés de l’ampleur du désastre , de la catastrophe .Paix relative dans un moment de desespoir atroce .Mais pas pour logtemps .
Une lettre arrive de toute urgence à la maison du propriétaire du complexe :
Monsieur,
« Nous n'avions payé nos loyers pour nous retrouver dans cette situation difficile .Je trouve injuste qu’un Français s’arroge le droit de planter dans votre cour une tente pour abriter des sinistres .Ce n’est pas cette mode de vie que nous envisagions quand nous entrâmes dans un contrat de loyer avec vous .Nous vous donnons acte de notre désapprobation de cet acte arrogant du Français qui pense que nous devons baisser notre standard de vie pour venir au secours de ces haïtiens .Nous exigeons que vous preniez immédiatement les mesures nécessaires pour faire déguerpir les sans –abris qui sont bien connus pour etre des voleurs et des bandits.
Recevez Monsieur, nos salutations distinguées.
Mamahdi et Pierre, de la cote d’ivoire.
Jofhua, de Sierra Leone.
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Reponse du propriétaire ,un haïtien Gaulois selon les partisans de la haine :
Messieurs,
J'ai l'honneur d'accuser la reception de votre lettre . Je comprends vos inquietudes . Nous vivons les heures d'une terrible tragédie que le pays n’a jamais vécues dans son histoire .Si vous insistez et s’il faut que j’ordonne le déguerpissement des sinistrés de la cour , je le ferai tantôt quand j’aurai trouvé une place convenable sur l’une de mes propriétés à Pétionville ou ils pourront prendre refuge de la compassion de ceux qui étaient venus pour les aider .Je vous donne-moi aussi acte de ma décision irrévocable :
Votre contrat ne sera pas renouvelé à la date de son expiration le mois prochain.
Recevez messiers mes salutations distinguées.
Le Gaulois des aigris.
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Merde et merde !
Ces gars-là sont chez nous .Imaginez ce qu’ils seraient capables de faire si nous étions chez eux .Trois africains et pas un seul n’avait trouvé dans son cœur un sentiment de pitié pour nos concitoyens face à leurs malheurs. Je ne doute pas qu’ils auraient eu la meme attitude chez eux .Allez messieurs ! Parlez-moi de l’Afrique .Des frères de la race .Allez-y .Et laissez, dans votre générosité panaméricaine, les sinistrés et les sans-abris à la merci des vents et du « goudoukouglou » pour porter secours à l'étranger car leur vie est bien plus précieuse que celle des haïtiens .Venez à leur aide parce que ça les dérange, la présence de tous ces sales haïtiens pauvres et sans-abri.
Mwin ta di nou sa Kassayol te di bef la wi, bann congo. Chita sou internet ap radote pale sa nou pa konen epi kontinye bay manti ak sa nou ranmasse lan liv pwopagann.Se pou ayisyen ke mwin santi'm blesse le yo blesse se pou ayisyen mwin soufri le yap soufri .Mwin pagin okenn kod lonbrit ki mare ak etranje poum paka di se le se fanmi lakay mwin ap soufri ke'm soufri tou . Kelkeswa koule po li ,a l'etranger, je dedie avec force et courage le mot de Cambronne !
Dernière édition par deza le Mer 16 Fév 2011 - 17:16, édité 2 fois
Invité- Invité
Le gros roseau- Super Star
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Date d'inscription : 21/08/2010
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
OK DEZA MWEN KONPRAN
SORRY MAN.METE BON BET LAN CEVEL YO.
SORRY MAN.METE BON BET LAN CEVEL YO.
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Merci mon ami zouke,
Ta voix me rassure .En effet,il n'y a pas d'impasse et de mesentente entre le langage de deux etre civilises qui parlent la meme langue .Tu es un frere haitien .
Bon-apres midi .
Ta voix me rassure .En effet,il n'y a pas d'impasse et de mesentente entre le langage de deux etre civilises qui parlent la meme langue .Tu es un frere haitien .
Bon-apres midi .
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie se poursuit Les hommes d'autrefois
Mémoire de Femmes
Marie-Claire Heureuse Dessalines
1758 – 1858
A voir cette prestigieuse et solide notoriété dont semble, aujourd'hui encore, s'entourer le nom de Claire Heureuse, on est, à première vue, toujours tenté d'y voir le reflet magnifié d'un renom de cour, le produit du rayonnement d'un nom (celui du Fondateur),vivace et profus, tout au cours de notre histoire, et dont elle n'aurait été, en fait, qu'un des multiples effets. Pourtant, à la considérer de près, la gloire impériale, s'il en a jamais été, de cette femme qui a vécu centenaire, n'a -t-elle pas été, comparée à d'autres, que de très courte durée (1801-1807), et un regard même sommaire, par exemple, sur des contemporaines telles Suzanne Louverture et la reine Marie-Louise, épouses d'hommes d'Etat au demeurant, tout aussi célèbres que Dessalines (Toussaint Louverture, Henry Christophe ), ne les montre-t-il pas plutôt pâlotes et leurs noms, le plus souvent, relégués dans l'oubli? Force nous est donc, on le voit, de faire montre de plus de circonspection et de nous demander si, dans de cette étonnante vitalité d'un nom (il n'a cessé tout au long de l'histoire d'inspirer poèmes et pièces), n'entrerait pas beaucoup plus, tout bien consideré, le fait bien plus probant d'une attachante particularité qui n'a laissé de frapper tout au cours de la longue vie de Claire Heureuse.
Née en 1758 à Léogane, de Bonheur Guillaume et Marie-Sainte Lobelot, famille de condition modeste, Marie Claire Heureuse verra très tôt son éducation confiée à sa tante Elise Lobelot, gouvernante chez les religieux de l'ordre de Saint-Dominique. C'est dans cette atmosphère que l'on imagine toute de piété et de recueillement qu'elle aura à passer une vie dont on ne sait malheureusement rien sinon que l'heure venue, elle se donnera en mariage à Pierre Lunic, maître-charron responsable des ateliers de l'habitation des Frères de Saint-Jean de Dieu dont elle deviendra, du reste, assez tôt veuve (1795). Est-ce à mettre sur le compte d'une éducation fortement pétrie de préceptes bibliques, ou bien d'une disposition d'âme toute exceptionnelle? Cette femme, dont rien ne laisse présager une destinée d'impératrice, ne laissera très tôt de faire montre, vis-à-vis de qui la sollicite, d'une générosité et d'une disposition à secourir confinant tout bonnement à la sainteté et ce, fait remarquable dans un contexte meurtri de préjugés raciaux et des haines les plus larvées, sans discrimination de couleur ni d'aucune sorte.
Déjà lors du siège de Jacmel en 1800 — siège qui, aux dires de certains, lui vaudra, quoique sur une échelle certainement plus réduite, de figurer bien avant Florence Nightingale, comme la première infirmière de guerre connue de l'histoire — ne manquera-t-elle pas de se distinguer hautement à la considération de tous quand, nous rapporte-t-on, la ville ravagée par la famine et par la mort et au bord de succomber, elle parvient, par sa seule force de persuasion, à obtenir du général Jean-Jacques Dessalines, un des commandants des troupes assiégantes, et qu'elle verrait à l'occasion pour la première fois, l'autorisation de pénétrer dans les murs porter aide et assistance aux blessés? Et, «le surlendemain, on vit sortir de Léogane un cortège de femmes et de jeunes filles, montées sur des mulets courbés sur le fardeau des provisions alimentaires, des médicaments et divers objets de pansement.(...) Claire-Heureuse tira de l'angoisse, de la mort, des centaines de vieillards, de femmes et d'enfants. Elle alluma le feu sous des trépieds improvisés, éplucha les légumes elle-même..., on la vit déballer des caisses de médicaments et panser, avec l'aide de ses amies de Léogane, de nombreux blessés de guerre»(1).
L'attrait irrésistible des contraires jouant sans doute à plein encore une fois, on assistera en émoi, le 21 octobre 1801, tout juste après la guerre civile, à l'étonnant et incompréhensible mariage de cette femme au rugueux et vindicatif Dessalines. Elle ne laissera alors de conserver, même «au faîte des honneurs, toujours égales, son humeur, sa douceur, sa charité active, sa force de volonté dans le bien et son élégante simplicité de mœurs». Elle légitimera des enfants adultérins de son époux et plus tard, impératrice, continuera auprès des infortunés un engagement qui se poursuivra même après Pont Rouge. Se placant visiblement hors de ce temps de règlements de compte et de récrimination, son quotidien avec l'illustre tyran la voit redoubler de courage et de bon cœur, s'intéresser au sort des prisonniers, désapprouver publiquement la violence du massacre des Francais dont elle n'hésitera nullement, pour sauver nombre d'entre eux, à braver la fureur proverbiale de son mari. La scène est célèbre du sauvetage de Descourtilz, racontée par Descourtilz lui-même, qu'elle cache, sous son propre lit, et dont elle ne parvint à obtenir la vie sauve qu'à force de supplications, et, en dépit de la présence ce jour-là de nombre d'officiers et aides de camp, en se traînant à genoux et en pleurs, aux pieds de Dessalines(2).
Après la séquestration dont, aussitôt après son assassinat, furent l'objet les biens de Dessalines, Claire Heureuse qui, quoique sans moyen aucun de subsistance, n'accepte pas l'invitation de Christophe à s'installer dans la famille royale du Nord, ne tarda pas à tomber dans la gêne. Elle vécut dans l'indigence à Saint-Marc jusqu'au jour du 21 août 1843 où, suite à la requête bienvenue d'un membre proche du pouvoir, M.J. Charlot, le gouvernement consent à lui allouer une pension viagère annuelle de 1200 gourdes(3) dont elle jouit jusqu'en 1856, année où fut arrêté sous des accusations fallacieuses et exécuté sommairement (le 2 juin) sous l'empire de Faustin 1er le général César Dessalines (petit-fils de Jean-Jacques Dessalines). L'empereur manifestant peu après, à son retour de campagne, le cordial désir de lui faire ses hommages, elle ne le reçut point et crut bon de manifester publiquement sa réprobation en gardant ce jour-là portes closes. Pour attirer alors sa bonne grâce autant sans doute que pour poser au protecteur, l'empereur ne trouva pas mieux alors que de faire voter le 22 juin 1857 une loi qui, triplant la pension de la veuve Dessalines, la porte à 300 gourdes par mois. Claire Heureuse, offusquée et prise d'un profond dégoût, refusa catégoriquement de toucher désormais une pension dont l'augmentation si ostensible ne laissait aucun doute quant a l'intention réelle d'un gouvernement impérial aux abois et désireux, à grands renforts de moyens de faire oublier ses méfaits.
Un an après, aux Gonaïves où elle avait pris demeure chez Mme Chancy(4), son arrière-petite-fille, loin de tout bruit et de toute querelle, elle mourra, dans la nuit du 8 au 9 août 1858, dans le plus extrême dénuement.
(1) Le Document, op.cit. pp88-89.
(2) Thomas Madiou, op.cit. Tome II, p258.
(3) Thomas Madiou, op.cit. Tome VII, pp533-534.
(4) Mme Chancy est la petite-fille de la princesse Célimène, une des filles de son époux, légitimée au temps de gloire.
Mémoire de Femmes
Marie-Claire Heureuse Dessalines
1758 – 1858
A voir cette prestigieuse et solide notoriété dont semble, aujourd'hui encore, s'entourer le nom de Claire Heureuse, on est, à première vue, toujours tenté d'y voir le reflet magnifié d'un renom de cour, le produit du rayonnement d'un nom (celui du Fondateur),vivace et profus, tout au cours de notre histoire, et dont elle n'aurait été, en fait, qu'un des multiples effets. Pourtant, à la considérer de près, la gloire impériale, s'il en a jamais été, de cette femme qui a vécu centenaire, n'a -t-elle pas été, comparée à d'autres, que de très courte durée (1801-1807), et un regard même sommaire, par exemple, sur des contemporaines telles Suzanne Louverture et la reine Marie-Louise, épouses d'hommes d'Etat au demeurant, tout aussi célèbres que Dessalines (Toussaint Louverture, Henry Christophe ), ne les montre-t-il pas plutôt pâlotes et leurs noms, le plus souvent, relégués dans l'oubli? Force nous est donc, on le voit, de faire montre de plus de circonspection et de nous demander si, dans de cette étonnante vitalité d'un nom (il n'a cessé tout au long de l'histoire d'inspirer poèmes et pièces), n'entrerait pas beaucoup plus, tout bien consideré, le fait bien plus probant d'une attachante particularité qui n'a laissé de frapper tout au cours de la longue vie de Claire Heureuse.
Née en 1758 à Léogane, de Bonheur Guillaume et Marie-Sainte Lobelot, famille de condition modeste, Marie Claire Heureuse verra très tôt son éducation confiée à sa tante Elise Lobelot, gouvernante chez les religieux de l'ordre de Saint-Dominique. C'est dans cette atmosphère que l'on imagine toute de piété et de recueillement qu'elle aura à passer une vie dont on ne sait malheureusement rien sinon que l'heure venue, elle se donnera en mariage à Pierre Lunic, maître-charron responsable des ateliers de l'habitation des Frères de Saint-Jean de Dieu dont elle deviendra, du reste, assez tôt veuve (1795). Est-ce à mettre sur le compte d'une éducation fortement pétrie de préceptes bibliques, ou bien d'une disposition d'âme toute exceptionnelle? Cette femme, dont rien ne laisse présager une destinée d'impératrice, ne laissera très tôt de faire montre, vis-à-vis de qui la sollicite, d'une générosité et d'une disposition à secourir confinant tout bonnement à la sainteté et ce, fait remarquable dans un contexte meurtri de préjugés raciaux et des haines les plus larvées, sans discrimination de couleur ni d'aucune sorte.
Déjà lors du siège de Jacmel en 1800 — siège qui, aux dires de certains, lui vaudra, quoique sur une échelle certainement plus réduite, de figurer bien avant Florence Nightingale, comme la première infirmière de guerre connue de l'histoire — ne manquera-t-elle pas de se distinguer hautement à la considération de tous quand, nous rapporte-t-on, la ville ravagée par la famine et par la mort et au bord de succomber, elle parvient, par sa seule force de persuasion, à obtenir du général Jean-Jacques Dessalines, un des commandants des troupes assiégantes, et qu'elle verrait à l'occasion pour la première fois, l'autorisation de pénétrer dans les murs porter aide et assistance aux blessés? Et, «le surlendemain, on vit sortir de Léogane un cortège de femmes et de jeunes filles, montées sur des mulets courbés sur le fardeau des provisions alimentaires, des médicaments et divers objets de pansement.(...) Claire-Heureuse tira de l'angoisse, de la mort, des centaines de vieillards, de femmes et d'enfants. Elle alluma le feu sous des trépieds improvisés, éplucha les légumes elle-même..., on la vit déballer des caisses de médicaments et panser, avec l'aide de ses amies de Léogane, de nombreux blessés de guerre»(1).
L'attrait irrésistible des contraires jouant sans doute à plein encore une fois, on assistera en émoi, le 21 octobre 1801, tout juste après la guerre civile, à l'étonnant et incompréhensible mariage de cette femme au rugueux et vindicatif Dessalines. Elle ne laissera alors de conserver, même «au faîte des honneurs, toujours égales, son humeur, sa douceur, sa charité active, sa force de volonté dans le bien et son élégante simplicité de mœurs». Elle légitimera des enfants adultérins de son époux et plus tard, impératrice, continuera auprès des infortunés un engagement qui se poursuivra même après Pont Rouge. Se placant visiblement hors de ce temps de règlements de compte et de récrimination, son quotidien avec l'illustre tyran la voit redoubler de courage et de bon cœur, s'intéresser au sort des prisonniers, désapprouver publiquement la violence du massacre des Francais dont elle n'hésitera nullement, pour sauver nombre d'entre eux, à braver la fureur proverbiale de son mari. La scène est célèbre du sauvetage de Descourtilz, racontée par Descourtilz lui-même, qu'elle cache, sous son propre lit, et dont elle ne parvint à obtenir la vie sauve qu'à force de supplications, et, en dépit de la présence ce jour-là de nombre d'officiers et aides de camp, en se traînant à genoux et en pleurs, aux pieds de Dessalines(2).
Après la séquestration dont, aussitôt après son assassinat, furent l'objet les biens de Dessalines, Claire Heureuse qui, quoique sans moyen aucun de subsistance, n'accepte pas l'invitation de Christophe à s'installer dans la famille royale du Nord, ne tarda pas à tomber dans la gêne. Elle vécut dans l'indigence à Saint-Marc jusqu'au jour du 21 août 1843 où, suite à la requête bienvenue d'un membre proche du pouvoir, M.J. Charlot, le gouvernement consent à lui allouer une pension viagère annuelle de 1200 gourdes(3) dont elle jouit jusqu'en 1856, année où fut arrêté sous des accusations fallacieuses et exécuté sommairement (le 2 juin) sous l'empire de Faustin 1er le général César Dessalines (petit-fils de Jean-Jacques Dessalines). L'empereur manifestant peu après, à son retour de campagne, le cordial désir de lui faire ses hommages, elle ne le reçut point et crut bon de manifester publiquement sa réprobation en gardant ce jour-là portes closes. Pour attirer alors sa bonne grâce autant sans doute que pour poser au protecteur, l'empereur ne trouva pas mieux alors que de faire voter le 22 juin 1857 une loi qui, triplant la pension de la veuve Dessalines, la porte à 300 gourdes par mois. Claire Heureuse, offusquée et prise d'un profond dégoût, refusa catégoriquement de toucher désormais une pension dont l'augmentation si ostensible ne laissait aucun doute quant a l'intention réelle d'un gouvernement impérial aux abois et désireux, à grands renforts de moyens de faire oublier ses méfaits.
Un an après, aux Gonaïves où elle avait pris demeure chez Mme Chancy(4), son arrière-petite-fille, loin de tout bruit et de toute querelle, elle mourra, dans la nuit du 8 au 9 août 1858, dans le plus extrême dénuement.
(1) Le Document, op.cit. pp88-89.
(2) Thomas Madiou, op.cit. Tome II, p258.
(3) Thomas Madiou, op.cit. Tome VII, pp533-534.
(4) Mme Chancy est la petite-fille de la princesse Célimène, une des filles de son époux, légitimée au temps de gloire.
Dernière édition par deza le Ven 18 Fév 2011 - 6:02, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue :
Les hommes d'autrefois
Memoire de femme
Argentine Bellegarde-Foureau
1842 - 1901
La nomination, dans le cadre de la politique de réorganisation des lycées et écoles publics initiée par le gouvernement Salomon, d'Argentine Bellegarde-Foureau, à la direction du Pensionnat national des demoiselles en 1880, voit s'inaugurer en Haïti une ère nouvelle d'intérêt et de «bonne formation» visant les jeunes filles de milieux modestes et populaires.
Née à l'Arcahaie le 2 août 1842, Argentine Bellegarde se retrouve très tôt, à Port-au-Prince, élève brillante à l'Institution de Mme Isidore Boisrond où, se laissant déjà aller à «ses précoces dispositions pour l'enseignement, elle servait de monitrice à ses camarades des divisions inférieures». Verra-t-elle dans la prise en charge du Pensionnat national des demoiselles le terrain tant attendu pour se mettre au service des intérêts du peuple? Cette jeune femme dont l'intégrité et l'honnêteté, lors de la lutte déchaînée qui opposera le Parti libéral et le Parti national par exemple, ne manqueront pas de se révolter contre l'abus fait à un peuple à qui «pour détourner sa colère de ses ennemis véritables», on n'hésite pas à servir en manteau rouge le plat du préjugé de couleur, n'aura alors de cesse de travailler au relèvement du niveau moral de ses élèves, s'assurant de ce que chaque future mère de famille formée soit «un progrès accompli dans le sens de l'émancipation populaire».
Pour la pleine réussite de cette action, Argentine Bellegarde se mettra à la tâche honorable de réunir dans l'association, Union et Charité, les anciennes élèves du Pensionnat et d'autres institutions similaires qui se verront l'obligation d'«établir des habitudes de bonne camaraderie et la plus fraternelle amitié entre ses membres, constituer une caisse de réserve destinée à secourir les plus infortunées ou à faire leurs frais de trousseaux de mariage» mais à qui incombera également l'ingrate tâche policière de «ramener dans les voies de l'honneur celles qui s'en étaient écartées». (cf: Texte des statuts de l'association).
Si cette militante convaincue et passionnée de l'Éducation populaire, imprégnée par surcroît de l'idée d'équivalence des sexes réunissait les éléments de base et les qualités indispensables d'un échange fructueux et salutaire avec ses élèves, par contre, vouée aux valeurs morales et culturelles de son époque, elle mettra toute la volonté qui également semble avoir été l'un de ses traits, à s'acharner à les remodeler et malheureusement à leur inculquer sinon un rejet, du moins, un certain dédain de leur milieu.
Sur son habitation de Duvivier où, avec ses seules ressources, elle fondera une école dans le but d'étendre son action «à la transformation morale et sociale des masses rurales (que) les croyances et pratiques religieuses (maintenaient) encore dans un état honteux de misère matérielle et d'infirmité morale», elle ne laissera de rester sourde à ces accents propres et pathétiques d'un terroir et, quoique avec des procédés bien plus doux, se posera sans le savoir, en précurseur de la persécution culturelle qui, dans les années 40, verra son apogée dans la célèbre campagne «Rejete». «Chaque nuit, la brise lui apportait l'écho des tambours et les voix animées des chanteuses, et elle se représentait par l'imagination les danses orgiaques où ces laboureurs perdaient la vigueur de leur corps et leur ardeur au travail. Sans rien dire, elle fit bâtir une tonnelle, appela un «violonier», un accordéoniste, un joueur de basse et la meilleure reine chanterelle du voisinage. Et les bals commencèrent. Peu à peu, les hommes désertèrent les danses plus ou moins vaudouesques, le violon avait détroné le tambour conique, et la chanson paysanne , enrichie dans son rythme et dans ses thèmes, put se déployer avec plus d'aisance.»
Une «travailleuse de la terre» assidue, aura été également, toute sa vie, nous rapporte Dantès Bellegarde, cette grande éducatrice, passionnée des arbres et des champs dont elle prenait personnellement soin. Défendant, la première, l'idée que le cocotier pourrait devenir l'une des grandes cultures d'exportation du pays, elle fit établir la cocoteraie de Truitier dont elle s'occupera assidûment jusqu'à sa mort à l'âge de 59 ans. Elle aura aussi l'audace peu féminine à l'époque (et aujourd'hui encore) de transformer son domaine de Duvivier en une importante habitation sucrière en y installant une usine dont la direction fut confiée à l'ingénieur Jardine.
* Tiré de la relation de Dantès Bellegarde dans Femmes Haïtiennes, op.cit. p111 et suiv.
( "An individual has not started living until he can rise above the narrow confines of his individualistic concerns to the broader concerns of all humanity." )
Dr. Martin Luther King, Jr.
Les hommes d'autrefois
Memoire de femme
Argentine Bellegarde-Foureau
1842 - 1901
La nomination, dans le cadre de la politique de réorganisation des lycées et écoles publics initiée par le gouvernement Salomon, d'Argentine Bellegarde-Foureau, à la direction du Pensionnat national des demoiselles en 1880, voit s'inaugurer en Haïti une ère nouvelle d'intérêt et de «bonne formation» visant les jeunes filles de milieux modestes et populaires.
Née à l'Arcahaie le 2 août 1842, Argentine Bellegarde se retrouve très tôt, à Port-au-Prince, élève brillante à l'Institution de Mme Isidore Boisrond où, se laissant déjà aller à «ses précoces dispositions pour l'enseignement, elle servait de monitrice à ses camarades des divisions inférieures». Verra-t-elle dans la prise en charge du Pensionnat national des demoiselles le terrain tant attendu pour se mettre au service des intérêts du peuple? Cette jeune femme dont l'intégrité et l'honnêteté, lors de la lutte déchaînée qui opposera le Parti libéral et le Parti national par exemple, ne manqueront pas de se révolter contre l'abus fait à un peuple à qui «pour détourner sa colère de ses ennemis véritables», on n'hésite pas à servir en manteau rouge le plat du préjugé de couleur, n'aura alors de cesse de travailler au relèvement du niveau moral de ses élèves, s'assurant de ce que chaque future mère de famille formée soit «un progrès accompli dans le sens de l'émancipation populaire».
Pour la pleine réussite de cette action, Argentine Bellegarde se mettra à la tâche honorable de réunir dans l'association, Union et Charité, les anciennes élèves du Pensionnat et d'autres institutions similaires qui se verront l'obligation d'«établir des habitudes de bonne camaraderie et la plus fraternelle amitié entre ses membres, constituer une caisse de réserve destinée à secourir les plus infortunées ou à faire leurs frais de trousseaux de mariage» mais à qui incombera également l'ingrate tâche policière de «ramener dans les voies de l'honneur celles qui s'en étaient écartées». (cf: Texte des statuts de l'association).
Si cette militante convaincue et passionnée de l'Éducation populaire, imprégnée par surcroît de l'idée d'équivalence des sexes réunissait les éléments de base et les qualités indispensables d'un échange fructueux et salutaire avec ses élèves, par contre, vouée aux valeurs morales et culturelles de son époque, elle mettra toute la volonté qui également semble avoir été l'un de ses traits, à s'acharner à les remodeler et malheureusement à leur inculquer sinon un rejet, du moins, un certain dédain de leur milieu.
Sur son habitation de Duvivier où, avec ses seules ressources, elle fondera une école dans le but d'étendre son action «à la transformation morale et sociale des masses rurales (que) les croyances et pratiques religieuses (maintenaient) encore dans un état honteux de misère matérielle et d'infirmité morale», elle ne laissera de rester sourde à ces accents propres et pathétiques d'un terroir et, quoique avec des procédés bien plus doux, se posera sans le savoir, en précurseur de la persécution culturelle qui, dans les années 40, verra son apogée dans la célèbre campagne «Rejete». «Chaque nuit, la brise lui apportait l'écho des tambours et les voix animées des chanteuses, et elle se représentait par l'imagination les danses orgiaques où ces laboureurs perdaient la vigueur de leur corps et leur ardeur au travail. Sans rien dire, elle fit bâtir une tonnelle, appela un «violonier», un accordéoniste, un joueur de basse et la meilleure reine chanterelle du voisinage. Et les bals commencèrent. Peu à peu, les hommes désertèrent les danses plus ou moins vaudouesques, le violon avait détroné le tambour conique, et la chanson paysanne , enrichie dans son rythme et dans ses thèmes, put se déployer avec plus d'aisance.»
Une «travailleuse de la terre» assidue, aura été également, toute sa vie, nous rapporte Dantès Bellegarde, cette grande éducatrice, passionnée des arbres et des champs dont elle prenait personnellement soin. Défendant, la première, l'idée que le cocotier pourrait devenir l'une des grandes cultures d'exportation du pays, elle fit établir la cocoteraie de Truitier dont elle s'occupera assidûment jusqu'à sa mort à l'âge de 59 ans. Elle aura aussi l'audace peu féminine à l'époque (et aujourd'hui encore) de transformer son domaine de Duvivier en une importante habitation sucrière en y installant une usine dont la direction fut confiée à l'ingénieur Jardine.
* Tiré de la relation de Dantès Bellegarde dans Femmes Haïtiennes, op.cit. p111 et suiv.
( "An individual has not started living until he can rise above the narrow confines of his individualistic concerns to the broader concerns of all humanity." )
Dr. Martin Luther King, Jr.
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue :
Les hommes d'autrefois
Leon Laleau
Léon Laleau naît à Port-au-Prince le 3 août 1892 ; il y meurt le 7 septembre 1979. Il fait ses études classiques au Lycée Pétion et compte parmi ses professeurs Fernand Hibbert et Damoclès Vieux. Il reçoit sa licence de l'École de droit en 1912. Mais au lieu de travailler comme avocat, il se lance dans une carrière d'écrivain et de diplomate. Laleau est à la fois poète, romancier, dramaturge, essayiste, journaliste et homme politique.
En tant qu'homme politique, Laleau a occupé plusieurs fonctions : « il a été trois fois ministre des Affaires étrangères, ministre de l'Éducation nationale, de l'Agriculture, des Travaux publics » (Berrou et Pompilus 480). Il a aussi été chef de mission diplomatique à Rome, Londres, Paris, Santiago du Chili, Lima et ambassadeur en mission spéciale à Ciudad Trujillo, Panama, La Havane, à l'ONU et à l'UNESCO. Laleau était le premier président de la commission haïtienne de l'UNESCO, poste qu'il a occupé de 1950 à 1960. En 1950 il fait des interventions à l'ONU contre l'injustice raciale en Afrique du Sud. Mais Laleau est surtout connu dans le domaine politique pour avoir signé l'accord qui met fin à l'occupation américaine : « le 24 juillet [1934], au siège de son département, Léon Laleau, ministre des Relations Extérieures, signait, au nom du Président de la République [Sténio Vincent], avec Norman Armour, ministre des États-Unis à Port-au-Prince, l'accord fixant les nouvelles dispositions intervenues à la suite de l'entrevue du 5 juillet, ainsi que le protocole de l'évacuation définitive du territoire haïtien par les forces américaines » (Corvington 94).
Très jeune, Léon Laleau entreprend également une carrière littéraire. Sa première nouvelle « Comment mademoiselle a passé sa mi-carême » est publiée en 1912 dans Le Matin alors qu'il est âgé de 20 ans. Dès 1916, il fait partie de l'équipe de la revue La Ligue de la jeunesse haïtienne « dont le but était d'opposer à l'occupant et à sa mentalité anglo-saxonne la culture haïtienne de langue française et la religion catholique » (Berrou et Pompilus 482). Comme journaliste, Laleau a été rédacteur en chef du Matin. Il a aussi dirigé Le Nouvelliste et Haïti-Journal. À Paris, il a collaboré entre autres au Figaro et au Mercure de France.
Si aujourd'hui Laleau est connu à travers le monde pour sa poésie, celle-ci ne constitue pas la totalité de son œuvre littéraire. Entre 1916 et 1920, il écrit une dizaine de pièces de théâtre (quelques-unes en collaboration avec Georges N. Léger) ; la plupart restent inédites. Les pièces de Laleau, dont le thème principal est l'amour, ont été jouées au Parisiana et Ciné-Variété.
L'œuvre en prose de Laleau est abondante, mais difficile à cerner parce qu'elle se trouve principalement dans les revues et journaux de son époque. De la même façon, il a préfacé de nombreux textes écrits par ses contemporains. Ses contes et nouvelles sont au nombre d'une quarantaine. Le mariage et le divorce, l'amour en général, sont les thèmes dominants de ce corpus ainsi que de son œuvre théâtrale.
Le Choc, le roman le plus connu de Laleau, contient aussi une histoire d'amour, mais c'est surtout un roman de l'occupation américaine : « Tout dans ce livre évoque Haïti sous la botte américaine, ou plus précisément l'âme haïtienne et sa culture en conflit avec l'étranger, différent et incompréhensif » (Berrou et Pompilus 681). D'ailleurs, comme plusieurs autres auteurs écrivant durant l'occupation américaine, Laleau fait appel à des faits réels pour construire son roman. Dans son avertissement, il déclare que « ceci n'est pas un roman. Ni un acte d'accusation. Encore moins un plaidoyer. Rien que des faits notés comme ils furent vécus ». Ce récit témoigne du penchant de Laleau pour la France ou plutôt d'une francophilie commune aux jeunes de la classe moyenne de son époque. Cependant, en plus des critiques adressées aux occupants, Laleau peint l'effet néfaste du paternalisme français à l'égard des Haïtiens dans ce roman. À la fin du Choc, le héros, Maurice Desroches, suivra le conseil du prêtre français Le Ganet et laissera son pays à la merci des Américains pour aller se battre aux côtés des Français dans le cadre de la première guerre mondiale.
Les premiers poèmes de Léon Laleau apparaissent dans Le Matin et l'Humanité. Raphaël Berrou et Pradel Pompilus décernent à Léon Laleau la distinction « d'avoir introduit le vers libre dans la poésie haïtienne en 1917 ». Si au début, le poète garde ses distances par rapport au mouvement indigéniste, il écrit des poèmes comprenant des thèmes qu'on peut qualifier d'indigénistes par la suite. Son poème « Trahison » en est l'exemple le plus célèbre.
– Nadève Ménard
Les hommes d'autrefois
Leon Laleau
Léon Laleau naît à Port-au-Prince le 3 août 1892 ; il y meurt le 7 septembre 1979. Il fait ses études classiques au Lycée Pétion et compte parmi ses professeurs Fernand Hibbert et Damoclès Vieux. Il reçoit sa licence de l'École de droit en 1912. Mais au lieu de travailler comme avocat, il se lance dans une carrière d'écrivain et de diplomate. Laleau est à la fois poète, romancier, dramaturge, essayiste, journaliste et homme politique.
En tant qu'homme politique, Laleau a occupé plusieurs fonctions : « il a été trois fois ministre des Affaires étrangères, ministre de l'Éducation nationale, de l'Agriculture, des Travaux publics » (Berrou et Pompilus 480). Il a aussi été chef de mission diplomatique à Rome, Londres, Paris, Santiago du Chili, Lima et ambassadeur en mission spéciale à Ciudad Trujillo, Panama, La Havane, à l'ONU et à l'UNESCO. Laleau était le premier président de la commission haïtienne de l'UNESCO, poste qu'il a occupé de 1950 à 1960. En 1950 il fait des interventions à l'ONU contre l'injustice raciale en Afrique du Sud. Mais Laleau est surtout connu dans le domaine politique pour avoir signé l'accord qui met fin à l'occupation américaine : « le 24 juillet [1934], au siège de son département, Léon Laleau, ministre des Relations Extérieures, signait, au nom du Président de la République [Sténio Vincent], avec Norman Armour, ministre des États-Unis à Port-au-Prince, l'accord fixant les nouvelles dispositions intervenues à la suite de l'entrevue du 5 juillet, ainsi que le protocole de l'évacuation définitive du territoire haïtien par les forces américaines » (Corvington 94).
Très jeune, Léon Laleau entreprend également une carrière littéraire. Sa première nouvelle « Comment mademoiselle a passé sa mi-carême » est publiée en 1912 dans Le Matin alors qu'il est âgé de 20 ans. Dès 1916, il fait partie de l'équipe de la revue La Ligue de la jeunesse haïtienne « dont le but était d'opposer à l'occupant et à sa mentalité anglo-saxonne la culture haïtienne de langue française et la religion catholique » (Berrou et Pompilus 482). Comme journaliste, Laleau a été rédacteur en chef du Matin. Il a aussi dirigé Le Nouvelliste et Haïti-Journal. À Paris, il a collaboré entre autres au Figaro et au Mercure de France.
Si aujourd'hui Laleau est connu à travers le monde pour sa poésie, celle-ci ne constitue pas la totalité de son œuvre littéraire. Entre 1916 et 1920, il écrit une dizaine de pièces de théâtre (quelques-unes en collaboration avec Georges N. Léger) ; la plupart restent inédites. Les pièces de Laleau, dont le thème principal est l'amour, ont été jouées au Parisiana et Ciné-Variété.
L'œuvre en prose de Laleau est abondante, mais difficile à cerner parce qu'elle se trouve principalement dans les revues et journaux de son époque. De la même façon, il a préfacé de nombreux textes écrits par ses contemporains. Ses contes et nouvelles sont au nombre d'une quarantaine. Le mariage et le divorce, l'amour en général, sont les thèmes dominants de ce corpus ainsi que de son œuvre théâtrale.
Le Choc, le roman le plus connu de Laleau, contient aussi une histoire d'amour, mais c'est surtout un roman de l'occupation américaine : « Tout dans ce livre évoque Haïti sous la botte américaine, ou plus précisément l'âme haïtienne et sa culture en conflit avec l'étranger, différent et incompréhensif » (Berrou et Pompilus 681). D'ailleurs, comme plusieurs autres auteurs écrivant durant l'occupation américaine, Laleau fait appel à des faits réels pour construire son roman. Dans son avertissement, il déclare que « ceci n'est pas un roman. Ni un acte d'accusation. Encore moins un plaidoyer. Rien que des faits notés comme ils furent vécus ». Ce récit témoigne du penchant de Laleau pour la France ou plutôt d'une francophilie commune aux jeunes de la classe moyenne de son époque. Cependant, en plus des critiques adressées aux occupants, Laleau peint l'effet néfaste du paternalisme français à l'égard des Haïtiens dans ce roman. À la fin du Choc, le héros, Maurice Desroches, suivra le conseil du prêtre français Le Ganet et laissera son pays à la merci des Américains pour aller se battre aux côtés des Français dans le cadre de la première guerre mondiale.
Les premiers poèmes de Léon Laleau apparaissent dans Le Matin et l'Humanité. Raphaël Berrou et Pradel Pompilus décernent à Léon Laleau la distinction « d'avoir introduit le vers libre dans la poésie haïtienne en 1917 ». Si au début, le poète garde ses distances par rapport au mouvement indigéniste, il écrit des poèmes comprenant des thèmes qu'on peut qualifier d'indigénistes par la suite. Son poème « Trahison » en est l'exemple le plus célèbre.
– Nadève Ménard
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue :
Les hommes d'autrefois
Memoire de femme
"Depuis très jeune, j'ai beaucoup travaillé;
j'avais comme une rage de travailler.
C'est comme si je voulais porter le monde sur mes épaules..."
Ertha Pascal-Trouillot
Hasard? Exigence savamment cultivée? Telles sont les interrogations qui viennent à qui ne fait que se pencher sur la particulière évolution de Me Ertha Pascal-Trouillot. D'abord de brillantes études classiques où, toujours en tête de classe, elle n'en finit pas d'en imposer à ses camarades de groupe (plutôt des hommes, avoue-t-elle), études au bout desquelles elle s'oriente vers la mécanographie (1969), complément de formation à ce qui sera sa vraie profession : le Droit. Deux ans plus tard, en effet, en août 1971, elle se retrouve de la promotion sortante de l'Ecole de Droit des Gonaïves. Celle-ci frappée des exigences fraîchement instituées d'un mémoire de sortie, Ertha Pascal sera la première étudiante, avec un brio et une assurance qui épateront le doyen lui-même, à soutenir ce mémoire autour d'un sujet pour le moins passionnant: le Statut juridique de l'Haïtienne dans la législation sociale.
S'écartant également de cette ornière qui, depuis 1929, année de leur admission à l'École de Droit, voit le Droit se confiner pour les femmes à une discipline d'appoint, Ertha Pascal prête aussitôt serment en qualité d'avocat du barreau de Port-au-Prince et «affrontant avec courage des confrères blanchis dans le métier, (...) affirmant de plus en plus sa spécialisation dans les affaires du Travail, de Droit de la Famille et des problèmes de l'Etat civil» plaide devant toutes les juridictions des tribunaux (tribunaux de paix, tribunaux civils, cour d'appel, Cour de Cassation). Cette brêche ouverte dans le monde très fermé des Hommes de loi, initie une fructueuse carrière qui la retrouvant comme première femme membre du Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Port-au-Prince (session: 1977-1979), consacre également Maître Ertha Pascal Trouillot, première haïtienne juge au tribunal civil de Port-au-Prince (janvier 1979) — en France, il a fallu attendre 46 ans entre les premières inscriptions de femmes au barreau et l'ouverture du concours de la magistrature à une femme —, première femme juge à La Cour d'appel (septembre 1985), puis à la Cour de Cassation (novembre 1986).
Entre-temps, dans de multiples congrès, séminaires et conférences, par la publication - seule ou quelquefois en collaboration avec son époux, Me Ernst Trouillot - de relations de voyage, détudes ou de résultats de recherches, on assistera chez Me Ertha Pascal-Trouillot à l'évolution de positions de plus en plus nettes et tranchées où la femme haïtienne fait indéniablement l'objet de préoccupations premières. Exception faite évidemment de Madeleine Sylvain-Bouchereau, analyste autant que fer de lance d'un projet de révision du Code civil tenant compte des discriminations faites aux femmes, Ertha Pascal-Trouillot demeure encore en effet la seule femme de loi à se tailler une notoriété par une militance assidue dans ce domaine.
Me Ertha Pascal-Trouillot se refuse néanmoins à toute casaque féministe: «Je suis avant tout une femme professionnelle. Je n'ai jamais voulu militer dans aucun groupe de femmes». On lira pourtant, en introduction à son livre Retrospectives... Horizons: «C'est dans le souvenir de ces gloires nationales (femmes haïtiennes ayant combattu pour la libération d'Haïti) et dans la fervente solidarité avec l'esprit et la vaillance des efforts et résultats des groupements féministes, des associations féminines et de toutes celles qui œuvrent pour l'émancipation de la femme, que nous offrons respectueusement ce nouvel ouvrage». C'est de cette même femme qu'une consœur opine ainsi : «ses études, ses interventions, ses travaux portent tous assidûment sur le même thème, la défense des droits de la femme haïtienne à travers des sujets aussi épineux que le droit de la femme à la contraception, le droit des concubines, la reconnaissance légale des enfants illégitimes, l'extension des droits et capacités de la femme mariée, la rupture de promesse de mariage...», tout ceci évidemment sous-tendu à l'engagement fondamental de «faire progresser le Droit, l'adapter aux conditions de la vie moderne, lui faire franchir en quelques années, quelques siècles»(1).
L'active carrière de Me Ertha Pascal-Trouillot la verra également figurer comme première femme (à date la seule) à la présidence d'Haïti, fonction qu'en qualité de juge à la Cour de Cassation, elle se retrouvera à assumer durant onze mois, du 13 mars 1990 jusqu'au 7 février 1991.
Autres activités et distinctions:
- Lauréate de l'Alliance francaise (1965)
- Ex-membre de la section féminine (défunte) de la Commission de refonte du Code civil haïtien.
- Membre de l'Association des écrivains de langue francaise.
- Membre de l'American bar association de Washington.
- Membre de l'Association internationale des juristes (Paris)
- Professeur de Droit usuel dans divers collèges.
- Conférencière de 1971 à nos jours à Port-au-Prince, Washington, Virginie, Montréal, Rome, Caracas, Paris, Ottawa, Abidjan, Fort-de-France, Danemark, et depuis 1994 dans différentes villes du Japon sur Le rôle des femmes dans le développement économique des sociétés, La femme dans la vie sociale, L'économie haïtienne, etc.
Publications:
1973: Statut juridique de l'Haïtienne dans la Législation sociale
1978: Code de lois usuelles, en collaboration avec Ernst Trouillot.
1980: Rétrospectives... Horizons
1981: Au grand boulevard de la Liberté
1982: Analyse de la Législation révisant le statut de la femme mariée
1990: Code de lois usuelles
A paraître:
- Cahier juridique de l'enfant et de la famille
- Dictionnaire biographique d'Haïti, en collaboration avec E. Trouillot.
* Basée sur notre entrevue avec Ertha Pascal Trouillot (Septembre 1995)
(1) Francoise Fleury-Mazeau, avocat de la Cour de Paris dans sa préface à Rétrospectives et Horizons.
Les hommes d'autrefois
Memoire de femme
"Depuis très jeune, j'ai beaucoup travaillé;
j'avais comme une rage de travailler.
C'est comme si je voulais porter le monde sur mes épaules..."
Ertha Pascal-Trouillot
Hasard? Exigence savamment cultivée? Telles sont les interrogations qui viennent à qui ne fait que se pencher sur la particulière évolution de Me Ertha Pascal-Trouillot. D'abord de brillantes études classiques où, toujours en tête de classe, elle n'en finit pas d'en imposer à ses camarades de groupe (plutôt des hommes, avoue-t-elle), études au bout desquelles elle s'oriente vers la mécanographie (1969), complément de formation à ce qui sera sa vraie profession : le Droit. Deux ans plus tard, en effet, en août 1971, elle se retrouve de la promotion sortante de l'Ecole de Droit des Gonaïves. Celle-ci frappée des exigences fraîchement instituées d'un mémoire de sortie, Ertha Pascal sera la première étudiante, avec un brio et une assurance qui épateront le doyen lui-même, à soutenir ce mémoire autour d'un sujet pour le moins passionnant: le Statut juridique de l'Haïtienne dans la législation sociale.
S'écartant également de cette ornière qui, depuis 1929, année de leur admission à l'École de Droit, voit le Droit se confiner pour les femmes à une discipline d'appoint, Ertha Pascal prête aussitôt serment en qualité d'avocat du barreau de Port-au-Prince et «affrontant avec courage des confrères blanchis dans le métier, (...) affirmant de plus en plus sa spécialisation dans les affaires du Travail, de Droit de la Famille et des problèmes de l'Etat civil» plaide devant toutes les juridictions des tribunaux (tribunaux de paix, tribunaux civils, cour d'appel, Cour de Cassation). Cette brêche ouverte dans le monde très fermé des Hommes de loi, initie une fructueuse carrière qui la retrouvant comme première femme membre du Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Port-au-Prince (session: 1977-1979), consacre également Maître Ertha Pascal Trouillot, première haïtienne juge au tribunal civil de Port-au-Prince (janvier 1979) — en France, il a fallu attendre 46 ans entre les premières inscriptions de femmes au barreau et l'ouverture du concours de la magistrature à une femme —, première femme juge à La Cour d'appel (septembre 1985), puis à la Cour de Cassation (novembre 1986).
Entre-temps, dans de multiples congrès, séminaires et conférences, par la publication - seule ou quelquefois en collaboration avec son époux, Me Ernst Trouillot - de relations de voyage, détudes ou de résultats de recherches, on assistera chez Me Ertha Pascal-Trouillot à l'évolution de positions de plus en plus nettes et tranchées où la femme haïtienne fait indéniablement l'objet de préoccupations premières. Exception faite évidemment de Madeleine Sylvain-Bouchereau, analyste autant que fer de lance d'un projet de révision du Code civil tenant compte des discriminations faites aux femmes, Ertha Pascal-Trouillot demeure encore en effet la seule femme de loi à se tailler une notoriété par une militance assidue dans ce domaine.
Me Ertha Pascal-Trouillot se refuse néanmoins à toute casaque féministe: «Je suis avant tout une femme professionnelle. Je n'ai jamais voulu militer dans aucun groupe de femmes». On lira pourtant, en introduction à son livre Retrospectives... Horizons: «C'est dans le souvenir de ces gloires nationales (femmes haïtiennes ayant combattu pour la libération d'Haïti) et dans la fervente solidarité avec l'esprit et la vaillance des efforts et résultats des groupements féministes, des associations féminines et de toutes celles qui œuvrent pour l'émancipation de la femme, que nous offrons respectueusement ce nouvel ouvrage». C'est de cette même femme qu'une consœur opine ainsi : «ses études, ses interventions, ses travaux portent tous assidûment sur le même thème, la défense des droits de la femme haïtienne à travers des sujets aussi épineux que le droit de la femme à la contraception, le droit des concubines, la reconnaissance légale des enfants illégitimes, l'extension des droits et capacités de la femme mariée, la rupture de promesse de mariage...», tout ceci évidemment sous-tendu à l'engagement fondamental de «faire progresser le Droit, l'adapter aux conditions de la vie moderne, lui faire franchir en quelques années, quelques siècles»(1).
L'active carrière de Me Ertha Pascal-Trouillot la verra également figurer comme première femme (à date la seule) à la présidence d'Haïti, fonction qu'en qualité de juge à la Cour de Cassation, elle se retrouvera à assumer durant onze mois, du 13 mars 1990 jusqu'au 7 février 1991.
Autres activités et distinctions:
- Lauréate de l'Alliance francaise (1965)
- Ex-membre de la section féminine (défunte) de la Commission de refonte du Code civil haïtien.
- Membre de l'Association des écrivains de langue francaise.
- Membre de l'American bar association de Washington.
- Membre de l'Association internationale des juristes (Paris)
- Professeur de Droit usuel dans divers collèges.
- Conférencière de 1971 à nos jours à Port-au-Prince, Washington, Virginie, Montréal, Rome, Caracas, Paris, Ottawa, Abidjan, Fort-de-France, Danemark, et depuis 1994 dans différentes villes du Japon sur Le rôle des femmes dans le développement économique des sociétés, La femme dans la vie sociale, L'économie haïtienne, etc.
Publications:
1973: Statut juridique de l'Haïtienne dans la Législation sociale
1978: Code de lois usuelles, en collaboration avec Ernst Trouillot.
1980: Rétrospectives... Horizons
1981: Au grand boulevard de la Liberté
1982: Analyse de la Législation révisant le statut de la femme mariée
1990: Code de lois usuelles
A paraître:
- Cahier juridique de l'enfant et de la famille
- Dictionnaire biographique d'Haïti, en collaboration avec E. Trouillot.
* Basée sur notre entrevue avec Ertha Pascal Trouillot (Septembre 1995)
(1) Francoise Fleury-Mazeau, avocat de la Cour de Paris dans sa préface à Rétrospectives et Horizons.
Dernière édition par deza le Ven 18 Fév 2011 - 5:56, édité 1 fois
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
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Les hommes d'autrefois
Alexis Beaubrun Ardouin appartient à la lignée des grands historiens haïtiens du XIXème siècle. Il est l'auteur d'une monumentale Histoire en onze volumes, Études sur l'Histoire d'Haïti, dont la première édition parut en 1853 ( rééditée en 1958, avec une préface de François Dalencour ). Son grand père René Ardouin était originaire de la Charente. Après s'être établi comme colon dans le Sud d'Haïti, il prit pour femme une indigène du nom de Suzanne Idée, dite « Suzon Ardouin », qui lui donna trois enfants dont l'un, né à Port-au-Prince le 22 mars 1770, s'appelait Alexis Antoine Ardouin : le père de l'historien.
Son fils, Alexis Beaubrun Ardouin, naquit au Petit Trou de Nippes ( port situé sur la côte nord de la presqu'île du Sud, près d'Anse-à-Veau, à mi-distance de Jérémie et de Léogane ) en octobre 1796. Tour à tour typographe ( 1813 ), avocat au barreau de Port-au-Prince, juge suppléant au tribunal de cassation ( 1821 ), commissaire du gouvernement ( 1831 ) puis sénateur ( 1832 ), Alexis Beaubrun Ardouin participa à la rédaction des deux traités qui entérinèrent la reconnaissance de l'indépendance du nouvel État ; il traita de concert avec Frémont, Villevaleix Aîné et Labbée, au sujet de l'indemnité de cent cinquante millions de francs qu'Haïti devait verser à la France pour prix de la reconnaissance de son indépendance ( 1837 ). Il soutint la cause de Jean-Pierre Boyer (1) contre les abolitionnistes d'Europe, qui reprochaient au Président de la République d'Haïti de nuire à la cause de l'abolition de l'esclavage.
Lors de la chute du président Boyer, un acte mit en accusation l'ex-sénateur Alexis Beaubrun Ardouin ainsi que son frère Céligny ( 24 mars 1843 ), qui furent envoyés au cachot comme traîtres à la patrie. Il retourna à la politique en 1848, en qualité de ministre résident à Paris, fonction qu'il abandonna au lendemain du 16 avril 1848, après qu'il eût appris que son frère Céligny avait été emprisonné à la suite d'une altercation avec le président Soulouque. Il occupa à nouveau ce poste en 1860, et mourut à Port-au-Prince le 30 août 1865.
SOURCES : Bernard FOUBERT, « De la plantation coloniale à la micropropriété paysanne », in Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, 3e série, t. V, 2e semestre 1997, p. 449 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, éd. Semis, Montréal, 2001, t. 1, pp. 31-32.
(1) Notice biographique de Jean-Pierre Boyer
Le bourg de l'Anse-à-Veau en 1803
Les hommes d'autrefois
Alexis Beaubrun Ardouin appartient à la lignée des grands historiens haïtiens du XIXème siècle. Il est l'auteur d'une monumentale Histoire en onze volumes, Études sur l'Histoire d'Haïti, dont la première édition parut en 1853 ( rééditée en 1958, avec une préface de François Dalencour ). Son grand père René Ardouin était originaire de la Charente. Après s'être établi comme colon dans le Sud d'Haïti, il prit pour femme une indigène du nom de Suzanne Idée, dite « Suzon Ardouin », qui lui donna trois enfants dont l'un, né à Port-au-Prince le 22 mars 1770, s'appelait Alexis Antoine Ardouin : le père de l'historien.
Son fils, Alexis Beaubrun Ardouin, naquit au Petit Trou de Nippes ( port situé sur la côte nord de la presqu'île du Sud, près d'Anse-à-Veau, à mi-distance de Jérémie et de Léogane ) en octobre 1796. Tour à tour typographe ( 1813 ), avocat au barreau de Port-au-Prince, juge suppléant au tribunal de cassation ( 1821 ), commissaire du gouvernement ( 1831 ) puis sénateur ( 1832 ), Alexis Beaubrun Ardouin participa à la rédaction des deux traités qui entérinèrent la reconnaissance de l'indépendance du nouvel État ; il traita de concert avec Frémont, Villevaleix Aîné et Labbée, au sujet de l'indemnité de cent cinquante millions de francs qu'Haïti devait verser à la France pour prix de la reconnaissance de son indépendance ( 1837 ). Il soutint la cause de Jean-Pierre Boyer (1) contre les abolitionnistes d'Europe, qui reprochaient au Président de la République d'Haïti de nuire à la cause de l'abolition de l'esclavage.
Lors de la chute du président Boyer, un acte mit en accusation l'ex-sénateur Alexis Beaubrun Ardouin ainsi que son frère Céligny ( 24 mars 1843 ), qui furent envoyés au cachot comme traîtres à la patrie. Il retourna à la politique en 1848, en qualité de ministre résident à Paris, fonction qu'il abandonna au lendemain du 16 avril 1848, après qu'il eût appris que son frère Céligny avait été emprisonné à la suite d'une altercation avec le président Soulouque. Il occupa à nouveau ce poste en 1860, et mourut à Port-au-Prince le 30 août 1865.
SOURCES : Bernard FOUBERT, « De la plantation coloniale à la micropropriété paysanne », in Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, 3e série, t. V, 2e semestre 1997, p. 449 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, éd. Semis, Montréal, 2001, t. 1, pp. 31-32.
(1) Notice biographique de Jean-Pierre Boyer
Le bourg de l'Anse-à-Veau en 1803
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Voyez texte plus bas
Dernière édition par deza le Ven 18 Fév 2011 - 16:49, édité 1 fois
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue :
Les hommes d'autrefois
Toussaint, d'après la tradition, serait né à Saint-Domingue, sur la plantation Bréda, au Haut-du-Cap, en 1743 ( Prosper Gragnon-Lacoste, pour sa part, fixe la naissance de Toussaint au 20 mai 1746 ). Mais on sait fort peu de choses sur sa vie avant l'insurrection des esclaves qui dévasta le nord, au mois d'août 1791. La première partie de son existence appartient à la mythologie. On rapporte qu'il serait originaire du Dahomey ( actuel Bénin ) : son père, de nation Arada, aurait figuré parmi les chefs qui, à l'époque, se partageaient le territoire (1). Toussaint n'était donc pas un Africain, un bossale, mais un créole. Surnommé « Fatras-Bâton » (2), c'était un homme de petite taille (3), malingre, exerçant malgré sa laideur de l'ascendant sur ses congénères.
Homme intelligent, réfléchi, il dissimulait ses pensées et parlait peu. Il aimait les chevaux et était excellent cavalier. Sur la plantation Bréda, Toussaint aurait servi son maître, Baillon de Libertat (4), dans des conditions particulièrement privilégiées : il travaillait semble-t-il comme domestique, et non comme « nègre de place » à la rude culture de la canne. D'aucuns affirment comme cocher (5), certains prétendent comme gardien de bétail. Un mémoire du colon de Livoy, rédigé aux environs de 1800, indique laconiquement : « Toussaint, nègre esclave (..) ayant la surveillance des animaux sur l'habitation Libertat » ( cité par G. Debien, in « Les vues de deux colons de Saint-Domingue sur Toussaint Louverture », Notes d'Histoire coloniale, n° 149 ). Selon toute vraisemblance, il faisait partie de la minorité privilégiée des « nègres de grand'case » qui étaient au service personnel du propriétaire ou de son gérant.
Toussaint aurait été affranchi en 1776, à l'âge de 33 ans : il aurait bénéficié de la « liberté de savane », qui est un affranchissement de caractère privé auquel on recourait fréquemment afin d'éviter les frais et les démarches administratives de l'affranchissement officiel ; mais sans que toutefois l'on sache par qui. Reçut-il sa liberté du propriétaire de la plantation, le comte de Noé ? Ou de son gérant, Baillon de Libertat ? On l'ignore encore. Quoi qu'il en soit, Toussaint sortit du monde servile pour entamer une carrière de colon : en 1779, son gendre, Philippe Jasmin Désir, lui loua une place ou champs d'une quinzaine d'hectares avec les treize esclaves qui y étaient attachés. Ce qui lui permettra de constituer un pécule appréciable. Peut-être est-ce pour cette raison qu'il n'évoqua jamais ses activités d'affranchi, préférant, à toute occasion, déclarer que lui-même «avait été esclave. »
Toussaint se maria-t-il une ou plusieurs fois ? Combien eut-il d'enfants ? On ne sait trop. Ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il épousa Suzanne Simon-Baptiste, noire, sans doute libre ou affranchie, sachant lire et écrire, déjà mère, affirme-t-on, d'un enfant métissé, Placide, avant de donner le jour à deux fils noirs, Isaac et Saint-Jean. Plus tard, au temps de son généralat en chef, Toussaint collectionnera les aventures galantes.
Selon la tradition, Toussaint ne participa pas aux premiers événements de l'insurrection en 1791. On comprend d'autant mieux son effacement qu'il n'était pas esclave, mais maître de nègres et de biens. Son nom apparaît pour la première fois au bas de l'adresse que les chefs noirs envoyèrent à l'Assemblée coloniale au mois de janvier 1792. Néanmoins, le général Kerverseau nous a laissé de Toussaint une image totalement différente : « Ce fut lui, affirme-t-il, qui présida l'assemblée où il fit proclamer chefs de l'insurrection, Jean-François, Biassou et quelques autres que leur taille, leur force et d'autres avantages corporels semblaient désigner pour le commandement.
Pour lui faible et chétif, et connu de ses camarades sous le nom de Fatras-Bâton, il se trouvait trop honoré de la place de secrétaire de Biassou. C'est de ce poste obscur, où il se plaça lui-même, que, caché derrière le rideau, il dirigeait tous les fils de l'intrigue, organisait la révolte et préparait l'explosion » ( Rapport remis au Ministre de la Marine en 1797 ). De qui Kerverseau tenait-il ses informations ? Se contentait-il de restituer une rumeur? Ces propos ne véhiculaient-ils pas la propagande officielle du futur commandant en chef ? Quoi qu'il en soit, la valeur du futur maître de la Grande île lui acquit rapidement un commandement.
Après la nouvelle de l'exécution de Louis XVI et de la déclaration de guerre de Paris à Madrid, convaincu que la division des chefs de l'insurrection nuisait à la réussite de leur entreprise, Toussaint accepta le grade de colonel dans l'armée espagnole dominicaine qui s'était jointe aux Noirs pour combattre la République française ( 9 juillet 1793 ). Il deviendra général des armées du roi et établira son quartier général à La Marmelade. Dès ce moment, il ne sera plus animé que par un seul objectif : libérer tous les Noirs de l'esclavage. La révolte primitive s'était transformée en révolution sociale.
Mais l'invasion britannique, en septembre 1793, précipitera les événements. Les commissaires de la Convention Polverel et Sonthonax lui firent des propositions, qu'il rejeta d'abord ; mais lorsqu'il apprit que le gouvernement français avait décrété la liberté générale de tous les esclaves ( 29 août 1793 ), il comprit le parti qu'il pourrait tirer de la situation. Il rompit aussitôt avec Biassou et se rallia avec son armée aux autorités légales de la République ( 5 mai 1794 ). A la tête de ses nombreux partisans, Toussaint écrasa les Espagnols et leur enleva plusieurs postes importants. Ce qui aurait fait dire au commissaire de la République Polverel : « Mais cet homme fait ouverture partout ! » On le surnomma dès lors « Louverture. »
Le général Étienne Laveaux, qui gouvernait la colonie, lui décerna un brevet de colonel le 25 mars 1795. Il sera promu au grade de général de brigade, par la Convention, peu après le traité de Bâle, le 23 juillet 1795. Cependant, Laveaux hésitait encore à l'employer. Mais en mars 1796, la ville du Cap s'étant révoltée, le général français, prisonnier des Mulâtres, fut délivré par Toussaint ( 27 mars ). Ce qui lui valut d'être élevé au rang de lieutenant au gouvernement général de la colonie ( 31 mars 1796 ), puis général de division ( 17 août 1796 ). Il deviendra dès lors l'instrument du pouvoir colonial : par ses soins tous les Noirs déposeront les armes.
Les Anglais tenaient encore quelques places dans le Nord et l'Ouest, il les en chassa. La paix avec l'Espagne et l'expulsion de Jean-François achéveront de ramener le calme dans l'île. Mais après que Laveaux, élu au Conseil des Anciens, soit parti pour Paris ( 14 octobre 1796 ), le Directoire envisagea l'envoi d'une force armée pour soumettre les nègres et rétablir l'ordre colonial. Toussaint, que Sonthonax avait confirmé dans ses grades et nommé «commandant en chef de la colonie de Saint-Domingue» ( 15 mai 1797 ), répondit à ces menaces en faisant savoir au gouvernement français que, s'il avait l'intention de restaurer l'esclavage, les nègres de Saint-Domingue se défendraient à l'exemple de ceux de La Jamaïque.
Après le départ (6) du commissaire Sonthonax ( 24 août 1797 ), élu aux Cinq-Cents en septembre 1796, Toussaint entreprit de négocier avec les Anglais, de recevoir des émigrés et de renforcer son armée. Il écrira au Directoire pour justifier ses mesures, et, pour détruire tout soupçon, enverra deux de ses fils étudier à Paris. Mais le Directoire, qui souhaitait avoir un représentant direct dans l'île, prit la décision d'envoyer le général Hédouville à la tête de nouveaux commissaires ( 27 mars 1798 ). Il fut fort mal accueilli : Toussaint refusa de l'admettre aux négociations qu'il entretenait avec le général anglais Maitland ( avril 1798 ). Les Noirs, manipulés par des agents secrets et persuadés que les commissaires en voulaient à leur indépendance, se soulevèrent au Cap ( 16 octobre 1798 ), et cette démonstration, habilement exploitée par Toussaint, contraignit Hédouville à chercher un asile sur les bâtiments en rade, qui mirent aussitôt à la voile, emportant environ quinze cents personnes de diverses conditions ( 23 octobre 1798 ).
Délivré de tout contrôle, le général noir croyait enfin toucher à la réalisation de ses projets lorsque les Mulâtres, jaloux de l'influence toujours croissante des Noirs, se réunirent sous les ordres du général Rigaud qui était de leur couleur et commandait dans le Sud. Une guerre sans pitié éclata et des flots de sang inondèrent à nouveau ce malheureux pays ( juin 1799 ). Après des efforts inouïs, Toussaint était parvenu à contenir Rigaud lorsqu'une députation, composée du mulâtre Julien Raymond, du général Michel et du colonel Vincent, apporta à Saint-Domingue la nouvelle du coup d'État du 18 brumaire (7) et remit à Toussaint sa confirmation par Bonaparte dans son grade de général en chef ( juin 1800 ). Toussaint, qui croyait ne pas avoir besoin de cette confirmation, reçut froidement les émissaires français. Il profita néanmoins de leur ascendant passager pour repousser Rigaud jusqu'aux Cayes et le contraindre à quitter l'île ( 1er août 1800 ). Les Noirs purent désormais dominer la colonie.
Débarrassé de cette dangereuse rivalité, Toussaint n'eut d'autre objectif que la réalisation de l'indépendance. Il publia d'abord un règlement, concernant le fonctionnement des plantations, que ses administrés ressentirent comme un retour à l'esclavage, parce qu'il réintroduisait le travail forcé ; car pour Toussaint, l'indépendance du pays passait nécessairement par sa mise en valeur : « la culture est le soutien des gouvernements, parce qu'elle procure le commerce, l'aisance et l'abondance, qu'elle fait naître les arts et l'industrie, qu'elle occupe tous les bras » ( Règlement de culture du 12 octobre 1800 ). Il forma ensuite le projet d'unifier l'île. A la tête d'une armée de 40.000 hommes, entouré de ses lieutenants favoris Dessalines ( et Christophe (9), il occupa la partie espagnole presque sans coup férir ( 26 janvier 1801 ). Grâce à son apparente condescendance envers le clergé catholique, les habitants de cette partie de l'île, qui contenait beaucoup de colons blancs et d'émigrés, lui devinrent aussi dévoués que les Noirs. Puis, enivré par l'enthousiasme qu'il soulevait autour de lui, il approuva une constitution (10) dont le premier article le créait Gouverneur à vie ( art. 28 ), avec le droit de se choisir un successeur ( art. 30 ) et de nommer à tous les emplois. Enfin, il divisa l'île en six départements ( loi du 6 juillet 1801 ) et fixa le gouvernement auprès de sa personne : tantôt au Cap, tantôt à Port-au-Prince.
Le commerce reprenait, un nouvel essor et la prospérité renaissait, lorsque les Noirs des districts du Nord, mal façonnés à l'obéissance, quittèrent tout à coup leurs ateliers, égorgèrent quelque 200 blancs, et vinrent assaillir Le Cap. Avec la rapidité de la foudre Toussaint dispersa les révoltés, et le 4 novembre 1801 fit conduire devant lui 40 prisonniers. Il en fit fusiller 13, et parmi eux son neveu par adoption le général de division Moïse ( 25 novembre ). Les autres conspirateurs furent jetés en prison et un désarmement général assura le calme. Ce fut alors que Toussaint écrivait, dit-on, en tête de ses missives à Bonaparte : « Le premier des Noirs au premier des Blancs » ( quoique cette suscription soit rapportée par plusieurs biographes sérieux, rien n'atteste cependant qu'elle ait jamais figuré sur une dépêche officielle ).
Dans l'exercice du pouvoir Toussaint montra une très grande habileté : pour définitivement rallier les Blancs à sa cause, il rappela les émigrés et déclara que la religion catholique était celle de l'État ( au détriment du culte vaudou ) ; pour prévenir une nouvelle insurrection, il publia une violente proclamation qui soulignait les devoirs de la population et les obligations de son gouvernement ( 26 novembre 1801 ) ; sous le titre modeste de règlement il édicta des mesures très sévères pour la répression du vice, de la révolte, des aventuriers, etc. Sachant ce que peuvent des dehors pompeux sur la plupart des hommes, il fit régner à sa cour une étiquette rigoureuse. La gravité de son maintien, son regard observateur, tenaient les Noirs dans la crainte et le respect et en imposaient aux Blancs eux-mêmes.
Aussi sévère sur l'étiquette de la cour qu'eût pu l'être un roi européen, il réprimait avec violence ceux qui s'en écartaient. Au milieu de son brillant entourage il affectait une simplicité remarquable, et ne portait habituellement que le petit uniforme d'officier d'état-major. Tout ce qui l'entourait vivait dans la profusion et la splendeur ; lui seul poussait la sobriété jusqu'à l'abstinence. C'est ainsi qu'il entretenait la vigueur de sa santé, car chez lui l'énergie de l'âme était soutenue par un corps de fer. Souvent il faisait à cheval cinquante lieues sans s'arrêter et ne dormait que deux heures ; il semblait que l'ambition, source de toutes ses actions, fût aussi le soutien de son existence. Il n'avait point de confident, et personne ne connaissait ni ses desseins ni ses démarches. Lorsqu'on le croyait à Port-au-Prince, il était aux Cayes, au Cap, ou à Saint-Marc. Le mystère qui enveloppait toutes ses actions lui sauva la vie en plusieurs occasions. La discipline la plus sévère régnait dans son armée. Les soldats le considéraient comme un être d'une nature supérieure, les officiers et le terrible Dessalines lui-même tremblaient en sa présence.
Cependant, la fin de la domination de Toussaint approchait : les préliminaires de Londres entre la France et l'Angleterre, qui aboutiront à la paix d'Amiens, venaient d'être signés ( 18 octobre 1801 ). Bonaparte, plus tranquille sur le continent, envoya deux forces expéditionnaires : l'une à Saint-Domingue (11) sous les ordres du général Leclerc, son beau-frère, le mari de Pauline (12), l'autre en Guadeloupe commandée par Antoine Richepanse. Au général Leclerc il donna le commandement d'une flotte de cinquante-quatre navires, portant de nombreuses troupes de débarquement, avec l'ordre formel de « faire respecter la souveraineté du peuple français » ( 18 novembre 1801 ). Il lui confia également les enfants de Toussaint, avec une lettre pour leur père, dans laquelle il assurait Toussaint de son estime et louait sa conduite antérieure :
« Si le pavillon français, disait-il, flotte encore sur Saint-Domingue, c'est à vous et à vos braves noirs qu'il le doit ; appelé par vos talents et la force des circonstances au premier commandement, vous avez détruit la guerre civile, remis en honneur la religion et le culte de Dieu, de qui tout émane ; la constitution que vous avez faite renferme beaucoup de bonnes choses, mais elle en contient aussi qui sont contraires à la dignité et à la souveraineté du peuple français. » Il le rassurait ensuite sur la liberté des Noirs, l'invitait formellement à reconnaître la mission de Leclerc, et le rendait responsable de la résistance qu'il opposerait à ses armes.
Parti de Brest en décembre 1801, Leclerc se trouva en vue du Cap Français le 29 janvier suivant. Cependant, Toussaint n'était nullement disposé à renoncer au pouvoir suprême pour se fondre dans la foule des généraux de division républicains. Aussi envoya-t-il son général Christophe au-devant de l'aide-de-camp Lebrun, qui lui était adressé comme parlementaire, pour notifier à Leclerc et à l'amiral Villaret « qu'eussent-ils cent vaisseaux et cent mille hommes ils n'entreraient point en ville, et que la terre brûlerait avant que l'escadre n'entrât en rade. » Le débarquement s'opéra néanmoins : le Cap fut incendié et tous les Noirs appelés à l'insurrection ( 7 février ). Malgré ces premiers excès, Leclerc envoya à Toussaint ses trois enfants avec leur gouverneur Coisnon, qui dirigeait le collège de La Marche où s'élevaient alors les enfants des colons. Porteurs de la lettre du Premier consul ils joignirent leur père à Ennery, le 7 février. Toussaint, dont les forces se réduisaient à trois demi-brigades par suite de la défection du général Clairveaux et de la défaite de Dessalines, repoussa néanmoins tout accomodement et renvoya ses enfants au Cap, après avoir, dit-on, enfoui ses trésors dans les mornes du Cahos. Quelques jours plus tard, Leclerc tenta une nouvelle démarche par la même voie : elle fut également infructueuse.
Toussaint donna cette fois le choix à ses fils entre lui et la France : l'aîné, Isaac, rentra au camp français ; le second prit les armes pour son père et fut aussitôt mis hors la loi ( 17 février ). Une guerre terrible s'engagea alors. Les belligérants s'y montrèrent sans pitié. Mais après la soumission de Christophe et de Dessalines, Toussaint se trouva dans l'obligation d'offrir sa reddition. Il fut autorisé à se retirer sur l'une de ses plantations, à proximité du bourg d'Ennery, dans l'ouest de l'île, non loin de la côte ( 2 mai ). Puis arriva l'époque de la fièvre jaune, cette terrible maladie qui moissonna l'armée expéditionnaire (13). On comprit alors le sens d'un mot de Toussaint : « Moi compter sur La Providence ! ». C'était en effet le nom du cimetière du Cap ( rapporté par Alfred de Lacaze, in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours (..), sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, 1860, t. 32, p. 43 ). De sourdes agitations et des rassemblements recommençaient de toutes parts. Des lettres interceptées ne laissèrent pas douter que Toussaint ne fût en relation avec les mécontents ( 27 mai ). Son arrestation fut résolue, mais la méfiance du chef noir était telle qu'on eut recours à la trahison pour s'en emparer.
Le général Brunet l'invita à son quartier général pour y conférer sur la situation générale du pays. Mais l'astucieux Toussaint fut cette fois la dupe de son amour-propre : « ces messieurs blancs, qui savent tout, lanca-t-il, sont forcés de consulter le vieux nègre ». Après s'être présenté au camp français, le 7 juin, il fut aussitôt arrêté, puis jeté à bord de la frégate « La Créole » pour être conduit au Cap (14). Il sera envoyé en France sur le bâtiment « Le Héros » avec sa femme Suzanne, ses fils Placide, Isaac et Saint-Jean, ses belles-filles Victoire Tuzac et Louise Catherine Chancy ( 1782-1871 ). Arrivé à Brest le 12 juillet 1802, il fut d'abord enfermé à Paris, à la prison du Temple, puis sur l'ordre du Premier consul (15) au fort de Joux ( Doubs ), le 23 août. En septembre, Bonaparte chargea le général Caffarelli (16) d'interroger le prisonnier sur sa politique internationale et « d'obtenir des renseignements sur l'existence de ses trésors ».
Les deux hommes s'entretiendront à quatre reprises, du 15 au 28 septembre. Mais plutôt que d'envisager un procès, le pouvoir central préféra laisser Toussaint croupir en prison. Il subit un régime pénitenciaire qui visait à le briser, à l'anéantir physiquement et moralement. Vexations, humiliations, brimades eurent raison de sa santé. « La composition des nègres ne ressemblant en rien à celle des Européens, expliquait son geôlier (17), je me dispense de lui donner ni médecin ni chirurgien qui lui serait inutile ». Le 7 avril 1803 ( 17 germinal an XI ), à onze heures et demie, le chef de bataillon Amiot, gouverneur du fort de Joux, le trouva mort dans sa cellule, assis « sur une chaise, près du feu, la tête appuyée contre la cheminée, le bras droit pendant.. ». Peu de jours auparavant, le chef noir lui avait avoué avoir fait enterrer quinze millions dans les mornes, et il s'occupait de dresser d'après ses souvenirs le plan des lieux où ce trésor était enfoui quand la mort le frappa. A cette époque, d'aucuns pensèrent que le poison avait hâté la fin de ses jours. Mais on n'a jamais eu la preuve de ce fait (18). Toussaint fut inhumé dans l'enceinte du fort (19).
Sa famille dut alors fixer sa résidence à Agen. Son troisième fils y mourra de langueur, et sa femme y expirera en 1816. Son fils Isaac décédera à Bordeaux le 26 septembre 1853 ( d'après une généalogie détaillée de la famille Chancy, aimablement fournie par l'auteur, Monsieur Jacques PETIT, le 26 janvier 2001 ).
Napoléon, à Sainte-Hélène, se reprochera de s'être laissé entraîner par ses ministres et par les « criailleries des colons ». Il regrettera de n'avoir pas gouverné la colonie « par l'intermédiaire de Toussaint » car, dira-t-il, ce « n'était pas un homme sans mérite ». Ce qui n'eut pas été impossible car Toussaint, au contraire de Dessalines, ne cherchait pas une rupture totale avec la France. Il envisageait, pour autant qu'on puisse le savoir, une solution proche de ce que sera plus tard le statut de dominion dans l'Empire britannique : une quasi-indépendance de fait sous son autorité, avec maintien formel de la colonie dans le cadre constitutionnel français et rapports économiques privilégiés, mais non exclusifs, avec la métropole.
« Cet homme fut une nation », devait dire à juste titre Lamartine. Il avait entrepris le rétablissement de Saint-Domingue et il aurait fini par édifier un pays équilibré. Aucun de ses successeurs ne l'égala.
Le 25 mars 1983, le gouvernement français remettra une urne contenant ses restes mortels au gouvernement haïtien.
SOURCES : KERVERSEAU & LEBORGNE, Rapport fait au gouvernement sur les troubles du département du Sud, au mois de fructidor an IV ; Pamphile de LACROIX, Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue, 2 vol., Paris, 1819 ; Alfred de LACAZE in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ( .. ), sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, Firmin Didot Frères, 1860, t. 32, pp. 38-44 ; E. REGNARD in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours.., sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, Firmin Didot Frères, 1865, t. 44, pp. 184-185 ; GRAGNON-LACOSTE, Toussaint Louverture, Général en chef de l'armée de Saint-Domingue, surnommé le Premier des Noirs, Paris et Bordeaux, 1877, 402 p. ; Victor SCHOELCHER, Vie de Toussaint Louverture, Paris, Paul Ollendorf, 1889, 455 p. ; Pauleus SANNON, Histoire de Toussaint-Louverture, 3 vol., Port-au-Prince, 1920-1933 ; Cyril L.R. JAMES, Les Jacobins noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Gallimard, 1949 ( rééd. aux Éditions Caribéennes, Paris, 1984, XXVIII-375 p., coll. Précurseurs noirs ) ; Aimé CÉSAIRE, Toussaint-Louverture. La Révolution française et le problème colonial, 1960 ; G. DEBIEN, « Les vues de deux colons de Saint-Domingue sur Toussaint Louverture ( octobre 1797-février 1800 ) », Note d'Histoire coloniale, n° 149 ; G. DEBIEN, M.-A. MENIER et J. FOUCHARD, « Toussaint Louverture avant 1789. Légendes et réalités », Note d'Histoire coloniale, n° 134, 1977 ;
Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. De l'esclavage au pouvoir, Paris, 1979 ; Dictionnaire d'Histoire de France, Librairie Académique Perrin, Paris, 1981, à l'article Toussaint-Louverture ; L'état de la France pendant la Révolution ( 1789-1799 ), sous la direction de Michel Vovelle, éd. La découverte, Paris, 1988, pp. 444-446 ; Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Toussaint-Louverture dans le Dictionnaire Napoléon, publié sous la direction de Jean Tulard, Fayard, 1989, pp. 1645-1646 ; Pierre PLUCHON, «Toussaint Louverture d'après le général de Kerverseau», in Revue française d'histoire d'outre-mer, 1989; Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. Un révolutionnaire noir d'Ancien Régime, Fayard, 1989, 654 p. ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, t. 1, Le premier empire colonial, des origines à la Restauration, Fayard, 1991, 1114 p. ; Jacques PETIT, Généalogie de la Famille Chancy ( tenant son nom des Langlois de Chancy, famille ayant donné des officiers de marine, originaire de Champcey près d'Avranches ) , 8 janvier 2000.
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(1) Son père, Hippolyte Gaou, se déclarait fils d'un roi africain nommé Gaou-Guinou et disait avoir été enlevé par une tribu ennemie, puis vendu à des Arabes, qui l'auraient ensuite revendu à des blancs ( Cf. Alfred de LACAZE, in Nouvelle biographie générale.., op. cit., p. 38 ).
(2) C'est-à-dire « le contrefait » ( le difforme ).
(3) Toussaint mesurait 1 mètre 63.
(4) L'habitation Bréda, située à proximité du Cap-Français, n'appartenait pas à Baillon de Libertat. Elle faisait partie d'un ensemble de plantations que le comte de Noé, leur propriétaire, avait réunies en indivision afin d'assurer des revenus réguliers et équitables à ses trois filles. Libertat n'occupa qu'un temps les fonctions de gérant, et seulement pour une fraction de ces terres. On ignore donc de qui Toussaint fut juridiquement l'esclave : du gérant ou du planteur ( Cf. Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 57 ).
(5) Alfred de LACAZE rapporte qu'une punition rigoureuse ayant conduit Toussaint à fuir ses premiers maîtres, un capitaine de la marine marchande française nommé Bailly l'acheta pour en faire son cocher ; et d'ajouter : « Il lui fit apprendre à lire, et reconnaissant sa probité et son humanité, il le créa commandeur de ses établissement ». C'est ainsi, explique Alfred de LACAZE, qu'il pu lire, dans l'Histoire philosophique des deux Indes de l'abbé Raynal, « qu'un jour un noir paraîtrait avec mission de venger sa race outragée » ( Cf. Alfred de LACAZE, in Nouvelle biographie générale.., op. cit., pp. 38-39 ). Mais ce récit fantaisiste est aujourd'hui contredit par les biographes de Toussaint, qui ont établi qu'en 1779 il ne savait encore ni lire ni écrire ( Cf. G. DEBIEN, M.-A. MENIER et J. FOUCHARD, «Toussaint Louverture avant 1789..», op. cit. ; Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 57 ). D'après une autre source, il aurait reçu une certaine instruction de son parrain, l'affranchi Pierre-Baptiste. Ce qui tendrait à expliquer que l'orthographe de Toussaint resta phonétique, ainsi qu'en témoigne le post-scriptum manuscrit d'un mémoire qu'il adressa à Bonaparte en 1802 après son emprisonnement au fort de Joux : « Premire Consul, père de toute les militre, defenseur des innosant, juige intègre, prononcé donc, sure un homme qui e plus mal heure que couppable..» ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Toussaint-Louverture dans le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 1645 ).
(6) Toussaint, d'après E. Regnard, aurait d'abord contraint Sonthonax ( 1763-1813 ) à lui abandonner le commandement des troupes de la colonie ( Cf. E. REGNARD in Nouvelle biographie générale.., op. cit., pp. 184-185 ). Ensuite, après avoir massé un gros corps de cavalerie devant la ville du Cap, il se serait emparé de Sonthonax et l'aurait embarqué pour la France ( Cf. Alfred de LACAZE in Nouvelle biographie générale.., op. cit., p. 40 ). Toussaint accusait Sonthonax d'attentats à l'ordre et de menées séparatistes ( Cf. Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 608 ).
(7) Le 18 brumaire : tableau de François Bouchot ( Notice biographique de Jean-Jacques Dessalines (9) Notice biographique de Henry Christophe (11) Le Premier consul entendait reprendre le contrôle absolu de la colonie, en déporter les chefs noirs et y restaurer l'ordre colonial. Les propriétaires nobles, privés de leurs biens en France par la Révolution, retrouveraient leurs habitations de Saint-Domingue. Au-delà, Bonaparte envisageait la création d'une Amérique française à partir de la grande île et de la Louisiane ( celle-ci sera vendue aux États-Unis, et sa population française abandonnée, après l'échec à Saint-Domingue ). Dès les derniers jours de janvier 1802, 40 vaisseaux, 27 frégates, 17 corvettes et autres bâtiments débarquaient à Saint-Domingue un premier contingent de 25.000 hommes sous les ordres du beau-frère de Bonaparte, secondé par 13 généraux de division, 27 généraux de brigade et une foule d'officiers. Il s'ensuivit, jusqu'à la chute du Cap le 19 novembre 1803, une guerre meurtrière, marquée de cruautés inouïes et de massacres massifs.
Les Anglo-Saxons contribuèrent largement à armer les troupes noires. « Ce sont les États-Unis, écrivait Leclerc au Ministre de la Marine le 9 février 1802, qui ont apporté ici les fusils, les canons, la poudre et toutes les munitions de guerre Ce sont eux qui ont excité Toussaint à la défense, je suis intimement convaincu que les Américains ont formé le plan d'engager à l'indépendance toutes les Antilles parce qu'ils espéraient en avoir le commerce exclusif, comme ils ont eu celui de Saint-Domingue » ( Cité in Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture, de l'esclavage au pouvoir, Paris, l'École, 1979, p. 196 ). Les Anglais, pour leur part, poursuivaient un double but : pousser Toussaint à se rendre indépendant de la France et supplanter celle-ci dans le commerce de Saint-Domingue ; épuiser Noirs et Mulâtres les uns contre les autres pour écarter toute menace à l'encontre de leurs propres colonies. Aussi Toussaint refusa-t-il d'accorder le commerce exclusif de l'île aux Britanniques. Son projet était probablement de former une confédération commerciale des Antilles ( Cf. CABON, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1937, t. IV, La Révolution 1798-1804, p. 124 ).
Au total, la Révolution de Saint-Domingue aura tué 45.000 soldats britanniques ( pendant leur occupation, fin 1793-août 1798 ), 46.000 soldats français, 10.000 colons. Quant aux « non-Blancs », un tiers des quelque 530.000 esclaves et Libres de 1789 aura sans doute disparu en 1804 ( Cf. GRAGNON-LACOSTE, Toussaint-Louverture, Général en chef.., op. cit, p. 202 ).
(12) Portrait de Pauline Bonaparte par Kinson <!--[if !vml]--><!--[endif]-->
(13) D'après le général Pamphile de Lacroix, 20.651 soldats périrent de la maladie pendant le commandement du capitaine-général Leclerc ( Cf. Pamphile de LACROIX, Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue, op. cit. ).
(14) Embarqué sur la frégate «La Créole », Toussaint prédit au chef de division Jean Savary « En me renversant,on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des nègres ; il repoussera par les racines, parce qu'elles sont profondes et nombreuses ». En effet, Leclerc mourut de la fièvre jaune, le 2 novembre 1802, sans avoir pu suivre les instructions de Bonaparte qui lui enjoignaient, après l'occupation des ports et des places, de capturer les meneurs nègres et de rétablir l'Exclusif. Son successeur, Rochambeau, n'arrivera pas à contenir les insurgés, qui combattaient au cri de « la liberté ou la mort. »
(15) Le 23 juillet 1802, le Premier consul prit un arrêté : « Le nommé Toussaint Louverture sera transféré et gardé prisonnier au fort de Joux. Il sera tenu au secret, sans pouvoir écrire ou communiquer avec aucune personne que son domestique. »
(16) Après s'être distingué durant les guerres de l'Empire, le général François Marie Auguste Caffarelli (1766-1849) a été nommé pair de France en 1831. Son nom figure sur l'arc de triomphe de l'Étoile ( Cf. la Notice historique sur le général Auguste Caffarelli, dans le Moniteur du 4 décembre 1849 ).
(17) Rapport de Baille, son geôlier, en date du 30 octobre 1802.
(18) En fait, il était impossible que Toussaint résista longtemps à la température glaciale des casemates qu'il habitait. D'après le général François Marie Auguste Caffarelli, sa prison était « froide, saine et très sûre. »
(19) D'après Victor Schoelcher, Toussaint aurait été immédiatement inhumé dans un caveau de la chapelle du fort où l'on déposait les restes des prisonniers morts ( Cf. la Vie de Toussaint Louverture, Éd. Karthala, p. 357 ) ; puis en 1866, les restes mortuaires auraient été transférés dans une concession du cimetière de la Chartreuse de Bordeaux ( Cf. Prosper Gragnon-Lacoste, Toussaint-Louverture, Général en chef.., op. cit, pp. 385, 399 ). Mais au dire des spécialistes, ce dernier épisode appartiendrait davantage à la mythologie.
Moulin colonial ( Photo M.-R. Tercinet )
Les hommes d'autrefois
Toussaint, d'après la tradition, serait né à Saint-Domingue, sur la plantation Bréda, au Haut-du-Cap, en 1743 ( Prosper Gragnon-Lacoste, pour sa part, fixe la naissance de Toussaint au 20 mai 1746 ). Mais on sait fort peu de choses sur sa vie avant l'insurrection des esclaves qui dévasta le nord, au mois d'août 1791. La première partie de son existence appartient à la mythologie. On rapporte qu'il serait originaire du Dahomey ( actuel Bénin ) : son père, de nation Arada, aurait figuré parmi les chefs qui, à l'époque, se partageaient le territoire (1). Toussaint n'était donc pas un Africain, un bossale, mais un créole. Surnommé « Fatras-Bâton » (2), c'était un homme de petite taille (3), malingre, exerçant malgré sa laideur de l'ascendant sur ses congénères.
Homme intelligent, réfléchi, il dissimulait ses pensées et parlait peu. Il aimait les chevaux et était excellent cavalier. Sur la plantation Bréda, Toussaint aurait servi son maître, Baillon de Libertat (4), dans des conditions particulièrement privilégiées : il travaillait semble-t-il comme domestique, et non comme « nègre de place » à la rude culture de la canne. D'aucuns affirment comme cocher (5), certains prétendent comme gardien de bétail. Un mémoire du colon de Livoy, rédigé aux environs de 1800, indique laconiquement : « Toussaint, nègre esclave (..) ayant la surveillance des animaux sur l'habitation Libertat » ( cité par G. Debien, in « Les vues de deux colons de Saint-Domingue sur Toussaint Louverture », Notes d'Histoire coloniale, n° 149 ). Selon toute vraisemblance, il faisait partie de la minorité privilégiée des « nègres de grand'case » qui étaient au service personnel du propriétaire ou de son gérant.
Toussaint aurait été affranchi en 1776, à l'âge de 33 ans : il aurait bénéficié de la « liberté de savane », qui est un affranchissement de caractère privé auquel on recourait fréquemment afin d'éviter les frais et les démarches administratives de l'affranchissement officiel ; mais sans que toutefois l'on sache par qui. Reçut-il sa liberté du propriétaire de la plantation, le comte de Noé ? Ou de son gérant, Baillon de Libertat ? On l'ignore encore. Quoi qu'il en soit, Toussaint sortit du monde servile pour entamer une carrière de colon : en 1779, son gendre, Philippe Jasmin Désir, lui loua une place ou champs d'une quinzaine d'hectares avec les treize esclaves qui y étaient attachés. Ce qui lui permettra de constituer un pécule appréciable. Peut-être est-ce pour cette raison qu'il n'évoqua jamais ses activités d'affranchi, préférant, à toute occasion, déclarer que lui-même «avait été esclave. »
Toussaint se maria-t-il une ou plusieurs fois ? Combien eut-il d'enfants ? On ne sait trop. Ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il épousa Suzanne Simon-Baptiste, noire, sans doute libre ou affranchie, sachant lire et écrire, déjà mère, affirme-t-on, d'un enfant métissé, Placide, avant de donner le jour à deux fils noirs, Isaac et Saint-Jean. Plus tard, au temps de son généralat en chef, Toussaint collectionnera les aventures galantes.
Selon la tradition, Toussaint ne participa pas aux premiers événements de l'insurrection en 1791. On comprend d'autant mieux son effacement qu'il n'était pas esclave, mais maître de nègres et de biens. Son nom apparaît pour la première fois au bas de l'adresse que les chefs noirs envoyèrent à l'Assemblée coloniale au mois de janvier 1792. Néanmoins, le général Kerverseau nous a laissé de Toussaint une image totalement différente : « Ce fut lui, affirme-t-il, qui présida l'assemblée où il fit proclamer chefs de l'insurrection, Jean-François, Biassou et quelques autres que leur taille, leur force et d'autres avantages corporels semblaient désigner pour le commandement.
Pour lui faible et chétif, et connu de ses camarades sous le nom de Fatras-Bâton, il se trouvait trop honoré de la place de secrétaire de Biassou. C'est de ce poste obscur, où il se plaça lui-même, que, caché derrière le rideau, il dirigeait tous les fils de l'intrigue, organisait la révolte et préparait l'explosion » ( Rapport remis au Ministre de la Marine en 1797 ). De qui Kerverseau tenait-il ses informations ? Se contentait-il de restituer une rumeur? Ces propos ne véhiculaient-ils pas la propagande officielle du futur commandant en chef ? Quoi qu'il en soit, la valeur du futur maître de la Grande île lui acquit rapidement un commandement.
Après la nouvelle de l'exécution de Louis XVI et de la déclaration de guerre de Paris à Madrid, convaincu que la division des chefs de l'insurrection nuisait à la réussite de leur entreprise, Toussaint accepta le grade de colonel dans l'armée espagnole dominicaine qui s'était jointe aux Noirs pour combattre la République française ( 9 juillet 1793 ). Il deviendra général des armées du roi et établira son quartier général à La Marmelade. Dès ce moment, il ne sera plus animé que par un seul objectif : libérer tous les Noirs de l'esclavage. La révolte primitive s'était transformée en révolution sociale.
Mais l'invasion britannique, en septembre 1793, précipitera les événements. Les commissaires de la Convention Polverel et Sonthonax lui firent des propositions, qu'il rejeta d'abord ; mais lorsqu'il apprit que le gouvernement français avait décrété la liberté générale de tous les esclaves ( 29 août 1793 ), il comprit le parti qu'il pourrait tirer de la situation. Il rompit aussitôt avec Biassou et se rallia avec son armée aux autorités légales de la République ( 5 mai 1794 ). A la tête de ses nombreux partisans, Toussaint écrasa les Espagnols et leur enleva plusieurs postes importants. Ce qui aurait fait dire au commissaire de la République Polverel : « Mais cet homme fait ouverture partout ! » On le surnomma dès lors « Louverture. »
Le général Étienne Laveaux, qui gouvernait la colonie, lui décerna un brevet de colonel le 25 mars 1795. Il sera promu au grade de général de brigade, par la Convention, peu après le traité de Bâle, le 23 juillet 1795. Cependant, Laveaux hésitait encore à l'employer. Mais en mars 1796, la ville du Cap s'étant révoltée, le général français, prisonnier des Mulâtres, fut délivré par Toussaint ( 27 mars ). Ce qui lui valut d'être élevé au rang de lieutenant au gouvernement général de la colonie ( 31 mars 1796 ), puis général de division ( 17 août 1796 ). Il deviendra dès lors l'instrument du pouvoir colonial : par ses soins tous les Noirs déposeront les armes.
Les Anglais tenaient encore quelques places dans le Nord et l'Ouest, il les en chassa. La paix avec l'Espagne et l'expulsion de Jean-François achéveront de ramener le calme dans l'île. Mais après que Laveaux, élu au Conseil des Anciens, soit parti pour Paris ( 14 octobre 1796 ), le Directoire envisagea l'envoi d'une force armée pour soumettre les nègres et rétablir l'ordre colonial. Toussaint, que Sonthonax avait confirmé dans ses grades et nommé «commandant en chef de la colonie de Saint-Domingue» ( 15 mai 1797 ), répondit à ces menaces en faisant savoir au gouvernement français que, s'il avait l'intention de restaurer l'esclavage, les nègres de Saint-Domingue se défendraient à l'exemple de ceux de La Jamaïque.
Après le départ (6) du commissaire Sonthonax ( 24 août 1797 ), élu aux Cinq-Cents en septembre 1796, Toussaint entreprit de négocier avec les Anglais, de recevoir des émigrés et de renforcer son armée. Il écrira au Directoire pour justifier ses mesures, et, pour détruire tout soupçon, enverra deux de ses fils étudier à Paris. Mais le Directoire, qui souhaitait avoir un représentant direct dans l'île, prit la décision d'envoyer le général Hédouville à la tête de nouveaux commissaires ( 27 mars 1798 ). Il fut fort mal accueilli : Toussaint refusa de l'admettre aux négociations qu'il entretenait avec le général anglais Maitland ( avril 1798 ). Les Noirs, manipulés par des agents secrets et persuadés que les commissaires en voulaient à leur indépendance, se soulevèrent au Cap ( 16 octobre 1798 ), et cette démonstration, habilement exploitée par Toussaint, contraignit Hédouville à chercher un asile sur les bâtiments en rade, qui mirent aussitôt à la voile, emportant environ quinze cents personnes de diverses conditions ( 23 octobre 1798 ).
Délivré de tout contrôle, le général noir croyait enfin toucher à la réalisation de ses projets lorsque les Mulâtres, jaloux de l'influence toujours croissante des Noirs, se réunirent sous les ordres du général Rigaud qui était de leur couleur et commandait dans le Sud. Une guerre sans pitié éclata et des flots de sang inondèrent à nouveau ce malheureux pays ( juin 1799 ). Après des efforts inouïs, Toussaint était parvenu à contenir Rigaud lorsqu'une députation, composée du mulâtre Julien Raymond, du général Michel et du colonel Vincent, apporta à Saint-Domingue la nouvelle du coup d'État du 18 brumaire (7) et remit à Toussaint sa confirmation par Bonaparte dans son grade de général en chef ( juin 1800 ). Toussaint, qui croyait ne pas avoir besoin de cette confirmation, reçut froidement les émissaires français. Il profita néanmoins de leur ascendant passager pour repousser Rigaud jusqu'aux Cayes et le contraindre à quitter l'île ( 1er août 1800 ). Les Noirs purent désormais dominer la colonie.
Débarrassé de cette dangereuse rivalité, Toussaint n'eut d'autre objectif que la réalisation de l'indépendance. Il publia d'abord un règlement, concernant le fonctionnement des plantations, que ses administrés ressentirent comme un retour à l'esclavage, parce qu'il réintroduisait le travail forcé ; car pour Toussaint, l'indépendance du pays passait nécessairement par sa mise en valeur : « la culture est le soutien des gouvernements, parce qu'elle procure le commerce, l'aisance et l'abondance, qu'elle fait naître les arts et l'industrie, qu'elle occupe tous les bras » ( Règlement de culture du 12 octobre 1800 ). Il forma ensuite le projet d'unifier l'île. A la tête d'une armée de 40.000 hommes, entouré de ses lieutenants favoris Dessalines ( et Christophe (9), il occupa la partie espagnole presque sans coup férir ( 26 janvier 1801 ). Grâce à son apparente condescendance envers le clergé catholique, les habitants de cette partie de l'île, qui contenait beaucoup de colons blancs et d'émigrés, lui devinrent aussi dévoués que les Noirs. Puis, enivré par l'enthousiasme qu'il soulevait autour de lui, il approuva une constitution (10) dont le premier article le créait Gouverneur à vie ( art. 28 ), avec le droit de se choisir un successeur ( art. 30 ) et de nommer à tous les emplois. Enfin, il divisa l'île en six départements ( loi du 6 juillet 1801 ) et fixa le gouvernement auprès de sa personne : tantôt au Cap, tantôt à Port-au-Prince.
Le commerce reprenait, un nouvel essor et la prospérité renaissait, lorsque les Noirs des districts du Nord, mal façonnés à l'obéissance, quittèrent tout à coup leurs ateliers, égorgèrent quelque 200 blancs, et vinrent assaillir Le Cap. Avec la rapidité de la foudre Toussaint dispersa les révoltés, et le 4 novembre 1801 fit conduire devant lui 40 prisonniers. Il en fit fusiller 13, et parmi eux son neveu par adoption le général de division Moïse ( 25 novembre ). Les autres conspirateurs furent jetés en prison et un désarmement général assura le calme. Ce fut alors que Toussaint écrivait, dit-on, en tête de ses missives à Bonaparte : « Le premier des Noirs au premier des Blancs » ( quoique cette suscription soit rapportée par plusieurs biographes sérieux, rien n'atteste cependant qu'elle ait jamais figuré sur une dépêche officielle ).
Dans l'exercice du pouvoir Toussaint montra une très grande habileté : pour définitivement rallier les Blancs à sa cause, il rappela les émigrés et déclara que la religion catholique était celle de l'État ( au détriment du culte vaudou ) ; pour prévenir une nouvelle insurrection, il publia une violente proclamation qui soulignait les devoirs de la population et les obligations de son gouvernement ( 26 novembre 1801 ) ; sous le titre modeste de règlement il édicta des mesures très sévères pour la répression du vice, de la révolte, des aventuriers, etc. Sachant ce que peuvent des dehors pompeux sur la plupart des hommes, il fit régner à sa cour une étiquette rigoureuse. La gravité de son maintien, son regard observateur, tenaient les Noirs dans la crainte et le respect et en imposaient aux Blancs eux-mêmes.
Aussi sévère sur l'étiquette de la cour qu'eût pu l'être un roi européen, il réprimait avec violence ceux qui s'en écartaient. Au milieu de son brillant entourage il affectait une simplicité remarquable, et ne portait habituellement que le petit uniforme d'officier d'état-major. Tout ce qui l'entourait vivait dans la profusion et la splendeur ; lui seul poussait la sobriété jusqu'à l'abstinence. C'est ainsi qu'il entretenait la vigueur de sa santé, car chez lui l'énergie de l'âme était soutenue par un corps de fer. Souvent il faisait à cheval cinquante lieues sans s'arrêter et ne dormait que deux heures ; il semblait que l'ambition, source de toutes ses actions, fût aussi le soutien de son existence. Il n'avait point de confident, et personne ne connaissait ni ses desseins ni ses démarches. Lorsqu'on le croyait à Port-au-Prince, il était aux Cayes, au Cap, ou à Saint-Marc. Le mystère qui enveloppait toutes ses actions lui sauva la vie en plusieurs occasions. La discipline la plus sévère régnait dans son armée. Les soldats le considéraient comme un être d'une nature supérieure, les officiers et le terrible Dessalines lui-même tremblaient en sa présence.
Cependant, la fin de la domination de Toussaint approchait : les préliminaires de Londres entre la France et l'Angleterre, qui aboutiront à la paix d'Amiens, venaient d'être signés ( 18 octobre 1801 ). Bonaparte, plus tranquille sur le continent, envoya deux forces expéditionnaires : l'une à Saint-Domingue (11) sous les ordres du général Leclerc, son beau-frère, le mari de Pauline (12), l'autre en Guadeloupe commandée par Antoine Richepanse. Au général Leclerc il donna le commandement d'une flotte de cinquante-quatre navires, portant de nombreuses troupes de débarquement, avec l'ordre formel de « faire respecter la souveraineté du peuple français » ( 18 novembre 1801 ). Il lui confia également les enfants de Toussaint, avec une lettre pour leur père, dans laquelle il assurait Toussaint de son estime et louait sa conduite antérieure :
« Si le pavillon français, disait-il, flotte encore sur Saint-Domingue, c'est à vous et à vos braves noirs qu'il le doit ; appelé par vos talents et la force des circonstances au premier commandement, vous avez détruit la guerre civile, remis en honneur la religion et le culte de Dieu, de qui tout émane ; la constitution que vous avez faite renferme beaucoup de bonnes choses, mais elle en contient aussi qui sont contraires à la dignité et à la souveraineté du peuple français. » Il le rassurait ensuite sur la liberté des Noirs, l'invitait formellement à reconnaître la mission de Leclerc, et le rendait responsable de la résistance qu'il opposerait à ses armes.
Parti de Brest en décembre 1801, Leclerc se trouva en vue du Cap Français le 29 janvier suivant. Cependant, Toussaint n'était nullement disposé à renoncer au pouvoir suprême pour se fondre dans la foule des généraux de division républicains. Aussi envoya-t-il son général Christophe au-devant de l'aide-de-camp Lebrun, qui lui était adressé comme parlementaire, pour notifier à Leclerc et à l'amiral Villaret « qu'eussent-ils cent vaisseaux et cent mille hommes ils n'entreraient point en ville, et que la terre brûlerait avant que l'escadre n'entrât en rade. » Le débarquement s'opéra néanmoins : le Cap fut incendié et tous les Noirs appelés à l'insurrection ( 7 février ). Malgré ces premiers excès, Leclerc envoya à Toussaint ses trois enfants avec leur gouverneur Coisnon, qui dirigeait le collège de La Marche où s'élevaient alors les enfants des colons. Porteurs de la lettre du Premier consul ils joignirent leur père à Ennery, le 7 février. Toussaint, dont les forces se réduisaient à trois demi-brigades par suite de la défection du général Clairveaux et de la défaite de Dessalines, repoussa néanmoins tout accomodement et renvoya ses enfants au Cap, après avoir, dit-on, enfoui ses trésors dans les mornes du Cahos. Quelques jours plus tard, Leclerc tenta une nouvelle démarche par la même voie : elle fut également infructueuse.
Toussaint donna cette fois le choix à ses fils entre lui et la France : l'aîné, Isaac, rentra au camp français ; le second prit les armes pour son père et fut aussitôt mis hors la loi ( 17 février ). Une guerre terrible s'engagea alors. Les belligérants s'y montrèrent sans pitié. Mais après la soumission de Christophe et de Dessalines, Toussaint se trouva dans l'obligation d'offrir sa reddition. Il fut autorisé à se retirer sur l'une de ses plantations, à proximité du bourg d'Ennery, dans l'ouest de l'île, non loin de la côte ( 2 mai ). Puis arriva l'époque de la fièvre jaune, cette terrible maladie qui moissonna l'armée expéditionnaire (13). On comprit alors le sens d'un mot de Toussaint : « Moi compter sur La Providence ! ». C'était en effet le nom du cimetière du Cap ( rapporté par Alfred de Lacaze, in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours (..), sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, 1860, t. 32, p. 43 ). De sourdes agitations et des rassemblements recommençaient de toutes parts. Des lettres interceptées ne laissèrent pas douter que Toussaint ne fût en relation avec les mécontents ( 27 mai ). Son arrestation fut résolue, mais la méfiance du chef noir était telle qu'on eut recours à la trahison pour s'en emparer.
Le général Brunet l'invita à son quartier général pour y conférer sur la situation générale du pays. Mais l'astucieux Toussaint fut cette fois la dupe de son amour-propre : « ces messieurs blancs, qui savent tout, lanca-t-il, sont forcés de consulter le vieux nègre ». Après s'être présenté au camp français, le 7 juin, il fut aussitôt arrêté, puis jeté à bord de la frégate « La Créole » pour être conduit au Cap (14). Il sera envoyé en France sur le bâtiment « Le Héros » avec sa femme Suzanne, ses fils Placide, Isaac et Saint-Jean, ses belles-filles Victoire Tuzac et Louise Catherine Chancy ( 1782-1871 ). Arrivé à Brest le 12 juillet 1802, il fut d'abord enfermé à Paris, à la prison du Temple, puis sur l'ordre du Premier consul (15) au fort de Joux ( Doubs ), le 23 août. En septembre, Bonaparte chargea le général Caffarelli (16) d'interroger le prisonnier sur sa politique internationale et « d'obtenir des renseignements sur l'existence de ses trésors ».
Les deux hommes s'entretiendront à quatre reprises, du 15 au 28 septembre. Mais plutôt que d'envisager un procès, le pouvoir central préféra laisser Toussaint croupir en prison. Il subit un régime pénitenciaire qui visait à le briser, à l'anéantir physiquement et moralement. Vexations, humiliations, brimades eurent raison de sa santé. « La composition des nègres ne ressemblant en rien à celle des Européens, expliquait son geôlier (17), je me dispense de lui donner ni médecin ni chirurgien qui lui serait inutile ». Le 7 avril 1803 ( 17 germinal an XI ), à onze heures et demie, le chef de bataillon Amiot, gouverneur du fort de Joux, le trouva mort dans sa cellule, assis « sur une chaise, près du feu, la tête appuyée contre la cheminée, le bras droit pendant.. ». Peu de jours auparavant, le chef noir lui avait avoué avoir fait enterrer quinze millions dans les mornes, et il s'occupait de dresser d'après ses souvenirs le plan des lieux où ce trésor était enfoui quand la mort le frappa. A cette époque, d'aucuns pensèrent que le poison avait hâté la fin de ses jours. Mais on n'a jamais eu la preuve de ce fait (18). Toussaint fut inhumé dans l'enceinte du fort (19).
Sa famille dut alors fixer sa résidence à Agen. Son troisième fils y mourra de langueur, et sa femme y expirera en 1816. Son fils Isaac décédera à Bordeaux le 26 septembre 1853 ( d'après une généalogie détaillée de la famille Chancy, aimablement fournie par l'auteur, Monsieur Jacques PETIT, le 26 janvier 2001 ).
Napoléon, à Sainte-Hélène, se reprochera de s'être laissé entraîner par ses ministres et par les « criailleries des colons ». Il regrettera de n'avoir pas gouverné la colonie « par l'intermédiaire de Toussaint » car, dira-t-il, ce « n'était pas un homme sans mérite ». Ce qui n'eut pas été impossible car Toussaint, au contraire de Dessalines, ne cherchait pas une rupture totale avec la France. Il envisageait, pour autant qu'on puisse le savoir, une solution proche de ce que sera plus tard le statut de dominion dans l'Empire britannique : une quasi-indépendance de fait sous son autorité, avec maintien formel de la colonie dans le cadre constitutionnel français et rapports économiques privilégiés, mais non exclusifs, avec la métropole.
« Cet homme fut une nation », devait dire à juste titre Lamartine. Il avait entrepris le rétablissement de Saint-Domingue et il aurait fini par édifier un pays équilibré. Aucun de ses successeurs ne l'égala.
Le 25 mars 1983, le gouvernement français remettra une urne contenant ses restes mortels au gouvernement haïtien.
SOURCES : KERVERSEAU & LEBORGNE, Rapport fait au gouvernement sur les troubles du département du Sud, au mois de fructidor an IV ; Pamphile de LACROIX, Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue, 2 vol., Paris, 1819 ; Alfred de LACAZE in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ( .. ), sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, Firmin Didot Frères, 1860, t. 32, pp. 38-44 ; E. REGNARD in Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours.., sous la direction de M. le Dr HOEFER, Paris, Firmin Didot Frères, 1865, t. 44, pp. 184-185 ; GRAGNON-LACOSTE, Toussaint Louverture, Général en chef de l'armée de Saint-Domingue, surnommé le Premier des Noirs, Paris et Bordeaux, 1877, 402 p. ; Victor SCHOELCHER, Vie de Toussaint Louverture, Paris, Paul Ollendorf, 1889, 455 p. ; Pauleus SANNON, Histoire de Toussaint-Louverture, 3 vol., Port-au-Prince, 1920-1933 ; Cyril L.R. JAMES, Les Jacobins noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Gallimard, 1949 ( rééd. aux Éditions Caribéennes, Paris, 1984, XXVIII-375 p., coll. Précurseurs noirs ) ; Aimé CÉSAIRE, Toussaint-Louverture. La Révolution française et le problème colonial, 1960 ; G. DEBIEN, « Les vues de deux colons de Saint-Domingue sur Toussaint Louverture ( octobre 1797-février 1800 ) », Note d'Histoire coloniale, n° 149 ; G. DEBIEN, M.-A. MENIER et J. FOUCHARD, « Toussaint Louverture avant 1789. Légendes et réalités », Note d'Histoire coloniale, n° 134, 1977 ;
Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. De l'esclavage au pouvoir, Paris, 1979 ; Dictionnaire d'Histoire de France, Librairie Académique Perrin, Paris, 1981, à l'article Toussaint-Louverture ; L'état de la France pendant la Révolution ( 1789-1799 ), sous la direction de Michel Vovelle, éd. La découverte, Paris, 1988, pp. 444-446 ; Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Toussaint-Louverture dans le Dictionnaire Napoléon, publié sous la direction de Jean Tulard, Fayard, 1989, pp. 1645-1646 ; Pierre PLUCHON, «Toussaint Louverture d'après le général de Kerverseau», in Revue française d'histoire d'outre-mer, 1989; Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. Un révolutionnaire noir d'Ancien Régime, Fayard, 1989, 654 p. ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, t. 1, Le premier empire colonial, des origines à la Restauration, Fayard, 1991, 1114 p. ; Jacques PETIT, Généalogie de la Famille Chancy ( tenant son nom des Langlois de Chancy, famille ayant donné des officiers de marine, originaire de Champcey près d'Avranches ) , 8 janvier 2000.
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(1) Son père, Hippolyte Gaou, se déclarait fils d'un roi africain nommé Gaou-Guinou et disait avoir été enlevé par une tribu ennemie, puis vendu à des Arabes, qui l'auraient ensuite revendu à des blancs ( Cf. Alfred de LACAZE, in Nouvelle biographie générale.., op. cit., p. 38 ).
(2) C'est-à-dire « le contrefait » ( le difforme ).
(3) Toussaint mesurait 1 mètre 63.
(4) L'habitation Bréda, située à proximité du Cap-Français, n'appartenait pas à Baillon de Libertat. Elle faisait partie d'un ensemble de plantations que le comte de Noé, leur propriétaire, avait réunies en indivision afin d'assurer des revenus réguliers et équitables à ses trois filles. Libertat n'occupa qu'un temps les fonctions de gérant, et seulement pour une fraction de ces terres. On ignore donc de qui Toussaint fut juridiquement l'esclave : du gérant ou du planteur ( Cf. Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 57 ).
(5) Alfred de LACAZE rapporte qu'une punition rigoureuse ayant conduit Toussaint à fuir ses premiers maîtres, un capitaine de la marine marchande française nommé Bailly l'acheta pour en faire son cocher ; et d'ajouter : « Il lui fit apprendre à lire, et reconnaissant sa probité et son humanité, il le créa commandeur de ses établissement ». C'est ainsi, explique Alfred de LACAZE, qu'il pu lire, dans l'Histoire philosophique des deux Indes de l'abbé Raynal, « qu'un jour un noir paraîtrait avec mission de venger sa race outragée » ( Cf. Alfred de LACAZE, in Nouvelle biographie générale.., op. cit., pp. 38-39 ). Mais ce récit fantaisiste est aujourd'hui contredit par les biographes de Toussaint, qui ont établi qu'en 1779 il ne savait encore ni lire ni écrire ( Cf. G. DEBIEN, M.-A. MENIER et J. FOUCHARD, «Toussaint Louverture avant 1789..», op. cit. ; Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 57 ). D'après une autre source, il aurait reçu une certaine instruction de son parrain, l'affranchi Pierre-Baptiste. Ce qui tendrait à expliquer que l'orthographe de Toussaint resta phonétique, ainsi qu'en témoigne le post-scriptum manuscrit d'un mémoire qu'il adressa à Bonaparte en 1802 après son emprisonnement au fort de Joux : « Premire Consul, père de toute les militre, defenseur des innosant, juige intègre, prononcé donc, sure un homme qui e plus mal heure que couppable..» ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Toussaint-Louverture dans le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 1645 ).
(6) Toussaint, d'après E. Regnard, aurait d'abord contraint Sonthonax ( 1763-1813 ) à lui abandonner le commandement des troupes de la colonie ( Cf. E. REGNARD in Nouvelle biographie générale.., op. cit., pp. 184-185 ). Ensuite, après avoir massé un gros corps de cavalerie devant la ville du Cap, il se serait emparé de Sonthonax et l'aurait embarqué pour la France ( Cf. Alfred de LACAZE in Nouvelle biographie générale.., op. cit., p. 40 ). Toussaint accusait Sonthonax d'attentats à l'ordre et de menées séparatistes ( Cf. Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture.., op. cit., p. 608 ).
(7) Le 18 brumaire : tableau de François Bouchot ( Notice biographique de Jean-Jacques Dessalines (9) Notice biographique de Henry Christophe (11) Le Premier consul entendait reprendre le contrôle absolu de la colonie, en déporter les chefs noirs et y restaurer l'ordre colonial. Les propriétaires nobles, privés de leurs biens en France par la Révolution, retrouveraient leurs habitations de Saint-Domingue. Au-delà, Bonaparte envisageait la création d'une Amérique française à partir de la grande île et de la Louisiane ( celle-ci sera vendue aux États-Unis, et sa population française abandonnée, après l'échec à Saint-Domingue ). Dès les derniers jours de janvier 1802, 40 vaisseaux, 27 frégates, 17 corvettes et autres bâtiments débarquaient à Saint-Domingue un premier contingent de 25.000 hommes sous les ordres du beau-frère de Bonaparte, secondé par 13 généraux de division, 27 généraux de brigade et une foule d'officiers. Il s'ensuivit, jusqu'à la chute du Cap le 19 novembre 1803, une guerre meurtrière, marquée de cruautés inouïes et de massacres massifs.
Les Anglo-Saxons contribuèrent largement à armer les troupes noires. « Ce sont les États-Unis, écrivait Leclerc au Ministre de la Marine le 9 février 1802, qui ont apporté ici les fusils, les canons, la poudre et toutes les munitions de guerre Ce sont eux qui ont excité Toussaint à la défense, je suis intimement convaincu que les Américains ont formé le plan d'engager à l'indépendance toutes les Antilles parce qu'ils espéraient en avoir le commerce exclusif, comme ils ont eu celui de Saint-Domingue » ( Cité in Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture, de l'esclavage au pouvoir, Paris, l'École, 1979, p. 196 ). Les Anglais, pour leur part, poursuivaient un double but : pousser Toussaint à se rendre indépendant de la France et supplanter celle-ci dans le commerce de Saint-Domingue ; épuiser Noirs et Mulâtres les uns contre les autres pour écarter toute menace à l'encontre de leurs propres colonies. Aussi Toussaint refusa-t-il d'accorder le commerce exclusif de l'île aux Britanniques. Son projet était probablement de former une confédération commerciale des Antilles ( Cf. CABON, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1937, t. IV, La Révolution 1798-1804, p. 124 ).
Au total, la Révolution de Saint-Domingue aura tué 45.000 soldats britanniques ( pendant leur occupation, fin 1793-août 1798 ), 46.000 soldats français, 10.000 colons. Quant aux « non-Blancs », un tiers des quelque 530.000 esclaves et Libres de 1789 aura sans doute disparu en 1804 ( Cf. GRAGNON-LACOSTE, Toussaint-Louverture, Général en chef.., op. cit, p. 202 ).
(12) Portrait de Pauline Bonaparte par Kinson <!--[if !vml]--><!--[endif]-->
(13) D'après le général Pamphile de Lacroix, 20.651 soldats périrent de la maladie pendant le commandement du capitaine-général Leclerc ( Cf. Pamphile de LACROIX, Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue, op. cit. ).
(14) Embarqué sur la frégate «La Créole », Toussaint prédit au chef de division Jean Savary « En me renversant,on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des nègres ; il repoussera par les racines, parce qu'elles sont profondes et nombreuses ». En effet, Leclerc mourut de la fièvre jaune, le 2 novembre 1802, sans avoir pu suivre les instructions de Bonaparte qui lui enjoignaient, après l'occupation des ports et des places, de capturer les meneurs nègres et de rétablir l'Exclusif. Son successeur, Rochambeau, n'arrivera pas à contenir les insurgés, qui combattaient au cri de « la liberté ou la mort. »
(15) Le 23 juillet 1802, le Premier consul prit un arrêté : « Le nommé Toussaint Louverture sera transféré et gardé prisonnier au fort de Joux. Il sera tenu au secret, sans pouvoir écrire ou communiquer avec aucune personne que son domestique. »
(16) Après s'être distingué durant les guerres de l'Empire, le général François Marie Auguste Caffarelli (1766-1849) a été nommé pair de France en 1831. Son nom figure sur l'arc de triomphe de l'Étoile ( Cf. la Notice historique sur le général Auguste Caffarelli, dans le Moniteur du 4 décembre 1849 ).
(17) Rapport de Baille, son geôlier, en date du 30 octobre 1802.
(18) En fait, il était impossible que Toussaint résista longtemps à la température glaciale des casemates qu'il habitait. D'après le général François Marie Auguste Caffarelli, sa prison était « froide, saine et très sûre. »
(19) D'après Victor Schoelcher, Toussaint aurait été immédiatement inhumé dans un caveau de la chapelle du fort où l'on déposait les restes des prisonniers morts ( Cf. la Vie de Toussaint Louverture, Éd. Karthala, p. 357 ) ; puis en 1866, les restes mortuaires auraient été transférés dans une concession du cimetière de la Chartreuse de Bordeaux ( Cf. Prosper Gragnon-Lacoste, Toussaint-Louverture, Général en chef.., op. cit, pp. 385, 399 ). Mais au dire des spécialistes, ce dernier épisode appartiendrait davantage à la mythologie.
Moulin colonial ( Photo M.-R. Tercinet )
Dernière édition par deza le Sam 19 Fév 2011 - 7:28, édité 1 fois
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue:
Les hommes d'autrefois
Jean-Jacques Dessalines naquit semble-t-il à Cormiers (1), petite localité près de la Grande-Rivière-du-Nord, non loin du Cap, sur la plantation « Vye Kay ». Mais un doute subsiste pourtant : d'aucuns prétendent en effet qu'il aurait vu le jour en Afrique, à la Côte-de-l'Or (2) ou peut-être dans l'Artibonite, dans la paroisse de Verrettes, sur la plantation Marchand. Il vécut ensuite chez un colon blanc, Henri Duclos, propriétaire d'une caféière, jusqu'au moment où il fut acheté, tout jeune encore, par Dessalines, un noir libre, qui lui donnera son nom et lui apprit le métier de charpentier. On prétend que devenu empereur il en fera son maître d'hôtel.
Dessalines vécut une jeunesse particulièrement difficile. Ce fut un esclave rebelle, souvent marron ; son corps, dit-on, était couvert des cicatrices laissées par les verges de fer. Il se révolta constamment contre l'inégalité qui régnait à Saint-Domingue et se révéla un véritable génie militaire. Bien que dépourvu de formation intellectuelle, c'était un homme de bon sens, à l'esprit cartésien.
Après s'être joint aux esclaves insurgés contre l'autorité française de Saint-Domingue (1791), aux côtés de Boukman et de Biassou, il parvint au grade d'officier supérieur dans les bandes soudoyées par l'Espagne. Mais en 1794, après l'abolition de l'esclavage, il passa au service de la France et se signala dans la guerre contre les Anglais. Général sous les ordres de Toussaint Louverture (3), il se fit remarquer par son énergie et sa bravoure, mais aussi par une cruauté implacable. Au cours de la campagne contre le général André Rigaud (1799-1800), qui dirigeait une insurrection d'hommes de couleur, il se livra à de tels excès (exécutions massives d'officiers et de cadres métis) qu'aussitôt il s'attira les foudres de Toussaint Louverture : « J'ai dit d'émonder l'arbre, lui aurait lancé Toussaint, non de le déraciner. » En 1801, il écrasa la tentative d'insurrection du général noir Moïse, dans la région du Cap.
En 1802, à l'arrivée des Français commandés par le général Leclerc, il occupait dans la colonie les départements du Sud et de l'Ouest. Le 26 février 1802, au moment où les Français, maîtres de Port-au-Prince, marchaient sous les ordres du général Boudet sur la ville de Saint-Marc, Dessalines, qui la commandait, ordonna de l'incendier et mit lui-même le feu à sa maison, dont l'ameublement et la construction lui avaient coûté beaucoup d'argent. Il se dirigea ensuite vers le Mirebalais, et après la défaite de la « Crête-à-Pierrot » se soumit au général Leclerc. Rallié aux Français, il conserva son grade et son commandement. Il intrigua alors auprès de Leclerc contre Toussaint Louverture et pourchassa les insurgés avec la même férocité qu'il avait montrée quelques mois auparavant envers les Blancs (il avait ordonné le massacre d'environ 1.200 colons).
En septembre 1802, il livra à Leclerc un autre général noir, Charles Belair, qui venait d'entrer en dissidence. Cette apparente volte-face s'explique, selon toute probabilité, par la certitude qu'avait Dessalines d'une reprise prochaine de la lutte contre les Français sous la forme d'une guerre totale d'indépendance, dont il entendait assurer seul la conduite ; ce qui supposait au préalable l'élimination de ses rivaux potentiels et ceux des chefs noirs qui, comme Toussaint Louverture, pourraient être favorables à un compromis avec les Blancs :
Il servait ses ennemis en attendant l'occasion de se retourner contre eux (Cf. Jean-Marc el CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1989, p. 599). Mais après l'annonce par Napoléon du rétablissement de l'esclavage, il rejoignit les révoltés (octobre 1802). Au congrès de l'Arcahaye (15-18 mai 1803), Dessalines réalisa à son profit l'unité de commandement. Le 19 novembre, à la tête de l'armée des indigènes, il imposa à Rochambeau la capitulation du Cap. Ce dernier n'eut alors d'autre choix que d'ordonner l'évacuation de l'île.
En 1803, après le départ des Français, Dessalines provoqua aussitôt le massacre de la population blanche (4) ; à l'exception des prêtres, médecins, techniciens et de quelques négrophiles. Il redonna à Saint-Domingue son nom indien d'Haïti (Ayiti) et, en 1804, avec l'appui de l'Angleterre, proclama l'indépendance de la nouvelle République (5).
Dessalines voulait, par une cérémonie solennelle, célébrer la proclamation de l'Indépendance, pour bien montrer qu'il fallait oublier la France. Le dimanche 1er janvier 1804, de grand matin, clairons et tambours résonnèrent de tous côtés aux Gonaïves. Soldats et civils, enthousiastes, bruyants, remplirent les rues en un clin d'œil. Le peuple afflua des campagnes, et une foule immense où femmes et jeunes filles richement parées coudoyaient les soldats, se pressa sur la place d'armes autour d'un autel de la patrie que dominait, seule, la fine et fière silhouette du palmiste de la Liberté. A sept heures, tandis qu'un soleil radieux illuminait la cité, Dessalines, entouré du brillant cortège des généraux, fendit la foule, gravit les marches de l'autel de la patrie et rappela, dans un véhément discours en créole, tous les tourments que les indigènes avaient endurés sous la domination française.
En terminant, il s'écria le bras tendu : « Jurons de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance de notre Pays.. ». De toutes les poitrines, jaillit, formidable, accentué par la voix sèche et rageuse des canons, le serment, mille fois répété, de vivre libre ou de mourir. Quand le tumulte fut apaisé, l'adjudant-général Boisrond-Tonnerre, debout auprès de Dessalines, donna lecture de la proclamation du général en chef, et de l'Acte de l'Indépendance signé de Dessalines et des principaux officiers de l'armée.
Ensuite, tandis que la foule s'écoulait par les rues de la ville, le cortège officiel se rendit au Palais du Gouvernement. Là, par un acte libre, les lieutenants de Dessalines le proclamèrent gouverneur général à vie de l'île d'Haïti, jurèrent d'obéir aveuglément aux lois émanés de son autorité, et lui donnèrent le droit de faire la paix et la guerre, et de nommer son successeur. Quelques jours plus tard, la publication de ses actes officiels dans toutes les villes et tous les bourgs d'Haïti provoqua de nouvelles réjouissances populaires. Un nouvel État était né.
Le jour de la proclamation de l'indépendance, les généraux nommèrent Dessalines gouverneur général à vie d'Haïti et, le 25 janvier, lui demandèrent de prendre le titre impérial. Ayant accepté (15 février), il fut couronné à Port-au-Prince le 8 octobre sous le nom de « Jacques, Empereur Ier d'Haïti. »
Le Premier Empire haïtien (1804-1806) fut une dictature personnelle fondée sur l'armée, qui était la seule force stable du nouvel État. La constitution du 20 mai 1805 (6) conférait les pleins pouvoirs à l'Empereur, qui choisissait son successeur, mais dont la couronne n'était pas héréditaire. Son autoritarisme et sa politique économique furent à l'origine directe de sa chute. Par son autoritarisme, il perdit l'appui des chefs de l'armée qu'il inquiétait ; par sa politique économique, il déçut les Noirs et mécontenta gravement les Métis. L'unique richesse d'Haïti résidait dans l'agriculture tropicale dont les produits servaient à payer les importations en provenance des États-Unis et des Antilles anglaises, en particulier le matériel de guerre.
Les cultivateurs noirs étaient soumis à une stricte discipline qui conduisit au travail salarié forcé sur les plantations. En outre, le maintien - dans un souci de rentabilité - de la grande propriété privée ou étatisée allait à l'encontre des espérances de la masse des Noirs qui, conformément aux promesses de l'Empereur, espéraient bénéficier d'une réforme agraire. Les Métis, dont la puissance foncière et les intérêts commerciaux étaient considérables, se sentirent directement menacés par une législation qui imposait la vérification des titres de propriété, la résiliation des baux passés sous l'administration coloniale et la confiscation des biens indûment occupés tandis que d'autres mesures limitaient la liberté commerciale en fixant le nombre des négociants autorisés à recevoir des cargaisons en consignation ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, op. cit., p. 599 ).
En 1805, il tenta vainement d'expulser le reste de l'armée française de l'ancienne colonie espagnole. En 1806, les Mulâtres se révoltèrent dans le Sud : ils accusaient Dessalines de vouloir entreprendre contre eux de nouvelles persécutions. Le 14 octobre, une insurrection se forma dans la plaine des Cayes. Dessalines mourra le 17 octobre, dans une embuscade que lui tendirent les insurgés, au Pont Rouge, à l'entrée de Port-au-Prince. Le récit de sa mort, particulièrement brutale, figure dans un article de Monsieur Edgar La Selve, paru dans le journal de voyages Le Tour du Monde en 1879 (7).
C'est à Marchand, le 16 octobre 1806, que Dessalines prit connaissance de la révolte. Ignorant que Christophe ( eût été proclamé chef de l'insurrection, il lui écrivit de se tenir prêt à entrer en campagne. Au général Pétion (9), qui était également dans le complot, il donna l'ordre de marcher sur les Cayes à la tête des troupes de la seconde division de l'Ouest.
En sortant de Saint-Marc, Dessalines rencontra sur la grande route un de ses aides de camp, Delpêche, qui, fuyant l'insurrection, était parti du Petit-Goâve pour venir se mettre à ses côtés, et qui conseilla à l'empereur de n'approcher de Port-au-Prince qu'avec une armée imposante. Dessalines, aussi inébranlable dans ses projets que vif dans ses actions, sans lui demander aucun éclaircissement, l'appela traître, et lui ordonna de sortir de sa présence. Delpêche, mortifié, s'achemina vers Saint-Marc, y entra, changea de cheval, et poussé par une fidélité aveugle s'élança à la suite de l'empereur. Des soldats du 3e bataillon de la 4e demi-brigade le tuèrent à Lanzac.
En entrant à l'Arcahaie, Dessalines aperçut une fumée épaisse du côté du Sud : « En ce moment, dit-il, mon compère Pétion donne du feu aux révoltés ». Il envoya en avant les six compagnies de la 3e demi-brigade qu'il trouva dans le bourg, sous la conduite du colonel Thomas et du chef de bataillon Gédéon: « Vous sentez-vous le cœur, demanda-t-il à ces deux officiers, de marcher dans le sang jusqu'aux Cayes ? » et il ajouta « Le département du Sud sera bientôt une solitude telle qu'on n'y entendra même plus le chant du coq ». Thomas et Gédéon répondirent qu’ils feraient leur devoir. Vers dix heures du soir, ils n'étaient plus qu'à trois kilomètres du Pont Rouge (10). Un voyageur, qui les précédait, annonça en ville que l'avant-garde de l'armée de l'empereur approchait.
Les généraux Guérin, Vaval et Yayou se portèrent ensemble au-devant des soldats qui marchaient en désordre et par leurs promesses les gagnèrent à la cause des insurgés. Quant au colonel Thomas et au chef de bataillon Gédéon, on s'assura de leurs personnes : « Il n'y a pas à balancer, leur dit Guérin, choisissez entre mourir ou adhérer à la révolution. » Ils déclarèrent qu'ils ne prendraient aucune résolution avant d'avoir vu Pétion. On les conduisit au bureau de la division militaire où celui-ci se trouvait.
Thomas, qui montra de l'hésitation à abandonner l'empereur, fut consigné à la place. Gédéon, qui prit franchement le parti de l'insurrection, fut placé sur-le-champ à la tête de la 3e demi-brigade rangée sur la place Vallière et à laquelle Pétion donnait un témoignage de sa confiance en ne la désarmant pas. Gédéon avertit Guérin que l'empereur lui avait recommandé de l'attendre au Pont Rouge et qu'il voulait, en arrivant, le voir de loin à ce poste. Guérin le pressa alors de se déshabiller et fit endosser son uniforme par un adjudant-major de la 21e de Léogane, qui lui ressemblait. Cet officier fut placé au Pont Rouge, afin de mieux attirer l'empereur dans le piège.
Le 17, à cinq heures du matin, sa Majesté quitta l'Arcahaie, suivie seulement de son état-major. La 4e demi-brigade, qui eût pu l'escorter, avait été renvoyée à Montrouis pour s'y faire habiller. Chemin faisant, on rencontra plusieurs habitants venant de Port-au-Prince. Questionnés sur ce qui se passait en ville, ils répondirent tous qu'il n'y avait rien d'extraordinaire. L'empereur continua à chevaucher sans soupçon.
A neuf heures, à deux cents pas du Pont Rouge, l'empereur se tourna vers Boisrond-Tonnerre, qui se trouvait près de lui : « Vois-tu Gédéon au milieu du pont ? lui dit-il. Il est l'esclave de la discipline. Je le récompenserai.» Celui qu'il prenait pour Gédéon était l'adjudant qui en avait revêtu l'uniforme. « Mais, sire, observa le colonel Léger, officier du Sud faisant partie de son état-major, je me trompe singulièrement, ou ce sont des soldats du Sud.. ». « Vous voyez mal, répondit Dessalines, que seraient-ils venus chercher ici ? » Au même instant il entend le commandement d'apprêter les armes et les cris: « Halte, empereur ! Halte, empereur ! »
Avec cette impétuosité qui n'appartenait qu'à lui, Dessalines s'élance au milieu des baïonnettes. « Soldats, crie-t-il, ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis votre empereur ! » Il saisit un coco-macaque (un bâton), suspendu à l'arçon de sa selle, fait le moulinet, écarte les baïonnettes qu'on lui dardait. Le sergent Duverger, de la 15e, ordonne au fusilier Garat de tirer. Celui-ci lâche son coup. L'empereur, qui n'est pas atteint, lance son cheval à toute bride. Un second coup de feu part des rangs de la 16e, et Dessalines, frappé cette fois, s'écrie: « A mon secours, Charlotin ! » ( il s'agit du colonel Charlotin Marcadieu, qui l'accompagnait dans cette tragique expédition ).
Marcadieu se précipite vers son ami, veut le couvrir de son corps. Le chef d'escadron Delaunay, du Sud, lui fend la tête d'un coup de sabre. Yayou lui plongea trois fois son poignard dans la poitrine et l'acheva. Il tomba, comme une masse inerte, aux pieds de son assassin, tout ruisselant de son sang, qui avait rejailli sur ses vêtements. Les officiers qui étaient avec lui, le voyant mort, s'enfuirent, excepté Mentor, son conseiller, qui s'écria : « Le tyran est abattu ! Vive la Liberté ! Vive l'Égalité ! »
Il y eut alors une scène affreuse. On dépouilla l'empereur ; on ne lui laissa que son caleçon ; on lui coupa les doigts pour arracher plus facilement les bagues dont ses mains étaient couvertes. Yayou ordonna ensuite à quelques grenadiers d'enlever son cadavre mutilé. Les soldats obéirent avec effroi : ils disaient que Dessalines était un papa-loi. « Qui dirait, exclama Yayou, que ce petit misérable faisait trembler Haïti, il n'y a qu'un quart d'heures ! » Cette masse informe et hideuse de chair et d'os, à laquelle il ne restait aucune apparence humaine, transportée en ville, fut jetée sur la place du Gouvernement.
Tandis que la populace profanait les restes défigurés du chef suprême, naguère son idole, une pauvre folle, la Défilée, vint à passer. Elle demanda quel était ce supplicié. « Dessalines.... » lui répondit-on. A ce nom, ses yeux égarés devinrent calmes ; une lueur de raison brilla dans son cerveau troublé. Elle courut chercher un sac à café, y jeta ces lambeaux pleins de sang et souillés de boue que les pourceaux errants se disputaient déjà, les porta au cimetière intérieur, et les ayant déposés sur une tombe, s'agenouilla. Pétion envoya deux soldats qui les mirent en terre sans qu'aucune cérémonie religieuse n’accompagnât cet enfouissement clandestin.
Ainsi périt le cruel Jean-Jacques Dessalines, dit Jacques Ier, dont la fortune fut pour le moins aussi singulière que celle de son prédécesseur, Toussaint-Louverture, et de son successeur, Henry Christophe.
Une tombe sera élevée sur la fosse de Dessalines par les soins de Madame Inginac. Elle portera cette laconique inscription : ci-gît Dessalines, mort à 48 ans. Pendant plusieurs années, à la Toussaint, une main inconnue y placera un cierge allumé.
La tombe de Jean-Jacques Dessalines se trouve aujourd'hui à l'abandon, à moitié envahie de détritus et d'herbes folles. En cela, le sort du premier empereur d'Haïti rejoint celui de l'un de ses plus fidèles soldats, le colonel Charlotin Marcadieu, qui mourut au Pont Rouge pour le protéger. « A l'angle de deux murs, explique l'historien Jean Ledan, dans une petite cour subalterne appartenant peut-être au gardien de l'église, Marcadieu observe en permanence deux latrines et trois bananiers chiches et atrophiés. »
SOURCES : Thomas MADIOU, Histoire d'Haïti, rééd. Henri Deschamps, t. 3, Port-au-Prince, 1989 ; HOEFER, Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ( .. ), Paris, Firmin Didot Frères, 1855, t. XIII, pp. 909-910 ; Roger CARATINI, Dictionnaire des personnages de la Révolution, Le Pré aux Clercs, Paris 1988, pp. 229-230 ; Edgar LA SELVE, Professeur de rhétorique au Lycée National Pétion de Port-au-Prince, «La République d'Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue», in Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages publié sous la direction de M. Édouard Charton et illustré par nos plus célèbres artistes, Librairie Hachette et Cie, Paris 1879, vol. XXXVIII, 2e semestre, 975e livraison, pp. 199-201 & p. 208 ; Ch. DEZOBRY & Th. BACHELET, Dictionnaire général de biographie et d'Histoire (..), Paris, Delagrave, 9ème éd., 1883, 1ère part., p. 784 ; Les hommes d'État célèbres, t. 5, De la Révolution française à la Première guerre mondiale, ouvrage publié sous la direction de François Crouzet, éd. Mazenod, Paris, 1975, p. 651; Robert CORNEVIN, Haïti, Paris, 1982; R.-A. SAINT-LOUIS, La Présociologie haïtienne ou Haïti et sa vocation nationale, Québec, 1970 ; A. METRAUX, Le Vaudou haïtien, 1958 ; Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, publié sous la direction de Jean Tulard, Fayard, 1989, pp. 599-600 ; Alfred FIERRO, André PALLUEL-GUILLARD, Jean TULARD, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, éd. Robert Laffont, coll. bouquins, Paris, 1995, p. 720 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, éd. Semis, Montréal, 2001, t. 1, pp. 308-311.
_________________________
(1) Cf. Edgar LA SELVE, « La République d'Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue », loc. cit., p. 202 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, op. cit., t. 1, p. 308.
(2) la Côte-de-l'Or vers 1720
(3) Notice biographique de Toussaint-Louverture
(4) L'impératrice Claire-Heureuse, l'épouse de Dessalines, célèbre par sa beauté et sa bonté, sauva, dit-on, plusieurs Blancs demeurés dans le pays ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 599 ).
(5) Texte de la proclamation d'indépendance
(6) Texte de la Constitution de 1805
(7) D'après les descriptions faites par Thomas Madiou et Alexis Beaubrun Ardouin.
( Notice biographique de Henry Christophe
(9) Notice biographique d'Alexandre Pétion
(10) Le Pont Rouge au XIXe siècle
Leclerc
Les hommes d'autrefois
Jean-Jacques Dessalines naquit semble-t-il à Cormiers (1), petite localité près de la Grande-Rivière-du-Nord, non loin du Cap, sur la plantation « Vye Kay ». Mais un doute subsiste pourtant : d'aucuns prétendent en effet qu'il aurait vu le jour en Afrique, à la Côte-de-l'Or (2) ou peut-être dans l'Artibonite, dans la paroisse de Verrettes, sur la plantation Marchand. Il vécut ensuite chez un colon blanc, Henri Duclos, propriétaire d'une caféière, jusqu'au moment où il fut acheté, tout jeune encore, par Dessalines, un noir libre, qui lui donnera son nom et lui apprit le métier de charpentier. On prétend que devenu empereur il en fera son maître d'hôtel.
Dessalines vécut une jeunesse particulièrement difficile. Ce fut un esclave rebelle, souvent marron ; son corps, dit-on, était couvert des cicatrices laissées par les verges de fer. Il se révolta constamment contre l'inégalité qui régnait à Saint-Domingue et se révéla un véritable génie militaire. Bien que dépourvu de formation intellectuelle, c'était un homme de bon sens, à l'esprit cartésien.
Après s'être joint aux esclaves insurgés contre l'autorité française de Saint-Domingue (1791), aux côtés de Boukman et de Biassou, il parvint au grade d'officier supérieur dans les bandes soudoyées par l'Espagne. Mais en 1794, après l'abolition de l'esclavage, il passa au service de la France et se signala dans la guerre contre les Anglais. Général sous les ordres de Toussaint Louverture (3), il se fit remarquer par son énergie et sa bravoure, mais aussi par une cruauté implacable. Au cours de la campagne contre le général André Rigaud (1799-1800), qui dirigeait une insurrection d'hommes de couleur, il se livra à de tels excès (exécutions massives d'officiers et de cadres métis) qu'aussitôt il s'attira les foudres de Toussaint Louverture : « J'ai dit d'émonder l'arbre, lui aurait lancé Toussaint, non de le déraciner. » En 1801, il écrasa la tentative d'insurrection du général noir Moïse, dans la région du Cap.
En 1802, à l'arrivée des Français commandés par le général Leclerc, il occupait dans la colonie les départements du Sud et de l'Ouest. Le 26 février 1802, au moment où les Français, maîtres de Port-au-Prince, marchaient sous les ordres du général Boudet sur la ville de Saint-Marc, Dessalines, qui la commandait, ordonna de l'incendier et mit lui-même le feu à sa maison, dont l'ameublement et la construction lui avaient coûté beaucoup d'argent. Il se dirigea ensuite vers le Mirebalais, et après la défaite de la « Crête-à-Pierrot » se soumit au général Leclerc. Rallié aux Français, il conserva son grade et son commandement. Il intrigua alors auprès de Leclerc contre Toussaint Louverture et pourchassa les insurgés avec la même férocité qu'il avait montrée quelques mois auparavant envers les Blancs (il avait ordonné le massacre d'environ 1.200 colons).
En septembre 1802, il livra à Leclerc un autre général noir, Charles Belair, qui venait d'entrer en dissidence. Cette apparente volte-face s'explique, selon toute probabilité, par la certitude qu'avait Dessalines d'une reprise prochaine de la lutte contre les Français sous la forme d'une guerre totale d'indépendance, dont il entendait assurer seul la conduite ; ce qui supposait au préalable l'élimination de ses rivaux potentiels et ceux des chefs noirs qui, comme Toussaint Louverture, pourraient être favorables à un compromis avec les Blancs :
Il servait ses ennemis en attendant l'occasion de se retourner contre eux (Cf. Jean-Marc el CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1989, p. 599). Mais après l'annonce par Napoléon du rétablissement de l'esclavage, il rejoignit les révoltés (octobre 1802). Au congrès de l'Arcahaye (15-18 mai 1803), Dessalines réalisa à son profit l'unité de commandement. Le 19 novembre, à la tête de l'armée des indigènes, il imposa à Rochambeau la capitulation du Cap. Ce dernier n'eut alors d'autre choix que d'ordonner l'évacuation de l'île.
En 1803, après le départ des Français, Dessalines provoqua aussitôt le massacre de la population blanche (4) ; à l'exception des prêtres, médecins, techniciens et de quelques négrophiles. Il redonna à Saint-Domingue son nom indien d'Haïti (Ayiti) et, en 1804, avec l'appui de l'Angleterre, proclama l'indépendance de la nouvelle République (5).
Dessalines voulait, par une cérémonie solennelle, célébrer la proclamation de l'Indépendance, pour bien montrer qu'il fallait oublier la France. Le dimanche 1er janvier 1804, de grand matin, clairons et tambours résonnèrent de tous côtés aux Gonaïves. Soldats et civils, enthousiastes, bruyants, remplirent les rues en un clin d'œil. Le peuple afflua des campagnes, et une foule immense où femmes et jeunes filles richement parées coudoyaient les soldats, se pressa sur la place d'armes autour d'un autel de la patrie que dominait, seule, la fine et fière silhouette du palmiste de la Liberté. A sept heures, tandis qu'un soleil radieux illuminait la cité, Dessalines, entouré du brillant cortège des généraux, fendit la foule, gravit les marches de l'autel de la patrie et rappela, dans un véhément discours en créole, tous les tourments que les indigènes avaient endurés sous la domination française.
En terminant, il s'écria le bras tendu : « Jurons de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance de notre Pays.. ». De toutes les poitrines, jaillit, formidable, accentué par la voix sèche et rageuse des canons, le serment, mille fois répété, de vivre libre ou de mourir. Quand le tumulte fut apaisé, l'adjudant-général Boisrond-Tonnerre, debout auprès de Dessalines, donna lecture de la proclamation du général en chef, et de l'Acte de l'Indépendance signé de Dessalines et des principaux officiers de l'armée.
Ensuite, tandis que la foule s'écoulait par les rues de la ville, le cortège officiel se rendit au Palais du Gouvernement. Là, par un acte libre, les lieutenants de Dessalines le proclamèrent gouverneur général à vie de l'île d'Haïti, jurèrent d'obéir aveuglément aux lois émanés de son autorité, et lui donnèrent le droit de faire la paix et la guerre, et de nommer son successeur. Quelques jours plus tard, la publication de ses actes officiels dans toutes les villes et tous les bourgs d'Haïti provoqua de nouvelles réjouissances populaires. Un nouvel État était né.
Le jour de la proclamation de l'indépendance, les généraux nommèrent Dessalines gouverneur général à vie d'Haïti et, le 25 janvier, lui demandèrent de prendre le titre impérial. Ayant accepté (15 février), il fut couronné à Port-au-Prince le 8 octobre sous le nom de « Jacques, Empereur Ier d'Haïti. »
Le Premier Empire haïtien (1804-1806) fut une dictature personnelle fondée sur l'armée, qui était la seule force stable du nouvel État. La constitution du 20 mai 1805 (6) conférait les pleins pouvoirs à l'Empereur, qui choisissait son successeur, mais dont la couronne n'était pas héréditaire. Son autoritarisme et sa politique économique furent à l'origine directe de sa chute. Par son autoritarisme, il perdit l'appui des chefs de l'armée qu'il inquiétait ; par sa politique économique, il déçut les Noirs et mécontenta gravement les Métis. L'unique richesse d'Haïti résidait dans l'agriculture tropicale dont les produits servaient à payer les importations en provenance des États-Unis et des Antilles anglaises, en particulier le matériel de guerre.
Les cultivateurs noirs étaient soumis à une stricte discipline qui conduisit au travail salarié forcé sur les plantations. En outre, le maintien - dans un souci de rentabilité - de la grande propriété privée ou étatisée allait à l'encontre des espérances de la masse des Noirs qui, conformément aux promesses de l'Empereur, espéraient bénéficier d'une réforme agraire. Les Métis, dont la puissance foncière et les intérêts commerciaux étaient considérables, se sentirent directement menacés par une législation qui imposait la vérification des titres de propriété, la résiliation des baux passés sous l'administration coloniale et la confiscation des biens indûment occupés tandis que d'autres mesures limitaient la liberté commerciale en fixant le nombre des négociants autorisés à recevoir des cargaisons en consignation ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, op. cit., p. 599 ).
En 1805, il tenta vainement d'expulser le reste de l'armée française de l'ancienne colonie espagnole. En 1806, les Mulâtres se révoltèrent dans le Sud : ils accusaient Dessalines de vouloir entreprendre contre eux de nouvelles persécutions. Le 14 octobre, une insurrection se forma dans la plaine des Cayes. Dessalines mourra le 17 octobre, dans une embuscade que lui tendirent les insurgés, au Pont Rouge, à l'entrée de Port-au-Prince. Le récit de sa mort, particulièrement brutale, figure dans un article de Monsieur Edgar La Selve, paru dans le journal de voyages Le Tour du Monde en 1879 (7).
C'est à Marchand, le 16 octobre 1806, que Dessalines prit connaissance de la révolte. Ignorant que Christophe ( eût été proclamé chef de l'insurrection, il lui écrivit de se tenir prêt à entrer en campagne. Au général Pétion (9), qui était également dans le complot, il donna l'ordre de marcher sur les Cayes à la tête des troupes de la seconde division de l'Ouest.
En sortant de Saint-Marc, Dessalines rencontra sur la grande route un de ses aides de camp, Delpêche, qui, fuyant l'insurrection, était parti du Petit-Goâve pour venir se mettre à ses côtés, et qui conseilla à l'empereur de n'approcher de Port-au-Prince qu'avec une armée imposante. Dessalines, aussi inébranlable dans ses projets que vif dans ses actions, sans lui demander aucun éclaircissement, l'appela traître, et lui ordonna de sortir de sa présence. Delpêche, mortifié, s'achemina vers Saint-Marc, y entra, changea de cheval, et poussé par une fidélité aveugle s'élança à la suite de l'empereur. Des soldats du 3e bataillon de la 4e demi-brigade le tuèrent à Lanzac.
En entrant à l'Arcahaie, Dessalines aperçut une fumée épaisse du côté du Sud : « En ce moment, dit-il, mon compère Pétion donne du feu aux révoltés ». Il envoya en avant les six compagnies de la 3e demi-brigade qu'il trouva dans le bourg, sous la conduite du colonel Thomas et du chef de bataillon Gédéon: « Vous sentez-vous le cœur, demanda-t-il à ces deux officiers, de marcher dans le sang jusqu'aux Cayes ? » et il ajouta « Le département du Sud sera bientôt une solitude telle qu'on n'y entendra même plus le chant du coq ». Thomas et Gédéon répondirent qu’ils feraient leur devoir. Vers dix heures du soir, ils n'étaient plus qu'à trois kilomètres du Pont Rouge (10). Un voyageur, qui les précédait, annonça en ville que l'avant-garde de l'armée de l'empereur approchait.
Les généraux Guérin, Vaval et Yayou se portèrent ensemble au-devant des soldats qui marchaient en désordre et par leurs promesses les gagnèrent à la cause des insurgés. Quant au colonel Thomas et au chef de bataillon Gédéon, on s'assura de leurs personnes : « Il n'y a pas à balancer, leur dit Guérin, choisissez entre mourir ou adhérer à la révolution. » Ils déclarèrent qu'ils ne prendraient aucune résolution avant d'avoir vu Pétion. On les conduisit au bureau de la division militaire où celui-ci se trouvait.
Thomas, qui montra de l'hésitation à abandonner l'empereur, fut consigné à la place. Gédéon, qui prit franchement le parti de l'insurrection, fut placé sur-le-champ à la tête de la 3e demi-brigade rangée sur la place Vallière et à laquelle Pétion donnait un témoignage de sa confiance en ne la désarmant pas. Gédéon avertit Guérin que l'empereur lui avait recommandé de l'attendre au Pont Rouge et qu'il voulait, en arrivant, le voir de loin à ce poste. Guérin le pressa alors de se déshabiller et fit endosser son uniforme par un adjudant-major de la 21e de Léogane, qui lui ressemblait. Cet officier fut placé au Pont Rouge, afin de mieux attirer l'empereur dans le piège.
Le 17, à cinq heures du matin, sa Majesté quitta l'Arcahaie, suivie seulement de son état-major. La 4e demi-brigade, qui eût pu l'escorter, avait été renvoyée à Montrouis pour s'y faire habiller. Chemin faisant, on rencontra plusieurs habitants venant de Port-au-Prince. Questionnés sur ce qui se passait en ville, ils répondirent tous qu'il n'y avait rien d'extraordinaire. L'empereur continua à chevaucher sans soupçon.
A neuf heures, à deux cents pas du Pont Rouge, l'empereur se tourna vers Boisrond-Tonnerre, qui se trouvait près de lui : « Vois-tu Gédéon au milieu du pont ? lui dit-il. Il est l'esclave de la discipline. Je le récompenserai.» Celui qu'il prenait pour Gédéon était l'adjudant qui en avait revêtu l'uniforme. « Mais, sire, observa le colonel Léger, officier du Sud faisant partie de son état-major, je me trompe singulièrement, ou ce sont des soldats du Sud.. ». « Vous voyez mal, répondit Dessalines, que seraient-ils venus chercher ici ? » Au même instant il entend le commandement d'apprêter les armes et les cris: « Halte, empereur ! Halte, empereur ! »
Avec cette impétuosité qui n'appartenait qu'à lui, Dessalines s'élance au milieu des baïonnettes. « Soldats, crie-t-il, ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis votre empereur ! » Il saisit un coco-macaque (un bâton), suspendu à l'arçon de sa selle, fait le moulinet, écarte les baïonnettes qu'on lui dardait. Le sergent Duverger, de la 15e, ordonne au fusilier Garat de tirer. Celui-ci lâche son coup. L'empereur, qui n'est pas atteint, lance son cheval à toute bride. Un second coup de feu part des rangs de la 16e, et Dessalines, frappé cette fois, s'écrie: « A mon secours, Charlotin ! » ( il s'agit du colonel Charlotin Marcadieu, qui l'accompagnait dans cette tragique expédition ).
Marcadieu se précipite vers son ami, veut le couvrir de son corps. Le chef d'escadron Delaunay, du Sud, lui fend la tête d'un coup de sabre. Yayou lui plongea trois fois son poignard dans la poitrine et l'acheva. Il tomba, comme une masse inerte, aux pieds de son assassin, tout ruisselant de son sang, qui avait rejailli sur ses vêtements. Les officiers qui étaient avec lui, le voyant mort, s'enfuirent, excepté Mentor, son conseiller, qui s'écria : « Le tyran est abattu ! Vive la Liberté ! Vive l'Égalité ! »
Il y eut alors une scène affreuse. On dépouilla l'empereur ; on ne lui laissa que son caleçon ; on lui coupa les doigts pour arracher plus facilement les bagues dont ses mains étaient couvertes. Yayou ordonna ensuite à quelques grenadiers d'enlever son cadavre mutilé. Les soldats obéirent avec effroi : ils disaient que Dessalines était un papa-loi. « Qui dirait, exclama Yayou, que ce petit misérable faisait trembler Haïti, il n'y a qu'un quart d'heures ! » Cette masse informe et hideuse de chair et d'os, à laquelle il ne restait aucune apparence humaine, transportée en ville, fut jetée sur la place du Gouvernement.
Tandis que la populace profanait les restes défigurés du chef suprême, naguère son idole, une pauvre folle, la Défilée, vint à passer. Elle demanda quel était ce supplicié. « Dessalines.... » lui répondit-on. A ce nom, ses yeux égarés devinrent calmes ; une lueur de raison brilla dans son cerveau troublé. Elle courut chercher un sac à café, y jeta ces lambeaux pleins de sang et souillés de boue que les pourceaux errants se disputaient déjà, les porta au cimetière intérieur, et les ayant déposés sur une tombe, s'agenouilla. Pétion envoya deux soldats qui les mirent en terre sans qu'aucune cérémonie religieuse n’accompagnât cet enfouissement clandestin.
Ainsi périt le cruel Jean-Jacques Dessalines, dit Jacques Ier, dont la fortune fut pour le moins aussi singulière que celle de son prédécesseur, Toussaint-Louverture, et de son successeur, Henry Christophe.
Une tombe sera élevée sur la fosse de Dessalines par les soins de Madame Inginac. Elle portera cette laconique inscription : ci-gît Dessalines, mort à 48 ans. Pendant plusieurs années, à la Toussaint, une main inconnue y placera un cierge allumé.
La tombe de Jean-Jacques Dessalines se trouve aujourd'hui à l'abandon, à moitié envahie de détritus et d'herbes folles. En cela, le sort du premier empereur d'Haïti rejoint celui de l'un de ses plus fidèles soldats, le colonel Charlotin Marcadieu, qui mourut au Pont Rouge pour le protéger. « A l'angle de deux murs, explique l'historien Jean Ledan, dans une petite cour subalterne appartenant peut-être au gardien de l'église, Marcadieu observe en permanence deux latrines et trois bananiers chiches et atrophiés. »
SOURCES : Thomas MADIOU, Histoire d'Haïti, rééd. Henri Deschamps, t. 3, Port-au-Prince, 1989 ; HOEFER, Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ( .. ), Paris, Firmin Didot Frères, 1855, t. XIII, pp. 909-910 ; Roger CARATINI, Dictionnaire des personnages de la Révolution, Le Pré aux Clercs, Paris 1988, pp. 229-230 ; Edgar LA SELVE, Professeur de rhétorique au Lycée National Pétion de Port-au-Prince, «La République d'Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue», in Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages publié sous la direction de M. Édouard Charton et illustré par nos plus célèbres artistes, Librairie Hachette et Cie, Paris 1879, vol. XXXVIII, 2e semestre, 975e livraison, pp. 199-201 & p. 208 ; Ch. DEZOBRY & Th. BACHELET, Dictionnaire général de biographie et d'Histoire (..), Paris, Delagrave, 9ème éd., 1883, 1ère part., p. 784 ; Les hommes d'État célèbres, t. 5, De la Révolution française à la Première guerre mondiale, ouvrage publié sous la direction de François Crouzet, éd. Mazenod, Paris, 1975, p. 651; Robert CORNEVIN, Haïti, Paris, 1982; R.-A. SAINT-LOUIS, La Présociologie haïtienne ou Haïti et sa vocation nationale, Québec, 1970 ; A. METRAUX, Le Vaudou haïtien, 1958 ; Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, publié sous la direction de Jean Tulard, Fayard, 1989, pp. 599-600 ; Alfred FIERRO, André PALLUEL-GUILLARD, Jean TULARD, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, éd. Robert Laffont, coll. bouquins, Paris, 1995, p. 720 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, éd. Semis, Montréal, 2001, t. 1, pp. 308-311.
_________________________
(1) Cf. Edgar LA SELVE, « La République d'Haïti, ancienne partie française de Saint-Domingue », loc. cit., p. 202 ; Ertha PASCAL TROUILLOT, Encyclopédie biographique d’Haïti, op. cit., t. 1, p. 308.
(2) la Côte-de-l'Or vers 1720
(3) Notice biographique de Toussaint-Louverture
(4) L'impératrice Claire-Heureuse, l'épouse de Dessalines, célèbre par sa beauté et sa bonté, sauva, dit-on, plusieurs Blancs demeurés dans le pays ( Cf. Jean-Marcel CHAMPION, notice biographique consacrée à Jean-Jacques Dessalines dans le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 599 ).
(5) Texte de la proclamation d'indépendance
(6) Texte de la Constitution de 1805
(7) D'après les descriptions faites par Thomas Madiou et Alexis Beaubrun Ardouin.
( Notice biographique de Henry Christophe
(9) Notice biographique d'Alexandre Pétion
(10) Le Pont Rouge au XIXe siècle
Leclerc
Dernière édition par deza le Sam 19 Fév 2011 - 7:31, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
La serie continue :
Les hommes d'autrefois
Alexandre Pétion
Né à Port-au-Prince le 2 avril 1770, d'un colon français (Pascal Sabès) et d'une mulâtresse (la dame Ursule), Alexandre Pétion appartenait à la catégorie des affranchis. Il adopta le pseudonyme de Pétion, en hommage à Pétion de Villeneuve, qui fut membre de la Convention et de la Société des Amis des Noirs.
Il échappa à la mort, le 3 juin 1770, lors du tremblement de terre qui dévasta Port-au-Prince. « Alexandre Pétion, rapporte Edgar La Selve (pp. 194-195), était alors à la mamelle. Sa mère, troublée par la frayeur, par le tumulte, par les cris, l'avait abandonné dans sa chambre, endormi dans son berceau. La malheureuse ne peut que balbutier le nom de cet enfant, elle invoque du secours ; mais la terreur et le danger glacent tous les courages ; personne ne bouge. Enfin la nourrice se précipite, au risque de sa vie, dans la maison chancelante et rapporte le petit " Sansandre " sain et sauf ». Le séisme, qui ne laissa qu'un amas de décombres, fit une centaine de victimes.
Pétion fut orfèvre dans sa jeunesse. A dix-huit ans, il était soldat dans les chasseurs de la milice, et fit en 1790 de vains efforts pour sauver le colonel Mauduit-Duplessis des mains des pompons rouges ou indépendants, qui l'assassinèrent lâchement. Au mois d'août 1791, les hommes de couleur s'étant soulevés pour l'obtention de leurs droits politiques, Pétion fut au nombre des confédérés (appellation qu'avaient prise les révoltés commandés par le mulâtre Beauvais). A la première rencontre, Pétion se fit remarquer entre tous par son courage et sa générosité. A la suite d'un congrès, où il fut un des représentants de sa classe, un traité de paix fut signé (11 octobre 1791). Mais de nouvelles luttes armées ne tardèrent pas à éclater dans la ville de Port-au-Prince ; Pétion s'y signala comme officier d'artillerie, et à Bizoton, en décembre 1791, comme lieutenant du général André Rigaud.
Pendant toute la durée de la guerre que la France eut à soutenir contre les Anglais, Pétion, alors commandant d'artillerie, se distingua en maintes occasions par des actes de courage : sa prise du camp « La Coupe », le 15 février 1798, entraîna l'évacuation de Port-au-Prince par les forces ennemies. Mais une rivalité apparut entre les deux principaux chefs indigènes : le mulâtre André Rigaud et le noir Toussaint Louverture (1) ; le premier représentant la France, le second les Anglais et leurs auxiliaires, les émigrés. Entre ces deux hommes le choix de Pétion ne fut pas douteux :
il abandonna Toussaint Louverture, sous lequel il servait, et alla offrir spontanément son épée au général Rigaud ( 1799 ). Il participa au principaux succès de son nouveau chef, battit Dessalines (2) au Grand-Goâve, prit la ville de Jacmel, y soutint un siège mémorable, et combattit jusqu'à la défaite complète du parti de Rigaud. Il s'embarqua alors pour la France (août 1800) et arriva à Paris le 20 janvier de l'année suivante, après avoir passé par Curaçao et la Guadeloupe, et avoir subi une captivité de deux mois sur les pontons de Portsmouth, où le jetèrent les Anglais, qui l'avaient fait prisonnier à l'entrée de la Manche.
La guerre contre Saint-Domingue ayant été décidée, le gouvernement consulaire, qui comptait beaucoup sur l'appui des officiers mulâtres et noirs, appela ceux qui se trouvaient en France sous les drapeaux de l'armée expéditionnaire. Pétion y entra comme adjudant commandant. Après la soumission de Toussaint Louverture, en mai 1802, il fut chargé de pacifier les hauteurs des Verrettes et de l'Archaïe ( septembre 1802 ), et de soumettre Jasmin, Sansouci, Petit-Noël et Macaya, indomptables Africains qui, dans les mornes du Nord, luttaient encore et persistaient à ne point vouloir déposer les armes. Mais la population indigène de Saint-Domingue s'aperçu vite que, sous des semblants de pacification, l'expédition française n'avait en réalité d'autre but que de rééditer l'Ancien Régime: on apprit, par des fugitifs échappés des frégates transformées en prisons, que l'esclavage avait été rétabli à la Guadeloupe sur des monceaux de cadavres.
A cette terrible nouvelle, Pétion donna le signal de la révolte, le 13 octobre 1802. A la tête de cinq cent cinquante hommes il marcha contre le principal poste français du Haut-du-Cap, le cerna, le fit désarmer et sauva quatorze canonniers que les siens voulaient égorger : l'armée des « indépendants » était formée. Les généraux Geffrard, Clervaux et Christophe (3), vinrent se joindre à Pétion qui, toujours plein d'abnégation, céda au dernier le commandement de l'insurrection. Dégoûté pourtant de servir sous ce chef hypocrite et féroce, il ne tarda pas à aller se placer sous les ordres de Dessalines qui, après lui avoir vainement offert le commandement suprême de l'armée, le nomma général et lui confia l'Ouest de l'île.
C'est pendant qu'il occupait ce poste qu'il répondit au général Lavalette, qui lui proposait une amnistie générale et la promesse du non-rétablissement de l'esclavage : « Il est trop tard, nous avons résolu de vivre libres et indépendants ou de mourir. » Sa tête fut mise à prix par Rochambeau pour cinq cents portugaises ; ce qui ne l'empêcha pas de continuer son œuvre de délivrance : il battit le général Kerverseau dans la plaine de Mirebalais (mai 1803), rallia les débris des corps des généraux Gabart et Cangé, mis en déroute par Lavalette, et entra le 16 octobre 1803 à Port-au-Prince après un siège au succès duquel il avait largement contribué. Le 4 décembre 1803, les débris de l'armée de Saint-Domingue évacuaient l'île, et le même jour le drapeau de l'indépendance flottait sur le Môle Saint-Nicolas.
Averti par Christophe des préventions de Dessalines contre lui, il participera au complot qui aboutira a son assasination le 17 octobre 1806. C'est aussitôt après que commence la guerre entre Christophe et Pétion : Christophe, qui avait été nommé chef provisoire du gouvernement, arbora dans le Nord le drapeau de la guerre civile, pendant que dans l'Ouest, à Port-au-Prince, on proclamait la république (27 décembre 1806). Pétion, que l'assemblée chargea d'aller combattre Christophe, perdra contre lui la bataille de Sibert, le 1er janvier 1807. Deux mois après, le Sénat nommait Pétion président de la République d'Haïti (10 mars). Mais des conspirations nombreuses contre sa personne et contre son gouvernement l'obligeront à dissoudre le Sénat et à régner en dictateur.
La guerre fratricide de Christophe, marquée par des alternatives de succès et de revers pour Pétion, continuait encore quand arriva de France en Haïti (avril 1810) l'ancien rival de Toussaint Louverture, le général André Rigaud. Pétion accueillit son compagnon d'armes comme un frère, mais celui-ci ne voulut pas rester au second plan : profitant de l'influence qu'il exerçait sur les populations du département du Sud, dont le commandement lui avait été confié, il se déclara indépendant et opéra une scission qui eût pu tuer la jeune république, sans la sage prudence de Pétion, qui évita toujours de commencer une autre guerre civile. Il fut l'année suivante réélu président par un sénat composé de cinq membres tout à sa dévotion.
Bolivar trouva en Pétion un puissant appui, lors de l'affranchissement des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud. Par son équité, il posa les bases des arrangements pris avec la France, pour la reconnaissance de l'indépendance et de la souveraineté d'Haïti. En 1816, il élabora pour la République haïtienne une constitution modèle, qui instituait l'abolition de l'esclavage, la liberté de la presse, le bicamérisme, la responsabilité des fonctionnaires et la présidence à vie : toutes réformes d'origine européenne, très avancées pour l'époque. C'est également lui qui partagea les terres des plantations confisquées aux Français entre les paysans haïtiens (4). Mais après la réunion du Sud à la République, à la mort de Rigaud, rien de saillant n'apparaîtra plus dans la vie politique de Pétion. Il mourra à Port-au-Prince, le 29 mars 1818, d'une fièvre putride et maligne.
Ses restes seront inhumés aux environs de Port-au-Prince, sous le fort Alexandre, dont il avait ordonné la construction en 1804. De son tombeau, écrit Edgar La Selve (p. 196), semblait sortir une voix qui disait : « En politique, il faut compter sur les institutions et jamais sur les hommes ».
Source de cet article :
Université Pierre Mendès France
Les hommes d'autrefois
Alexandre Pétion
Né à Port-au-Prince le 2 avril 1770, d'un colon français (Pascal Sabès) et d'une mulâtresse (la dame Ursule), Alexandre Pétion appartenait à la catégorie des affranchis. Il adopta le pseudonyme de Pétion, en hommage à Pétion de Villeneuve, qui fut membre de la Convention et de la Société des Amis des Noirs.
Il échappa à la mort, le 3 juin 1770, lors du tremblement de terre qui dévasta Port-au-Prince. « Alexandre Pétion, rapporte Edgar La Selve (pp. 194-195), était alors à la mamelle. Sa mère, troublée par la frayeur, par le tumulte, par les cris, l'avait abandonné dans sa chambre, endormi dans son berceau. La malheureuse ne peut que balbutier le nom de cet enfant, elle invoque du secours ; mais la terreur et le danger glacent tous les courages ; personne ne bouge. Enfin la nourrice se précipite, au risque de sa vie, dans la maison chancelante et rapporte le petit " Sansandre " sain et sauf ». Le séisme, qui ne laissa qu'un amas de décombres, fit une centaine de victimes.
Pétion fut orfèvre dans sa jeunesse. A dix-huit ans, il était soldat dans les chasseurs de la milice, et fit en 1790 de vains efforts pour sauver le colonel Mauduit-Duplessis des mains des pompons rouges ou indépendants, qui l'assassinèrent lâchement. Au mois d'août 1791, les hommes de couleur s'étant soulevés pour l'obtention de leurs droits politiques, Pétion fut au nombre des confédérés (appellation qu'avaient prise les révoltés commandés par le mulâtre Beauvais). A la première rencontre, Pétion se fit remarquer entre tous par son courage et sa générosité. A la suite d'un congrès, où il fut un des représentants de sa classe, un traité de paix fut signé (11 octobre 1791). Mais de nouvelles luttes armées ne tardèrent pas à éclater dans la ville de Port-au-Prince ; Pétion s'y signala comme officier d'artillerie, et à Bizoton, en décembre 1791, comme lieutenant du général André Rigaud.
Pendant toute la durée de la guerre que la France eut à soutenir contre les Anglais, Pétion, alors commandant d'artillerie, se distingua en maintes occasions par des actes de courage : sa prise du camp « La Coupe », le 15 février 1798, entraîna l'évacuation de Port-au-Prince par les forces ennemies. Mais une rivalité apparut entre les deux principaux chefs indigènes : le mulâtre André Rigaud et le noir Toussaint Louverture (1) ; le premier représentant la France, le second les Anglais et leurs auxiliaires, les émigrés. Entre ces deux hommes le choix de Pétion ne fut pas douteux :
il abandonna Toussaint Louverture, sous lequel il servait, et alla offrir spontanément son épée au général Rigaud ( 1799 ). Il participa au principaux succès de son nouveau chef, battit Dessalines (2) au Grand-Goâve, prit la ville de Jacmel, y soutint un siège mémorable, et combattit jusqu'à la défaite complète du parti de Rigaud. Il s'embarqua alors pour la France (août 1800) et arriva à Paris le 20 janvier de l'année suivante, après avoir passé par Curaçao et la Guadeloupe, et avoir subi une captivité de deux mois sur les pontons de Portsmouth, où le jetèrent les Anglais, qui l'avaient fait prisonnier à l'entrée de la Manche.
La guerre contre Saint-Domingue ayant été décidée, le gouvernement consulaire, qui comptait beaucoup sur l'appui des officiers mulâtres et noirs, appela ceux qui se trouvaient en France sous les drapeaux de l'armée expéditionnaire. Pétion y entra comme adjudant commandant. Après la soumission de Toussaint Louverture, en mai 1802, il fut chargé de pacifier les hauteurs des Verrettes et de l'Archaïe ( septembre 1802 ), et de soumettre Jasmin, Sansouci, Petit-Noël et Macaya, indomptables Africains qui, dans les mornes du Nord, luttaient encore et persistaient à ne point vouloir déposer les armes. Mais la population indigène de Saint-Domingue s'aperçu vite que, sous des semblants de pacification, l'expédition française n'avait en réalité d'autre but que de rééditer l'Ancien Régime: on apprit, par des fugitifs échappés des frégates transformées en prisons, que l'esclavage avait été rétabli à la Guadeloupe sur des monceaux de cadavres.
A cette terrible nouvelle, Pétion donna le signal de la révolte, le 13 octobre 1802. A la tête de cinq cent cinquante hommes il marcha contre le principal poste français du Haut-du-Cap, le cerna, le fit désarmer et sauva quatorze canonniers que les siens voulaient égorger : l'armée des « indépendants » était formée. Les généraux Geffrard, Clervaux et Christophe (3), vinrent se joindre à Pétion qui, toujours plein d'abnégation, céda au dernier le commandement de l'insurrection. Dégoûté pourtant de servir sous ce chef hypocrite et féroce, il ne tarda pas à aller se placer sous les ordres de Dessalines qui, après lui avoir vainement offert le commandement suprême de l'armée, le nomma général et lui confia l'Ouest de l'île.
C'est pendant qu'il occupait ce poste qu'il répondit au général Lavalette, qui lui proposait une amnistie générale et la promesse du non-rétablissement de l'esclavage : « Il est trop tard, nous avons résolu de vivre libres et indépendants ou de mourir. » Sa tête fut mise à prix par Rochambeau pour cinq cents portugaises ; ce qui ne l'empêcha pas de continuer son œuvre de délivrance : il battit le général Kerverseau dans la plaine de Mirebalais (mai 1803), rallia les débris des corps des généraux Gabart et Cangé, mis en déroute par Lavalette, et entra le 16 octobre 1803 à Port-au-Prince après un siège au succès duquel il avait largement contribué. Le 4 décembre 1803, les débris de l'armée de Saint-Domingue évacuaient l'île, et le même jour le drapeau de l'indépendance flottait sur le Môle Saint-Nicolas.
Averti par Christophe des préventions de Dessalines contre lui, il participera au complot qui aboutira a son assasination le 17 octobre 1806. C'est aussitôt après que commence la guerre entre Christophe et Pétion : Christophe, qui avait été nommé chef provisoire du gouvernement, arbora dans le Nord le drapeau de la guerre civile, pendant que dans l'Ouest, à Port-au-Prince, on proclamait la république (27 décembre 1806). Pétion, que l'assemblée chargea d'aller combattre Christophe, perdra contre lui la bataille de Sibert, le 1er janvier 1807. Deux mois après, le Sénat nommait Pétion président de la République d'Haïti (10 mars). Mais des conspirations nombreuses contre sa personne et contre son gouvernement l'obligeront à dissoudre le Sénat et à régner en dictateur.
La guerre fratricide de Christophe, marquée par des alternatives de succès et de revers pour Pétion, continuait encore quand arriva de France en Haïti (avril 1810) l'ancien rival de Toussaint Louverture, le général André Rigaud. Pétion accueillit son compagnon d'armes comme un frère, mais celui-ci ne voulut pas rester au second plan : profitant de l'influence qu'il exerçait sur les populations du département du Sud, dont le commandement lui avait été confié, il se déclara indépendant et opéra une scission qui eût pu tuer la jeune république, sans la sage prudence de Pétion, qui évita toujours de commencer une autre guerre civile. Il fut l'année suivante réélu président par un sénat composé de cinq membres tout à sa dévotion.
Bolivar trouva en Pétion un puissant appui, lors de l'affranchissement des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud. Par son équité, il posa les bases des arrangements pris avec la France, pour la reconnaissance de l'indépendance et de la souveraineté d'Haïti. En 1816, il élabora pour la République haïtienne une constitution modèle, qui instituait l'abolition de l'esclavage, la liberté de la presse, le bicamérisme, la responsabilité des fonctionnaires et la présidence à vie : toutes réformes d'origine européenne, très avancées pour l'époque. C'est également lui qui partagea les terres des plantations confisquées aux Français entre les paysans haïtiens (4). Mais après la réunion du Sud à la République, à la mort de Rigaud, rien de saillant n'apparaîtra plus dans la vie politique de Pétion. Il mourra à Port-au-Prince, le 29 mars 1818, d'une fièvre putride et maligne.
Ses restes seront inhumés aux environs de Port-au-Prince, sous le fort Alexandre, dont il avait ordonné la construction en 1804. De son tombeau, écrit Edgar La Selve (p. 196), semblait sortir une voix qui disait : « En politique, il faut compter sur les institutions et jamais sur les hommes ».
Source de cet article :
Université Pierre Mendès France
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
deza a écrit:La serie Les hommes d'autrefois continuel
A PROPOS DE LA FÊTE DU CENTENAIRE
par le Dr. Rosalvo Bobo
(fin 1903)
Le docteur Rosalvo Bobo (1873-1929) fut un politicien et Seigneur de guerre qui a joué un rôle de premier plan dans les affaires haïtiennes, jusqu'à l'occupation américaine de 1915. Au moment du débarquement des marines, il était "le chef reconnu de la révolution" qui venait de renverser le gouvernement du président Sam, et, suivant la tradition, le favori dans la course à la présidence. Mais l'amiral William Caperton, chef des troupes d'occupation, l'écarta comme ennemi des Etats-Unis, au profit du sénateur Sudre Dartiguenave.
Voici un texte publié par le Dr Rosalvo Bobo, en 1903, à propos de la fête du Centenaire
Haïtiens, vous parlez de fêter le centenaire de votre Liberté. Ce n'est vraiment pas ingénieux comme trouvaille d'occasion de nouvelles fantasmagories.
Je suis fatigué, ô mes compatriotes, de nos stupidités.
Faisons grâce au monde, qui nous sait exister, de caricatures révoltantes.
Un peu de vergogne, voyons, à défaut de grandeur morale.
Centenaire de notre liberté ? Non.
Centenaire de l'esclavage du nègre par le nègre.
Centenaire de nos égarements, de nos bassesses et, au milieu de vanités incessantes, de notre rétrocession systématique. Centenaire de nos haines fraternelles, de notre triple impuissance morale, sociale et politique.
Centenaire de nos entr'assassinats dans nos villes et savanes.
Centenaire de nos vices, de nos crimes politiques.
Centenaire de tout ce qu'il peut y avoir de plus odieux au sein d'un groupement d'hommes.
Centenaire de la ruine d'un pays par la misère et la saleté.
Centenaire de l'humiliation et de la déchéance peut-être définitive de la race noire, par la fraction haïtienne, cela s'entend.
Je vous en prie, n'allons pas profaner les noms de ceux-là que nous appelons aussi pompeusement que bêtement NOS AÏEUX. C'est assez d'être traîtres, n'allons pas à l'imposture.
Voyons, mes amis, un peu de calme et de conscience.
Puisque nous avons cent ans, que sommes-nous ?
C'est une vieille prétention de croire que nous sommes quelque chose aux yeux du monde civilisé
Eh bien, NON !
Il faut se placer en pleine Europe pour se faire une idée de notre petitesse.
Petit lieu lointain habité par des nègres.
Les plus curieux savent que nous avons une légère teinte de civilisation française.
Quelle faveur!
L'immense reste se contente de nous savoir sauvages.
Entre nous, quand j'entends ces mots "Peuple haïtien", "Nation haïtienne", il se produit en moi un débordement d'ironie.
Non, mes amis, "des groupes, des individus isolés régis par un groupe stigmatisé, du nom de GOUVERNEMENT".
Et comme, au point de vue de la chose commune, nous avons, par suite de graves dislocations dans le groupement primitif, des intérêts, des goûts, des idées, des idéals différents, nous en sommes à vivre chacun comme dans un désert, ne pouvant pas compter sur les forces sociales et politiques, puisque la société et la politique n'existent plus.
La masse peut passer d'un moment à l'autre. Que lui importe d'être fauve, elle ne tient pas à elle-même. L'individu a à se défendre contre la masse. Vive et soit bien qui peut.Mais, attention !
Affiches autour de cette monstrueuse et fatale caricature, guipures du pagne : RÉPUBLIQUE, CHAMBRES, CONSTITUTIONS, LOIS .
Ah! Le mal de la France! Ce doit être un plaisir pour l'orang-outang de rappeler la bête humaine !
Allons ! Rapprochons-nous davantage et causons. Comme on doit le faire en famille, sans scrupule, sans forfanterie. Ceux d'entre nous qui ont appris à lire un peu dans les grands livres se croient du coup grands. Les belles choses les émerveillent. Et avec un enthousiasme le plus souvent mercantile, ils se mettent, au fur et à mesure qu'ils tournent les pages, à plaquer des grandeurs artificielles sur notre petitesse immuable. Hélas! Petitesse de nos misérables cerveaux !
Venons-en donc décidément à nous persuader que nous sommes des gens d'en bas, des apprentis capables de besognes déterminées. Nos petitesses uniformes seraient si admirables ! Le génie chez le grand est remplacé par la vanité chez le petit. Avouons que nous avons besoin tout au moins d'un peu d'intelligence à défaut de génie.
Et résignons-nous à l'humiliation d'en demander l'aumône aux riches cerveaux de l'humanité d'en haut. Et que mesurons-nous à l'étalon de la moralité ? Maisons publiques, maisons officielles? Bourbiers ! Les plus malins, verrats embusqués dans des formes humaines, en émergent avec quelques paillettes d'or. Mais le sentiment du beau nous faisant défaut, nous n'en savons pas user. Et nous sommes depuis cent ans des jouisseurs avides. Des immoraux, des pédants, des orgueilleux !
Par conséquent, des niais et des réfractaires, voilà ce que nous sommes ! Ayons le courage, l'heure est venue, de nous dénoncer tels à nous- mêmes. Et le 1er janvier 1904, s'il faut quand même faire quelque chose, au lieu de semer les lauriers sur les mânes introuvés de nos aïeux, après avoir passé un siècle à les oublier, à les souiller, à nous moquer outrageusement de leur héroïsme ; au lieu du pourpre et des flammes, nous tendrons un deuil d'un bout à l'autre du pays, en témoignage de notre remords et, la bouche contre terre, tenant chacun un bout de crêpe pendant au drapeau bicolore, nous demanderons pardon à Dessalines, à Toussaint, à Capois, à toute la phalange immortelle de notre histoire.
Pardon de notre ingratitude, de notre esclavage, malgré eux. Pardon de nos folies. Pardon de nos parjures et de notre croupissement. Et nos pleurs plairont mieux à ces dieux que les fêtes bêtes, déloyales et scandaleuses, qu'à contrecoeur, par fausse pudeur, nous nous évertuons à leur préparer. Non. Je proteste de toute la force de mon âme. Nous ne fêterons pas, parce que, pour bâcler ces fêtes, étant misérables, chétifs, sans le sou, il nous faudra encore fouiller dans la bourse du paysan et faire manger au peuple la dernière vache maigre.
Nous ne fêterons pas, parce que, tandis qu'au palais, dans nos salons somptueux, nous viderions la coupe au vin d'or et chanterions ivrogneusement l'an sacré 1804, ce paysan dépouillé, ce peuple miséreux pourrait le maudire. Et leurs malédictions en feraient sortir d'autres du sein de la terre. Eh bien donc, un peu de vergogne et travaillons à sortir du stupre de tout un siècle.
Et s'il nous plaît de commencer bientôt, 1904 ne sera la fête de rien du tout, mais la première année d'existence d'une collectivité de braves gens nègres travaillant modestement et moralement à être un peuple. Et la petite république d'Haïti pourra être une immensité en pleine Europe !
Et le vieux continent pourra se préoccuper, en l'an 2004, du premier centenaire de la GRANDE LIBERTÉ du PEUPLE HAÏTIEN ! _______________
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
En créole, Proclamation de l'abolition de l'esclavage
Emmanuel Vedrine
Sonthonax Leger-Félicité 29 aout 1793
EN CREOLE
Leger-Félicité Sonthonax
Commissaire Civil
(1763-1813)
Nous, LEGER FELICITE SONTHONAX. Commissaire Civil que Nation Française voyé dans pays-ci, pour metté l’ordre & la tranquilité tout-par-tout.
Toute moun vini dans monde pour io rété libes & égal entre io: à vlé, choyens, vérité qui forti en France. Li temps pour que io piblié li dans toute pays la République Français, pour toute monde conné.
Jordi, citoyens, que zates gagné la témandé, gny a point raison encore pour nègres fait la guerre contre blancs & contre milates; io doit donc rentrer chacun la case io pour fait travail io, parce que gny a point liberté sans travail; & qu’en France, outi toute monde libe, toute monde travail en payant comme ça va y est dans pays-ci. Io doit songer, sur tout, que toute blanc qui encore dans pays ci, c’est ris io, c’est frères io, parce que toutes mauvais blancs parti avec Galbaud; io doit songer aussi que c’est Milates ave Nègres libes, qui metté zarmes dans main io, pour défendre à io hélé droit de l’homme, que Galbaud qui té vini pour roi, té vlé empéché io gagné; io doit songer encore que Pagnole, qui zamis roi avec toute blanc qui dans pagnole, après trompé Jean-François & Biassou avec toute nègues qui avec io, parce que si Pagnole té vlé nègues libes, io té doit commencer par quin a io, & io pas ta fere achté nègues dans main à Jean-François & Biassou comme à io aprés fait tous les jours.
Rouvri donc zieux a zauttes, Citoyens, & guaté comme Pagnoles aprés trompé zautes. Na pas io qui té livré Ogé pour fait li mourrir, parce que li té mandé trois jours par semaine pour nègres Jordi-la, zautes blié tout ça Ogé té fait pour bonheur a zautes;& au lieu zautes songé pour venger la mort li, zautes aprés couté toute mauvais conseils Pagnols aprés ba zauttes.
Li donc temps, citoyens, pour moi parlé la vérité; gnia point roi encore; qui la peine donc zautes aprés fait nous la guerre. C’est roi qui fait zesclaves, c’est République Français qui ba zautes libes. Malheureux que zautes yest; zautes pas songé que si la France té prend ion roi, zautes ta rété dans l’esclavage toute la vie, & que mauvais blancs la io qui dans Pagnole, & qui fait bon valete cété zautes, fere premier qui ta tourné meuté fouette dans corps a zautes encore.
Aprés toute monde conné que io libe & égal en droits douvan bon dié tant comme douvan monde, io fait ion l’assemblée, propre iour la Saint-Louis, outi toute monde té allé, Blancs, Milates & Nègres, pour io té conné façon pensé a io, lè fus liberté générale. Quand io té fini parlé, & que io toute té d’accord pour dire OUI, alors ion papier, que io hélé, outi toute monde signé, pour mandé Commissaire Civil générale pour toute zesclaves, & io nommé député pour porté li baille Commissaire Civil, qui apprové papier le, 7 qui prononcé, par proclamation cila-la, qui gnia point zesclaves encore.
Ainsi, d’après pouvoir que République Français baille à Commissaire civil, par décret l que Convention Nationale té fait dans mois mars de l’année cila-la, li ordonné ça qui va suivre pour la province du Nord.
ARTICLE PREMIER
I. Déclaration droit de l’homme & du citoyen va imprimé. La minicipalité va piblié li & affiché li dans toute ville & dans toute bourg; & Commandant militaire va fait la même chose dans toute camp & poste à io.
II. Toute nègues & milates, qui zesclaves encore, nou déclaré io toute libe. Io gagné même droit que toute les autres citoyens Français; mais, io va suivre zordonnance que nous va fait.
III. Toute cila io qui té zesclaves & que libes jordi, io va allé à io & pitite outi la minicipalité qui dans paroisse ? io. Minicipalité la va ba io ion billette citoyen Français, que Commissaire Civil déjà signé.
IV. C’est nou qui va dire tout ça billette la io doit parlé, & l’Ordonnateur Civil va voyé io baille à toute minicipalité.
V. Toute cila qui servi valete ou bin servante, io va payé io suivan marché io va fait avec monde io doit servir. Marché la, li pour trois mois; après io va fait l’autre pour trois mois encore, si io vlé.
VI. Toute nourrice ou bin valete aque servante qui servi vieu monde malade quicapable marché, Commissaire Civil défendre que io quitté io; mais io va payé io ion portiguaise par mois pour nourrice, & quatre gourdes par mois pour valette aque servante.
VII. Monde qui gagné domestique, va payé io tous les trois mois.
VIII. Toute cila qui va besoin zouvriers, va rangé aqué yo pour zouvrages io gagné pour fait, & pour paiement à io.
IX. Toute nègues qui rété dans bitasyon, io va continué rété la, & io va travail dans place.
X. Toute guerrier qui enrolé dans cas camp ou bin dans la ville, io capable allé travail sus bitasyon, mais pour ça io va bligé mandé ion congé à capitaine à io, ou bin à Commissaire civil & io metté ion monde bonne volonté pour remplacer io.
XI. Toute nègres qui zesclaves & qui travaille sus bitasyon, io va engagé pour ion an; pendant toute l’année la io va pas la capable changé bitation sans io prend permission dans main à juge de paix, comme li va parlé titalor.
XII. Revenue ? chaque bitation va partagé en trois parts, quand toute droit va payé à la République.
Premier part li va pour maite bitation. La dexième part pour acheté bèfe, milète, cabrouete, & tout ça qui faut pour travail. Troisième part, c’est pour séparer entre toute monde qui travaille dans bitation la.
XIII. Part la que maite la terre va prend pour acheté zoutis & zanimaux, va servi pour payé zouvriers, pour commandé cazes, payé chirurgien, colome, & tout ça qui faut pour l’hopital.
XIV. Dans part revenu qui rété pour nègres qui travail terre, Commandor, que io va hélé astor conducteur, va gagné trois parts; ou bin quand les autres nègres yon gourde, conducteur la va gagner trois gourdes.
XV. Deuxième conducteur, avec sucrier digotier io va gagné deux parts, ou bin quand les autes nègues gagné yon gourde, yo va gagné deux.
XVI. Toutes les autes nègues qui travail la terre, & que yo va hélé astor cultivateur; tout cila yo gagné déjà quinze ans ou qui passé quinze ans, yo va gagné yon part dans revenu.
XVII. Toute néguesse qui gagné quinze ans ou qui passé quinze ans, yo va gagné deux tiers de part, ou bin quand les autes nègues gagné trois gourdes, femme la yo va gagné deux.
XVIII. Jeune monde depuis dix ans jouque quinze ans, va gagné demi part, ou binquand les autes nègues va gagné ion gourde, jeune monde la io va gagné deux gourdins,
XIX. Toute monde va gagné place à io pour planter vives pour io; io va séparé places la io par famille, suivant que gni en a monde dans chaque famille.
XX. Toute femme qui gagné petite qui pas encore gagné dix ans, io va gagné ion par entier dans revenu, mais io même va nourrir & billé petit à io.
XXI. Pitit monde, depuis dix ans jouque quinze ans, io va gardé zanimaux assez, ou bin io va ramassé café ou coton, ou bin io va faire travail qui pas fort.
XXII. Vieux monde aqué malades qui pas capables travail encore, parens à io même va nourrir io, & maite bitation la va billé io & ba io remede si io bezoin.
XXIII. Quand io va séparé revenu, maite bitation la va baye part à cultivateurs endenrées, si li vlé; ou bin en argent si li vlé en payant même prix que io vende denrées tout par tout. Si li vlé payé en denrées, li va bligé charréyé par à io toute à l’embarcadaire qui pis proche bitation la.
Courtesy of Emmanuel Vedrine, Vedrine Collection
Code M.DOHCB.P251 - Original text:
Emmanuel Vedrine
Sonthonax Leger-Félicité 29 aout 1793
EN CREOLE
Leger-Félicité Sonthonax
Commissaire Civil
(1763-1813)
Nous, LEGER FELICITE SONTHONAX. Commissaire Civil que Nation Française voyé dans pays-ci, pour metté l’ordre & la tranquilité tout-par-tout.
Toute moun vini dans monde pour io rété libes & égal entre io: à vlé, choyens, vérité qui forti en France. Li temps pour que io piblié li dans toute pays la République Français, pour toute monde conné.
Jordi, citoyens, que zates gagné la témandé, gny a point raison encore pour nègres fait la guerre contre blancs & contre milates; io doit donc rentrer chacun la case io pour fait travail io, parce que gny a point liberté sans travail; & qu’en France, outi toute monde libe, toute monde travail en payant comme ça va y est dans pays-ci. Io doit songer, sur tout, que toute blanc qui encore dans pays ci, c’est ris io, c’est frères io, parce que toutes mauvais blancs parti avec Galbaud; io doit songer aussi que c’est Milates ave Nègres libes, qui metté zarmes dans main io, pour défendre à io hélé droit de l’homme, que Galbaud qui té vini pour roi, té vlé empéché io gagné; io doit songer encore que Pagnole, qui zamis roi avec toute blanc qui dans pagnole, après trompé Jean-François & Biassou avec toute nègues qui avec io, parce que si Pagnole té vlé nègues libes, io té doit commencer par quin a io, & io pas ta fere achté nègues dans main à Jean-François & Biassou comme à io aprés fait tous les jours.
Rouvri donc zieux a zauttes, Citoyens, & guaté comme Pagnoles aprés trompé zautes. Na pas io qui té livré Ogé pour fait li mourrir, parce que li té mandé trois jours par semaine pour nègres Jordi-la, zautes blié tout ça Ogé té fait pour bonheur a zautes;& au lieu zautes songé pour venger la mort li, zautes aprés couté toute mauvais conseils Pagnols aprés ba zauttes.
Li donc temps, citoyens, pour moi parlé la vérité; gnia point roi encore; qui la peine donc zautes aprés fait nous la guerre. C’est roi qui fait zesclaves, c’est République Français qui ba zautes libes. Malheureux que zautes yest; zautes pas songé que si la France té prend ion roi, zautes ta rété dans l’esclavage toute la vie, & que mauvais blancs la io qui dans Pagnole, & qui fait bon valete cété zautes, fere premier qui ta tourné meuté fouette dans corps a zautes encore.
Aprés toute monde conné que io libe & égal en droits douvan bon dié tant comme douvan monde, io fait ion l’assemblée, propre iour la Saint-Louis, outi toute monde té allé, Blancs, Milates & Nègres, pour io té conné façon pensé a io, lè fus liberté générale. Quand io té fini parlé, & que io toute té d’accord pour dire OUI, alors ion papier, que io hélé, outi toute monde signé, pour mandé Commissaire Civil générale pour toute zesclaves, & io nommé député pour porté li baille Commissaire Civil, qui apprové papier le, 7 qui prononcé, par proclamation cila-la, qui gnia point zesclaves encore.
Ainsi, d’après pouvoir que République Français baille à Commissaire civil, par décret l que Convention Nationale té fait dans mois mars de l’année cila-la, li ordonné ça qui va suivre pour la province du Nord.
ARTICLE PREMIER
I. Déclaration droit de l’homme & du citoyen va imprimé. La minicipalité va piblié li & affiché li dans toute ville & dans toute bourg; & Commandant militaire va fait la même chose dans toute camp & poste à io.
II. Toute nègues & milates, qui zesclaves encore, nou déclaré io toute libe. Io gagné même droit que toute les autres citoyens Français; mais, io va suivre zordonnance que nous va fait.
III. Toute cila io qui té zesclaves & que libes jordi, io va allé à io & pitite outi la minicipalité qui dans paroisse ? io. Minicipalité la va ba io ion billette citoyen Français, que Commissaire Civil déjà signé.
IV. C’est nou qui va dire tout ça billette la io doit parlé, & l’Ordonnateur Civil va voyé io baille à toute minicipalité.
V. Toute cila qui servi valete ou bin servante, io va payé io suivan marché io va fait avec monde io doit servir. Marché la, li pour trois mois; après io va fait l’autre pour trois mois encore, si io vlé.
VI. Toute nourrice ou bin valete aque servante qui servi vieu monde malade quicapable marché, Commissaire Civil défendre que io quitté io; mais io va payé io ion portiguaise par mois pour nourrice, & quatre gourdes par mois pour valette aque servante.
VII. Monde qui gagné domestique, va payé io tous les trois mois.
VIII. Toute cila qui va besoin zouvriers, va rangé aqué yo pour zouvrages io gagné pour fait, & pour paiement à io.
IX. Toute nègues qui rété dans bitasyon, io va continué rété la, & io va travail dans place.
X. Toute guerrier qui enrolé dans cas camp ou bin dans la ville, io capable allé travail sus bitasyon, mais pour ça io va bligé mandé ion congé à capitaine à io, ou bin à Commissaire civil & io metté ion monde bonne volonté pour remplacer io.
XI. Toute nègres qui zesclaves & qui travaille sus bitasyon, io va engagé pour ion an; pendant toute l’année la io va pas la capable changé bitation sans io prend permission dans main à juge de paix, comme li va parlé titalor.
XII. Revenue ? chaque bitation va partagé en trois parts, quand toute droit va payé à la République.
Premier part li va pour maite bitation. La dexième part pour acheté bèfe, milète, cabrouete, & tout ça qui faut pour travail. Troisième part, c’est pour séparer entre toute monde qui travaille dans bitation la.
XIII. Part la que maite la terre va prend pour acheté zoutis & zanimaux, va servi pour payé zouvriers, pour commandé cazes, payé chirurgien, colome, & tout ça qui faut pour l’hopital.
XIV. Dans part revenu qui rété pour nègres qui travail terre, Commandor, que io va hélé astor conducteur, va gagné trois parts; ou bin quand les autres nègres yon gourde, conducteur la va gagner trois gourdes.
XV. Deuxième conducteur, avec sucrier digotier io va gagné deux parts, ou bin quand les autes nègues gagné yon gourde, yo va gagné deux.
XVI. Toutes les autes nègues qui travail la terre, & que yo va hélé astor cultivateur; tout cila yo gagné déjà quinze ans ou qui passé quinze ans, yo va gagné yon part dans revenu.
XVII. Toute néguesse qui gagné quinze ans ou qui passé quinze ans, yo va gagné deux tiers de part, ou bin quand les autes nègues gagné trois gourdes, femme la yo va gagné deux.
XVIII. Jeune monde depuis dix ans jouque quinze ans, va gagné demi part, ou binquand les autes nègues va gagné ion gourde, jeune monde la io va gagné deux gourdins,
XIX. Toute monde va gagné place à io pour planter vives pour io; io va séparé places la io par famille, suivant que gni en a monde dans chaque famille.
XX. Toute femme qui gagné petite qui pas encore gagné dix ans, io va gagné ion par entier dans revenu, mais io même va nourrir & billé petit à io.
XXI. Pitit monde, depuis dix ans jouque quinze ans, io va gardé zanimaux assez, ou bin io va ramassé café ou coton, ou bin io va faire travail qui pas fort.
XXII. Vieux monde aqué malades qui pas capables travail encore, parens à io même va nourrir io, & maite bitation la va billé io & ba io remede si io bezoin.
XXIII. Quand io va séparé revenu, maite bitation la va baye part à cultivateurs endenrées, si li vlé; ou bin en argent si li vlé en payant même prix que io vende denrées tout par tout. Si li vlé payé en denrées, li va bligé charréyé par à io toute à l’embarcadaire qui pis proche bitation la.
Courtesy of Emmanuel Vedrine, Vedrine Collection
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Maximo- Super Star
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Feuille de personnage
Jeu de rôle:
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
[size=24]
Mwin menm depi mwin te we jan ke istoryen Congo nou yo te trete Sonthonax lan ti liv listwa dayiti nou yo mwin te we ke ke nou pat serye .Nou te sou mouve rout megalomani ak bay manti a . Nou pa bezwin avili Sonthonax pou kanpe prestij ak sukse Toussaint .Tou deu neg sayo gan vale pa yo lan developman mouvman libete nou an .
Mwin eseye cheche lan listwa nou yon pawol ki pi gwo pase gwo pawol neg Sonthonax sa a min mwin pa janm jwen li .
Voici votre liberte !Celui qui voudra vous l'enlever voudra vous rendre esclaves .(paraphrase).
Prophetie accomplie (Minustah) avec l'aide des allies congos qui infestent nos institutions ,notre societe .size]
Mwin menm depi mwin te we jan ke istoryen Congo nou yo te trete Sonthonax lan ti liv listwa dayiti nou yo mwin te we ke ke nou pat serye .Nou te sou mouve rout megalomani ak bay manti a . Nou pa bezwin avili Sonthonax pou kanpe prestij ak sukse Toussaint .Tou deu neg sayo gan vale pa yo lan developman mouvman libete nou an .
Mwin eseye cheche lan listwa nou yon pawol ki pi gwo pase gwo pawol neg Sonthonax sa a min mwin pa janm jwen li .
Voici votre liberte !Celui qui voudra vous l'enlever voudra vous rendre esclaves .(paraphrase).
Prophetie accomplie (Minustah) avec l'aide des allies congos qui infestent nos institutions ,notre societe .size]
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Mwin menm mwin rinmin le yon gro nèg kigin kredibilite vini ak lot vwa sou forum nan ki retire nou lan kamizol de foss intelektyoull nou an .Mwin di Intelektyoul paske isto ryen troubadou nou yo mande nou pou gin la fwa lan yon relijyon politik ki vle pou nou pa panse fè nèg ki tap defan koz yo konfyanss paske sepou nou yo tap batay pou peyi a ...sise vre .
Kile nap soti lan ekwasyon ke mwin se nwa mwin se milatt nou an komsi nou paka cheche saki pi bon lan nou pou nou avanse ? Min fok nou pa janm bliye tou ke lan tou 2 kan sayo gin nèg ki merite fizye !
Ke yo nwa ke yo klèr sepa la problem lan ye . Yo merite lanmo paske menmsi yo fett an Ayiti se vagabon ke yo ye yo pa Ayisyen. Yo se kanabwa .Yo merite passe pa lezam pou peyi a sa pran souff avanse fe chimin li .
Lot kesyon an ki banm toujou areflechi sou ilstwa Dayiti tett anba ke ti messye troubadou isto ryen nou yo ekri yo se poukisa ke yo trete Sonthonax konsa a paske yo bezwin montre ke Toussaint Louverture sete yon jeni yon gro neg ke pesonn paka kanpe bokote li .
Le mwin tande neg ap pale fe kontroler ipoteke listwa dayiti pou fe komisyon yo kom sezman mwin mande yo di'm kisa kipi fo ki pi inpotan lan pawol sila yo kite rantre lan kreasyon kondisyon pou nou jwen pran libete nou :
Voici votre liberte !Celui qui essaiera de vous l'enlever voudra vous rendre esclaves ". (Sonthonax ( blan an wi !) qui distribue des armes aux esclaves )
En me renversant on n'a abattu a Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberte des Noirs .Elle repoussera par ses racines parce qu'elles sont profondes et nombreuses (Toussaint Louverture trahi par la France, sa famille, certains de ses amis et generaux qui beneficiaient de ses faveurs )
Poukisa nou vle ke se nou ki fe toutt lan afe indepandanss nou an san ke peson pat ede nou ? Poukisa se ingratitid ke nou vle kiltive olye de koperasyon ?
Poukisa nou deside ke yon evenman ki mayifik konsa tankou lindepandanss nou an fe ke nou bezwin kraze lot mounn ki ede nou pou nou di tankou timoun piti ke tout bagay se nou ki fe li paske nou nwa !
Istwa Dayiti nou an bleu et rouge san konte ti mosso kouler( blan) )ki te la tou ki te ede nou tou paske yo te avek nou. Eske se premye synn dimatirite intelektyoul nou an ki minin nou lan bassin megalomani nou an ?
Sak fe mwin paka di ke mwin batay ak foss kouray mwin ke mwin fe anpil sakrifiss epi mwin ginyen batay la .Min dilibon ak Maximo te ede mwin le mwin te bezwin ! Eske sa retire sou prestij ak valeu sa mwinn fe a ?
Poukisa Papa Dessalinn (le nou bezwin selman yon pati lan pesonalite li pou regle koze nou ) te fe eksepsyon pou Polonais ( blan yo toujou) yo ? Li te sou li te anba tafya li te gin yon lwa gede lan tett li ?
Twaka isto ryen nou yo merite kek bon kalott lan po tett yo ak kek bon kouttpye lan bouda yo .Yo inkonpetan yo san vizyon fonksyonel peyi. Yo pa menm konn ekri mitt nasyonal
Kile nap soti lan ekwasyon ke mwin se nwa mwin se milatt nou an komsi nou paka cheche saki pi bon lan nou pou nou avanse ? Min fok nou pa janm bliye tou ke lan tou 2 kan sayo gin nèg ki merite fizye !
Ke yo nwa ke yo klèr sepa la problem lan ye . Yo merite lanmo paske menmsi yo fett an Ayiti se vagabon ke yo ye yo pa Ayisyen. Yo se kanabwa .Yo merite passe pa lezam pou peyi a sa pran souff avanse fe chimin li .
Lot kesyon an ki banm toujou areflechi sou ilstwa Dayiti tett anba ke ti messye troubadou isto ryen nou yo ekri yo se poukisa ke yo trete Sonthonax konsa a paske yo bezwin montre ke Toussaint Louverture sete yon jeni yon gro neg ke pesonn paka kanpe bokote li .
Le mwin tande neg ap pale fe kontroler ipoteke listwa dayiti pou fe komisyon yo kom sezman mwin mande yo di'm kisa kipi fo ki pi inpotan lan pawol sila yo kite rantre lan kreasyon kondisyon pou nou jwen pran libete nou :
Voici votre liberte !Celui qui essaiera de vous l'enlever voudra vous rendre esclaves ". (Sonthonax ( blan an wi !) qui distribue des armes aux esclaves )
En me renversant on n'a abattu a Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberte des Noirs .Elle repoussera par ses racines parce qu'elles sont profondes et nombreuses (Toussaint Louverture trahi par la France, sa famille, certains de ses amis et generaux qui beneficiaient de ses faveurs )
Poukisa nou vle ke se nou ki fe toutt lan afe indepandanss nou an san ke peson pat ede nou ? Poukisa se ingratitid ke nou vle kiltive olye de koperasyon ?
Poukisa nou deside ke yon evenman ki mayifik konsa tankou lindepandanss nou an fe ke nou bezwin kraze lot mounn ki ede nou pou nou di tankou timoun piti ke tout bagay se nou ki fe li paske nou nwa !
Istwa Dayiti nou an bleu et rouge san konte ti mosso kouler( blan) )ki te la tou ki te ede nou tou paske yo te avek nou. Eske se premye synn dimatirite intelektyoul nou an ki minin nou lan bassin megalomani nou an ?
Sak fe mwin paka di ke mwin batay ak foss kouray mwin ke mwin fe anpil sakrifiss epi mwin ginyen batay la .Min dilibon ak Maximo te ede mwin le mwin te bezwin ! Eske sa retire sou prestij ak valeu sa mwinn fe a ?
Poukisa Papa Dessalinn (le nou bezwin selman yon pati lan pesonalite li pou regle koze nou ) te fe eksepsyon pou Polonais ( blan yo toujou) yo ? Li te sou li te anba tafya li te gin yon lwa gede lan tett li ?
Twaka isto ryen nou yo merite kek bon kalott lan po tett yo ak kek bon kouttpye lan bouda yo .Yo inkonpetan yo san vizyon fonksyonel peyi. Yo pa menm konn ekri mitt nasyonal
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Assassinat de Dessalines
Vérités historiques et Leçons à tirer
Bernard Miot – 24 Octobre 2006
On ne tue pas un fondateur de patrie. Telle est la phrase clé du texte publié par le Dr. Michel
Ange Monplaisir ce 14 octobre 2006 à l’occasion de la commémoration du 200ème anniversaire de l’assassinat de L’Empereur Jean-Jacques Dessalines.
L’auteur a, à juste titre, campé Dessalines comme l'homme du
refus, l’archétype du courage, le génie militaire et le défenseur de
l'intégrité du territoire. On peut aussi comprendre qu’il ait été
campé comme l'homme de l'ordre puis qu'en tant que tyran et seul noble en Haïti, il faisait régner la terreur donc, l'ordre, à sa manière. Mais, il est imprudent, voir même faux, de camper Dessalines cet Homme qui s'était accordé de
larges domaines (une trentaine de sucreries nous dit Madiou ) qu'il exploitait à son profit comme le revendicateur des droits à l'égalité sociale et économique (tels que semblent indiquer les arguments utilisés) . D’ailleurs, Dessalines avait, au lendemain de l’indépendance, distribué généreusement les meilleurs
Domaines aux Généraux Noirs. Alors que les paysans furent attelés au servage sur les grandes plantations où ils étaient quasiment maintenus sur surveillance étroite sans liberté vraie. Et, ceci se passait selon le vœu du Règlement des cultures de l’Empire ; ainsi, on lit dans le manuel d’Histoire d’Haïti de J.C. Dorsainvil : « Le travail forcé, dit Madiou, était en pleine vigueur ; le vol, même léger, était puni de mort. Les verges, le bâton étaient des supplices redoutés ». Tandis que les cultivateurs étaient soumis au servage, au travail forcé, les grands dons de l’Empire, noirs et métis, jouissaient de leurs grands domaines et étaient invités par Dessalines : « à plumer la poule, mais d’éviter de la faire crier ».Quand nous analysons ce tableau, nous voyons bien c'est de la passion de vouloir nous dresser un tableau de l’homme parfait, le revendicateur des droits à l’égalité. Il faudrait d’abord s’entendre sur la signification du terme égalité.
Pouvait-il vraiment exister l’égalité devant la loi ou même une justice
sociale et économique dans un système de servage tel qu’il exista sur le règne de Dessalines ? Ce n’est que tard qu’il laissa échapper
: «et les enfants dont les pères sont en Afrique, ils n’auront donc rien ».Par ailleurs, il est inconcevable que Dessalines, ni Christophe n’ait fait aucune démarche pour encourager le rapatriement de la femme de Toussaint Louverture et
de son fils Isaac héritierslégitimes des biens (NOMBREUX AUSSI) du précurseur de l’indépendance.
Pendant que toute cette nouvelle élite au pouvoir jouissait de leurs
privilèges, ils laissèrent Isaac et sa mère subir le froid, la misère et les
préjugés de toutes sortes en France. Nourrissaient-ils une rancoeur contre Toussaint ou voulaient-ils empêcher aux héritiers légitimes de Toussaint de récupérer leurs biens?On est en droit de se poser ces questions.Car, on raconte que durant le règne de Dessalines, un fils naturel de Toussaint, le colonel Jean-Pierre Louverture dut se cacher dans les bois de Plaisance jusqu'à la chute de l’Empereur afin d’échapper à sa
fureur. On raconte aussi que Dessalines s’opposa à l’union de sa fille Célimène au capitaine Bernard Chancy, neveu de Toussaint alors que Célimène attendait déjà un enfant de lui. Chancy fut mprisonné dans un cachot où il se donna la mort avec un pistolet. Revenons au drame du Pont Rouge. Nul n’a le droit d’applaudir l’assassinat de l’Empereur Dessalines, le fondateur de la nation, mais, nous nous devons de faire une juste
lecture historique. Apres 2 ans d’absolutisme complet, la popularité de Dessalines avait décliné. Les cultivateurs, mécontents du travail forcé sur les grandes plantations, commençaient à faire du marronnage en s’évadant vers les mornes. De plus, la grave question des domaines avait provoqué un
mécontentement général de tous les propriétaires qui se sentaient menacer dans le Sud comme dans le Nord du pays. C’est alors que Bruno Blanchet servit d’intermédiaire entre Christophe et Geffrard et, complota avec eux, la chute de l’Empire. Dessalines apprit qu’on tramait sa ruine. Mais, comme Christophe s’était créé une très forte position dans le Nord, il ne voulut point l’affronter au prime abord et préféra initialement se porter vers le Sud se réservant de revenir vers le Nord pour soumettre Christophe quand il serait devenu plus fort. C’est ainsi qu’après s’être accordé de larges domaines comme nous l’avons vu plus haut et qu’après avoir concédé de grandes habitations aux officiers de son choix, Dessalines s’est porté vers le Sud contre ce qu’il percevait
comme une désobéissance aux lois établis. On procéda à la dépossession de pas mal de personnes et dans certains cas, des sanctions sévères furent prises. On pouvait donc s’attendre à une réaction, un soulèvement, parce que, comme il a eu à le dire lui même : « si après ce que je viens de faire dans le Sud, ils ne se révoltent pas, c’est qu’ils ne sont pas des hommes ». Quand la révolte éclata au Port Salut et
s’étendit sur toute la presqu’île du Sud, Dessalines décida alors de retourner vers le Sud. En chevauchant vers la capitale, l’Empereur n’était-il pas en début de mission où il espérait, avec le concours de Pétion, mater la rébellion. Il anticipait ainsi: «je veux que mon cheval piaffe dans le sang jusqu’au poitrail ». Devant cette grave menace qui planait sur eux, les hommes de l’Ouest et du Sud auraient agi en légitime défense. Je pense que cette agression de l’Empereur vis-à-vis des hommes du Sud a été une malencontreuse décision qui, dès la naissance de la nation, a initié un climat de division entre haïtiens au lieu de promouvoir l’union nécessaire à la construction du
nouvel état. En agressant les hommes du Sud, il avait rouvert toutes les plaies des luttes fratricides entreprises pendant la guerre du Sud. Suite à ces provocations venant de l’Empereur, les hommes de l’Ouest et du Sud n’ont pas pu se garder de penser que Dessalines n’avait pas changé de sentiment et craignait qu’il ne leur fit un sort similaire à celui des assiégés de Jacmel lors de la guerre du Sud.Durant cette guerre, Dessalines et Christophe furent chargés par Toussaint de faire le siège de Jacmel et allaient enterrer vivant dans de grandes fosses les membres de la famille des assiéges de Jacmel, incluant vieillards, femmes et enfants sortis de la ville afin de trouver à manger. C’est ce degré de cruauté déjà vécu qu’ils craignaient. Ils avaient jusqu’ ici obéi aux caprices de l’irascible Empereur. Mais, devant le spectre de la violence meurtrière qui les attendait, ils ont du malheureusement prendre la
décision de mettre fin aux jours de l’empereur.
On peut comprendre qu’à ce moment précis la question de la réforme agraire n'occupait que le second plan de la scène. On est en droit de se poser certaines questions au sujet de cette soi-disant réforme agraire.
Si L’Empereur était si enthousiaste à la distribution
des terres, pourquoi n’avait-il pas donné le bon exemple en lotissant lesmultiplesdomaines qu’il exploitait à profit à travers le territoire. Pourquoi voulait-il exiger des autres ce que lui ne pratiquait nullement. Par ailleurs,si les hommes du Sud et de l’Ouest étaient si réfractaires à la reforme agraire comment cela se fait-il que, sous la presidence de Pétion, on a procédé à une reforme agraire où tous les soldats et officiers qui formaient avec leur famille la presque totalité de la population du Sud et de l’Ouest reçurent une parcelle de terre.
Souvent, on avoulu faire du drame du Pont Rouge une question de couleur.Pour ce faire, d’un coté, on ignore la participation active des générauxYayou et Vaval (tous deux des noirs) à l’assassinat de Dessalines. De l’autre, on ignore la dévotion des métis Charlotin Marcadieux, Delpeche et Boisrond-Tonnerre qui ont préféré mourir en la circonstance par fidélité à l’Empereur.
Et, en ce sens, le stéréotype métis joue aujourd’hui même contre les descendants de Charlotin Marcadieux qui, comme par ironie, sont mis dans le même sac sans aucune analyse du contenu de leur caractère. On ne se foule pas la
rate : «Missié sé mulat, li se exploitè ».
Dans le même ordre d’idée, Il est inacceptable de passer sous silence la complicité de Christophe dans le drame du Pont Rouge alors qu’il complotait bien avant ce drame avec Geffrard. On se demande aussi pourquoi l’assassinat du Général Clerveaux par le Docteur
Justamon (médecin de Christophe) et l’assassinat du General Cappoix-la-Mort, tous deux commandités par Christophe n’ont pas suscité presqu’autant de ressentiments que l’assassinat de l’Empereur. Si le drame du Pont Rouge a été une réponse à des actes d’agressions venant de
l’Empereur, les assassinats
de Clerveaux et de Cappoix commandités par Christophe
n’ont pas été provoqués.
Ils ont été des crimes où Christophe a choisi délibérément d’éliminer des hommes qui pourraient être une barrière à la réalisation de ses ambitions. Le Général Clerveaux était plus ancien divisionnaire que le Général Christophe et, par conséquent, il était celui qui hiérarchiquement aurait pu remplacer Dessalines. Par ailleurs, le Général Cappoix n’était-il pas trop populaire et trop fervent défenseur de Dessalines contre lequel Christophe complotait. Et, voici qu’on a toujours essayé d’occulter la participation de Christophe non seulement au drame du Pont Rouge mais aussi, aux assassinats de Clerveaux
et de Cappoix, co-fondateurs de la patrie. Si nous voulons être intellectuellement honnête,
il nous faut rétablir la vérité historique. Il serait tout aussi grave de passer sous silence les autres drames qui ont endeuillé la nation tels les massacres perpétrés sous les ordres de Soulouque, de Salomon, de Salnave, de Guillaume-Sam et également de justifier les crimes commis par les régimes duvalieriste et lavalassien sous le prétexte qu'il y a en Haïti une injustice sociale. Apres 50ans de "révolution sanguinaire", n'a t'on pas enlisé ce pays davantage dans le gouffre en détruisant son agriculture, son industrie naissante, ses faibles institutions, en éliminant toutes les valeurs morales et le patriotisme et en y cultivant la haine, la bêtise et le mensonge. Si l'on revient au pont rouge pour en tirer des leçons, faisons-le sans démagogie. Car,
c'est le sujet sur lequel se sont basé tous les destructeurs de nation à travers l'histoire pour soulever les masses pauvres et profiter de leur ignorance pour les conduire à des actions criminelles dont elles n'ont jamais bénéficiées. Je pense que nous devons camper nos héros de l'indépendance en les
couvrant du manteau de la gloire
pour nous avoir léguer une nation libre. Mais, on ne peut pas distordre l’histoire pour satisfaire des intérêts personnels ou à des fins inavouées. Bien souvent, un groupe d'haïtiens se sert de faits historiques isolés pour asseoir leur théorie de destruction de la société haïtienne donc, d'Haïti. Ce ne saurait être le cas du Dr Michel Ange Monplaisir. Je pense qu’en grand patriote, il a eu un cri du cœur, il a essayé de faire rejaillir notre élan patriotique en évoquant les multiples et réelles qualités de
l’empereur. Par contre, une phrase malheureuse nous a retenu notre attention dans son texte puisque utilisant des termes qui dans
le langage haïtien sont à la fois flous et élastiques : «Quoiqu’il en soit, que nous sommes loin aujourd’hui de l’idéal de
Dessalines! Existe-t-il une différence entre le colon d’hier et l’actuel Haïtien de l’élite ou de
la bourgeoisie qui veut accaparer tout à son profit, sans laisser la
moindre miette au peuple ? ». En Haïti, l’utilisation des expressions : élite et bourgeoisie prête à des confusions grotesques. Chaque haïtien semble avoir son concept pour catégoriser les gens. En réalité, les duvaliéristes et les
lavalassiens qui ont tout accaparé à leur profit, ont-ils été tous de l’élite et/ou de la bourgeoisie? Est-il prudent de généraliser en jetant un discrédit sur tous les membres d’une même catégorie sociale et en faisant payer à tous le comportement de certains. Je suis sur qu’on ne voudrait pas rejeter sur nos populations pauvres la responsabilité des égarements des politiciens lavalassiens. Apres cette longue digression, revenons à l’empereur Dessalines. Le colosse que fut Dessalines n’était pas parfait. Nul ne l’est. Le point que j’ai voulu faire dans ce texte est simple. Je pense qu'en évoquant ce drame à chaque 17 octobre, l'on devrait le replacer dans son contexte historique réel sans émotion afin de ne pas attiser et justifier la haine et la division qui ont déjà ravagé notre nation et l'ont mises dans un état déplorable à la suite de 2 révolutions sur une période de 50 ans prônant la lutte des classes sur un fond de préjugé de couleur avec une philosophie qui voudrait faire comprendre qu'Haïti n'appartient qu'aux fils de Toussaint, Dessalines, de Cappoix, de Christophe etc... et non aux fils de Rigaud,de Pétion, de Clerveaux, de Geffrard etc...C'est cette division qui nous vaut cet état lamentable que connaît Haïti aujourd'hui. Car, si le drame du Pont Rouge est regrettable, l'exploitation de ce drame à des fins de division de la société haïtienne et de perturbation de l'union sacrée est tout a fait criminelle et suicidaire pour le pays. Cette philosophie a détruit le pays pendant ce dernier demi-siècle. Il faut d'une autre stratégie, une autre façon de faire où dans un Etat de Droit, tous les haïtiens sans distinction seront respectés,protégés, accompagnés. Ceci devrait être notre seul souci. Le développement économique viendrait par surcroît. A l’occasion du 200eme anniversaire de l’assassinat de Dessalines, le chef de l’Etat a fait un appel à la paix et à l’unité afin, dit-il, d’offrir à nos enfants l’égalité et la fraternité en
combattant l’exclusion sociale, la misère, l’ignorance, l’analphabétisme et la faim. Ce sont de bien belles phrases qui pourraient faire rêver. Ce que nous ne pouvons pas comprendre, c’est le virage à 180 degré de l’homme qui a milité dans Lavalas et qui fut le premier Ministre tandis que le fameux discours de : « bayo sa yo merite » fut prononcé. Discours qui, disons-le, était tout à fait contraire aux idéaux de paix, d’unité et de fraternité. Pour se départager de cette rhétorique violente, il aurait mieux fait d’avoir démissionné en 1991. Il ne l’a pas fait et a, au contraire, lutté pour le retour d’Aristide accompagné
de 20,000 militaires américains après que les militants lavalassiens eurent imposés 3 ans d’embargo qui ont contribué à ruiner le pays. Puis, on a eu la passation de pouvoir et les multiples crises qui ont jalonnées les 5 ans du premier mandat durant lequel on n’a pas eu un climat de paix, d’unité et de fraternité. Il aurait été réconfortant d’entendre le Président Préval s’excuser auprès de la Nation
d’avoir auparavant mené une politique non conforme avec la paix, l’unité et la fraternité dont il parle aujourd’hui. Ceci nous permettrait de faire le départ entre le nouveau Préval et l’ancien.
Le président haïtien a précisé que la lutte pour l’égalité et la fraternité implique qu’il faut combattre l’exclusion sociale, la misère,l’ignorance, l’analphabétisme et la faim. En combattant ces fléaux, on travaille certes à établir plus de justice sociale mais, il serait
démagogique de faire croire
que ceci aurait pour effet de créer l’égalité économique. Alors de quelle égalité parle t’on ? L’égalité par définition présuppose que les citoyens soient égaux devant la loi et soient soumis aux mêmes obligations. Or, cette égalité devant la loi, c’est un droit que le gouvernement doit se charger de garantir à tous plutôt que de nous demander de lutter pour. En tout cas, nous verrons bien si le Président était sincère en prononçant ces belles paroles. Il devra nous demontrer qu’il est vraiment l’homme de la paix, de l’unité et de la fraternité et ceci dans les faits et à toutes les étapes de la reconstruction du pays. En conclusion, l’assassinat de Dessalines est une des multiples pages sombres de notre histoire écrite dans le sang. Même après avoir revu et compris les justifications de cet assassinat, nous pensons que ce fut un
événement regrettable qui n’a pas manqué de ternir notre image de peuple. Malheureusement pour certaines des Républiques avoisinantes, un survol de
leur histoire nous permet de découvrir des drames presque similaires. En effet, les fondateurs de la République Dominicaine et du
Venezuela ont connu une fin moins tragique mais, très déshonorante pour ces 2 pays; ils sont mort dans l'abandon, le découragement et
le dénuement le plus total. En réalité, ces drames devraient appartenir au passé. N’était-ce la présence de la guérilla urbaine
qui sévit en Haïti et qui déstabilise l’économie, il nous serait permis
de commencer à bâtir une Haïti nouvelle où il n’y aurait pas de place pour la haine entre noirs et métis, citadins et paysans, lettrés et
analphabètes, riches et pauvres
et où, tous les haïtiens dans l’unité et la fraternité pourraient travailler à bâtir un pays économiquement fort muni d’institutions démocratiques solides et où, chaque patriote haïtien se ferait le gardien de notre Constitution et de nos lois garantissant ainsi graduellement le droit au travail, à la santé, à l’éducation et à un logement décent.
Bernard Miot
24 Octobre 2006
Vérités historiques et Leçons à tirer
Bernard Miot – 24 Octobre 2006
On ne tue pas un fondateur de patrie. Telle est la phrase clé du texte publié par le Dr. Michel
Ange Monplaisir ce 14 octobre 2006 à l’occasion de la commémoration du 200ème anniversaire de l’assassinat de L’Empereur Jean-Jacques Dessalines.
L’auteur a, à juste titre, campé Dessalines comme l'homme du
refus, l’archétype du courage, le génie militaire et le défenseur de
l'intégrité du territoire. On peut aussi comprendre qu’il ait été
campé comme l'homme de l'ordre puis qu'en tant que tyran et seul noble en Haïti, il faisait régner la terreur donc, l'ordre, à sa manière. Mais, il est imprudent, voir même faux, de camper Dessalines cet Homme qui s'était accordé de
larges domaines (une trentaine de sucreries nous dit Madiou ) qu'il exploitait à son profit comme le revendicateur des droits à l'égalité sociale et économique (tels que semblent indiquer les arguments utilisés) . D’ailleurs, Dessalines avait, au lendemain de l’indépendance, distribué généreusement les meilleurs
Domaines aux Généraux Noirs. Alors que les paysans furent attelés au servage sur les grandes plantations où ils étaient quasiment maintenus sur surveillance étroite sans liberté vraie. Et, ceci se passait selon le vœu du Règlement des cultures de l’Empire ; ainsi, on lit dans le manuel d’Histoire d’Haïti de J.C. Dorsainvil : « Le travail forcé, dit Madiou, était en pleine vigueur ; le vol, même léger, était puni de mort. Les verges, le bâton étaient des supplices redoutés ». Tandis que les cultivateurs étaient soumis au servage, au travail forcé, les grands dons de l’Empire, noirs et métis, jouissaient de leurs grands domaines et étaient invités par Dessalines : « à plumer la poule, mais d’éviter de la faire crier ».Quand nous analysons ce tableau, nous voyons bien c'est de la passion de vouloir nous dresser un tableau de l’homme parfait, le revendicateur des droits à l’égalité. Il faudrait d’abord s’entendre sur la signification du terme égalité.
Pouvait-il vraiment exister l’égalité devant la loi ou même une justice
sociale et économique dans un système de servage tel qu’il exista sur le règne de Dessalines ? Ce n’est que tard qu’il laissa échapper
: «et les enfants dont les pères sont en Afrique, ils n’auront donc rien ».Par ailleurs, il est inconcevable que Dessalines, ni Christophe n’ait fait aucune démarche pour encourager le rapatriement de la femme de Toussaint Louverture et
de son fils Isaac héritierslégitimes des biens (NOMBREUX AUSSI) du précurseur de l’indépendance.
Pendant que toute cette nouvelle élite au pouvoir jouissait de leurs
privilèges, ils laissèrent Isaac et sa mère subir le froid, la misère et les
préjugés de toutes sortes en France. Nourrissaient-ils une rancoeur contre Toussaint ou voulaient-ils empêcher aux héritiers légitimes de Toussaint de récupérer leurs biens?On est en droit de se poser ces questions.Car, on raconte que durant le règne de Dessalines, un fils naturel de Toussaint, le colonel Jean-Pierre Louverture dut se cacher dans les bois de Plaisance jusqu'à la chute de l’Empereur afin d’échapper à sa
fureur. On raconte aussi que Dessalines s’opposa à l’union de sa fille Célimène au capitaine Bernard Chancy, neveu de Toussaint alors que Célimène attendait déjà un enfant de lui. Chancy fut mprisonné dans un cachot où il se donna la mort avec un pistolet. Revenons au drame du Pont Rouge. Nul n’a le droit d’applaudir l’assassinat de l’Empereur Dessalines, le fondateur de la nation, mais, nous nous devons de faire une juste
lecture historique. Apres 2 ans d’absolutisme complet, la popularité de Dessalines avait décliné. Les cultivateurs, mécontents du travail forcé sur les grandes plantations, commençaient à faire du marronnage en s’évadant vers les mornes. De plus, la grave question des domaines avait provoqué un
mécontentement général de tous les propriétaires qui se sentaient menacer dans le Sud comme dans le Nord du pays. C’est alors que Bruno Blanchet servit d’intermédiaire entre Christophe et Geffrard et, complota avec eux, la chute de l’Empire. Dessalines apprit qu’on tramait sa ruine. Mais, comme Christophe s’était créé une très forte position dans le Nord, il ne voulut point l’affronter au prime abord et préféra initialement se porter vers le Sud se réservant de revenir vers le Nord pour soumettre Christophe quand il serait devenu plus fort. C’est ainsi qu’après s’être accordé de larges domaines comme nous l’avons vu plus haut et qu’après avoir concédé de grandes habitations aux officiers de son choix, Dessalines s’est porté vers le Sud contre ce qu’il percevait
comme une désobéissance aux lois établis. On procéda à la dépossession de pas mal de personnes et dans certains cas, des sanctions sévères furent prises. On pouvait donc s’attendre à une réaction, un soulèvement, parce que, comme il a eu à le dire lui même : « si après ce que je viens de faire dans le Sud, ils ne se révoltent pas, c’est qu’ils ne sont pas des hommes ». Quand la révolte éclata au Port Salut et
s’étendit sur toute la presqu’île du Sud, Dessalines décida alors de retourner vers le Sud. En chevauchant vers la capitale, l’Empereur n’était-il pas en début de mission où il espérait, avec le concours de Pétion, mater la rébellion. Il anticipait ainsi: «je veux que mon cheval piaffe dans le sang jusqu’au poitrail ». Devant cette grave menace qui planait sur eux, les hommes de l’Ouest et du Sud auraient agi en légitime défense. Je pense que cette agression de l’Empereur vis-à-vis des hommes du Sud a été une malencontreuse décision qui, dès la naissance de la nation, a initié un climat de division entre haïtiens au lieu de promouvoir l’union nécessaire à la construction du
nouvel état. En agressant les hommes du Sud, il avait rouvert toutes les plaies des luttes fratricides entreprises pendant la guerre du Sud. Suite à ces provocations venant de l’Empereur, les hommes de l’Ouest et du Sud n’ont pas pu se garder de penser que Dessalines n’avait pas changé de sentiment et craignait qu’il ne leur fit un sort similaire à celui des assiégés de Jacmel lors de la guerre du Sud.Durant cette guerre, Dessalines et Christophe furent chargés par Toussaint de faire le siège de Jacmel et allaient enterrer vivant dans de grandes fosses les membres de la famille des assiéges de Jacmel, incluant vieillards, femmes et enfants sortis de la ville afin de trouver à manger. C’est ce degré de cruauté déjà vécu qu’ils craignaient. Ils avaient jusqu’ ici obéi aux caprices de l’irascible Empereur. Mais, devant le spectre de la violence meurtrière qui les attendait, ils ont du malheureusement prendre la
décision de mettre fin aux jours de l’empereur.
On peut comprendre qu’à ce moment précis la question de la réforme agraire n'occupait que le second plan de la scène. On est en droit de se poser certaines questions au sujet de cette soi-disant réforme agraire.
Si L’Empereur était si enthousiaste à la distribution
des terres, pourquoi n’avait-il pas donné le bon exemple en lotissant lesmultiplesdomaines qu’il exploitait à profit à travers le territoire. Pourquoi voulait-il exiger des autres ce que lui ne pratiquait nullement. Par ailleurs,si les hommes du Sud et de l’Ouest étaient si réfractaires à la reforme agraire comment cela se fait-il que, sous la presidence de Pétion, on a procédé à une reforme agraire où tous les soldats et officiers qui formaient avec leur famille la presque totalité de la population du Sud et de l’Ouest reçurent une parcelle de terre.
Souvent, on avoulu faire du drame du Pont Rouge une question de couleur.Pour ce faire, d’un coté, on ignore la participation active des générauxYayou et Vaval (tous deux des noirs) à l’assassinat de Dessalines. De l’autre, on ignore la dévotion des métis Charlotin Marcadieux, Delpeche et Boisrond-Tonnerre qui ont préféré mourir en la circonstance par fidélité à l’Empereur.
Et, en ce sens, le stéréotype métis joue aujourd’hui même contre les descendants de Charlotin Marcadieux qui, comme par ironie, sont mis dans le même sac sans aucune analyse du contenu de leur caractère. On ne se foule pas la
rate : «Missié sé mulat, li se exploitè ».
Dans le même ordre d’idée, Il est inacceptable de passer sous silence la complicité de Christophe dans le drame du Pont Rouge alors qu’il complotait bien avant ce drame avec Geffrard. On se demande aussi pourquoi l’assassinat du Général Clerveaux par le Docteur
Justamon (médecin de Christophe) et l’assassinat du General Cappoix-la-Mort, tous deux commandités par Christophe n’ont pas suscité presqu’autant de ressentiments que l’assassinat de l’Empereur. Si le drame du Pont Rouge a été une réponse à des actes d’agressions venant de
l’Empereur, les assassinats
de Clerveaux et de Cappoix commandités par Christophe
n’ont pas été provoqués.
Ils ont été des crimes où Christophe a choisi délibérément d’éliminer des hommes qui pourraient être une barrière à la réalisation de ses ambitions. Le Général Clerveaux était plus ancien divisionnaire que le Général Christophe et, par conséquent, il était celui qui hiérarchiquement aurait pu remplacer Dessalines. Par ailleurs, le Général Cappoix n’était-il pas trop populaire et trop fervent défenseur de Dessalines contre lequel Christophe complotait. Et, voici qu’on a toujours essayé d’occulter la participation de Christophe non seulement au drame du Pont Rouge mais aussi, aux assassinats de Clerveaux
et de Cappoix, co-fondateurs de la patrie. Si nous voulons être intellectuellement honnête,
il nous faut rétablir la vérité historique. Il serait tout aussi grave de passer sous silence les autres drames qui ont endeuillé la nation tels les massacres perpétrés sous les ordres de Soulouque, de Salomon, de Salnave, de Guillaume-Sam et également de justifier les crimes commis par les régimes duvalieriste et lavalassien sous le prétexte qu'il y a en Haïti une injustice sociale. Apres 50ans de "révolution sanguinaire", n'a t'on pas enlisé ce pays davantage dans le gouffre en détruisant son agriculture, son industrie naissante, ses faibles institutions, en éliminant toutes les valeurs morales et le patriotisme et en y cultivant la haine, la bêtise et le mensonge. Si l'on revient au pont rouge pour en tirer des leçons, faisons-le sans démagogie. Car,
c'est le sujet sur lequel se sont basé tous les destructeurs de nation à travers l'histoire pour soulever les masses pauvres et profiter de leur ignorance pour les conduire à des actions criminelles dont elles n'ont jamais bénéficiées. Je pense que nous devons camper nos héros de l'indépendance en les
couvrant du manteau de la gloire
pour nous avoir léguer une nation libre. Mais, on ne peut pas distordre l’histoire pour satisfaire des intérêts personnels ou à des fins inavouées. Bien souvent, un groupe d'haïtiens se sert de faits historiques isolés pour asseoir leur théorie de destruction de la société haïtienne donc, d'Haïti. Ce ne saurait être le cas du Dr Michel Ange Monplaisir. Je pense qu’en grand patriote, il a eu un cri du cœur, il a essayé de faire rejaillir notre élan patriotique en évoquant les multiples et réelles qualités de
l’empereur. Par contre, une phrase malheureuse nous a retenu notre attention dans son texte puisque utilisant des termes qui dans
le langage haïtien sont à la fois flous et élastiques : «Quoiqu’il en soit, que nous sommes loin aujourd’hui de l’idéal de
Dessalines! Existe-t-il une différence entre le colon d’hier et l’actuel Haïtien de l’élite ou de
la bourgeoisie qui veut accaparer tout à son profit, sans laisser la
moindre miette au peuple ? ». En Haïti, l’utilisation des expressions : élite et bourgeoisie prête à des confusions grotesques. Chaque haïtien semble avoir son concept pour catégoriser les gens. En réalité, les duvaliéristes et les
lavalassiens qui ont tout accaparé à leur profit, ont-ils été tous de l’élite et/ou de la bourgeoisie? Est-il prudent de généraliser en jetant un discrédit sur tous les membres d’une même catégorie sociale et en faisant payer à tous le comportement de certains. Je suis sur qu’on ne voudrait pas rejeter sur nos populations pauvres la responsabilité des égarements des politiciens lavalassiens. Apres cette longue digression, revenons à l’empereur Dessalines. Le colosse que fut Dessalines n’était pas parfait. Nul ne l’est. Le point que j’ai voulu faire dans ce texte est simple. Je pense qu'en évoquant ce drame à chaque 17 octobre, l'on devrait le replacer dans son contexte historique réel sans émotion afin de ne pas attiser et justifier la haine et la division qui ont déjà ravagé notre nation et l'ont mises dans un état déplorable à la suite de 2 révolutions sur une période de 50 ans prônant la lutte des classes sur un fond de préjugé de couleur avec une philosophie qui voudrait faire comprendre qu'Haïti n'appartient qu'aux fils de Toussaint, Dessalines, de Cappoix, de Christophe etc... et non aux fils de Rigaud,de Pétion, de Clerveaux, de Geffrard etc...C'est cette division qui nous vaut cet état lamentable que connaît Haïti aujourd'hui. Car, si le drame du Pont Rouge est regrettable, l'exploitation de ce drame à des fins de division de la société haïtienne et de perturbation de l'union sacrée est tout a fait criminelle et suicidaire pour le pays. Cette philosophie a détruit le pays pendant ce dernier demi-siècle. Il faut d'une autre stratégie, une autre façon de faire où dans un Etat de Droit, tous les haïtiens sans distinction seront respectés,protégés, accompagnés. Ceci devrait être notre seul souci. Le développement économique viendrait par surcroît. A l’occasion du 200eme anniversaire de l’assassinat de Dessalines, le chef de l’Etat a fait un appel à la paix et à l’unité afin, dit-il, d’offrir à nos enfants l’égalité et la fraternité en
combattant l’exclusion sociale, la misère, l’ignorance, l’analphabétisme et la faim. Ce sont de bien belles phrases qui pourraient faire rêver. Ce que nous ne pouvons pas comprendre, c’est le virage à 180 degré de l’homme qui a milité dans Lavalas et qui fut le premier Ministre tandis que le fameux discours de : « bayo sa yo merite » fut prononcé. Discours qui, disons-le, était tout à fait contraire aux idéaux de paix, d’unité et de fraternité. Pour se départager de cette rhétorique violente, il aurait mieux fait d’avoir démissionné en 1991. Il ne l’a pas fait et a, au contraire, lutté pour le retour d’Aristide accompagné
de 20,000 militaires américains après que les militants lavalassiens eurent imposés 3 ans d’embargo qui ont contribué à ruiner le pays. Puis, on a eu la passation de pouvoir et les multiples crises qui ont jalonnées les 5 ans du premier mandat durant lequel on n’a pas eu un climat de paix, d’unité et de fraternité. Il aurait été réconfortant d’entendre le Président Préval s’excuser auprès de la Nation
d’avoir auparavant mené une politique non conforme avec la paix, l’unité et la fraternité dont il parle aujourd’hui. Ceci nous permettrait de faire le départ entre le nouveau Préval et l’ancien.
Le président haïtien a précisé que la lutte pour l’égalité et la fraternité implique qu’il faut combattre l’exclusion sociale, la misère,l’ignorance, l’analphabétisme et la faim. En combattant ces fléaux, on travaille certes à établir plus de justice sociale mais, il serait
démagogique de faire croire
que ceci aurait pour effet de créer l’égalité économique. Alors de quelle égalité parle t’on ? L’égalité par définition présuppose que les citoyens soient égaux devant la loi et soient soumis aux mêmes obligations. Or, cette égalité devant la loi, c’est un droit que le gouvernement doit se charger de garantir à tous plutôt que de nous demander de lutter pour. En tout cas, nous verrons bien si le Président était sincère en prononçant ces belles paroles. Il devra nous demontrer qu’il est vraiment l’homme de la paix, de l’unité et de la fraternité et ceci dans les faits et à toutes les étapes de la reconstruction du pays. En conclusion, l’assassinat de Dessalines est une des multiples pages sombres de notre histoire écrite dans le sang. Même après avoir revu et compris les justifications de cet assassinat, nous pensons que ce fut un
événement regrettable qui n’a pas manqué de ternir notre image de peuple. Malheureusement pour certaines des Républiques avoisinantes, un survol de
leur histoire nous permet de découvrir des drames presque similaires. En effet, les fondateurs de la République Dominicaine et du
Venezuela ont connu une fin moins tragique mais, très déshonorante pour ces 2 pays; ils sont mort dans l'abandon, le découragement et
le dénuement le plus total. En réalité, ces drames devraient appartenir au passé. N’était-ce la présence de la guérilla urbaine
qui sévit en Haïti et qui déstabilise l’économie, il nous serait permis
de commencer à bâtir une Haïti nouvelle où il n’y aurait pas de place pour la haine entre noirs et métis, citadins et paysans, lettrés et
analphabètes, riches et pauvres
et où, tous les haïtiens dans l’unité et la fraternité pourraient travailler à bâtir un pays économiquement fort muni d’institutions démocratiques solides et où, chaque patriote haïtien se ferait le gardien de notre Constitution et de nos lois garantissant ainsi graduellement le droit au travail, à la santé, à l’éducation et à un logement décent.
Bernard Miot
24 Octobre 2006
Maximo- Super Star
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Belle analyse de l'auteur.. j'y souscris avec certaines réserves.
grandzo di- Super Star
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Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li. Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen. Wou konprann monfrè Joel?
Sa a se yon mesaj pou tout Congo li .Aysyen poko mete balezam devan chimeri tipepiss ki pa konen kote rasinn li ye vre .Kite'mm ekru li anko antan map sonje imilyasion "frer de la rass demagog yo " sott fe jenn ti jwe football nou yo .:
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li. Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen. Wou konprann monfrè Joel?
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li. Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen. Wou konprann monfrè Joel?
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li. Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen. Wou konprann monfrè Joel?
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li. Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen. Wou konprann monfrè Joel?[/i][/size]
Vive le vrai citoyen haitien !Vive Thunder !
Pote kod pou nou mare congo yo kou di Zouke !Travay sa a le pou li komanse .
Abas le tipepisme anarchique des narco-traficants !Abas les suppots de satan du defroque megalomane apatride !
Min verite a wi .Min santiman ki te fe indepandanss la wi :
Si yon Ayisyen ak yon Afriken an difikilte, m ap ede Ayisyen an anvan, san ke mwen pa teni kont de koulè po l ak kondisyon sosyo-ekonomik li.
Sa a se mwen, nou tout pa oblije menm jan ak mwen.
Wou konprann monfrè Joel?[b]
Erezman ke genyen sitwayen Ayisyen konsekan toujou tankou Deza ak Maximo. Mesye kongo yo sòti pou fè moun konprann ke nou menm Ayisyen se jis yon dyaspora de Lafrik. Se tankou ke san gran gran papa m ki te koule pou ti bout tè sa a, koule anven.
Mwen ti nèg k ap pale ke yo pa nan mond Ayisyen, bon kisa ke pwoblè Ayiti konsène yo fè? Mwen pa ka konprann bagay sa a.
Ayiti pou Ayisyen!
Thunder- Super Star
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Jeu de rôle: Le gardien
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
J'ai deja depuis fort longtemps soumis à la rigueur de l’analyse logique et sa raison, à l’éclairage insistant de la dialectique, les interprétations de notre histoire écrite .On dirait que ce travail s'est révélé au-dessus des capacités intellectuelles de nos isto ryens qui se prennent pour phares et guises de notre conscience. Et, c'est à juste titre que j'accuse nos troubadours isto ryens ou piètres historiens d'etre des incompétents de mauvaise foi et de la paresse intellectuelle. Ils ne le sont pas seulement à cause de leur incapacité à bien camper nos figures mythiques dans l’amé collective .Ils le sont davantage pour avoir approuvé l'application servile des techniques de la désinformation aux récits de notre histoire .Ils étaient au service de la partisannerie ...
Ils (nos mentors) nous ont proposé des tabous articulés dans le parti-pris de fausses vérités de la vie de nos héros. On dirait des prosélytes de faux dieux qui n'ont jamais existé que dans l'imagination morbide des adeptes du restavekisme moulue dans la forge d’un romantisme de l'intrigue et de la rancœur historique.
Parfois , je me demande si toute cette rancœur n'a pas été l'œuvre d'un fort courant de pensée des écrivains du Nord et de leurs héritiers intellectuels qui n'ont jamais pu digérer la défaite du Royaume Christophien. Je me suis toujours demandé pourquoi nos méchants intellectuels ont donné carte blanche à la mégalomanie criminelle de Christophe qui surement était complice actif dans le drame du Pont-Rouge .Il faut etre vraiment aveugle pour ne pas conclure que le futur roi avait accepté le fruit infâme de la " trahison qui allait aboutir au meurtre de Dessalinnes ".
Pourquoi, l'honnêteté intellectuelle n'a-t-elle pas voulu questionner la vie de Christophe, l’homme politique et son rôle important dans le drame du Pont-Rouge ? Pourquoi nos intellos insistent a colporter une version de l’histoire qui ne fait pas honneur à leur intelligence ? Les preuves étaient là .Pourquoi faire ce pauvre pari que les générations futures, observateurs critiques, dépassionnés et libérées du sacré artificiel des tabous d’une espace temporel, n’allaient pas remettre en question l’interprétation de l’histoire par des ainés militants? Pourquoi ont-ils négligé de nous enseigner, à leur façon l, la raison de l'assassinat de Capois- la- mort ? Le héro dont la bravoure avait provoqué l'admiration des forces ennemies avait-il perdu de sa noblesse et de sa vaillance parce qu'il était fidèle à l'Empereur ?
Christophe avait pourtant trouvé assez de courage et d'ardeur guerrière pour mener son armée contre les gens du Sud et de l'Ouest quand il comprit qu'on ne voulait pas de lui comme un dictateur tout-puissant. Nous savons tous que la défaite militaire l’obligea à confiner ses ambitions dans le Nord et l’Artibonite du pays où il créa son royaume sur des assises coloniales qui ressemblaient à celles de l’esclavage .Malgré ses succès en tant que bâtisseur et administrateur , notre héro n’a jamais pu arriver à raffermir ce sentiment de recherche de la cohésion dont il avait besoin pour faire œuvre durable au sein meme de la nouvelle monarchie .Et Haiti avait toujours eu le besoin de cette force pour mériter son nom de nation.
Et la question qui fait mal mais que l’on refuse de se poser à cause de l’urgence des conclusions qu’il faudrait en tirer et qui détruiraient sans nul doute une tentative de déification là ou ce n’est point nécessaire : La quête du pouvoir illégitime était-elle beaucoup plus importante pour le General Christophe que l'assassinat potentiel de l'Empereur Dessalinnes ? Meme nos pauvres petits recueils d'histoire d'Haiti ont du mal à cacher cette verite. L'intellect haïtien, je me plais à répéter, joue à saute-mouton et à cache-cache devant les fosses malodorantes de ses inaptitudes grossières et voulues.
Il est un expert en onanisme culturel .Il est un renard qui a oublié qu'il n'était plus la proie mais bien le chasseur-prédateur .Il est un marron perpétuel qui fonctionne dans le passé d’une espace temporelle et spatiale adverse au rythme du vécu de son quotidien historique .Quand il rentre en scène, c’est pour se contorsionne assez maladroitement derrière le paravent instable d’un verbe romantique presque sacrilège de l'anti-histoire. Et la foule applaudit et renforce la médiocrité de l’acteur parce qu’elle ne sait pas mieux du sacre de l’art et de la science du mythe historique.
Comment ne pas dire que nous avions eu affaire à des incompétents si la logique du raisonnement n'a pas pu les mettre en garde contre la teneur de tous ces mauvais contes à la fois mal agencés et improvises dont ils se servaient pour se raconter notre Histoire comme une berceuse pour enfants .Et pourtant, avec un peu plus de maturité intellectuelle et psychologique, nos rhéteurs auraient pu découvrir que les faiblesses de nos héros ajoutaient à la gloire collective de leur réussite. La victoire de l’homme face à des forces qui tendent visiblement à l’écraser et a le diminuer nous font comprendre davantage l'immensité de l'œuvre accomplie a un moment donné de sa vie .C’est en humanisant nos héros que nous pouvons en faire des dieux, des modelés symbolique car la dimension mythique exige ce départ de la normale, l’héroïsme, les tribulations du passage de l’humain à la divinité.
Mais, ils avaient fait le vœu indécent que nous serions toujours condamnés à etre des enfants mort- nés de leur handicap, immaturité intellectuelle et émotionnelle. Ainsi, le culte des héros devrait etre les moyens de l’asservissement et de la domination des générations montantes, la perte de l’indépendance individuelle .Voici le poison qui empêcherait l'unification de la psychè haïtienne. : Le phénomène s’accompagnera de la robotisation de l’intellect au niveau des dénominateurs communs de la médiocrité qui nous banniraient toujours à une errance sélective dans le désert mégalomaniaque de l’intelligence asservie où la jeunesse abusée est forcée à répéter en chœur les mantras des dispositions du droit d’aînesse.
A cette époque des prophéties du délire intellectuel, peu de nous descendants de la grande révolution du siècle passé savaient lire, écrire et bien raisonner. Le pari était que dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois. Et, voilà qu’aujourd’hui, cette histoire qui nous définit et qui nous glorifie malgré intrigues et mensonges force ses fils et filles à reposer les questions qui avaient deja trouvées des réponses dans l'ignorance de nos ainés malades et traumatisés par l'impasse ou s'est trouvé la psychè Haitien à formuler les étapes de son intégration psychique et spirituelle.
Aujourd'hui encore, j'éprouve une admiration sans bornes et un respect qui frôle la foi du disciple en face du divin .Hérésie séculaire, dirait un autre .Soit .Le mythe de l’orthodoxie commence toujours par une hérésie et le travail accompli par ces fameux titans est énorme tant au point de vue interne qu’externe .Ils ont défié et vaincu les prétentions de l’orthodoxie coloniale .Maintes fois, j’ai eu l’impression pendant mes recherches que l’étranger-ennemi avait plus conscience des conséquences de notre acte de libération que nous, victorieux forgerons de l’épopée. Parfois, j’’éprouve cette pénible et étrange sensation que les isto ryen troubadours semblent etre dépassé par les évènements de notre histoire .Ils n'arrivent pas à trouver les mots du cœur propres à notre culture .Ils vont puiser dans les niches surexploitées de l'ailleurs les mots du dire de leurs émotions qu'ils veulent uniques ...mais qui assurent un retour à l'orthodoxie de la symbolique du refus.
Dessalinnes, Toussaint, Petion, Christophe, Geffrard, Capois-la-Mort, Férou, Cangé et tous les autres combattants de la liberté, sont des hommes dignes de notre reconnaissance et de notre fidelite à leur mémoire .Mais hélas ! Ces noms méritent d'etre mentionnes dans notre vécu au quotidien aussi bien que les noms de ceux dont l’intrépidité face à l’ennemi , la bravoure et le courage sont volontairement oubliés , méprises ou mis au rancart parce que la présence de leurs actions sublimes ne pouvait pas servir à la cause de la division , de la haine et de la médiocrité d'une perception de notre histoire .Quand donc les intellos de notre ruche apprendront-ils que l'on ne peut enfiler une camisole de force à l'histoire ?
Il est encore temps d'ouvrir nos yeux et de refuser les contraintes de la grande Imposture.
Ils (nos mentors) nous ont proposé des tabous articulés dans le parti-pris de fausses vérités de la vie de nos héros. On dirait des prosélytes de faux dieux qui n'ont jamais existé que dans l'imagination morbide des adeptes du restavekisme moulue dans la forge d’un romantisme de l'intrigue et de la rancœur historique.
Parfois , je me demande si toute cette rancœur n'a pas été l'œuvre d'un fort courant de pensée des écrivains du Nord et de leurs héritiers intellectuels qui n'ont jamais pu digérer la défaite du Royaume Christophien. Je me suis toujours demandé pourquoi nos méchants intellectuels ont donné carte blanche à la mégalomanie criminelle de Christophe qui surement était complice actif dans le drame du Pont-Rouge .Il faut etre vraiment aveugle pour ne pas conclure que le futur roi avait accepté le fruit infâme de la " trahison qui allait aboutir au meurtre de Dessalinnes ".
Pourquoi, l'honnêteté intellectuelle n'a-t-elle pas voulu questionner la vie de Christophe, l’homme politique et son rôle important dans le drame du Pont-Rouge ? Pourquoi nos intellos insistent a colporter une version de l’histoire qui ne fait pas honneur à leur intelligence ? Les preuves étaient là .Pourquoi faire ce pauvre pari que les générations futures, observateurs critiques, dépassionnés et libérées du sacré artificiel des tabous d’une espace temporel, n’allaient pas remettre en question l’interprétation de l’histoire par des ainés militants? Pourquoi ont-ils négligé de nous enseigner, à leur façon l, la raison de l'assassinat de Capois- la- mort ? Le héro dont la bravoure avait provoqué l'admiration des forces ennemies avait-il perdu de sa noblesse et de sa vaillance parce qu'il était fidèle à l'Empereur ?
Christophe avait pourtant trouvé assez de courage et d'ardeur guerrière pour mener son armée contre les gens du Sud et de l'Ouest quand il comprit qu'on ne voulait pas de lui comme un dictateur tout-puissant. Nous savons tous que la défaite militaire l’obligea à confiner ses ambitions dans le Nord et l’Artibonite du pays où il créa son royaume sur des assises coloniales qui ressemblaient à celles de l’esclavage .Malgré ses succès en tant que bâtisseur et administrateur , notre héro n’a jamais pu arriver à raffermir ce sentiment de recherche de la cohésion dont il avait besoin pour faire œuvre durable au sein meme de la nouvelle monarchie .Et Haiti avait toujours eu le besoin de cette force pour mériter son nom de nation.
Et la question qui fait mal mais que l’on refuse de se poser à cause de l’urgence des conclusions qu’il faudrait en tirer et qui détruiraient sans nul doute une tentative de déification là ou ce n’est point nécessaire : La quête du pouvoir illégitime était-elle beaucoup plus importante pour le General Christophe que l'assassinat potentiel de l'Empereur Dessalinnes ? Meme nos pauvres petits recueils d'histoire d'Haiti ont du mal à cacher cette verite. L'intellect haïtien, je me plais à répéter, joue à saute-mouton et à cache-cache devant les fosses malodorantes de ses inaptitudes grossières et voulues.
Il est un expert en onanisme culturel .Il est un renard qui a oublié qu'il n'était plus la proie mais bien le chasseur-prédateur .Il est un marron perpétuel qui fonctionne dans le passé d’une espace temporelle et spatiale adverse au rythme du vécu de son quotidien historique .Quand il rentre en scène, c’est pour se contorsionne assez maladroitement derrière le paravent instable d’un verbe romantique presque sacrilège de l'anti-histoire. Et la foule applaudit et renforce la médiocrité de l’acteur parce qu’elle ne sait pas mieux du sacre de l’art et de la science du mythe historique.
Comment ne pas dire que nous avions eu affaire à des incompétents si la logique du raisonnement n'a pas pu les mettre en garde contre la teneur de tous ces mauvais contes à la fois mal agencés et improvises dont ils se servaient pour se raconter notre Histoire comme une berceuse pour enfants .Et pourtant, avec un peu plus de maturité intellectuelle et psychologique, nos rhéteurs auraient pu découvrir que les faiblesses de nos héros ajoutaient à la gloire collective de leur réussite. La victoire de l’homme face à des forces qui tendent visiblement à l’écraser et a le diminuer nous font comprendre davantage l'immensité de l'œuvre accomplie a un moment donné de sa vie .C’est en humanisant nos héros que nous pouvons en faire des dieux, des modelés symbolique car la dimension mythique exige ce départ de la normale, l’héroïsme, les tribulations du passage de l’humain à la divinité.
Mais, ils avaient fait le vœu indécent que nous serions toujours condamnés à etre des enfants mort- nés de leur handicap, immaturité intellectuelle et émotionnelle. Ainsi, le culte des héros devrait etre les moyens de l’asservissement et de la domination des générations montantes, la perte de l’indépendance individuelle .Voici le poison qui empêcherait l'unification de la psychè haïtienne. : Le phénomène s’accompagnera de la robotisation de l’intellect au niveau des dénominateurs communs de la médiocrité qui nous banniraient toujours à une errance sélective dans le désert mégalomaniaque de l’intelligence asservie où la jeunesse abusée est forcée à répéter en chœur les mantras des dispositions du droit d’aînesse.
A cette époque des prophéties du délire intellectuel, peu de nous descendants de la grande révolution du siècle passé savaient lire, écrire et bien raisonner. Le pari était que dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois. Et, voilà qu’aujourd’hui, cette histoire qui nous définit et qui nous glorifie malgré intrigues et mensonges force ses fils et filles à reposer les questions qui avaient deja trouvées des réponses dans l'ignorance de nos ainés malades et traumatisés par l'impasse ou s'est trouvé la psychè Haitien à formuler les étapes de son intégration psychique et spirituelle.
Aujourd'hui encore, j'éprouve une admiration sans bornes et un respect qui frôle la foi du disciple en face du divin .Hérésie séculaire, dirait un autre .Soit .Le mythe de l’orthodoxie commence toujours par une hérésie et le travail accompli par ces fameux titans est énorme tant au point de vue interne qu’externe .Ils ont défié et vaincu les prétentions de l’orthodoxie coloniale .Maintes fois, j’ai eu l’impression pendant mes recherches que l’étranger-ennemi avait plus conscience des conséquences de notre acte de libération que nous, victorieux forgerons de l’épopée. Parfois, j’’éprouve cette pénible et étrange sensation que les isto ryen troubadours semblent etre dépassé par les évènements de notre histoire .Ils n'arrivent pas à trouver les mots du cœur propres à notre culture .Ils vont puiser dans les niches surexploitées de l'ailleurs les mots du dire de leurs émotions qu'ils veulent uniques ...mais qui assurent un retour à l'orthodoxie de la symbolique du refus.
Dessalinnes, Toussaint, Petion, Christophe, Geffrard, Capois-la-Mort, Férou, Cangé et tous les autres combattants de la liberté, sont des hommes dignes de notre reconnaissance et de notre fidelite à leur mémoire .Mais hélas ! Ces noms méritent d'etre mentionnes dans notre vécu au quotidien aussi bien que les noms de ceux dont l’intrépidité face à l’ennemi , la bravoure et le courage sont volontairement oubliés , méprises ou mis au rancart parce que la présence de leurs actions sublimes ne pouvait pas servir à la cause de la division , de la haine et de la médiocrité d'une perception de notre histoire .Quand donc les intellos de notre ruche apprendront-ils que l'on ne peut enfiler une camisole de force à l'histoire ?
Il est encore temps d'ouvrir nos yeux et de refuser les contraintes de la grande Imposture.
Dernière édition par deza le Jeu 10 Mar 2011 - 7:00, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Notre ami Thunder ecrit :
Ayiti pou Ayisien !
Et je renchéris :
Le forumhaiti devrait servir au développement de la pensée haïtienne débarrassée des scories du multicuralisme condescendant de l’hypocrisie fraternelle entre nations et des larmoiements suggestifs d'un etat dégénératif de l'impuissance. Cette vision devrait etre un de ses nobles buts si vraiment le bicolore de la séparation historique et de l’affirmation identitaire flotte encore dans le sang des descendants des preux qui ont infusé le courage et la bravoure a l’âme collective au seuil de la formation existentielle de notre destinée de people.
Le sang de l’héritage sacré s qui coule dans nos veines est l’affirmation identitaire qui ne peut jamais etre diluée dans le bassin œcuménique de l’intellectualisme du doute qui afflige ceux qui n’ont pas compris le geste symbolique de l’Indépendance dans la ville de l’Arcahaie. Arracher le blanc du tricolore français est le refus d’une autorité ; la conséquence immédiate de cet abandon volontaire du symbolisme de l’autre devait assurer la légitimité révolutionnaire de notre naissance au monde.
N’est-ce pas un fait, qu’à travers la soumission intellectuelle et l’impasse co -séquentielle de la médiocrité, la nation a descendu de son piédestal régal pour s’égarer sur les chemins de la Providence ?
Elle a failli à sa tache grâce à la dysfonction émotionnelle et intellectuelle de ceux qui s’affublaient de titre de guides et de dirigeants alors qu’ils ne comprenaient meme pas l’utilité fonctionnelle d’un phare. Ils ont contribué aveuglément au sabotage de leur mission au niveau national .Ils se sont révélé de piètres artisans à redorer le blason de la nouvelle conscience identitaire. Les faibles de la philosophie de l’impuissance ont opté pour le renoncement aux attentes de notre avenir de peuple afin d’épouser un nivellement anti-histoire qui assure, dans le lointain d’une imagination perfide de l’aliénation, le confort et le triomphe de la médiocrité.
On ne se dit pas Independent et diffèrent pour adopter , dans la confusion , l’emblématique de croyances superstitieuses, la nostalgie pernicieuse d’un continentalisme incompétent à nourrir l’éclosion identitaire d’une nouvelle branche de l’évolution humaine.
Ayiti aux Ayisyens !
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
Voila ce que nous devons refuser comme modele :La force anti-nature ,les Tenebres.
https://www.youtube.com/watch?v=qVVPRYuJmtE
https://www.youtube.com/watch?v=qVVPRYuJmtE
Invité- Invité
Re: Forum spécial : Quand je suis haitien
K.H.L a écrit:Belle analyse de l'auteur.. j'y souscris avec certaines réserves.
Allons donc KARL;
QUELLE ANALYSE?C'est de la pure propagande ,pour justifier l'assassinat ;notre péché originel qui nous a mis dans ce pétrin.
Vous ètes plus sérieux que ça KARL;laissez ces réflexions à ces énergumènes.On est en train dans les GRADUATE SCHOOL aux ETATS UNIS d'étudier la pensée de DESSALINES.
Il y a une excellente étude par un professeur de philosophie de l'UNIVERSITÉ DE WEST INDIES qui désigne LA CONSTITUTION de 1805 de DESSALINES comme l'un des documents les plus révolutionnaires ,les plus ""far reaching"" de ces 250 dernières annés.
Ceux qui avaient assassiné DESSALINES avaient détruit la vocation de l'Etat révolutionnaire.
DESSALINES en 1806 ,tentait de transcender la question de couleur ;ressuscitée immédiatement après son assassinat en 1806.
Cette analyse était probablement publiée sur MOUN.COM
KARL;
Le plus que je connais DESSALINES ,le plus que j'étudie sa pensée ;surtout ce que publie des des ""scholars"" américains;le plus que ces ""analyses"" m'indignent.
Alors ,citer MADIOU ou bien ARDOUIN dans une analyse sur DESSALINES;c'est comme citer THUNDER et co pour appuyer un argument d'une analyse sur ARISTIDE
Joel- Super Star
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